Un besoin de financement « record » en 2023, une dette qui poursuit son augmentation
Le déficit de 2023 a porté le besoin de financement de l’État à 314,6 Md€, niveau jamais atteint auparavant. Ce montant, correspondant à la fois au déficit à financer et au remboursement des emprunts arrivés à échéance, est en hausse de près de 35 Md€ par rapport à 2022 et de près de 100 Md€ par rapport à 2019. Corollairement, l’encours de la dette continue d’augmenter, pour atteindre fin 2023 le montant total de 2 430 Md€. L’encours de dette total aura ainsi progressé de près de 1 000 Md€ en 10 ans et de plus de 600 Md€ depuis 2019.
La charge de la dette a atteint 53,9 Md€, en augmentation de 3,2 Md€ par rapport à 2022, en raison de l’accroissement du volume de la dette et de l’augmentation des charges d’intérêt sur les titres de court terme.
Des dépenses du budget général qui restent à un niveau très élevé malgré le reflux des dispositifs d’urgence et de relance
Après avoir augmenté de 110 Md€ entre 2019 et 2022, les dépenses du budget général de l’État n’ont pas diminué en 2023, atteignant 454,6 Md€. Alors que le reflux des dépenses exceptionnelles liées à l’urgence sanitaire et à la relance s’est élevé à - 28,0 Md€, la hausse des autres dépenses, à hauteur de 29,4 Md€, a encore différé l’amorce d’une réduction du déficit.
Cette augmentation des autres dépenses tient aux mesures nouvelles décidées pour l’année 2023 (+ 14,9 Md€), qui ont notamment prolongé certains dispositifs de soutien face à la hausse des prix de l’énergie. Elle s’explique aussi par une hausse continue des dépenses ordinaires permanentes, hors dispositifs exceptionnels et mesures nouvelles, dont la Cour estime la progression à 14,5 Md€ en 2023, notamment du fait de la hausse de de la charge de la dette (+ 3,2 Md€) et de la masse salariale (+ 6,0 Md€). Toutes les composantes de la dépense se sont donc inscrites en hausse en 2023, conformément à ce que prévoyait la loi de finances initiales, laquelle ne prévoyait aucune économie structurelle et repoussait à 2024 au mieux l’effort de maîtrise des dépenses promis par la loi de programmation des finances publiques 2023-2027.
Après deux années très dynamiques, des recettes fiscales en baisse en 2023
Après un rebond exceptionnel en 2021 et en 2022, les recettes fiscales nettes de l’État ont diminué en 2023, pour atteindre 322,9 Md€ (- 7,4 Md€ soit - 2,2 %), alors que le PIB gagnait + 6,4 % en valeur et + 0,9 % en volume.L’État ne percevant plus que 46% du produit de la TVA, les recettes fiscales de l’État sont de plus en plus sensibles à l'évolution de l’impôt sur les sociétés (IS), qui, du fait de la mécanique d’acomptes et de solde, subit le contrecoup des encaissements élevés de 2022. L’écart inhabituel entre les prévisions de recettes fiscales de la loi de finances de fin de gestion (LFG) et le montant finalement encaissé (- 7,7 Md€) relève pour partie d’évolutions difficilement prévisibles, mais pour une autre partie d’événements qui auraient pu davantage être anticipés au moment de la discussion parlementaire. En particulier, l’écart massif et probablement inédit en matière de prévision fiscale entre le produit attendu de la contribution sur les « super-profits » des producteurs d’électricité, à hauteur de 12,3 Md€, et les sommes réellement recouvrées, soit 626 M€, doit être expertisé et justifié.
Un cycle de sous-consommation et reports qui porte atteinte au principe d’annualité budgétaire
Alors qu’ils ne dépassaient pas quelques milliards d’euros avant la crise sanitaire et n’affectaient que marginalement les prévisions de dépense et de solde, les reports de crédits atteignent des niveaux inédits depuis quatre ans et ne sont toujours pas en voie de normalisation. Après avoir atteint 18,7 Md€ de 2022 sur 2023, ils représentent de nouveau 16,1 Md€ de 2023 sur 2024 sur le budget général, alimentant pour la quatrième année consécutive un cycle de surbudgétisation – sous-consommation – reports sur plusieurs missions budgétaires, à l’opposé de ce qu’exigerait une maîtrise résolue des dépenses.
Des risques pour l’avenir
Au-delà du niveau de crédits reportés sur 2024, l’analyse de l’exécution du budget de 2023 met en évidence plusieurs risques sur la trajectoire budgétaire, avec notamment des restes à payer d’un montant très significatif, le poids grandissant des lois de programmation prévoyant des crédits supplémentaires pour certaines politiques publiques (qui a déjà représenté environ 20 % du budget en 2023), et l’impact attendu de la hausse des taux d’intérêt sur la charge de la dette.
À cet égard, l’exercice 2024 s’annonce extrêmement difficile, l’effet de « cliquet » des dépenses d’ores-et-déjà programmées ne pouvant être compensé que par de nouvelles économies, dont la plupart n’ont pas encore été identifiées et documentées à ce stade. Au terme de son analyse, la Cour formule sept recommandations à l’échelle du budget de l’État et renvoie plus largement aux nombreuses recommandations figurant dans les notes d’analyse de l’exécution budgétaire à l’échelle des missions ministérielles.