FINANCES ET COMPTES PUBLICS
ANALYSE DE L’EXÉCUTI
ON
BUDGÉTAIRE 2023
Compte d’affectation spéciale
«
Développement agricole et rural
»
Avril 2024
Sommaire
SYNTHÈSE
..................................................................................................................................
5
RÉCAPITULATIF DES RECOMMANDATIONS
.................................................................
7
INTRODUCTION
.......................................................................................................................
9
CHAPITRE I ANALYSE DE
L’EXÉCUTION BUDGÉ
TAIRE
.........................................
13
I - LA GESTION DES CRÉDITS ET SA RÉGULARITÉ
...................................................................
13
A -
Le résultat de l’exercice et le solde cumulé
.........................................................................................
13
B - Les reports et le solde comptable
.........................................................................................................
14
C - Les recettes
...........................................................................................................................................
15
II -
L’ANALYSE DE L’
ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE
..................................................................
17
A - La programmation des crédits
..............................................................................................................
17
B - La gestion des crédits
...........................................................................................................................
18
C - Le rythme de la dépense
.......................................................................................................................
18
IV -
L’INCIDENCE DES
DÉPENSES SUR L’ENVI
RONNEMENT
.................................................
22
CHAPITRE II LES POLITIQUES PUBLIQUES
................................................................
25
I - PROGRAMME 775 « DÉVELOPPEMENT ET TRANSFERT EN AGRICULTURE »
.............
25
II - PROGRAMME 776 « RECHERCHE APPLIQUÉE ET INNOVATION
EN AGRICULTURE »
.......................................................................................................................
28
III - LES EMPLOIS
.................................................................................................................................
31
IV - LES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT
................................................................................
32
V - LA PERFORMANCE
........................................................................................................................
32
A -
Le contrôle et l’évaluation des
programmes
........................................................................................
32
B - La maquette de performance
................................................................................................................
33
C - La gouvernance et le pilotage
..............................................................................................................
35
ANNEXES
..................................................................................................................................
37
Synthèse
Le compte d’affectation spéciale relatif au développement agricole
et rural (CAS DAR),
institué en 2006, comprend le programme 775 « Développement et transfert en agriculture » et
le programme 776 « Recherche appliquée et innovation en agriculture ». Ses recettes
proviennent de l’intégralité du produit de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitants
agricoles. Elles financent des actions de recherche-développement et de transfert de
connaissances
, et la diffusion de l’innovation vers le monde agricole
, à des fins de
développement agricole et rural.
Le CAS DAR met en
œuvre les priorités du Programme national de développement
agricole et rural (PNDAR). Ce dernier a été renouvelé en 2022 pour une période de cinq ans
(2022
–
2027)
et vise
« à intensifier et massifier la transition agroécologique, en combinant la
création de valeur économique et environnementale »
.
Le programme 775 oriente les structures chargées du conseil aux agriculteurs vers le
développement et la diffusion de systèmes de production innovants et performants du point de
vue économique, environnemental et sanitaire. Il assure le financement des programmes
pluriannuels des chambres d’agriculture, de Chambres d’Agriculture France, de la fédération
des coopératives agricoles (La coopération agricole) et des organismes nationaux à vocation
agricole et rurale (ONVAR),
des appels à projet relatifs à l’appui à la génétique animale
ainsi
que des actions d’accompagnement thématique.
Le programme 776 vise à augmenter l’autonomie alimentaire, améliorer la
compétitivité, promouvoir la diversité des modèles agricoles et des systèmes de production et
à améliorer les capacités d’anticipation et de pilotage stratégique des agriculteurs et acteurs des
territoires. Il finance les programmes des instituts techniques agricoles, dont la tête de réseau
est l’
association de coordination des instituts techniques agricoles (ACTA), les actions
d’accompagnement s’y rattachant et des appels à projets. Le responsable de programme est le
directeur général de l’enseignement et de la recherche du ministère de l’agriculture et de la
souveraineté alimentaire.
Une sous-consommation structurelle des ressources disponibles
Les crédits budgétaires sont ouverts (en AE = CP) à hauteur de la prévision du montant
de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitants agricoles. Si la recette est supéri
eure à la
prévision, cette ressource supplémentaire ne peut être engagée, à moins d’une ouverture de
crédits (article 21 de la LOLF).
Les recettes atteignent 155
M€ en 2023, pour une prévision de 126
M€. Sans justificatif
particulier sur les sous-jacents, la prévision pour 2023 a été maintenue à 126
M€, alors même
que le tendanciel des recettes est en augmentation (145 M€ en 2022).
Le taux de consommation des crédits disponibles, y compris les reports, est donc en
baisse. Il atteint 82,8 % en AE (87,4 % en 2022) et seulement 55,5 % en CP (58,3 % en 2022).
COUR DES COMPTES
6
La programmation faite en AE = CP ne peut prendre en compte les CP correspondant
aux engagements des années précédentes. Pour cette raison,
le taux d’exécution, c’est
-à-dire le
ratio
entre les CP dépensés
et le total des CP ouverts sur l’ensemble de la gestion, est faible.
En outre, la prévision de recettes sous-estimée conduit à des ouvertures de crédits en fin
d’exercice, qui ne peuvent, de fait, être consommé
es.
La gestion 2023 a de nouveau abouti à un
résultat d’exécution excédentaire de
13,19
M€, malgré des dépenses
plus élevées que celles initialement programmées. Ce résultat
vient alimenter le solde cumulé du CAS, qui représente 87 % du produit de la taxe 2023. Il a
fortement augmenté depuis 2017, passant de 62
M€ à 134,2
7
M€ au 31 décembre 2023, soit
une progression de 116 % en six exercices. La gestion du CAS ne permet pas de mobiliser
efficacement la totalité de la fiscalité prélevée sur les exploitations agricoles.
L’accumulation des reports de crédits est
notamment
liée à l’ouverture, chaque année,
de CP équivalents aux AE
, ce qui n’est pas adapté aux
projets pluriannuels que soutient le CAS.
Une meilleure anticipation des recettes est également essentielle pour utiliser les crédits ouverts
durant l’année et éviter des ouvertures tardives, sur la base des recettes constatées.
La consommation budgétaire ne se fait qu’à partir du second semestre, en dépit des
crédits disponibles. Le rythme constaté en 2023 correspond à celui des années précédentes,
révélant les difficultés structurelles pour mobiliser les crédits en début d’année, malgré la mise
en œuvre du nouveau PNDAR.
Une budgétisation qui s’avère toujours nécessaire
Le PNDAR 2022-
2027 s’accompagne de nouvelles moda
lités de gestion, avec
notamment une rationalisation de la gestion des appels à projets (AAP) et des modalités
d’évaluation des programmes. Des améliorations restent cependant à mettre en œuvre
: une
évaluation effective des activités, une juste estimation de leur impact environnemental, un
recours accru aux procédures d’AAP
pour orienter les subventions vers des projets et non des
structures.
Le recours à un compte d’affectation spéciale reste inadapté. Tout d’abord,
il contrevient
aux principes budgétaire
s d’annualité, en compensant les limites d’une programmation en
AE =
CP par une pratique récurrente des reports, et d’universalité, en isolant du budget général
des programmes concourant aux politiques générales du MASA.
De plus, la Cour constate une nouvelle fois le coût élevé de gestion pour un montant
modeste, la porosité avec le budget général et la récurrence des subventions versées à certaines
structures, malgré la mise en œuvre du nouveau PNDAR.
Tant du point de vue des recettes que des dépenses, l’existence d’un compte
d’affectation spéciale n’est donc pas justifiée. La Cour recommande à nouveau sa suppression
et la budgétisation des crédits des programmes 775 et 776 ; elle appelle également à réexaminer
la justification de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitants agricoles instituée par l’article
302 bis MB du CGI, qui pèse notamment sur les petites exploitations pour un rendement global
modeste. Dans l’attente, la Cour recommande de poursuivre l’examen du différentiel constaté
depuis 2011
entre le solde comptable et les crédits reportables, et de renforcer l’évaluation des
recettes prévisionnelles ainsi que des programmes et projets financés pour augmenter
l’efficacité et la performance de la dépense.
Récapitulatif des recommandations
1. (Recommandation réitérée) : s
upprimer le compte d’affectation spéciale développement
agricole et rural, intégrer dans le budget général de l’État les crédits des programmes 775
et 776 et reconsidérer la justification de la taxe sur le chiffre
d’affaires des exploitations
agricoles (MASA, 2025
).
Dans l’attente,
2. (Recommandation modifiée) : m
ener à son terme l’expertise conduite sur l’écart constaté
depuis 2011 entre le solde comptable et les crédits reportables du CAS DAR et en tirer les
conséquences sur le plan budgétaire (MASA et DB, 2024).
3. (Recommandation réitérée) : mieux évaluer la prévision annuelle de recettes correspondant
au produit de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitants agricoles (
MASA, 2024
).
4. (Recommandation modifiée) Appliquer les référentiels
d’évaluation d’efficacité et de
performance
des opérateurs publics de la recherche et de l’innovation
aux mesures
financées par le CAS DAR (MASA, 2025).
Introduction
Le compte d’affectation spéciale «
Développement agricole et rural
» (CAS DAR) a été
créé par la loi n° 2005-1719 de finances en 2006. Il succède à
l’association nationale pour le
développement agricole (ANDA) dans les années 1960 et à l’agence du développement agricole
et rural (ADAR) entre 2002 et 2005.
L’article L. 820
-1 du code rural et de la pêche maritime dispose que « le développement
agricole a pour mission de contribuer à l'adaptation permanente de l'agriculture et du secteur de
la transformation des produits agricoles aux évolutions scientifiques, technologiques,
économiques et sociales dans le cadre des objectifs de développement durable, de qualité des
produits, de protection de l'environnement, d'aménagement du territoire et de maintien de
l'emploi en milieu rural. Relèvent du développement agricole la mise en œuvre d'actions de
recherche finalisée et appliquée, la conduite d'études, d'expérimentations et d'expertises, la
diffusion des connaissances par l'information, la démonstration, la formation et le conseil,
l'appui aux initiatives locales entrant dans le cadre de sa mission ».
L’article R. 822
-1 du code rural et de la pêche maritime précise que « le ministre chargé
de l’agriculture fixe, après concertation avec les organisations professionnelles agricoles, les
priorités du développement agricole et rural ».
Depuis 2015, ce compte retrace, en recettes, la totalité du produit de la taxe sur le chiffre
d’affaires des exploitants agricoles prévue à l’article 302 bis MB du code général des impôts
(CGI) et, en dépenses, celles relatives au développement agricole et rural. Les dépenses
s’élèvent en 2023 à 142
M€, pour une recette de 155
M€.
Le CAS DAR compte deux programmes : 775 « Développement et transfert en
agriculture » et 776 « Recherche appliquée et innovation en agriculture », pour respectivement
48 % et 52 % de son montant. La mission est rattachée au ministère de l'agriculture et de la
souveraineté alimentaire (MASA). Chaque programme est constitué d’un budget opérationnel
de programme (BOP).
Le programme 775 est doté d’un BOP central avec une seule unité opérationnelle (UO),
sous la responsabilité de la direction générale de la performance économique et
environnementale des entreprises (DGPE). Il assure le financement des programmes des
chambres d’agriculture, de Chambres d’Agriculture France, de la fédération des coopératives
agricoles (La coopération agricole), d’autres organismes de
développement agricole et rural
(ONVAR), des actions d’accompagnement portant sur des thématiques innovantes et les actions
en faveur de la génétique animale. Le responsable de programme est le directeur général de la
performance économique et environnementale des entreprises.
Le programme 776, est également doté d’un BOP central sous la responsabilité de la
direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER) avec deux UO, l’une sous la
responsabilité de la DGER, l’autre sous celle de la direction générale de l’alimentation (DGAL).
Il finance les programmes des instituts techniques agricoles (ITA), dont la tête de réseau est
COUR DES COMPTES
10
l’ACTA,
les projets commissionnés et les appels à projets (AAP). Le responsable de
programme est le directeur général de l’e
nseignement et de la recherche.
La cohérence d’ensemble est assurée par le programme national de développement
agricole et rural (PNDAR), renouvelé en 2021 pour la période 2022-2027. Ce programme, qui
fixe les grandes orientations des mesures finançables, a évolué dans sa gestion et ses priorités
au 1
er
janvier 2022.
Le PNDAR est décliné en contrats d’objectifs pluriannuels et annuels avec chaque type
d’organismes –
chambres d’agriculture, instituts techniques agricoles (ITA), organismes de
développement agricole et rural (ONVAR), qui prennent en compte neuf thématiques
prioritaires, majoritairement en lien avec la transition agroécologique. Le PNDAR est décliné
dans les régions métropolitaines en programmes régionaux de développement rural mis en
œuvre par
les chambres d’agriculture.
Mission gestion des finances publiques
Programme 775
–
Développement et transfert en agriculture
Programme 776
–
Recherche appliquée et innovation en agriculture
Graphique n° 1 :
les dépenses de la mission par programme - exécution 2023
(AE et CP, en
M€)
Source : Cour des comptes
P775
P776
Total CAS
AE
63,64
77,42
141,06
CP
62,15
79,61
141,76
0
20
40
60
80
100
120
140
160
AE
CP
INTRODUCTION
11
Graphique n° 2 :
évolution des
recettes (en M€)
Source : Cour des comptes
133,40
136,50
142,90
140,30
138,40
144,74
154,94
120,00
125,00
130,00
135,00
140,00
145,00
150,00
155,00
160,00
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Chapitre I
Analyse de
l’exécution budgétaire
Le résultat de l’exécution en
2023, hors prise en compte du solde des années antérieures,
atteint 13,16 M€, niveau bien supérieur au montant 2022 (3,24 M€), mais qui reste inférieur
aux années précédentes (25 M€ en 2021). Cela provient d’une recette supérieure à celle inscrite
en loi d
e finances initiale (LFI) (29 M€ en CP).
I -
La gestion des crédits et sa régularité
A -
Le résultat de l’exercice et le solde cumulé
Le solde comptable au 31 décembre 2022 s’élevait à 121,09
M€. En l’absence de vote
de la loi portant règlement du budget 2021, et en application de la loi organique relative aux
lois de finances
1
(LOLF), le report du solde comptable de 2021 avait été mis à disposition du
gestionnaire tardivement, le 15 novembre 2022. En 2023, le MASA a demandé le report
anticipé au mois de mars 2023. 90 % du solde comptable 2022 ont finalement été mis à
disposition en avril 2023 (109 M€). Le rejet de la loi de règlement du budget 2022 a conduit à
intégrer les 10 % restants en septembre 2023.
Tableau n° 1 :
r
ecettes et dépenses du CAS DAR en 2023 (en M€)
Recettes en 2023
154,94
Dépenses (CP) en 2023
-141,75
Résultat d'exécution hors report en 2023
13,19
Report du solde comptable 2022
121,09
Solde du compte au 31/12/2023
134,27
Source : Cour des comptes
1
En application de l’article 20 de la LOLF, le report du solde comptable d’un CAS est de droit, sauf disposition
contraire d’une loi de finances. En application de l’article 37.IV de la LOLF, la loi de règ
lement arrête les montants
des soldes des comptes spéciaux non reportés sur l'exercice suivant. Dans l’attente de la promulgation de cette loi,
sur demande du ministère ordonnateur du CAS, un report anticipé d’une part du solde comptable peut être effectué
dès l’ouverture de l’exercice, par décision de la direction du budget matérialisée dans le système d’information
financière de l’État (Chorus).
COUR DES COMPTES
14
Le résultat de l’exécution vient alimenter le solde cumulé
du CAS. Ce dernier a
fortement augmenté depuis 2017, passant de 62
M€ à 134,2
7
M€ en 2023, soit une progression
de 116 % en six exercices. Après un ralentissement de la tendance avec une évolution limitée à
3 % en 2022 (4 M€), l’exécution 2023 marque une nette accélération (+ 13,15 M€ soit 10,9 %
par rapport à 2022).
Au 31
décembre 2023, le solde cumulé s’établit à 134,2
7
M€.
Graphique n° 3 :
v
ariations annuelles du solde cumulé (en M€)
Source : Cour des comptes
Le niveau élevé du solde cumulé, qui résulte de la sous-consommation des crédits et de
la sous-
estimation des recettes lors des gestions antérieures, représente l’équivalent de 87 % de
recette annuelle 2023 de la taxe annuelle sur le chiffre d’affaires des exploitants agricoles.
L’évolution du solde confirme la di
fficulté à dépenser intégralement ces crédits dont la
prévision a été prudente depuis 2017. Cette tendance est stable par rapport à l’exercice
précédent (86 %) et toujours détériorée par rapport à l’exercice 2020 (66 %).
Le CAS ne permet donc pas de mobiliser efficacement la totalité de la fiscalité prélevée
sur les exploitations agricoles.
B -
Les reports et le solde comptable
Le caractère pluriannuel des opérations implique des reports importants de CP d’une
année sur l’autre. Les crédits de paiement (CP) non consommés en fin d’année sont reportés
par un arrêté intervenant en début de gestion. On constate entre 2011 et 2018 un écart moyen
d’environ 7 M€ entre le solde comptable et les crédits budgétaires reportés l’année suivante.
Cet écart a doublé entre 2
018 et 2019 pour atteindre 15 M€, puis a augmenté d’environ 2 M€ à
chaque année jusqu’en 2021. La relative stabilisation constatée en 2022 devrait se poursuivre
en 2023 (respectivement 414 K€ et 537 K€).
ANALYSE DE L’EXÉCUTI
ON BUDGÉTAIRE
15
Tableau n° 2 :
evolution de la différence entre reports de solde comptable
et de crédits budgétaires en CP entre 2011 et 2023.
En €
Reports de crédits en
CP
Reports de soldes
comptables
Écarts
2011 sur 2012
42 366 766
49 475 411
7 108 645
2012 sur 2013
44 591 854
52 069 979
7 478 125
2013 sur 2014
57 922 147
65 672 648
7 750 501
2014 sur 2015
43 194 687
50 457 137
7 262 450
2015 sur 2016
48 886 429
56 237 222
7 350 793
2016 sur 2017
50 490 650
57 841 443
7 350 793
2017 sur 2018
54 961 255
62 312 048
7 350 793
2018 sur 2019
59 740 860
67 624 615
7 883 754
2019 sur 2020
65 260 344
80 039 052
14 778 708
2020 sur 2021
76 113 615
93 201 639
17 088 024
2021 sur 2022
98 396 980
117 847 278
19 450 298
2022 sur 2023
101 223 683
121 087 812
19 864 129
2023 sur 2024 (prévisions)
113 842 925
134 243 743
20 400 818
Source : CBCM
Malgré les analyses effectuées par le MASA, le CGAAER et l'IGF, il a été difficile de
fiabiliser entièrement l'origine des crédits. L’incertitude portait, comme l’année dernière, sur
8,15 M€ constitués des retraits sur engagement des années antérieures. Un
groupe de travail
réunissant les services du MASA et du CBCM a été mis en place en juillet 2023, pour fiabiliser
les montants libres d’emploi susceptibles de donner lieu à une ouverture complémentaire de
nouveaux crédits. À l'aune de ses conclusions, le MASA a sollicité l'ouverture de ce montant
en LFG 2023. La demande n’a pas été suivie d’effets car trop tardive. Elle sera renouvelée par
le ministère en 2024.
C -
Les recettes
Les recettes sont constituées de l’intégralité de la taxe sur le chiffre d’affaires
des
exploitants agricoles, instituée par l’article 302 bis MB du CGI. Cette taxe est due par les
exploitants au titre de leurs activités agricoles, à l'exclusion de ceux placés sous le régime du
remboursement forfaitaire agricole.
La taxe est assise sur le chiffre d'affaires de l'année précédente ou du dernier exercice
clos, auquel sont ajoutés les paiements au titre des soutiens directs attribués par la politique
agricole commune (PAC). Le tarif de la taxe est composé d'une partie forfaitaire comprise entre
76 € et 92 € par exploitant et d'une partie variable, fixée à 0,19
% jusqu'à 370 000 € de chiffre
d'affaires hors TVA et à 0,05 % au-delà.
COUR DES COMPTES
16
Une hausse des prix marquée en 2022
Selon le compte provisoire de l’agriculture pour 2022 de l’INSEE, la
production agricole en
valeur augmente de 16,6 % sur l’année. Marquée par l’inflation, la production végétale et animale
progresse plus en valeur qu’en volume : la production végétale croît de 1,7 % en volume et de 17,4 %
en valeur ; le volume de la produc
tion animale baisse de 4,7 %, alors qu’en valeur, sa croissance est de
+ 17,5.
Ainsi,
l’augmentation des prix compense les baisses de volume de production ou soutient leur
croissance. Pour autant, comme l’assiette de la taxe est le chiffre d’affaires (pour
sa part variable), elle
ne prend pas en compte les consommations intermédiaires (+ 15,7 % en valeur), qui augmentent en
raison de l’évolution des prix de l’alimentation animale, de l’énergie et des engrais.
En 2023, les recettes se sont élevées à 155
M€, en augmentation de 10 M€ par rapport
à 2022. Ce niveau est supérieur à la moyenne quinquennale (141 M€). Le montant de recettes
recouvrées est supérieur au montant estimé en LFI (126
M€) de 29
M€, soit 18,7
%.
Graphique n° 4 :
évolution des recettes prévues en LFI et constatées entre 2015 et 2023
(en M€)
Source : Cour des comptes
Après une période où les recettes exécutées étaient inférieures à la prévision, la tendance
s’est inversée en 2018 et l’écart entre prévision et réalisation s’est constamment amplifié depuis.
Ce différentiel peut en partie s’expliquer par la disponibilité
tardive des hypothèses
sous-
jacentes, le ministère s’appuyant sur le compte prévisionnel de l’agriculture de l’INSEE
publié en décembre. Mais la tendance à la hausse du compte prévisionnel n’a fait que
s’accentuer sur la période récente (+ 7,7 % en 2021 p
ar rapport à 2020, + 17,4 % en 2022 par
rapport à 2021).
2023 fait apparaître une évolution faiblement négative de la valeur de la production
agricole (- 0,8 %) par rapport à 2022, ce qui devrait se traduire par un rendement 2024 de la
taxe en léger repli
par rapport aux encaissements constatés sur 2023. En l’absence d’indications
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Prévisions de recettes inscrites
en LFI
148
148
148
136
136
136
126
126
126
Recettes annuelles constatées
137
130
132
137
143
140
138
145
155
100
110
120
130
140
150
160
ANALYSE DE L’EXÉCUTI
ON BUDGÉTAIRE
17
sur l’estimation des recettes pour la LFI 2024, le montant est rehaussé à 14
6
M€ (+
20
M€) par
rapport à la prévision de la LFI 2023. Le décalage entre prévision et exécution aura donc
tendance à se réduire.
Le rythme des encaissements de la taxe est irrégulier : à la fin avril, seuls 7,4 % des
recettes étaient encaissées, alors qu’en mai, le taux de recouvrement atteignait 76
%, comme
l’année précédente. Au mois de juillet, les 126 M€ correspondant à la prévision avaient été
encaissés. Constatant en cours d’exercice que le produit de la taxe encaissé dépasserait les
prévisions de la LFI, le MASA a obtenu, comme chaque année, une ouverture de crédits
supplémentaires de 28,4 M€ en d
écembre 2023. Cette ouverture a été trop tardive pour
permettre l’engagement et la consommation de ces crédits en 2023.
Par conséquent, depuis 2019, les recettes sont sous-estimées, ce qui constitue une forme
de régulation budgétaire. Le MASA indique avoir conduit des travaux internes avec le service
de la statistique et de la prospective (SSP) pour modéliser la collecte de la taxe, à partir des
données du réseau d'information comptable agricole (RICA). Ces travaux pourront être affinés
en 2024, pour mieux évaluer l'évolution du taux de rendement et affiner la prévision. La Cour
rappelle que le montant de recettes inscrit en loi de finances initiale doit tenir compte des
informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler.
II -
L’analyse de l’évolution de la dépense
Les crédits ouverts en 2023 sur le CAS ont représenté 174
M€ en AE et 256
M€ en CP.
La consommation s’est établie à 141
M€ en AE et 142
M€ en CP.
Tableau n° 1 :
c
rédits par programme en 2023 (en M€)
En M€
Programme 775
Programme 776
Total CAS
AE
CP
AE
CP
AE
CP
LFI
60,48
60,48
65,52
65,52
126,00
126,00
Fonds de concours et
attribution de produits
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
Autres mouvements de crédits
14,26
36,49
33,62
93,10
47,87
129,59
dont Reports
5,05
27,28
14,46
73,94
19,50
101,22
dont Versements art 21 LOLF
9,21
9,21
19,16
19,16
28,37
28,37
LFG
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
Total des crédits ouverts
74,74
96,97
99,14
158,62
173,88
255,60
Crédits consommés
63,64
62,15
77,42
79,61
141,06
141,75
Source : Cour des comptes
A -
La programmation des crédits
Sans fondement connu, la programmation des crédits a reconduit le montant de 2022
(126
M€), qui avait été diminué de 7 % par rapport à 2020 du fait, notamment, des aléas
climatiques. Le ministère n’a présenté aucune des
hypothèses sous-jacentes qui ont conduit au
COUR DES COMPTES
18
renouvellement de ce montant, alors que les recettes constatées en 2022 ont été supérieures à la
prévision en s’établissant à 145 M€.
Du fait d’une programmation
initiale en AE =
CP, les CP consommables sur l’a
nnée,
correspondant à des engagements pris les années précédentes, ne peuvent être pris en compte
et ne le sont qu’à partir du report des crédits des exercices précédents
. La programmation initiale
inscrit donc un montant de crédits équivalent aux recettes
prévisionnelles soit 126 M€ en 2023.
La répartition des crédits entre les programmes a été effectuée en fonction des besoins
identifiés et identiques à l’année 2022
:
-
sur le programme 775 : les actions portées par Chambres d’Agriculture France en appui d
es
programmes régionaux de développement agricole et rural (40
M€), les programmes
pluriannuels des ONVAR (8
M€), le programme d’appui à la génétique animale (8
M€) et
les appels à projets régionaux en appui aux groupements d’intérêt économique et
environn
emental (5 M€)
;
-
sur le programme 776 : les programmes des instituts techniques qualifiés (47
M€), les
appels à projets (33
M€).
B -
La gestion des crédits
La gestion des crédits alloués au développement agricole et rural a été marquée en 2023
par deux
mouvements. L’arrêté de report de crédits budgétaires de 2022 (19,5 M€ en AE et
101,2 M€ en CP) a été pris le 23 février 2023. Son montant est significativement supérieur à
2022, notamment pour les AE (10,6 M€ en AE et 98,4 M€ en CP). Une ouverture
complémentaire de crédits est intervenue par arrêté du 27 décembre 2023, pris sur le fondement
de l’article 21 de la LOLF, pour un montant de 28,4
M€ en AE et CP. Il correspond à
l’actualisation du montant des recettes par rapport à la prévision initiale et inter
vient aussi
tardivement dans l’année que lors de la gestion précédente. Son montant est supérieur de 57 %
à celui de 2022, lui-même supérieur de 83 % à 2021.
L’accumulation des reports de crédits est liée à l’ouverture, chaque année, de CP
équivalents aux AE. Ce choix ne permet pas la programmation des dépenses pour les projets
pluriannuels que soutient le CAS. Une meilleure anticipation des recettes est essentielle, pour
utiliser les crédits ouverts durant l’année et éviter des ouvertures tardives, sur la
base des
recettes constatées.
C -
Le rythme de la dépense
La consommation du CAS DAR s’est élevée à 1
41,06
M€ en AE et 141,
7
5 M€ en CP,
soit une augmentation de 6 % en AE (8
M€) et une stabilité en CP par rapport à 2022. 32,8 M€,
soit 18,9 % des AE ouvertes, n
’ont pas été engagé
es. La mise à disposition tardive de ces crédits
explique l’essentiel de ce montant (28,4 M€). Ce niveau est supérieur aux gestions 2022
(12,8 %), 2021 (7 %) et 2020 (3 %).
Le taux de consommation des CP n’a atteint que 55,5 %. Il est i
nférieur de 2,5 points à
2022, entraînant un cumul de 114 M€ de CP non consommés (13 M€ de plus qu’en 2022).
ANALYS
E DE L’EXÉCUTION BUD
GÉTAIRE
19
La consommation budgétaire ne se fait qu’à partir du second semestre, en dépit des
crédits disponibles. Le rythme constaté en 2023 correspond à celui des années précédentes,
révélant les difficultés structurelles pour mobiliser les crédits en début d’année, malgré la mise
en œuvre du nouveau PNDAR.
Graphique n° 5 :
m
ontant de la consommation des autorisations d’engagement (AE)
en fin de mois en cumul (en K€)
Source : Cour des comptes
Le rythme des paiements ralenti par rapport aux exercices précédents. À la fin du mois
de juillet, seuls 37
M€ de CP avaient été consommés, soit 26,2 % de la consommation 2023, et
16,4 % des crédits étaient ouverts à ce moment de la gestion (hors abondement de décembre
2023).
De plus, les recettes de la taxe affectée atteignaient 106
M€, dès la fin
-mai. Le rythme
de décaissement n’est donc pas lié à celui de la perception des recettes.
Le niveau significatif des reports ne s’accompagne pas d’une consommation élevée en
début d’année.
Enfin, les restes à payer s’élevaient à près de 80,27
M€ au 31
décembre 2022, selon les
éléments transmis par le MASA au CBCM dans le cadre des travaux budgétaires. Ils ne se
traduisent par aucun paieme
nt en début d’année.
0
20000
40000
60000
80000
100000
120000
140000
160000
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
2019
2020
2021
2022
2023
COUR DES COMPTES
20
Graphique n° 6 :
montant de la consommation des crédits de paiement (CP)
en fin de mois en cumul (en K€)
Source : Cour des comptes
Le faible taux de consommation résulte
de l’engagement et du décaissement tardif des
crédits qui
n’est pas expliqué
par le MASA
. L’absence de vote de loi de règlement et le report
anticipé du solde comptable ont empêché de limiter les engagements en 2023, contrairement à
2022.
La simplification de la procédure préalable à l’engagement des dépenses du CAS DAR
,
prévue par le PNDAR 2022-2027, et qui avait été identifiée en 2022 comme un vecteur potentiel
de fluidification des décaissements, ne produit pas d’amélioration perceptible sur la gestion 2023.
III -
Les principes budgétaires et la soutenabilité du compte
La soutenabilité budgétaire du CAS DAR est préservée, puisque la mise en œuvre
repose sur les recettes effectivement perçues ou reportées. L’ensemble des dépenses engagées
ou ordonnancées au titre d'un compte d'affectation spéciale ne peut en effet excéder le total des
recettes constatées.
L’application des principes budgétaires justifie cependant trois observations
:
-
l’existence même d’un CAS est une dérogation au principe d’universalité du budget. C’est
d’autant plus manifeste que plusieurs domaines d’in
tervention relatifs au développement
agricole et rural relèvent déjà du budget général de l’État, notamment certaines actions
mises en œuvre par le MASA à travers France 2030, le plan de relance ou le plan Écophyto.
Le PNDAR 2022-
2027 prévoit d’ailleurs
« une complémentarité avec les autres
programmes de soutien à la R&D au niveau national »
. De plus, les acteurs et bénéficiaires
sont pour partie identiques d’une année sur l’autre (59
% du programme 775 à destination
du réseau consulaire et 70 % du programme 776 sur sept ITA) ;
0
20 000
40 000
60 000
80 000
100 000
120 000
140 000
160 000
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
2019
2020
2021
2022
2023
ANALYSE DE L’EXÉCUTI
ON BUDGÉTAIRE
21
-
l’
annualité budgétaire combinée à la programmation en AE = CP
s’accorde
nt difficilement
avec la gestion d’opérations pluriannuelles, comme l’illustre le niveau significatif du report
des soldes budgétaires et comptables d’une année sur l’autre;
-
l’estimation des recettes et donc, des crédits budgétaires disponibles, est
décorrelée des
indices disponibles
. En l’absence d’actualisation de la prévision en cours d’exercice, le
montant des recettes prévisionnelles du CAS correspond à la fixa
tion d’un plafond de
ressources pour piloter le montant des dépenses, à l’instar d’un programme du budget
général.
Cette situation démontre la mauvaise adaptation de l’instrument CAS pour le
financement du développement agricole.
La Cour constate à nouveau les sous-consommations des crédits et la sous-estimation
récurrente des recettes issues de la taxe annuelle sur le chiffre d’affaires des exploitations
agricoles. De même, elle constate une nouvelle fois le coût élevé de gestion, la porosité avec le
budget général et la récurrence des subventions versées à certaines structures, malgré la mise
en œuvre du nouveau PNDAR. Tant du point de vue des recettes que des dépenses, l’existence
d’un compte d’affectation spéciale n’est donc pas justifiée.
La nécessité de simplifier la chaîne des recettes et des dépenses et de rendre plus lisibles
les politiques de soutien au développement
agricole appelle la modification de l’architecture
budgétaire, tout en préservant les moyens alloués et en assurant la transparence de
l’allocation
et de
l’emploi des crédits auprès du secteur agricole.
L’association du monde agricole à la programmation et à l’emploi du produit de la taxe
qui pèse sur la profession justifie, pour le MASA, le maintien
d’un CAS
2
. Pourtant, plusieurs
dispositifs inscrits au budget général (fermes DEPHY, GIEE) parviennent sans CAS à
impliquer les professionnels de la recherche-
développement et de l’innovation,
et les
utilisateurs finaux. Par ailleurs, le financement de la recherche
via
l’ANR,
ou de l’innovation
via
la Banque publique d’investissement (BPI)
,
montre que l’inscription au budget général
n’entrave pas le pilotage ministériel.
Au regard de ces exemples, la Cour constate qu’il est possible d’assurer une concertation
étroite avec la profession agricole sur le développement rural, tout en intégrant des crédits du
CAS DAR dans le budget général. Elle invite le MASA à organiser cette évolution.
Simultanément, l’analyse de la justification de la
taxe sur le chiffre d’affaires des
exploita
nts agricoles instituée par l’article 302 bis MB du CGI, qui pèse notamment sur les
petites exploitations pour un rendement global modeste, pourrait être conduite.
Dans l’attente, la Cour constate que la mobilisation de l’ensemble des crédits
disponibles et la meilleure prévision des recettes ne sont pas effectives.
2
Le ministère insiste sur le fait qu’«
une budgétisation ne serait pas audible de la part des agriculteurs et serait
vécue comme une sanction et une déresponsabilisation des professionnels sur la R&D agricole, dans un moment
où leur implication est plus que jamais nécessaire
».
COUR DES COMPTES
22
IV -
L’incidence des dépenses sur l’environnement
L’ensemble du budget CAS
DAR est coté favorablement et la totalité des dépenses
contribuent uniformément aux six objectifs environnementaux
3
. Cette cotation est justifiée en
PLF 2024 par le fait que la mise en œuvre du CAS
DAR s’inscrit dans le cadre du PNDAR, qui
doit permettre d’intensifier la transition agroécologique en combinant création de valeur
économique et environnementale.
Comme la Cour le relevait déjà en 2022, cette approche paraît trop globale. La
méthodologie utilisée mélange toujours les soutiens apportés aux pratiques (agriculture
biologique, agroécologie) et leurs impacts environnementaux (biodiversité, dérèglement
climatique, qualit
é des eaux). De plus, l’ambition environnementale de dispositifs appartenant
à l’agroécologie, comme la labellisation HVE, est jugée modérée pour l’ensemble des filières,
voire nulle, pour certaines d’entre elles par plusieurs rapports
4
.
Enfin, la comparai
son entre 2022 et 2023 de l’allocation des financements pour le
programme 776 montre des évolutions significatives dans le fléchage des crédits du CAS DAR
entre les différents domaines environnementaux. Une cotation plus fine permettrait de rendre
compte de ces évolutions et de restituer plus clairement les efforts en faveur de la transition
écologique et énergétique.
Tableau n° 2 :
répartition de la dépense en fonction des six objectifs environnementaux
(en M€) par programme
Part dans le programme
776 (en M€)
Part dans les Appels à
projet du programme 776
(en M€)
Objectifs
2022
2023
2022
2023
Dérèglement climatique
7,7
19,6
4,4
11,9
Biodiversité
3,5
10,4
2,3
6,9
Qualité des eaux
12,8
18,1
5,9
5,3
Réduction de la consommation d’eau
1,2
4,5
0
3,3
Soutien au bio
2,8
4,3
6,2
1,5
Soutien à l’agroécologie
25,1
33
13,2
7,9
Total
53,1
89,9
32
36,8
Source
: Cour des comptes, d’après MASA
Le ministère devrait par conséquent procéder à une cotation au niveau budgétaire le plus
fin possible. Ce niveau est celui de la « brique
» budgétaire, c’est
-à-
dire l’unité de négociation
et d’arbitrage dans le processus budgétaire, qui correspond à des op
érations placées dans un
3
Adaptation au changement climatique, atténuation du changement climatique, eau, pollution, déchets et
biodiversité.
4
Rapport de la Cour des comptes sur le soutien à l’agriculture biologique, précité
; Rapport de l’OFB sur
l’évaluation des performances environnementales de la certification «
Haute Valeur Environnementale », 2022.
ANALYSE DE L’EXÉCUTI
ON BUDGÉTAIRE
23
sous-ensemble cohérent, comme un projet ou un opérateur bénéficiaire. Cette cotation plus fine
exige que le ministère y affecte les ressources, informatiques et humaines, nécessaires.
COUR DES COMPTES
24
___________________________ RECOMMANDATIONS ___________________________
La Cour formule les recommandations suivantes (réitérées) :
1.
(Recommandation réitérée) : s
upprimer le compte d’affectation spéciale développement
agricole et rural, intégrer dans le budget général de l’État les crédits des programmes 775
et 776 et reconsidérer la justification de la taxe sur le chiffre
d’affaires des exploitations
agricoles (MASA, 2025).
Dans l’attente,
2.
(Recommandation modifiée)
:
m
ener à son terme l’expertise conduite sur l’écart constaté
depuis 2011 entre le solde comptable et les crédits reportables du CAS DAR et en tirer les
conséquences sur le plan budgétaire (MASA et DB, 2024) ;
3.
(Recommandation réitérée) : mieux évaluer la prévision annuelle de recettes correspondant
au produit de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitants agricoles (MASA
, 2024).
Chapitre II
Les politiques publiques
Les dépenses sont à 99,6
% des dépenses d’intervention, les fonctions
support représentant 600
K€ du total (contre 308 K€ en
2022). Les dépenses de
personnel, consacrées à la gestion du CAS DAR, sont supportées par les
programmes support des services du MASA et de certains de ses opérateurs.
I -
Programme 775 « Développement et transfert
en agriculture »
Les dépenses d’intervention s’élèvent à 63,64 M€ en AE.
Le ministère
majore toutefois la consommation des retraits d'engagements d'années antérieures
(REJB)
bloqués, ce qui donne 65,27 M€.
Graphique n° 7 :
d
épenses d'intervention du programme 775 (en M€)
(majorées des REJB)
Source : Cour des Comp
tes, d’après MASA
Le programme 775 finance les programmes de développement agricole et
rural des chambres départementales et régionales d’agriculture et Chambres
d’Agriculture France pour un total de 38,4
M€, ainsi que les organismes nationaux
à vocation agricole (ONVAR) pour 7,5
M€, montants stables par rapport à 2021 et
2022. De plus, près de 8
M€ sont alloués à la génétique animale, chiffre lui aussi
stable depuis 2018. À cela s’ajoutent 11,1 M€ pour des projets sur la base d’appel
concurrentiel.
64,98
67,12
63,98
59,99
62,43
65,27
2018
2019
2020
2021
2022
2023
COUR DES COMPTES
26
Graphique n° 8 :
évolution de la répartition des financements du
programme 775
de 2018 à 2023 (en €)
Source : Cour des comptes, données DGPE
Les projets sélectionnés et engagés en 2023 se répartissent de la façon
suivante :
•
12,76 % (8,3
M€)
cette enveloppe sont destinés à 3 appels à projets (AAP) :
-
AAP animation des groupements d’intérêt économique et environnemental
(GIEE) (5,4
M€)
;
-
AAP renforcement de la cohérence des actions de développement des chambres
d’agriculture REFLEX portés par les chambres d’agriculture (1,78
M€)
;
-
AAP Inter-ONVAR porté par des organismes reconnus comme ONVAR au
titre de la programmation 2022-2027
(1,18 M€).
•
4,29
% (2,8 M€) sont alloués au premier projet commissionné PNDAR+,
« ClimaTerra
», qui doit mettre en œuvre sur 3 ans (2023
-2025) un plan global
d’accompagnement des exploitations agricoles face au changement climatique
(adaptation et atténuation).
S’ajoutent 14,4 M€ de crédits ouverts par arrêté fin 2022 et reportés sur
2023, pour des AAP opérés par FranceAgriMer (projets sur listes complémentaires
2022 et 2023 et des projets commissionnés sur la sécurisation des filières avicoles
et cunicoles et la prolongation-consolidation du Plan national recherche innovation
contre la jaunisse de la betterave).
-
10 000 000,00
20 000 000,00
30 000 000,00
40 000 000,00
50 000 000,00
60 000 000,00
70 000 000,00
80 000 000,00
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Appels à projet
Génétique animale
Actions d'accompagnement - Thématiques innovantes
Coop de France - ONVAR
Chambres d'agriculture et APCA
LES POLITIQUES PUBLIQUES
27
Tableau n° 3 :
nombre de dossiers et montant moyen par appel à projets
Appel à projets (durée)
Nombre de projets
Montant moyen
annuel (€)
Appui aux GIEE (émergence) annuels
117
8 402
Appui GIEE reconnus (3 ans)
146
10 000
REFLEX (24 mois)
9
98 671
Inter-ONVAR (3 ans)
3
132 000
Source : Cour des comptes, données DGPE
Cumulé aux appels à projets du programme 776 (31,9
M€), le total de cette
modalité de participation a atteint 42
M€ sur l’exercice (56,4 M€ en incluant les
reports 2022), soit 29,6 % du budget exécuté en 2023 (62,15
M€). Ces chiffres sont
à comparer aux 34
M€ en 2022, soit 25,3 % du total exécuté. Cette nouvelle hausse
va dans le sens de la recommandation émise par la Cour en 2022 sur la nécessaire
augmentation de la part d’AAP.
Les modalités de soutien ONVAR et au réseau des chambres d’agriculture
ont évolué avec la mise en place du nouveau PNDAR 2022-2027. Néanmoins, les
bénéficiaires et la répartition des subventions n’ont quasiment pas évolué entre
2021 et 2023, comme le montre le tableau ci-dessous. La logique d
’un quota fixe
de droit à subvention, au profit de quelques grands bénéficiaires, persiste.
Tableau n° 5
: principaux bénéficiaires (chambres d’agriculture et
ONVAR)
Principaux bénéficiaires
Montant
(M€)
% du total
du P775
(2021)
% du total
du P775
(2022)
% du total
du P775
(2023)
Chambres d’Agriculture France*
1,97
2,80%
3,2 %
3,02%
CRA Nouvelle Aquitaine
5,41
8,6 %
8,7 %
8,29%
CRA Occitanie
4,87
7,8 %
7,8 %
7,46%
CRA Auvergne Rhône-Alpes
4,47
7,1 %
7,1 %
6,84%
CRA Grand Est
3,23
5,2 %
5,2 %
4,95%
CRA Bretagne
2,83
4,5 %
4,5 %
4,34%
Total réseau CA
38,41
61,1 %
61,8 %
58,86%
La coopération agricole
1,90
3,5 %
3,0 %
2,91%
TRAME
1,73
2,9 %
2,8 %
2,64%
FN Cuma
0,94
1,4 %
1,5 %
1,43%
FNAB
0,70
1,1 %
1,1 %
1,07%
Réseau CIVAM
0,68
1,1 %
1,1 %
1,04%
Total ONVAR
7,52
12,2 %
12,0 %
11,52%
Source : Cour des comptes, données DGPE (* : y compris soutien à INOSYS)
Les subventions du CAS DAR représentent en moyenne 18 % des
subventions publiques reçues par les Chambres Départementales d'Agriculture
(CDA), soit 4
% de l’ensemble de leurs recettes. Si la moyenne annuelle est de
191 K
€ par CDA, il existe de fortes disparités selon les établissements territoriaux,
COUR DES COMPTES
28
notamment en fonction de l’intensité de la mutualisation régionale. Le minimum
est de 3
K€
pour les Côtes-
d’Armor (en raison de la mutualisation du personnel au
niveau de la chambre régionale), le maximum de 740 K€ pour la Dordogne. Pour
les chambres régionales d'agriculture (CRA), le CAS DAR représente en moyenne
18 % des subventions publiques perçues et 8 % du total de leurs recettes, soit une
moyenne de 1,1 M€ par CRA, avec une fourchette allant de 308 K€ pour la CRA
des Haut-de-
France à 2,7 M€ pour la CRA des Pays
de la Loire. Enfin, pour
l'ensemble du réseau des chambres d'agriculture, les subventions du CAS DAR, qui
financent essentiellement les salaires des agents, représentent, en moyenne, environ
8 % de leur masse salariale
5
.
Pour les ONVAR, la part des subventions du CAS DAR dans les budgets
annuels est extrêmement variable selon les organismes, allant de 3 % (Service de
remplacement France) à 70 % (TRAME). Cette variabilité souligne, comme les
années précédentes, la forte dépendance de certaines structures aux fonds du
CAS
DAR et le peu d’effet levier pour d’autres structures.
Le MASA s
’assure que seules les actions réellement réalisées soient
financées. Entre 30 à 80 % de la subvention est, pour cette raison, versée au cours
de la vie du programme ou du projet, le solde étant débloqué après la fin, sur
présentation de justificatifs de réalisation. Le fait que les projets soient exposés à
divers aléas justifie également des prolongations, donc un report du versement du
solde. Comme indiqué plus haut, la programmation annuelle en AE = CP est par
conséquent peu adaptée à la pluriannualité inhérente aux programmes et projets.
En 2021, la mission CGAAER-IGF
6
a noté la redondance de deux
dispositifs soutenus par le CAS DAR avec ceux soutenus par
d’autres programmes
budgétaires
: les groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE) et
les groupes DEPHY (Démonstration, Expérimentation et Production de références
sur des systèmes de culture économes en produits phytosanitaires) soutenus dans le
cadre du programme Ecophyto (dont le ciblage est cependant plus spécifique).
II -
Programme 776 « Recherche appliquée et
innovation en agriculture »
Le Programme 776 met en œuvre la politique de développement agricole et
rural de manière complémentaire au programme 775,
via
des actions de recherche
finalisée et appliquée, la conduite d'études, d'expérimentations et d'expertises, la
diffusion des connaissances, la démonstration, la formation et le conseil et, enfin,
l'appui aux initiatives locales.
Malgré la mise en œuvre du PNDAR 2022
-2027, la majorité du programme
reste consacrée au financement des instituts techniques (ITA). Ce soutien représentait
55 % du programme en moyenne sur 2018-2021, 52 % en 2022 (38
M€) et 59
% en
2023 (46,7
M€). Ce montant inclut les programmes annuels gérés par les ITA et les
programmes thématiques inter-instituts. 33,08
M€ (
soit 41 %) sont alloués à seconde
sous-action du programme, qui regroupe les appels à projets, les projets commissionnés
5
Ces données ont été fournies par le bureau budget et établissements publics (BBEP).
6
Rapport CGAAER n° 20028, IGF n° 2020-M-014-02 de juin 2021, non publié.
LES POLITIQUES PUBLIQUES
29
et les appels inter-instituts. La part des AAP a progressé de 5 points depuis 2022. 96 %
des AAP sont gérés par FranceAgriMer.
Graphique n° 9 :
répartition des dépenses du programme 776
Source
: Cour des comptes, d’après MASA
En 2023, 71 projets ont été financés (contre 60 en 2022), pour un montant
de 30,64
M€. Les trois AAP Connaissances, Co
-Innovations et Démultiplication,
mis en œuvre chaque
année, représentent 82 % des projets, pour 25
M€ (en haus
se
de 40 % par rapport à 2022).
Les priorités des AAP 2023
7
portaient sur le renouvellement des générations
en agriculture
; l’autonomie protéique et azotée
; adaptation des systèmes de
production animale et végétale aux aléas et au changement climatique, avec une
focale sur l’eau
; la gestion intégrée de la santé végétale dans la filière « Fruits et
Légumes destinés à la transformation ».
Comme pour le programme 775, l’essentiel des financements
est alloué à un
nombre restreint d’organismes (instituts et centres techniques agricoles) sous forme
de subventions, de programmes inter-
instituts et d’appels à projets, dont ils sont
lauréats. À l’instar de 2022, les quatre cinquièmes du budget financent neu
f
opérateurs, principalement au titre de subventions. Sept bénéficiaires concentrent à
eux seuls 70 % des financements alloués (74,6
M€).
7
La DGER fixe des priorités annuelles parmi les thèmes du PNDAR pour inciter les porteurs de
projet à se mobiliser sur ces enjeux. Les projets déposés sur ces priorités annuelles bénéficient d’un
taux de sélection supérieur aux projets déposés sur les autres thèmes du PNDAR, et dans certains
cas aussi d’un objectif de subvention minimum à y consacrer.
COUR DES COMPTES
30
Tableau n° 7 : principaux bénéficiaires (en
M€)
Subventions ITA
- Programme
annuel
Subventions ITA
- Programme
Inter-Instituts
Appels à
projets
Projets
commissionnés
Total
IDELE
7 498 880
3 373 026
3 328 422
14 200 328
ARVALIS
7 500 000
2 469 1990
756 467
10 725 666
IFV
5 480 000
2 725 910
8 205 910
CTIFL
4 575 607
1 351 198
5 926 805
ACTA
1 714 260
2 768 237
240 000
420 026
5 142 524
IFIP
4 295 315
595 687
4 891 002
ITAVI
1 578 250
1 602 760
500 000
3 681 010
Source : Cour des comptes, données DGER
La part respective des subventions est globalement stable pour les
principaux bénéficiaires depuis 2021, même si le total qui leur est accordé a diminué
de 17 points entre 2022 et 2023.
Graphique n° 10 :
répartition des subventions entre les principaux
bénéficiaires
(2021-2022)
Source : Cour des comptes, données DGER
Ce recul est essentiellement dû à celui d’
ARVALIS (-11,3 points), qui voit
sa part reculer fortement depuis 2021 (il concentrait alors plus du quart des
subventions). Par ailleurs, alors que la Cour des comptes, dans son rapport sur
2021
2022
2023
ITAVI
4,10%
4,10%
4,9%
IFIP
11,20%
11,30%
6,6%
ACTA
6,60%
6,00%
6,9%
CTIFL
6,80%
12,00%
7,9%
IFV
12,50%
14,40%
11,0%
ARVALIS
25,70%
19,70%
14,4%
IDELE
20,90%
19,70%
19,0%
IDELE
ARVALIS
IFV
CTIFL
ACTA
IFIP
ITAVI
LES POLITIQUES PUBLIQUES
31
l’agriculture biologique
8
, recommandait un renforcement des moyen
s de l’
Institut
technique de l’agriculture biologique (ITAB), la subvention perçue est restée stable
à 1
M€ entre 2021 et 2023.
La répartition entre bénéficiaires souligne l’importance de la subvention
annuelle comparée à la part des financements sur AAP et montre, comme dans le
cas du programme 775 la dépendance de certains bénéficiaires à ces ressources
récurrentes.
Graphique n° 11 :
répartition des subventions pour les principaux
bénéficiaires en 2023
Source : Cour des comptes, données DGER
III -
Les emplois
Le CAS DAR, co
mme tous les comptes d’affectation spéciale, ne comporte
pas de dépenses de titre 2. Pour autant, des ressources humaines sont mobilisées au
sein des directions du MASA et des opérateurs.
Tableau n° 9 : effectifs mobilisés pour le CAS DAR hors bénéficiaires
Programme 775
Programme 776
Commun
CAS DAR
ETP
14,5
15
0
30,5
Sources : MASA (SAFSL, DGPE, DGER, DRAAF), FAM et ASP
Ce nombre d’agents fait apparaître un ratio crédits versés/ETP de 141,75
M€ /30,5, soit 4,65 M€ versés / ETP.
8
Évaluation de la politique publique de soutien à l’agriculture biologique, Cour des comptes, 2022.
IDELE
ARVAL
IS
IFV
CTIFL
ACTA
IFIP
ITAVI
Projets commissionnés
0,0%
0,0%
0,0%
0,0%
8,2%
0,0%
13,6%
Appels à projets
23,44%
7,05%
33,22%
22,80%
4,67%
12,18%
43,54%
Suventions ITA Programme Inter
Institut
23,75%
23,02%
0,00%
0,00%
53,83%
0,00%
0,00%
Subventions
ITA - Programme annuel
52,8%
69,9%
66,8%
77,2%
33,3%
87,8%
42,9%
COUR DES COMPTES
32
IV -
Les dépenses de fonctionnement
Les dépenses relatives à la fonction support du CAS sont inscrites dans
l’action 02
« fonctions support » des programmes 775 et 776. Elles ne couvrent que
les dépenses de fonctionnement, de contrôle et d’évaluation.
Ces dépenses s’élèvent pour l’ensemble du CAS à 0,24 M€ en AE
, hors
REJB,
et 0,28 M€ en CP en 2023 et sont quasi stables par rapport à 2022 (0,3 M€
en AE et CP).
Pour le programme 776, l’augmentation de la consommation en AE
par rapport à 2022 correspond au renouvellement de la
convention d’animation de
la plateforme RD-AGRI.
Le CAS ne retrace pas les dépenses de fonctionnement des opérateurs
bénéficiaires des subventions et appels à projets.
V -
La performance
A -
Le contrôle et l’évaluation des programmes
Le nouveau PNDAR s’est accomp
agné de nouvelles modalités de contrôle
de la mise en œuvre et d’une évaluation
ex post
de l’impact des programmes, qui
s’est poursuivie en 2023.
Une étude coordonnée par
l’ACTA, avec l’appui de
l’INRAE, portant sur trois cas, montre qu’il est possible de
transposer la méthode
« Analyse Socio-économique des Impacts de la Recherche Publique Agricole »
(ASIRPA)
9
pour évaluer les impacts des projets et programmes soutenus par le
CAS DAR, «
sous réserve d’un choix pertinent et réfléchi des études de cas, d’un
recul historique de 10 à 20 ans et de la disponibilité de statistiques, notamment
économiques, à l’échelle des cas étudiés
». Ces conclusions ont été remises au
MASA en avril 2022. La méthode a ensuite été testée sur six nouveaux cas, selon
une démarche encadrée par la DGPE. Les évaluations ont mis en évidence des
impacts positifs pour les filières et les exploitants agricoles, sur les plans
économique, environnemental, social, politique et sanitaire.
L’ACTA travaille désormais
à accompagner et former les ITA du réseau à
prendre en compte de l’impact, lors de la réalisation des projets (évaluation
in
itinere
). Des procédures d’évaluation
ex ante
ont enfin été mises
en œuvre pour les
AAP.
9
En 2020, une étude avait été lancée pour adapter au CAS DAR la méthode « Analyse Socio-
économique des Impacts de la Recherche Publique Agricole » (ASIRPA), développée initialement
par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE)
afin de mesurer les impacts socio-économiques de ses programmes de recherche.
LES POLITIQUES PUBLIQUES
33
Le 29 janvier 2024, la Commission européenne a publié un rapport sur le
programme de recherche et d'innovation
10
de l'UE de 2014 à 2020, afin d’en
mesurer l’impact. Les projets retenus font l’objet d’une évaluation
ex ante
et
in
itinere.
On retrouve ces différentes évaluations dans le cadre des programmes
d’investissement d’av
enir (PIA) et de France 2030. Les domaines couverts par le
CAS DAR sont également évaluables sur la base de ces indicateurs de performance
et d’impacts.
L’Agence et nationale de la recherche (ANR), qui est
un des principaux
opérateurs
de l’État pour le fi
nancement de la recherche-développement
11
, a par
exemple obtenu une certification ISO9001 en 2008, qui couvre toutes les étapes des
processus de sélection et de suivi des projets, de la réception des propositions en
réponse aux appels, jusqu’à la clôture
des projets financés. Elle garantit, sur la base
d’indicateurs d’efficacité et performance, la qualité de la sélection dans des délais
optimaux et le respect des principes internationaux en la matière : impartialité,
équité de traitement, confidentialité, déontologie, intégrité et transparence.
La Cour rappelle que l’attribution des concours publics
, dans le domaine de
la recherche appliquée et des transferts de technologie,
doit faire l’objet d’
un
processus de sélection et d'évaluation exigeant, qui s'inspire de ceux utilisés dans
les autres grands pays industrialisés.
La Cour constate que le MASA a entrepris les travaux préparatoires à
l’évaluation régulière des programmes et projets. Elle rappelle l’importance de cette
évaluation, qui doit s’appuyer sur l
a même rigueur méthodologique que celle exigée
pour les autres financements de la recherche & développement et de l’innovation
issus du budget de l’État. Elle maintient sa recommandation et propose
, pour
préciser son attente,
de s’appuyer sur les référentiels existants faisant l’objet d’une
certification.
B -
La maquette de performance
La maquette de performance du programme 775 avait évolué en 2022 sans
arriver à préciser l’objectif
12
.
10
L
a recherche
et l’innovation couvrent la recherche
finalisée, qui est définie par le Haut conseil de
la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), comme
« une recherche orientée vers des
questions scientifiques et technologiques associées à des enjeux socio-économiques relatifs à des
secteurs particuliers […] ayant pour vocation non seulement de faire progresser la connaissance,
mais aussi d’aboutir à des résultats et des innovations applicables au s
ecteur visé et susceptibles
d’avoir une incidence sur le fonctionnement de la société
».
11
Le décret de création de l’ANR en 2006 mentionne que «
L’Agence nationale de la recherche a
pour mission de financer et de promouvoir le développement des recherches fondamentales,
appliquées et finalisées, l’innovation et le transfert technologiques et le partenariat entre le secteur
public et le secteur privé. Elle met en œuvre la programmation définie par sa tutelle après avis des
ministères qui exercent la tutell
e d’organismes de recherche ou d’établissements publics
d’enseignement supérieur en s’appuyant sur les propositions de comités sectoriels créés à cet effet.
Elle tient informés les ministères intéressés de l’exécution de cette programmation
».
12
Analyse de l’exécution budgétaire 2022, Compte d’affectation spéciale « Développement agricole
et rural » », Cour des comptes, 2022.
COUR DES COMPTES
34
Un premier indicateur porte sur le «
nombre de documents de diffusion de
connaissances inscrits dans la base de données RD-Agri par le réseau des
chambres d’agriculture, le réseau des ONVAR et les GIEE
» et fixe une cible de +
200/an. Il n’apporte cependant ni la possibilité de mesurer l’usage par les
utilisateurs finaux de ces documents, ni la qualité de leur contenu ou le niveau de
satisfaction des utilisateurs. Le second estime le
« nombre d'agriculteurs impliqués
dans des groupes en transition agroécologique (GIEE- 30 000)
», en précisant que
l’atteinte dépend du montant des
crédits CAS DAR fléchés chaque année sur les
AAP régionaux « Animation des GIEE ». La valeur retenue pour 2021 ayant
conduit à fixer une cible trop faible, elle a été réévaluée en 2023, passant de + 2
500/an à + 4 000/an
L’impact sur les changements de pr
atiques agricoles, et au-delà sur le milieu
n’est toujours pas évaluable dans la nouvelle maquette. Le précédent indicateur de
résultat mesurait les moyens mis en œuvre, à travers le pourcentage d’ETP que les
organismes bénéficiaires consacraient à l’agroécologie et à l’accompagnement du
changement. Il aurait été intéressant de poursuivre une mesure, sous cette forme ou
une autre,
de l’effort des organismes bénéficiaires
13
.
La maquette du programme 776 comporte 3 indicateurs, sans évolution.
L’indicateur 1.
1. mesure la «
capacité des instituts techniques agricoles à
développer des partenariats multi-acteurs au niveau européen
», en s’appuyant sur
le nombre annuel de projets lauréats des AAP européens, comparé au nombre de
projets déposés, au sein des cluster
s dont l’ACTA et les ITA sont partenaires. Ce
taux est passé de 58 % en 2021 à 34 % en 2022, sans explication. La cible du sous-
indicateur était fixée à 30
% en 2022 et n’a pas été modifié en 2023, malgré le
dépassement de la cible. De même, alors que le montant de la subvention
prévisionnelle UE attribuée à des membres du réseau ACTA-ITA pour ces projets
était de 5,86
M€ en 2022, la cible du second sous
-indicateur a été maintenue à 4
M€. De plus, dans la mesure où les PAP indiquent que «
le réseau ACTA-ITA a
renforcé ses capacités d’appui et de coordination pour le montage de projets, avec
un objectif de croissance, en particulier du volume de subventions mobilisé
», il
aurait été intéressant d’avoir un indicateur pour suivre ce renforcement.
L’indicateur 1
.2 «
capacité des ITA à diffuser leurs résultats auprès de
différents publics
» agrège «
le nombre d’articles publiés chaque année dans la
presse nationale, dans des revues à comité de lecture, sur les sites web des ITA, le
nombre de publications et posters dans les actes de colloques et le nombre de livres
et brochures publiés
». De fait, aucun indicateur ne cible spécifiquement la qualité
de la recherche produite (nombre de publications dans des revues scientifiques à
comité de lecture, citations, brevets, etc.).
Enfin, la Cour constate qu’aucun indicateur ne rend compte de la sélectivité
des appels à projets financés par le CAS DAR (augmentation du nombre de dépôt
et taux de succès).
13
La dernière mesure de ces moyens en 2018 était en deçà de l’objectif fixé à 75 % pour 2023.
LES POLITIQUES PUBLIQUES
35
C -
La gouvernance et le pilotage
Le CAS DAR finance des programmes déclinant les orientations du PNDAR,
proposés par les organismes bénéficiaires, et approuvés par un arrêté du ministre après
consultation du comité technique de développement agricole et rural du conseil
supérieur
d’orientation
de
l’agriculture
(CT CSO DAR). Les
modalités de gouvernance du CAS DAR n’ont pas évolué
depuis 2022. Le dialogue politique est assuré au sein du conseil supérieur
d’orientation et d’orientation de l’économie agricole et agro
-alimentaire (CSO), la
concertation opérationnelle au sein de la commission développement agricole et
rural du CSO (CT DAR CSO).
Malgré les modifications apportées dans les priorités du PNDAR, la
présence des bénéficiaires au sein des organes consultatifs perdure et peut expliquer
la stabilité globale des subventions annuelles, malgré de légères évolutions déjà
constatées en 2022. Elles sont néanmoins insuffisantes pour infirmer le constat
dressé par la Cour dans ses précédents rapports : la reconduction des moyens est
éloignée de la recherche de performance et peut favoriser des effets de rente et
d’aubaine, avec des risques en matière de transparence et de probité.
En 2023, la situation est restée similaire aux années précédentes. Le CAS
DAR pérennise un dispositif, existant depuis plus de cinquante ans, d’un montant
très modeste (142
M€) comparé aux autres moyens destinés à accompagner
l’adaptation de l’agriculture aux nouveaux défis environnementaux, provenant tant
du budget national que des crédits européens, régionaux et des allègements de
charges fiscales et sociales.
Par conséquent, pour permettre un développement significatif de l’impact
des fonds publics du développement rural et agricole, il conviendrait de supprimer
le CAS et d’intégrer au budget général les dépenses des programmes 775 et 776
.
COUR DES COMPTES
36
___________________________ RECOMMANDATION __________________
La Cour formule la recommandation suivante :
4.
(Recommandation modifiée) Appliquer les référentiels
d’évaluation d’efficacité
et de performance
des opérateurs publics de la recherche et de l’innovation
aux
mesures financées par le CAS DAR (MASA, 2025).
COUR DES COMPTES
38
Annexe n° 1 :
liste abréviations
ACTA
Association de coordination technique agricole
ARVALIS
Institut du végétal
CTIFL
Centre Technique Interprofessionnel des Fruits et Légumes
FNAB
Fédération Nationale d'Agriculture Biologique
FN Cuma
Fédération Nationale des Coopératives d'Utilisation de Matériel
Agricole (CUMA)
GIEE
Groupement d'intérêt économique et Environnemental
IDELE
Institut de l'élevage
IFIP
Institut du porc
IFV
Institut français de la vigne et du vin
ITA
Institut technique agricole
ITAVI
Institut technique de l’agriculture
ONVAR
Organismes nationaux à vocation agricole et rurale
TRAME
Tête de réseaux associatifs de développement agricole et rural,
Réseau CIVAM Centres d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural
ANNEXES
39
Annexe n° 2 :
liste des publications récentes de la Cour des
comptes en lien avec les politiques publiques concernées par la
NEB
-
Cour des comptes,
Rapport sur le budget de l’État en 2021
, Note d’analyse de
l’exécution budgétaire, «
Compte d’affectation spéciale Développement rural
et agricole », avril 2022, disponible sur www.ccomptes.fr
-
Chambre départementale d'agriculture du Lot-et-Garonne, observations
définitives, janvier 2024, disponible sur ccomptes.fr
-
Chambre départementale d'agriculture de l'Oise, observations définitives,
janvier 2024, disponible sur ccomptes.fr
-
Chambre interdépartementale du Nord-Pas-de-Calais, observations définitives,
septembre 2023, disponible sur ccomptes.fr
-
Chambre
d’agriculture
région
Île
-de-France,
observations
définitives,
septembre 2023, disponible sur ccomptes.fr
-
La chambre régionale d'agriculture des Hauts-de-France, observations
définitives, juin 2023, disponible sur ccomptes.fr
-
Le
soutien à l’agriculture biologique, rapport thématique, juin 2022, disponible
sur ccomptes.fr
-
Accompagner la transition agroécologique, note sur les enjeux structurels,
octobre 2021, disponible sur ccomptes.fr
-
Le réseau des chambres d’agriculture : une res
tructuration à achever pour plus
d’efficacité, rapport public annuel, mars 2021, tome II, disponible sur
ccomptes.fr
COUR DES COMPTES
40
Annexe n° 3 :
suivi des recommandations formulées au titre de
l’exécution budgétaire 2022
N°
Recommandation
formulée au sein de
la note d’exécution
budgétaire 2022
Réponse de l’administration
Analyse de la Cour
Appréciation
par la Cour
du degré de
mise en
œuvre*
1
(MASA et DB)
Mener
à son terme l’expertise
conduite sur l’écart
constaté depuis 2011
entre le solde
comptable et les
crédits reportables du
CAS DAR pour
pouvoir engager la
différence dès 2023.
Le
MASA
indique
avoir
conduit en 2023 un travail fin
de
reconstitution.
Les
conclusions de ce travail ont
été partagées avec le CBCM,
dans le cadre d'un groupe de
travail mis en place en juillet
2023 permettant notamment de
fiabiliser le montant restant
disponible en AE et en CP. Le
MASA a sollicité l'ouverture
de ces crédits en LFG 2023.
Cette demande a été formulée
tardivement et n'a pas abouti.
Elle sera reformulée en 2024.
Sans transmission des
éléments issus de ces
travaux,
la
différence
s’est encore accrue en
2023. Ce travail affiné
n’a
donc
pas
encore
permis la réduction de
l’écart et l’engagement
des crédits relevant de
cette différence. Il est
proposé
de
maintenir
l’objectif
de
cette
recommandation
mise
en œuvre partiellement.
Mise en
œuvre
partielle
2
(MASA)
Mieux
évaluer la prévision
annuelle de recettes
correspondant au
produit de la taxe sur
le chiffre d’affaires
des exploitants
agricoles.
Le MASA indique que la
prévision de la recette de
l
’année N s’appuie sur la
publication de décembre N-1
par
l’INSEE
du
compte
prévisionnel de l’agriculture
pour N-1. Elle est ensuite mise
à jour au mois de juillet suite à
la publication par l’INSEE du
compte définitif. Compte tenu
de la temporalité de la mise à
disposition de ces chiffres, il
demeure
difficile
d’évaluer
précisément en cours d’année
N la recette de l’année N+1. Le
MASA
indique
prendre
également en compte le rythme
d’encaissement des recettes.
Le MASA précise que compte-
tenu des recettes constatées les
années précédentes et compte-
tenu de l'inflation,
le plafond
du CAS DAR a été relevé de
20M€ en LFI 2024, réduisant
d'autant
l'écart
entre
les
recettes prévisionnelles et le
plafond budgétaire.
Par
ailleurs,
le
MASA
a
conduit des travaux en 2023
avec le service de la statistique
et de la prospective afin de
modéliser la collecte de la taxe
à partir des données du réseau
L’ouverture de crédits
supplémentaires
en
cours de gestion, telle
que pratiquée en 2023,
résout pour partie la
difficulté. Le niveau des
recettes pour 2024 est
évalué à 146
M€. Pour
autant, ce choix n
’est
fondé sur aucun sous-
jacent explicite. Il est
proposé de maintenir la
recommandation et de ne
la
considérer
que
partiellement
mise
en
œuvre.
Mise en
œuvre
partielle
ANNEXES
41
d'information
comptable
agricole. Ces travaux pourront
être affinés en 2024 pour tenter
de mieux évaluer l'évolution
du taux de rendement de la taxe
et in fine affiner la prévision.
3
(MASA)
Évaluer
l’impact des mesures
financées par le CAS
DAR.
Le MASA décrit les actions
entreprises pour structurer une
pratique
d’évaluation
des
projets soutenus. Entre 2020 et
2023 le MASA a fait réaliser 9
études de cas d’impacts des
financements du CAS DAR.
Le MASA indique que les
conclusions ont clairement mis
en
évidence
des
impacts
positifs de ces financements
pour
les
filières
et
les
exploitants
agricoles
concernés.
Une
large
information a été faite sur ces
résultats, en particulier avec
l’organisation d’une « journée
de sensibilisation à l’impact »,
destinée à tous les acteurs du
développement
agricole
et
rural, le 15 novembre 2023.
Le ministère se fixe pour
objectif au titre de 2024 de
poursuivre le développement
de la culture de l'évaluation de
l'impact
du
CAS DAR,
en
finalisant notamment un guide
méthodologique
pour
la
réali
sation d’études d’impacts
des actions financées par le
CAS DAR, en le diffusant
auprès des bénéficiaires des
financements
et
en
sélectionnant un ou plusieurs
prestataires extérieurs pour la
réalisation de nouvelles études
de cas.
Le MASA continue ses
travaux
visant
à
l’application
de
la
recommandation de la
Cour. Celle-ci est donc
partiellement
mise
en
œuvre.
Mise en
œuvre
partielle
4
(MASA et
DB)
Supprimer le
compte d’affectation
spéciale
développement
agricole et rural,
intégrer dans le
budget général de
l’État les crédits des
programmes 775 et
776 et reconsidérer la
justification de la taxe
sur le chiffre
Le MASA n’envisage pa
s la
suppression du CAS DAR et sa
budgétisation. Les raisons sont
la
responsabilisation
et
l'implication de la profession
agricole, l'inadéquation de la
gestion
des
programmes
annuels du budget général à la
gestion
pluriannuelle
des
projets
CAS DAR
et
le
pilotage fort du CAS DAR par
le MASA, reconnu et accepté
par les acteurs. Il est également
Les arguments apportés
par le MASA pour ne
pas supprimer le CAS
DAR ne remettent pas en
cause les arguments de
fonds
de
la
Cour
rappelés dans la synthèse
et la partie 2.5 du présent
rapport.
Par ailleurs, le rapport du
CGAAER et de l’IGF
propose
un
scénario
d’évolution conduisant à
Non mise en
œuvre
COUR DES COMPTES
42
d’affaires des
exploitants agricoles
ins
tituée par l’article
302 bis MB du CGI.
rappelé les conclusions d’un
rapport
CGAAER-IFG
qui
souligne l'intérêt du CAS DAR
et la bonne gestion qui en est
faite.
la
budgétisation
des
dépenses du CAS DAR.
La
recommandation
n’est pas mise en œuvre
en 2023 et est réitérée
pour l’avenir.
* Totalement mise en œuvre, mise en œuvre partielle, non mise en œuvre, recommandation devenue sans objet.