FINANCES ET COMPTES PUBLICS
ANALYSE DE L’EXÉCUTI
ON
BUDGÉTAIRE 2023
Compte de commerce « Gestion de la dette et
de la trésorerie de l’État »
Avril 2024
•
Sommaire
SYNTHÈSE
............................................................................................................................................................
5
RECOMMANDATION UNIQUE
........................................................................................................................
9
INTRODUCTION
................................................................................................................................................
11
CHAPITRE I DES VOLU
MES D’ÉMISSION TOUJO
URS CROISSANTS DANS UN
CONTEXTE DE REMONTÉE DES TAUX
......................................................................................
13
II - DANS CE CONTEXTE, UN BESOIN DE FINANCEMENT QUI ATTEINT SON POINT
HAUT HISTORIQUE
....................................................................................................................................
17
III - DES ÉMISSIONS TOUJOURS SOUTENUES EN 2023, UN ENCOURS DE DETTE QUI
CONTINUE D’AUGMENTER
..................................................................................................................
21
A -
La hausse continue du volume d’émission
.......................................................................................................
21
B - Un encours de dette en constante augmentation
..............................................................................................
21
C -
Des caractéristiques d’émission en lien avec la hausse des taux
......................................................................
23
IV - DES TITRES SPÉCIFIQUES QUI POURRAIENT ÊTRE MIEUX ANALYSÉS
................................
26
A -
Les titres indexés sur l’inflation, un coût budgétaire qui pousse à une meilleure quantification des
apports non financiers
......................................................................................................................................
26
B -
La difficile quantification de l’apport des OAT vertes
....................................................................................
30
CHAPITRE II UNE CHARGE DE LA DETTE QUI
CONTINUE D’AUGMENTER
................
35
CHAPITRE III LA CONFORMITÉ AUX PRINCIPES ET RÈGLES DU DROIT
BUDGÉTAIRE
.....................................................................................................................................
45
ANNEXES
............................................................................................................................................................
47
•
Synthèse
Conformément aux dispositions du II de l'article 22 de la loi organique relative aux lois
de finances (Lolf), le compte de commerce 903
–
Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État
retrace les opérations budgétaires liées à la couverture du besoin de financement de
l’État, à ses
opérations de gestion active de la dette et au pilotage de sa situation de trésorerie.
Avec un besoin de financement et une charge de la dette qui ont tous deux atteint leurs
pics historiques en 2023 à respectivement 314,6
Md€ et 53,9
Md€, l
a situation financière de
l’
État est préoccupante.
Un besoin de financement et une dette de l’État qui n’arrêtent pas de croître
Évalué à 304,9
Md€ en loi de finances initiale pour 20
23, le besoin de financement de
l’État
a finalement atteint 314,6
Md€ en
exécution. Il est principalement constitué du
remboursement du capital des obligations arrivant à échéance (149,6 Md
€
) et du déficit à
financer (173,3 Md
€
).
L’écart avec la prévision figurant en LFI correspond à celui
du déficit à
financer, supérieur de 8,4 Md
€
au niveau attendu. Le besoin de financement de 2023 est ainsi
plus de 5
Md€ supérieur à celui de 2020, année de
la crise sanitaire (309,5
Md€), et de près de
100
Md€ plus élevé que celui de 2019 (220,5
Md€).
En
plus d’émissions de moyen et long terme
s en hausse, une utilisation accrue des
titres de court terme et des disponibilités du compte du Trésor
Principales ressources permettant de répondre au
besoin de financement de l’État, l
es
émissions de titres de dette à moyen et long termes, nettes des rachats, ont augmenté de 10 Md
€
,
à 270
Md€ sur l’exercice.
Ce volume était de 200 Md
€
en 2019 et de 260 Md
€
par an depuis le
début de la crise sanitaire
. Il n’a donc pas baissé alors qu’en parallèle, les taux d’emprunts
augmentent et que la politique monétaire menée par la Banque Centrale Européenne (BCE) se
normalise.
En complément de ces émissions de moyen et long termes, l’Agence France Trésor,
respon
sable de la gestion de la dette, a utilisé d’autres leviers. Le premier est
le recours notable,
à hauteur de 47,6 Md
€
, aux disponibilités du compte du Trésor tenu par la Banque de France,
se traduisant par une dégradation d’autant du solde de l’État sur ce
compte. Le second est
l’augmentation de 20,8
Md
€ de l’encours de titres de court terme
, généralement utilisés dans le
cadre de la gestion infra-
annuelle entre deux dates d’émissions de titre à moyen et long termes
.
Cette pratique, utilisée en 2020 pour faire face aux exigences de la crise sanitaire, a été de
nouveau largement reprise cette année, hors de toute urgence cependant. Les émissions
annuelles de titres de court terme sont ainsi passée de 312
Md€ en 2022 à 345
Md€ en 2023,
avec un impact accru sur la charge de la dette du fait de la hausse des taux courts observée en
2023.
COUR DES COMPTES
6
Enfin, les ressources levées sur les marchés et en mobilisant la trésorerie ont été
amoindries par l’enregistrement de 21,2
Md
€
de décotes à l’émission. Ces décotes trouvent leur
origine dans le réabondement de souches anciennes ayant des taux de coupons inférieurs aux
taux de marché qui donnent lieu au cours de la vie du titre, au
paiement par l’AFT d’un coupon
moins élevé que si
l’agence avait émis une nouvelle ligne au taux de marché
, avec en
compensation une décote sur la valeur faciale de la souche (ou une prime, comme cela a été le
cas jusqu’à l’année 2021 en situation inverse de taux de coupons plus élevés que les taux de
marché)
. Cette pratique de l’AFT, si elle vise à assurer un volume et une liquidité suffisants
pour chaque ligne de titres, occasionne toutefois un niveau important de moindres ressources
en 2023.
Finalement, tenant compte des arrivées à maturité de certain
s titres, l’encours de dette
total augmente encore en 2023, à 2 430 Md
€
, contre 2 278
Md€ à fin 202
2 et 1 823
Md€ fin
2019, soit une augmentation de plus
d’un tiers
en quatre ans.
Un pilotage des titres indexés sur l’inflation et des OAT vertes
à préciser
Les titres indexés sur l’inflation française (OAT i) ou européenne (OAT €i)
représentent
environ 9
% des émissions annuelles et entre 11 et 12% de l’encours total de la dette de moyen
et long termes de l’État. À fin 2023, ces titres représentent un coût
budgétaire de près de 10 Md
€
en cumulé depuis le début des années 2000 par rapport au coût des OAT classiques.
Si l’utilité
des titre indexés est indéniable du point de vue des investisseurs qui cherchent à se couvrir
contre l’évolution de l’inflation –
notamment les banques portant du livret A à leur bilan - elle
n’est à ce jour pas suffisamment étayée en ce qui concerne le
ur apport réel au financement de
l’État.
L’effet de diversification apporté par ces titres en termes de nouvelle demande par
rapport au
x OAT classiques n’est par exemple que peu documenté.
Il en est de même pour les OAT vertes. Si leur impact financier est plus favorable, en
raison de l’existence d’une prime de l’ordre de 0,02
% par rapport au taux d’une OAT classique
de maturité comparable, leur apport en termes de diversification et de nouvelle demande
pourrait être davantage objectivé.
L’impact financier
à long terme
de ces titres n’est pas
mesuré. Pour évaluer leur utilité
réelle, il convient
de prendre en compte l’ensemble de leurs
avantages et inconvénients, y
compris le fait qu’ils puissent
susciter une demande supplémentaire par rapport aux titres
classiques. Or, ce dernier point n’est pas suffisamment étayé par l’Agence France Trésor, qu’il
s’agisse des titres indexés ou des OAT
vertes. La gestion du compte de commerce et la hausse
de la charge de la dette payée par l’État
impliquent de la part de
l’Agence France Trésor
la mise
en œuvre d’une stratégie équilibrée entre
répondre aux demandes de marché et veiller à
l’efficience du financement par l’emprunt à travers ses différents paramètres
(taux, décotes,
indexation).
Une charge de la dette croissante
, dont l’augmentation est liée à la hausse des taux
L’inflation française est restée relativement élevée en 2023 mais a légèrement
baissé en
cours d’année. Elle était de 7,3
% en février 2023 et de 3,4
% en fin d’exercice. Suivant les
augmentations de taux décidées par la BCE de mi 2022 à mi-
2023, les taux d’emprunts français
se sont ajustés. Ancrés à ces décisions de politique monétaire, les taux de court terme ont
beaucoup augmenté, le taux à trois mois passant de 1,7 % fin 2022 à 3,7 % fin 2023. En
SYNTHÈSE
7
revanche, les taux longs ont évolué différemment : le taux à 10 ans français, qui était de 2,62 %
en décembre 2022, a ainsi augmenté jus
qu’à 3,45
% en octobre 2023, avant de redescendre à
2,6
% en fin d’année.
La charge de la dette
de l’État
atteint finalement 53,9 Md
€ en 2023
. Elle est pour
41,5
Md€ constituée d’intérêts et pour 15,8
Md€ de la provision pour charge d’indexation des
titres indexés, desquels on peut déduire près de 3
Md€ de recettes
de trésorerie.
Les dépenses liées à la dette ont ainsi augmenté de près de 4,9
Md€ sur l’exercice après
une hausse de plus de 13
Md€ entre 2021 et 2022.
Ces deux mouvements ne sont toutefois pas imputables à la même cause. En 2022, en
effet,
c’est l’inflation
qui en expliquait la quasi-totalité par la voie de la provision relative à la
charge d’indexation des titres indexés.
En 2023, cette provision est restée stable (quoi
qu’élevée
, à 15,8
Md€)
, la hausse de la charge de la dette étant cette fois principalement
attribuable à l’augmentation des taux
d’intérêts payés pour les titres de
court terme (+4,6
Md€)
.
En parallèle de l’augmentation de la charge de la dette, la hausse des taux a aussi perm
is
à l’AFT de mener des opérations de trésorerie (
correspondant à des prêts avec ou sans garantie)
qui ont dégagé un surplus de 530 M
€.
In fine
, le compte de commerce 903 aura nécessité en 2023 une alimentation de près de
54,8
Md€ du budget général,
récapitulée dans le schéma suivant.
Graphique n° 1 :
économie du compte de commerce 903, exercice 2023
Source : AFT, Cour des comptes
Recommandation unique
1.
(Recommandation nouvelle) Approfondir l’analyse des titres indexés et des OAT vertes en
précisant dans quelle mesure ces titres permettent d’apporter une demande su
pplémentaire
par rapport aux OAT classiques
(Direction générale du Trésor, Agence France Trésor)
Introduction
Conformément aux dispositions du II de l'article 22 de la loi organique relative aux lois
de finances (Lolf), le compte de commerce 903
–
Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État
retrace les opérations budgétaires liées à ces deux gestions.
Le compte est divisé en deux sections. La section 1 retrace les opérations relatives à la
dette et à la gestion de la trésorerie ; la section 2 retrace les opérations de gestion active de la
dette au moyen d’instruments financiers à terme (swaps).
La séparation en deux sections permet
que soit inscrite au budget général la charge de la dette et de la trésorerie avant opérations de
gestion active (swaps).
La première section du compte est équilibrée par des versements en provenance du
budget général (programmes 117-
Charge de la dette et trésorerie de l'État
et 355 -
Charge de
la dette de SNCF Réseau reprise par l’Éta
t
), qui constituent ses principales recettes.
Conformément à l’article 113 de la loi de finances rectificative pour 2004 du 30 décembre 2004,
cette section fait l’objet d’une autorisation de découvert évaluative. Cette autorisation a été
maintenue à 17,5 M
d€ dans la loi de finances initiale pour 202
3, comme les années précédentes.
En cas de dépassement de l'autorisation de découvert, le ministre chargé des finances informe
sans délai les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat du montant et des
circonstances de ce dépassement.
La deuxième section enregistre les opérations de gestion active de la dette par des
instruments financiers à terme (swaps) et notamment le programme mis en place par l’AFT
entre septembre 2001 et juillet 2002 visant à réduire la durée de vie de la dette
1
. Cette stratégie
avait ensuite été suspendue, les conditions de marché ne justifiant plus son activation. Si
l’encours de ces produits avait ensuite progressivement baissé pour devenir nul à partir de fin
2021, la section est toutefois maintenue pour permettre certains règlements résiduels mineurs
2
et pour être utilisable en cas de réactivation du programme.
En dépenses du compte de commerce figurent les intérêts des emprunts d’État (bons du
Trésor à taux fixe et à intérêt précompté -BTF-
d’une maturité inférieure ou égale à un an, et
OAT, à taux fixe ou indexé, pour le financement à moyen et long termes) ainsi que la charge
d’indexation des OAT indexées sur l’inflation française ou européenne.
La charge de la dette comprend également les frais et commissions directement liés à la
gestion de la dette négociable et les intérêts des dettes reprises par l’État, comme celle de SNCF
Réseau, ainsi que les charges relatives aux opérations de couverture qui leur sont rattachées.
La LFI pour 2023 avait ouvert 50,82 Md
€ de crédits sur le programme 117 destiné à
abonder en recette le compte de commerce 903 au titre de la dette de l’État
, ce montant ayant
1
Dans une situation dans laquelle les taux courts sont plus faibles que les taux longs, réduire la maturité moyenne
de la dette doit permettre de diminuer sur longue période,
la charge d’intérêt, toutes choses égales par ailleurs.
2
Comme des règlements d’appels de marge.
COUR DES COMPTES
12
été complété en loi de fin de gestion à hauteur de 3,83 Md
€, soit un
total de crédits ouverts de
54,65 Md
€
.
La charge de la dette de moyen et long termes de l’État se sera finalement
élevée,
en exécution à 53,87 Md
€ (54
,40 Md
€
sur la dette de moyen et long termes sur lequel s’applique
un surplus des opérations de trésorerie de 530
M€).
•
Chapitre I
Des
volumes d’émission
toujours croissants dans un
contexte de remontée des taux
En 2022, la hausse marquée de l’inflation a entraîné
celle
des taux d’emprunts à long
termes des États de la zone euro, dont la France. La politique monétaire a commencé à s’ajuster
à partir de l’été 2022. Si le mouvement de hausse des taux longs s’est
tassé en 2023, les taux
d’emprunts à court terme ont continué
de suivre les hausses de taux de la Banque Centrale
Européenne (BCE).
I -
Une moindre hausse des prix par rapport à 2022
L’indice d’inflation de la zone euro (IPCH) a commencé à remonter de façon assez nette
dès le dernier trimestre 2021 (passant de 3,4 % sur un an en septembre 2021 à 5,0 % en
décembre 2021). Cette hausse s’
est poursuivie en 2022, sous les effets de la guerre en Ukraine,
puisque l
’inflation en zone euro avait atteint 10,6
% en octobre 2022. À 8,6 % en janvier 2023,
le niveau de l’inflation
a ensuite nettement baissé
jusqu’à
2,9 % en décembre 2023
.
En France,
l’inflation était montée moins haut, avec un léger décalage temporel par rapport à la zone euro,
mais elle a moins baissé ensuite (pic à 7,3 % en février 2023, 3,4 % en décembre 2023).
Dans ce contexte, la Banque Centrale Européenne (BCE) a mis plusieurs mois à ajuster
ses taux directeurs
, ce qu’elle a fait tout au long du deuxième semestre 2022 et du premier
semestre 2023.
Depuis l’automne 2023, les communications de la BCE
vont dans le se
ns d’une
stabilisation des taux de politique monétaire.
Les taux d’emprunt des titres à court terme (BTF
-
bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté) se sont ajustés au rythme auquel la banque
centrale a relevé ses taux directeurs.
COUR DES COMPTES
14
Graphique n° 2 :
taux principal de refinancement BCE
et taux court terme de l’État
Source : BCE, Banque de France
Après leur
forte hausse de 2022, les taux d’emprunt des
États de la zone euro sont donc
restés plus stables en 2023. Ils ont toutefois dans l’ensemble augmenté en cours d’année, suivant
l’évolution de l’inflation, pour redescendre au deuxième semestre et se stabiliser en fin
d’exercice à un niveau proche de celui observé en décembre 2022.
Le taux à 10 ans français,
qui était de 2,62 % en décembre 2022, a ainsi
augmenté jusqu’à 3,45
% en octobre 2023, avant
de redescendre autour de 2,56
% en fin d’année.
En parallèle, le différentiel de taux entre la France et l’Allemagne («
spread
»), qui mesure
la différence de perception entre les deux économies et a tendance
historiquement à s’élargir en
période de crise, est resté relativement contenu. Ayant été en moyenne de 38 points de base en
2021, il est de 56 points de base en moyenne en 2023, soit le même niveau qu’en 2022. S’il est
encore loin du niveau atteint lors de la crise de la dette souveraine en zone euro en 2011 et 2012,
il s’inscrit néanmoins près de 20 points de base au
-dessus de son niveau moyen atteint entre
2015 et 2020.
-1
0
1
2
3
4
5
janv.-22
févr.-22
mars-22
avr.-22
mai-22
juin-22
juil.-22
août-22
sept.-22
oct.-22
nov.-22
déc.-22
janv.-23
févr.-23
mars-23
avr.-23
mai-23
juin-23
juil.-23
août-23
sept.-23
oct.-23
nov.-23
déc.-23
Taux principal de refinancement- BCE
Taux des BTF à 3 Mois
DES VOLUMES D’ÉMISSI
ON TOUJOURS CROISSANTS DANS UN CONTEXTE DE REMONTÉE DES TAUX
15
Graphique n° 3 :
évolution des taux d’emprunt des états à 10 ans
Source : Cour des comptes
Alors
que l’ensemble des taux des différentes maturité constituant la courbe des taux
français avait augmenté en 2022 (hausse du gris au bleu sur le graphique), le mouvement diffère
en 2023. Les taux de politique monétaire servent de base aux taux d’emprunts d’
État à court
terme. Le niveau de ces derniers contribue à définir le niveau des taux d’emprunt à long terme
mais il n’en n’est pas le seul déterminant.
En principe, la courbe des taux d’un émetteur est croissante
, le niveau des taux
augmentant avec la matu
rité des titres. En effet, plus l’échéance
des obligations est lointaine,
plus les risques supportés par les investisseurs sont importants. Ces derniers exigent donc un
rendement plus élevé.
Or, en 2023, la courbe des taux français
s’est
« inversée
», c’es
t-à-dire que les taux courts
sont devenus plus élevés que les taux des titres de moyen et long termes. Ainsi, en fin
d’exercice, le taux d’emprunt français à 6 mois atteignait 3,56
% alors que le taux à 5 ans se
situait à 2,23 %, le taux à 10 ans à 2,56 % et le taux à 30 ans à 3,10 %.
Cette situation n’est pas
spécifique à la France en zone euro, les courbes souveraines allemande ou néerlandaise étant
aussi inversées.
-1
0
1
2
3
4
5
6
Allemagne
Espagne
France
Italie
COUR DES COMPTES
16
Graphique n° 4 :
courbe des taux française à fin 2023
Source : Cour des comptes
L’inversion de la
courbe des taux
et l’anticipation d’une récession
Historiquement, les périodes de récession en zone euro ont souvent été précédées d’une
inversion de la courbe souveraine. Le pouvoir prédictif de la pente de la courbe des taux en matière de
ralentissement économique sur les horizons à court terme est effet bien documenté, pour de nombreuses
zones économiques, qu’elles soient développées ou émergentes
3
.
Ce lien entre l’inversion de la courbe des taux et le déclenchement possible d’une récession
peut
s’expli
quer par le fait que
les investisseurs recherchent des placements à plus long terme lorsqu’ils
anticipent un ralentissement économique à court ou moyen terme. Ce phénomène exerce une pression à
la hausse sur le prix des obligations de long terme, dont la maturité se situe après la période de récession
envisagée, ce qui se traduit mécaniquement par une diminution de leur taux de rendement.
Dans le contexte actuel, plusieurs éléments viennent toutefois limiter la capacité prédictive de
ce mouvement d’inversio
n.
D’abord, en intégrant certains paramètres de risque systémique et les prix du pétrole au modèle
utilisé pour établir une éventuelle corrélation prédictive entre inversion de la courbe et récession, il
apparaît que la probabilité de récession résultant de la situation actuelle diminue. De plus
, d’après la
BCE, la détention d’actifs par les banques centrales
« tend à réduire la pente de la courbe des taux, ce
qui peut entraîner des signaux faussés s’agissant des risques de récession
». Or, les achats
d’act
ifs
réalisés par la Banque Centrale Européenne ont été massifs depuis 2014 et renforcés lors de la crise du
covid par le
Pandemic Emergency Purchase Program (PEPP)
. Même s’ils sont en cours d’extinction,
ces instruments de politique non conventionnelle limitent la portée du rapprochement de la situation
actuelle avec l’historique.
3
D.Sabes, JG. Sahuc,
Do yield curve inversions predict recessions in the euro area?
, Finance Research Letters,
vol. 52, 2023 et Bulletin économique de la BCE, n° 7, 2023.
-2
-1
0
1
2
3
4
1 mois
6 mois
1 an
2 ans
5 ans
10 ans
30 ans
Fin 2021
Fin 2022
Fin 2023
DES VOLUMES D’ÉMISSI
ON TOUJOURS CROISSANTS DANS UN CONTEXTE DE REMONTÉE DES TAUX
17
II -
Dans ce contexte, un besoin de financement qui atteint son
point haut historique
En 2023, le besoin de financement
de l’État s’
est élevé à 314,6 Md
€
, en hausse de
35,1 Md
€
par rapport à 2022 et de près de 100 Md
€
par rapport au niveau d’avant
-crise sanitaire
(il était de 220,5 Md
€
en 2019). La hausse résultant de la crise sanitaire et du «
quoi qu’il en
coûte
» n’est donc pas résorbée et s’accentue au contraire encore en 202
3.
Graphique n° 5 :
b
esoin de financement de l’État, Md€
Source : Cour des comptes
Le besoin de financement de 2023, à 314,6 Md
€
, est supérieur de 9,7 Md
€ à la prévision
de la LFI (304,9
Md€).
Cette révision en cours d’exercice s’explique principalement par
l’augmentation du déficit à fi
nancer (+8,4 Md
€
)
4
et, dans une moindre mesure, par une hausse
des autres besoins de trésorerie (+1,7 Md
€
), due notamment aux décaissements PIA plus élevés
qu’a
nticipé.
4
En loi de finances de fin de gestion, le déficit avait été révisé à la hausse, à 171,2 Md
€
.
-100
0
100
200
300
400
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Amortissement des autres dettes
Autres besoins de trésorerie
Déficit à financer
Amortissement de la dette à moyen/long terme
Besoin de financement
COUR DES COMPTES
18
Un scénario initial de taux et d’inflation
relativement proche
de l’évolution effective des
conditions de marché
Dans le PLF 2023, le scénario pour la fin 2022 et pour 2023 retenait l’hypothèse d’une remontée
des taux longs. Le taux à 10 ans était alors attendu à 2,6 % fin 2023, soit quasiment le niveau observé.
S’agissant des titres courts, il était fait l’hypothèse que les taux directeurs continueraient d’être
relevés, et que les taux des titres courts à trois mois atteindraient +2,1 % fin 2023. Le mouvement
d’augmentation des taux sur le court terme aura finalement été supérieur aux anticipations, puisque le
taux à trois mois dépassait 3,5 % fin 2023.
Enfin, l’estimation pour 2023 de la provision pour charge d’indexation du capital des titres
indexés s’appu
yait sur
une prévision d’inflation de
+4,3 % en moyenne annuelle pour la France et
+4,6
% pour la zone euro. En pratique les références d’inflation utilisées pour le calcul de cette
provision reposent essentiellement sur l’évolution des prix
entre mai 2022 et mai 2023, référence
d’inflation à la date anniversaire de détachement de coupons. Ces références d’inflation
étaient
anticipées à +4,6 % pour la France et 5,1 % pour la zone euro.
Finalement, en mai, l’inflation européenne s’établit à 6,
1
% et l’inflation française à 6
%. En fin
d’exercice, ces chiffres sont de 2,9
% en zone euro et 4,1 % en France.
En exécution sur 2023, le déficit à financer représente 55 % du besoin de financement,
soit un niveau proche de celui de 2022. La part désormais prépondérante du déficit dans le
besoin de financement,
par rapport à l’amortissement
des titres venus à échéance, est une
tendance observable depuis le début de la crise sanitaire.
Les « autres besoins de trésorerie » correspondent au retraitement des dépenses
budgétaires non décaissées, donc sans impact en trésorerie et qui ne correspondent donc pas à
un besoin de financement sur l’exercice, c’est
-à-dire à la provision pour charge des OAT
indexées (cf. infra) : elle est comprise dans le déficit budgétaire
mais ne sera décaissée qu’avec
le remboursement en principal de chaque titre indexé sur l’inflation. Ces « autres besoins de
trésorerie » viennent diminuer le besoin de financement de 11,3
Md€ en exécution 202
3, mais
de façon moins élevée que ce qui avait été anticipé en LFI (-12,6 Md
€)
.
Tableau n° 1 :
tableau de financement, prévision et exécution, Md
€
Besoin de financement
2019
2020
2021
2022
LFI
2023
Exec
2023
LFI
2024
Amortissement de la dette à moyen et
long terme
130,2
136,1
118,3
145,7
149,5
149,6
155,3
Dont remboursement du nominal à
valeur faciale
128,9
130,5
117,5
140,8
144,5
144,5
151,1
Dont remboursement d’indexation
versé à échéance sur les titres indexés
1,3
5,6
0.8
5
5
5,1
4.2
Amortissement de la dette reprise de
SNCF réseau
0
1,7
1,3
3
2,2
2,1
2,7
Amortissement d’autres dettes reprises
0
0,5
0
0
0,9
0,9
0
Déficit budgétaire
92,7
178,1
170,7
151,5
164,9
173,3
146,9
DES VOLUMES D’ÉMISSI
ON TOUJOURS CROISSANTS DANS UN CONTEXTE DE REMONTÉE DES TAUX
19
Besoin de financement
2019
2020
2021
2022
LFI
2023
Exec
2023
LFI
2024
Autres besoins de trésorerie
-2,4
-6,9
-5,1
-20,2
-12,6
-11,3
-7,7
TOTAL
220,5
309,5
285,2
280,0
304,9
314,6
297,2
Ressources
2019
2020
2021
2022
LFI
2023
Exec
2023
LFI
2024
Emission de dette à MLT
200,0
260,0
260,0
260,0
270,0
270,0
285,0
Ressources affectées à la CDP et
consacrées au désendettement
0
0
0
1,9
6,6
6,6
6,5
Variation de l’encours des titres de court
terme
-6
54,7
-6,2
-6,9
3,3
20,8
5,2
Variation des dépôts des correspondants
11,5
27,8
18,7
1,2
0
-11,5
0
Variation des disponibilités du Trésor et
des
placements de trésorerie de l’État
*
-5,7
-63,4
-4,4
35,2
24,5
47,6
0
Autres ressources de trésorerie
20,6
30,4
17,2
-11,4
0,5
-18,8
0,5
TOTAL
220,5
309,5
285,2
280,0
304,9
314,6
297,2
Source : AFT.
*
Il s’agit bien de ressources dans la mesure où c’est
une utilisation des disponibilités du compte, cette utilisation se traduisant
ensuite par une dégradation du solde du compte.
S’agissant des ressources de financement, le montant des émissions de dette de moyen
et long termes est conforme aux prévisions de la LFI (270,0
Md€).
La
prévision d’émissions
nettes des rachats augmente de 15
Md€ dans la LFI pour 202
4 (285,0
Md€).
Un autre levier utilisé par
l’AFT
en 2023 a été
l’émission de titres de court terme, dont
l’encours a augmenté de 20,8
Md€ par rapport
à 2022. Ces titres ont pour caractéristiques d’être
à intérêts dits « précomptés
», c’est
-à-
dire estimés et payés à l’émission du titre. 345
Md€ de
ces titres ont été émis en 2023, la
majorité d’entre eux
arrivant à maturité pendant l’exercice
5
.
L’utilisation de ces titres aura été responsable de la majeure partie de l’augmentation de la
charge de la dette sur l’exercice, étant donné
la forte progression de leurs taux en 2023
(cf. infra).
Enfin, devant la difficulté à prévoir les mouvements de taux, les « autres ressources de
trésorerie », principalement constituées des primes (chiffre positif) ou décotes (chiffre négatif)
à l’émission, avaient fait l’objet d’une prévision modeste de
0,5
Md€ en LFI. Ces ressources
complémentaires de trésorerie devaient avoir une contribution légèrement positive en 2023, elle
aura été finalement nettement négative, à -18,8
Md€, du fait des taux en hausse, qui entraîne
21,2 Md
€
de
décotes à l’émission
. (cf. encadré)
6
.
5
Ces titres ont une maturité de 13 à 52 semaines et sont émis de façon hebdomadaire.
6
Le différentiel avec les -18,7 Md
€
s’explique la gestion du supplément d’indexation sur les coupons courus des
OAT indexées émises dans l’année.
COUR DES COMPTES
20
Enfin, l
a variation de l’encours des dépôts des correspondants est également
en baisse
entre la LFI et l’exécution (
-11,5 Md
€
).
Le mécanisme des primes et décotes
Les émissions de titres donnent lieu à l’encaissement de primes ou de décotes lorsque leur taux
de coupon est différent du taux de marché. Ces primes et décotes compensent, sur la durée de vie du
titre, la différence entre le montant total des coupons vers
és et celui qui l’aurait été dans le cas d’une
émission au taux de marché.
Si le coupon du titre est supérieur au taux de marché, les coupons versés cumulés seront supérieurs
à ceux qui l’auraient été dans le cadre d’une émission à taux de marché. Ce surp
lus de versements à
venir pour l’investisseur doit être compensé par un surplus de prix initial versé par ce dernier. Il paie
donc une « prime à l’émission » du titre. Le prix d’achat du titre est donc supérieur à sa valeur de
remboursement (valeur faciale du titre, dite « pair »).
Inversement, lorsque le coupon du titre est inférieur au taux de marché, l’investisseur se prépare
à recevoir moins que ce qu’il aurait pu recevoir pour une émission au taux de marché. Cette différence
est compensée par le fait
que l’investisseur va payer moins cher le titre à l’émission, ce dernier étant
donc émis avec une décote par rapport à sa valeur de remboursement final.
Les primes à l’émission correspondent à des encaissements supplémentaires qui viennent réduire
le beso
in de financement de l’État, ce qui se traduit, toutes choses égales par ailleurs, par une moindre
émission de dette. Ce gain initial se résorbe progressivement, au fur et à mesure, que les coupons versés
à des taux supérieurs au taux de marché accroissent
le besoin de financement de l’État. À l’inverse, les
décotes augmentent, toutes choses égales par ailleurs, le besoin de financement de l’État sur l’exercice.
Ce différentiel est compensé ensuite, au fur et à mesure du paiement par l’État de coupons moins
élevés
que le taux de marché.
En 2023, le montant net des primes et décotes est de -21,2 Md
€, les primes ne représentant sur ce
net dominé par les décotes qu’une part marginale.
Ces moindre ressources, couplées à la hausse du besoin de financement, ont induit une
révision à la hausse de l’endettement de court terme (+17,5
Md
€
entre prévision et exécution)
et de la contribution de la trésorerie. Sur ce dernier point, à
la fin de l’exercice 2020, un fort
surplus de trésorerie avait été accumulé du fait d’un déficit et d’une sollicitation des dispositifs
d’urgence moins élevés qu’attendus, et s’était encore accru
en 2021 (de 4,4
Md€)
. 35,2
Md€ de
ces disponibilités avaient été
utilisées sur l’exercice
2022 et 47,6
Md€ l’auront été en 2023
(soit
un écart à la prévision sur cette ligne de 23,1 Md
€
).
DES VOLUMES D’ÉMISSI
ON TOUJOURS CROISSANTS DANS UN CONTEXTE DE REMONTÉE DES TAUX
21
III -
Des émissions toujours soutenues en 2023, un encours de
dette qui continue d’augmenter
A -
La hausse continue du volume d’émission
Si, dans son bulletin mensuel de décembre 2023, l’Agence France Trésor (AFT)
7
met en
av
ant le fait que le programme de financement de l’État mesuré en points de PIB baisse depuis
2020
8
, il n’en rest
e
pas moins qu’il ne fait qu’augmenter en montant, malgré la fin de la crise
covid et la diminution de l’inflation en 2023. En effet,
les émissions nettes de dette de moyen
et long termes étaient de 200 Md
€
en 2019, de 260 Md
€
en 2020, 2021 et 2022 et sont passées
à 270 Md
€
en 2023. La loi de finances initiale pour 2024 prévoit de porter ce chiffre à 285 Md
€,
soit 100
Md€ de plus qu’en 2017.
Ainsi, le montant de titres de dette de l
’État
proposé aux marchés est en augmentation
continue. Or, en parallèle, les dynamiques de demande de ces titres sont en cours de
modification. En effet, l’Eurosystème avait développé des programmes d’achats massifs de
t
itres, notamment d’État,
à partir de 2014 et les avait renforcés en 2020
jusqu’à
être considéré
par certains investisseurs comme un « acheteur en dernier ressort » pour les titres souverains.
Au titre du seul
programme d’urgence face à la pandémie, l
e PEPP
, l’Eurosystème avait ainsi
acheté plus de 158 Md
€
de titres d’État français en 2021.
Les achats nets de ce programme se
sont poursuivis début 2022 ; 19,5 Md
€
de titres français ont été achetés sur cet exercice. Face à
l’augmentation de l’inflation depuis 2022, l’Eurosystème se retire progressivement de ces
programmes. En 2023, le montant non renouvelé des titres français achetés arrivés à maturité
atteint plus de 2 Md
€. Si ce désengagement n’est pas encore élevé en montant concernant le
PEPP, il est beaucoup plus élevé sur les autres programmes, dépassant 210 Md
€
de non
renouvellement sur l’ensemble de la zone euro. La dynamique de demande de l’Eurosystème
est donc désormais inversée.
B -
Un encours de dette en constante augmentation
Conséquence de cette hauss
e continue des émissions nettes, l’encours de dette est
également en hausse constante. À fin 2022, l’encours de la dette de l’État atteignait 2
278 Md
€
,
dont 148,5 Md
€
à court terme et 2 129 Md
€
à moyen et long termes. À fin 2023, le montant
total est de 2 430 Md
€
, soit une augmentation de 6,5
% sur un an. L’encours de dette de court
terme est de 169 Md
€
(+13,8 %) et celui de la dette de de moyen et long termes de 2 261 Md
€
(+6 %).
L’encours de dette total a donc augmenté de 1
000 Md
€
en 10 ans (1 457 Md
€
à fin 2013)
et de près de 670 Md
€
depuis 2018.
L’OAT de maturité la plus longue doit arriver à échéance en 2072. Elle a été réabondée
à hauteur de 1,5 Md
€
en 2023. Pour autant, une partie importante de la dette doit arriver à
maturité dans les prochaines années : environ 50
% de la dette de moyen et long termes de l’État
7
Agence re
sponsable de l’émission des titres de dette de l’État français.
8
11,2% du PIB en 2020, 10,4% en 2021, 9,9% en 2022 et, en prévision, 9,6% en 2023.
COUR DES COMPTES
22
doit avoir été remboursée avant 2029 (échéance de 5 ans), 72 % avant 2033 (échéance de
10 ans) et près de 81 % avant 2038 (échéance de 15 ans). En volume, le montant à rembourser
d’ici dix
ans est de plus de 1 700
Md€.
Graphique n° 6 :
horizon d’arrivée à maturité de la dette de moyen et long termes, Md€
Source : AFT
E
n dehors d’une légère
baisse en 2008-
2009, la maturité moyenne de l’encours de dette
a augmenté, passant de 6,2 ans en moyenne en 2004 à 8,5 ans en 2022. Elle reste stable en 2023.
La France fait toujours partie des émetteurs souverains de la zone euro les plus présents sur le
segment du très long terme, caractérisé par des titres ayant une maturité résiduelle de plus de
trente ans. Un nouveau titre de maturité 30 ans (OAT 3 % 25 mai 2054) a ainsi été émis cette
année. En revanche, après avoir baissé notablement entre 2012 et 2019
9
, la part du court terme
dans l’encours total de dette s’est stabilisé autour de 7
% en 2023.
Enfin, la très forte
croissance du volume de la dette de l’État depuis 2008 renforce de
façon marquée s
a sensibilité aux mouvements de taux. L’AFT estime ainsi qu’un choc
supplémentaire de 1 % des taux par rapport au scenario de référence entraînerait un surcoût
annuel sur la
charge de la dette d’un peu plus de 1
7
Md€ à horizon de 5 ans et de
32,6
Md€ à
horizon 10 ans. Toutes choses égales par ailleurs, du fait de l’augmentation très forte de
l’endettement ces dernières années, la sensibilité de la charge de la dette à horizon
10 ans a
augmenté de près de 11,5 Md
€
puisqu’en 2019, une hausse de 1
% des taux aboutissait à
horizon 10 ans à une augmentation de la charge annuelle de la dette de 21,2
Md€.
9
Plus de 15% de l’encours en 2012
; moins de 6% en 2019. La crise sanitaire a marqué un ressaut de l’utili
sation
des titres de court terme comme variable d’ajustement au financement des dispositifs de crise.
0
50
100
150
200
250
300
2024
2025
2026
2027
2028
2029
2030
2031
2032
2033
2034
2035
2036
2038
2039
2040
2041
2043
2044
2045
2047
2048
2050
2052
2053
2054
2055
2060
2066
2072
DES VOLUMES D’ÉMISSI
ON TOUJOURS CROISSANTS DANS UN CONTEXTE DE REMONTÉE DES TAUX
23
Graphique n° 7 :
sensibilité de la charge annuelle de la dette à une hausse de taux de
1%, par h
orizon de temps, Md€
Source : PAP du programme 117
La dette de l’Etat français est détenue à 52,9
% par des investisseurs non-résidents, à
11,2
% par les compagnies d’assurances françaises, à 7,4
% par des banques françaises et à
26,9
% par d’autres inv
estisseurs nationaux. Dans cette catégorie rentre la Banque de France,
qui mène, pour le compte de l’Eurosystème, les programmes d’achats décidés au niveau de la
zone euro
10
. Un an auparavant, la part des non-résidents était de 49,8 %, celle des compagnies
d’assurances françaises de 13%, celle des banques françaises de 6,7
% et celle des autres
investisseurs de 29,10%. La baisse de cette dernière catégorie reflète le désengagement
progressif des banques centrales au cours de l’année 2023.
A titre de comparaison en effet, au
troisième trimestre 2019,
avant la pandémie et le lancement d’un programme d’achat de titres
spécifiques, la proportion de détention non résidente était de 54,8 % et celle des « autres »
investisseurs nationaux, reflétant donc la Banque de France, était de 19,4 %. Le poids de cette
dernière catégorie, qui avait pris de l’ampleur
pendant la crise sanitaire est en train de décroître,
entrainant un rééquilibrage au profit notamment des non-résidents.
C -
Des caractéristiques d’émission en lien av
ec la hausse des taux
1 -
Un taux moyen à l’émission qui augmente
En lien avec la forte hausse des taux observée depuis mi-2022, l
e taux moyen d’émission
des titres français a nettement augmenté sur les deux dernières années. Il est désormais de
3,33 % sur le court terme (contre 0,19 % en 2022) et de 3,03 % sur le moyen-long terme (contre
1,43% en 2022).
10
Chiffres à la fin du troisième trimestre 2023. Le delta des chiffres est la possession des OPCVM français.
0
5
10
15
20
25
30
35
1 an
2 ans
3 ans
4 ans
5 ans
6 ans
7 ans
8 ans
9 ans
10 ans
Evaluation publiée en octobre 2019
Evaluation publiée en octobre 2020
Evaluation publiée en octobre 2021
Evaluation publiée en octobre 2022
Evaluation publiée en octobre 2023
COUR DES COMPTES
24
Graphique n° 8 :
t
aux moyen d’émission
Source : AFT
L
’AFT a pour stratégie de suivre la demande des investisseurs
, notamment en matière de
maturité. Ainsi, 43 % des titres de moyen-long terme émis en 2023 ont une maturité inférieure
à 6 ans, contre 41 % en 2022. À
l’inverse,
les volumes émis ayant une maturité supérieure à
30 ans restent stables, légèrement inférieurs à 10 %.
La maturité moyenne à l’émission était poussée à
la hausse ces dernières années par les
investisseurs en quête de taux et de rendements positifs
(les taux moyens étant très bas jusqu’à
2021, il leur fallait aller chercher des maturités plus longues pour revendiquer des taux positifs).
Ce mouvement d’allongement de la maturité à l’émission s’est arrêté en 2022 du fait de la
hausse des taux qui a fait revenir les investisseurs
sur des maturités plus courtes. En
conséquence, alors que la maturité moyenne à l’émission était de 12,4 ans en 2021, elle
redescend à 11,1 ans en 2022 et 11,0 ans en 2023.
Le taux de couverture (
bid to cover
) sur la dette de moyen et long termes
en 2023 s’élève
à 2,30 après 2,25 en 2022. Si le taux de couverture de 2023 est supérieur à la moyenne des dix
dernières années (2,18), il est cependant tendanciellement en baisse depuis le début des années
2000 (il était de plus de 2,70 de 2000 à 2010) s
ous l’effet notamment de la baisse des taux et de
la recherche de rendement qui portent les investisseurs vers d’autres actifs
.
-1,0%
-0,5%
0,0%
0,5%
1,0%
1,5%
2,0%
2,5%
3,0%
3,5%
4,0%
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Court terme
Moyen - long terme
DES VOLUMES D’ÉMISSI
ON TOUJOURS CROISSANTS DANS UN CONTEXTE DE REMONTÉE DES TAUX
25
Des ratios de couverture variables selon les États
Le ratio de couverture d’une émission rapporte la demande exprimée par les
investisseurs au
volume finalement émis par l’agence de dette.
Ce ratio reflète le dynamisme de la demande, lui-même
soutenu à la fois par le rendement offert aux investisseurs et par l’avis de ces derniers sur la soutenabilité
de la dette concernée.
En Allemagne, le ratio de couverture (bid-to-cover) était faible en période de taux bas et
négatifs. Il était de 1,9 en 2020
11
et de 1,4 en 2021 du fait du faible niveau des taux offerts aux
investisseurs. Le rapport entre rendement et risque étant un peu plus favorable à la faveur de la remontée
des taux, le
bid-to-cover
allemand est passé à 2 en 2023 en moyenne.
Au Royaume Uni en revanche, le ratio de couverture est plutôt plus élevé qu’en France
et plus
constant. Il était ainsi de 2,5 en moyenne en 2021 sur la dette de moyen et long termes britannique ; il
est de 2,55 en 2023
12
.
2 -
Des rachats concentrés sur la deuxième partie d’année
Tous les ans, l’AFT complète
ses émissions nouvelles par des opérations de rachat de
titres ayant une maturité résiduelle entre un et deux ans. Les enveloppes ne sont pas définies
ex
ante
et dépendent
de l’avancement du programme de financement au cours de l’année.
Les
montants rachetés dépendent des offres des banques avec lesquelles travaille l’AFT.
Ils
représentent la différence
entre les volumes d’émission brut et net.
Ces opérations permettent
de lisser le profil de remboursement des années à venir, évitant ainsi de trop fortes variations
dans la trésorerie de l’Etat. Elles sont aussi l’occasion
d’améliorer
le fonctionnement du marché
secondaire des valeurs du Trésor, par exemple en proposant de retirer du marché les emprunts
à faible liquidité.
Sur l’exercice 2023, ces rachats ont été menés de façon spécifique. En effet, alors que le
rythme de ces derniers était relativement régulier en 2021, les rachats sont majoritairement
reportés sur la deuxième partie d’année en 2022 et plus encore en 2023. Or, le programme de
financement a été mené en 2023 à un rythme au moins comparable, voire légèrement plus rapide
qu’en 2021 ou 2022.
En effet, fin mars 2023, 33 % du programme était réalisé, contre 31 % à
la même date en 2021. A fin juin, 62 % du programme est réalisé en 2023, 58 % en 2021. Ce
rythme inhabituel
s’explique par la forte remontée des taux directeurs de la BCE en fin d’
année
2022 et en 2023. Ce mouvent rapide a en effet induit une conjoncture de marché singulière et
des valorisations relatives des différents titres en eux atypiques.
Finalement, l’AFT a racheté 33
Md
€
de titres en 2023, contre 26 Md
€
en 2022.
11
Issuance Results - Deutsche Finanzagentur (deutsche-finanzagentur.de). Chiffres du
Bund
, titre allemand de
référence pour le long terme, équivalent allemand de l’OAT. L’exemple allemand doit tou
tefois être nuancé par
des pratiques légèrement différentes de celles de l’AFT, comme une présence par exemple de l’agence de dette
sur le marché secondaire.
12
Summary of results from all DMO gilt operations.
COUR DES COMPTES
26
Graphique n° 9 :
rachats cumulés, Md
€
Source : AFT, Cour des comptes
3 -
Des ressources diminuées par les décotes à l’émission
En 2022, au total, 6,2
Md€ de primes et 19,8
Md€ de décotes avaient été enregistrées pour
l’émission des titres de moyen et long termes, soit un montant net
de décotes de 13,6
Md€.
Après des primes nettes pouvant atteinte près de 31
Md€ en 2020 puis 16,9
Md€ en 2021,
l’exercice 2022 avait donc marqué une inversion de tendance. Ce mouvement s’est poursuivi
en 2023 puisque le montant net des décotes atteint 21,2 Md
€
pour cet exercice et n’est constitué
quasiment exclusivement que de décotes.
Bien que les taux de marché se soient rapprochés des taux de coupon, voire les aient
dépassés, aboutissant à l’enregistrement de décotes nettes à l’émission, l’AFT a contin
ué
d’émettre sur des souches anciennes. En effet, l’agence ne peut pas couvrir l’ensemble des
maturités demandées par les investisseurs par de nouveaux titres et doit de plus maintenir une
liquidité
–
et donc un volume
–
suffisant sur l’ensemble de ses sou
ches, ce qui revient à abonder
régulièrement toute souche émise afin qu’elle atteigne une liquidité suffisante.
IV -
Des titres spécifiques qui pourraient être mieux analysés
A -
Les titres indexés sur l’inflation,
un coût budgétaire qui pousse à une
meilleure quantification des apports non financiers
1 -
Une proportion de titres indexés dans les émissions qui diminue en 2023
L’AFT indique émettre
environ 10
% de son programme d’émissions annuel via
des
titres indexés.
L’
agence a ainsi émis 24,5 Md
€
de titres indexés en 2023, dont 6,85 Md
€
d’OATi et 17
,5 Md
€
d’OAT€
i (cf. encadré), soit moins de 8 % des émissions brutes
de l’année.
0
5
10
15
20
25
30
35
2021
2022
2023
DES VOLUMES D’ÉMISSI
ON TOUJOURS CROISSANTS DANS UN CONTEXTE DE REMONTÉE DES TAUX
27
En dehors des années 2019 et 2020 où elle était de 7 %, cette proportion oscille plutôt entre 8
et 9 %, voire dépasse ce dernier chiffre.
S’agissant des encours, les titres indexés représentent un total de 271
Md
€
, soit un peu
plus de 11
% de l’encours de dette totale de l’Etat
(sur un total de 2 430 Md
€
) et 12 % de
l’encours de dette de moyen et long terme (
sur un total de 2 260
Md€).
Le fonctionnement des titres indexés
La première
OAT indexée sur l’indice des prix à la consommation (hors tabac) français (OATi)
a été émise par l’AFT en 1998
. En 2001, ces émissions ont été élargies
aux titres indexés sur l’indice
des prix en zone euro (OAT
€i). L’AFT s’est engagée, depuis
, à émettre de façon régulière et transparente
des titres indexés pour maintenir une liquidité suffisante sur chacun de ces titres de titres.
Une obligation indexée sur l’inflation est un titre de dette dont la rémunération
dépend de
l’inflation constatée soit en France (Insee), soit en zone euro (Eurostat). Le
capital (« principal ») de
l’obligation, qui est remboursé à échéance et sur lequel est versé un coupon annuel, varie chaque année
avec l’inflation, il est dit « inde
xé ». La différence entre le principal initial et le principal indexé est
appelé le supplément d’indexation. En contrepartie de l’indexation du capital sur l’inflation, le taux
d’intérêt d’une obligation indexée (appelé « taux réel ») est plus faible que celui d’une obligation non
indexée de même maturité puisqu’il ne nécessite pas de prime de risque vis
-à-vis de la valeur réelle du
titre au moment de son amortissement.
L’émission de titres indexés permet ainsi à l’AFT d’économiser une « prime d’inflation
» qu’elle
paie quand elle émet une OAT classique, c’est
-à-dire le surplus de taux que les investisseurs exigent de
l’État pour se protéger contre les variations d’inflation. En contrepartie de ce moindre coût, les émissions
d’indexées rendent plus volatile
s la charge de la dette.
Les OATi sont considérés comme de meilleures couvertures du risque spécifiquement français,
puisque
c’est sur cet indice de dimension nationale qu’elles sont fondées, mais elles sont moins liquides
que les OAT€i.
En 2023, les OAT
€
i représentent 75,8
% de l’encours des titres indexées émis.
2 -
Un p
ilotage qui reflète la stratégie de l’AFT,
des analyses à poursuivre
En 2023, le ratio de couverture des adjudications
13
de titres indexés est de 2,7, au-dessus
de sa moyenne depuis 2010, d’environ 2,4.
En comparaison, le ratio de couverture des
adjudications sur la dette de moyen et long terme est de 2,30 en 2023, tous types de titres
confondus. Sur les 15 meilleurs taux de couverture observés en 2023,11 concernent des titres
indexés. En effet, l’année 2023 a été marquée par une forte collecte sur les livrets d’épargne
réglementée engendrant des besoins de couverture de la part des entités collectrices. La
proportion relativement faible des titres
indexés dans les émissions brutes n’est donc pas à lier
à un manque de demande de la part des investisseurs sur ces titres.
Depuis 2004, les OATi et OAT€i sont adjugées les mêmes jours que les OAT à moyen
terme « classiques », mais
lors d’une séance d’adjudication
spécifique
. Les OATi et OAT€i
sont destinées à toutes les catégories d’investisseurs
et leur permettent de protéger le pouvoir
d’achat de leurs investissements, améliorer l’adossement de leur passif, ou diversifier la
composition de leur portefeuille.
13
Ratio entre le volume d’offres reçues des acheteurs de titres sur le volume de titres émis.
COUR DES COMPTES
28
Pour décider des titres émis, l’AFT suit la demande des investisseurs, dans les bornes
fixées par son programme indicatif de financement, qu’elle définit en décembre.
Avant chacune
de ses adjudications, l’AFT recueille les av
is des investisseurs sur les titres que ces derniers
aimeraient voir l’agence émettre. Elle décide ensuite des titres qui seront émis et assortit
chacune des lignes choisies d’une fourchette indicative de volume. En 2023, les volumes
adjugés sur les titres indexés sont systématiquement proches du haut de la fourchette annoncée,
voire le dépassent.
Au-delà du suivi de la demande,
l’AFT
utilise deux éléments pour piloter son offre de
titres indexés.
Le premier point d’attention est le niveau indicatif de 10
% des émissions annuelles
mentionné plus haut. Ce chiffre est connu des spécialistes en valeur du Trésor
14
.
Il est indicatif
mais apparaît tout de même dans les échanges entre l’agence et le cabinet du ministre
et dans
les publications de l’agence
.
Pourtant, et malgré la publicisation dont il fait l’objet, ce niveau
indicatif de 10
% d’émissions annuelles de titres indexés n’est que très peu documenté.
Le second porte sur le
montant d’
encours de titres indexés. Une note, datant de 2006
15
,
modélisait plusieurs stratégies
d’endettement pour
conclure
« qu'une augmentation de la partie
indexée de la dette dans l'encours total jusqu'à 20 % pourrait diminuer à la fois le coût et la
variabilité budgétaires »
. C’est sur l’encours de titres indexés que l’AFT e
xplique focaliser son
analyse de risques, plus que sur le volume annuel d’émission, puisque
le risque encouru et la
charge de la dette dépendent
de l’encours et non des émissions annuelles.
En 2022, la Cour des comptes a signalé que le marché des obligations indexées nécessitait
une vigilance particulière
16
. Le r
apport sur le budget de l’Etat
en 2022
17
, publié en avril 2023,
avait également comme première recommandation :
«
Dans le contexte de reprise de l’inflation,
actualiser rapidement les conditions et limites des émissions de titres indexés ».
Dans la lignée
de cette recommandation, u
n rapport de l’Assemblée Nationale, déposé en juin 2023,
a été
consacré à ces titres indexés
18
. Il recommande d’améliorer l’évaluation des impacts des titres
indexés sur le
budget de l’Etat et, si nécessaire, de réviser les cibles et l’encadrement des
émissions
19
.
Dans ce contexte de questionnements, la note mentionnée plus haut, relative à la
proportion de 20
% de titres indexés dans le total de l’encours
et datant de 2006, a été
réactualisée en 2023. Les principaux résultats de cette actualisation figurent dans le rapport sur
la dette des administrations publiques
20
. Les simulations, à date comme rétrospectives sur les
15 dernières années (de 2008 à 2023), tiennent compte de la forte hausse du ratio de dette
14
Banques qui achètent les titres sur le marché d’émission, dit
« marché primaire ».
15
Diagnostics Prévisions et Analyses Économiques, DGTPE
, Une modélisation analytique des stratégies
d’endettement de l’État
, n° 99
–
Fév. 2006.
16
Cour des comptes,
La gestion de la dette publique et l’efficience du financement de l’État par l’Agence Fran
ce
Trésor ,
février 2022.
17
Cour des comptes,
Le budget de l’Etat en 2022 (résultats et gestion).
18
Rapport d’information n° 1314
sur les obligations assimilables du Trésor indexées sur l’indice des prix à la
consommation en France et sur l’indice des pr
ix de la zone euro.
19
Le rapport va aussi plus loin en demandant une mise en extinction de ces titres, ce qui dépasse largement les
recommandations de la Cour.
20
Rapport sur la dette des administrations publiques (2023). Pages 33 et suivantes.
DES VOLUMES D’ÉMISSI
ON TOUJOURS CROISSANTS DANS UN CONTEXTE DE REMONTÉE DES TAUX
29
rapportée au PIB. Elles suggèrent une part optimale de titres indexés comprise entre 10 % et
20 %, et de 17 % en moyenne afin de diminuer à la fois le coût budgétaire moyen et le risque
encouru, soit un niveau nettement au-
dessus du poids actuel des tires indexés dans l’encours
total de dette négociable de l’Etat, d’un peu plus de 11
%.
L’apport
financier
de ces titres au budget de l’État peut être
approximé
21
par l’AFT,
annuellement et en cumulé. Il a été établi, à la demande du Sénat, que le gain financier
représenté par le programme depuis sa mise en place en 1998 s’établissait
, en cumulé, à 2
Md€
à fin 2022.
Or, suite à la hausse de l’inflation en 2022 et 2023
, cet apport financier connaît un
changement notable sur l’exercice
:
l’impact budgétaire cumulé n’est plus une économie (en
négatif sur le graphique) mais repasse du côté des dépenses. Les émissions de titres indexés ont
un coût budgétaire cumulé désormais proche de 10 Md
€
.
Graphique n° 10 :
b
ilan budgétaire du programme d’émissions indexées, Md€
Source : rapport sur la dette des administrations publiques
L’AFT n’encourage pas cette vision en gains et pertes des titres indexés, estimant qu’il
s’agit d’un prisme trop limité, qui occulte par exemple l’apport de ces titres en termes de
diversification et donc d’amélioration de la gestion du risque. Si cette notion de diversification
peut se pressentir intuitivement, elle n’est
cependant
pas étayée par l’agence
. Cette dernière
pourrait par exemple réaliser auprès des banques françaises un étude permettant de quantifier
la demande supplémentaire effectivement amenée par ces titres, leur utilisation (couverture,
autres fins) ou encore l’utilité relative des OATi par rapport aux OA
T
€
i.
De plus, et alors que la charge de la dette augmente fortement, il est considéré comme
acquis par l’AFT que,
via
notamment la hausse des recettes fiscales liée à l’inflation, les impacts
haussiers et baissiers de cette dernière sur le budget de l’Etat s’équilibrent. Or, aucune étude
approfondie n’a pour le moment été réalisée
pour aboutir à cette vision d’ensemble des impacts
21
Selon une méthode comparant les émissions effectuées en titres indexés et celles hypothétiques en titres fictifs
avec un taux nominal équivalent (comprenant la date d'émission, la maturité, le montant, etc.). Cette méthode ne
prend pas en compte certains aspects, comme une possible hausse des taux des titres nominaux si un montant plus
élevé de ces derniers avait été émis à la place des titres indexés.
COUR DES COMPTES
30
de l’inflation sur le budget de l’
État
, qui s’est révélée fausse en 2023, les recettes fiscales nettes
de l’
État ayant subi une baisse en valeur et plus encore en volume malgré la croissance du PIB
en valeur tirée par l’inflation
.
Si l’utilité des titre indexés est indéniable du point de vue des
investisseurs qui cherchent à se couvrir contre l’évolution de l’inflation –
notamment les
banques portant du livret A à leur bilan, elle n’est à ce jour pas suffisamment étayée en ce qui
concerne le fonctionnement financier de l’
État.
B -
La difficile quantification de l’apport des
OAT vertes
En 2017, la France a été le premier État à émettre une obligation verte souveraine pour
une taille de référence (l’OAT 1,75
% 25 juin 2039). L’AF
T a créé, en 2021, un deuxième titre
vert (l’OAT 0,50
% 25 juin 2044), puis, en 2022, a apporté une nouvelle contribution au
développement de la finance durable avec la première obligation souveraine verte indexée sur
l’inflation européenne (l’OAT
€i 0,10
% 25 juillet 2038).
Ces titres sont régulièrement réabondés, afin d’atteindre des volumes leur permettant
une liquidité suffisante (contrairement au modèle allemand
–
cf. encadré). Suite aux différents
abondements opérés en 2023, l’encours total des OAT
vertes est de 61,87
Md€
. Si les OAT
vertes 2039 et, dans une moindre mesure 2044, ont des encours suffisants pour leur garantir un
niveau satisfaisant de liquidité (32,9 et 22,3
Md€ respectivement), l’OAT verte 2038, plus
récemment créée (2022), bénéficie d’un encours de seulement 6,7
Md€ à fin 2023.
Le modèle allemand des « titres jumeaux »
L’Allemagne, via la
Deutsche Finanz Agentur
(DFA- agence de la dette allemande), a émis sa
première obligation verte en septembre 2020 en adoptant un dispositif dit « des titres jumeaux » («
twin
bonds
»). Chaque obligation verte est associée à un titre classique de même maturité et de même coupon
et elle peut à tout mom
ent être échangée contre ce dernier. L’obligation verte est a priori plus chère que
sa jumelle conventionnelle dans la mesure où la convertibilité est une option, dont le coût est répercuté
à l’investisseur
22
. La
Finanzagentur
a créé à ce jour sept titres verts pour un nominal cumulé de
55,75 Md
€
.
Ce mécanisme permet à la DFA d’assurer la liquidité des titres verts en dépit de montants plus
limités qu’en France. Un titre vert n’est en effet émis qu’une fois que le titre convent
ionnel associé a
atteint un volume suffisant pour assurer sa liquidité. De plus, le fonctionnement de la DFA diffère de
celui de l’AFT dans la mesure où l’agence allemande peut garder des titres à son bilan et, pour tout euro
d'obligation verte émis, elle conserve sur son bilan un euro d'obligation conventionnelle. La non-
intervention de l’AFT sur le marché secondaire ne permettrait pas un tel fonctionnement sur les OAT.
22
Cf. rapport d’information du Sénat
n°773, déposé en juillet 2022 et consacré aux OAT Vertes.
DES VOLUMES D’ÉMISSI
ON TOUJOURS CROISSANTS DANS UN CONTEXTE DE REMONTÉE DES TAUX
31
D’autres éléments rendent ce modèle non réplicable en France. Ainsi, contrairement à
ce qui est
proposé dans le cas des titres jumeaux, l’AFT cherche à
créer de la liquidité sur le marché des OAT
vertes lui-même, avec des encours se rapprochant de ceux des titres classiques. De plus, certains
investisseurs présents sur le marché des OAT Ve
rtes ne seraient pas intéresser par ces titres s’ils devaient
en plus supporter le coût supplémentaire induit par l'option de convertibilité du titre.
Enfin, l’une des
priorités de l’AFT est d’assurer une transparence complète sur ses émissions, et donc sur l’encours des
OAT Vertes. Au contraire, la DFA, dont le fonctionnement est porté par la qualité du crédit allemand,
ne communique pas aussi fréquemment sur les encours flottants des obligations vertes allemandes.
Le modèle retenu par l’AFT a été égalemen
t adopté par la quasi-
totalité des pays de l’Union
Européenne.
Le cadre des OAT vertes est clairement défini dans un document spécifique régulièrement
mis à jour par l’AFT
. En amont de chaque exercice, les différents ministères identifient au sein
de leurs programmes budgétaires les lignes répondant à des objectifs favorables à
l’environnement (atténuation du changement climatique, adaptation aux risques qui y sont liés,
préservation de la biodiversité ou lutte contre la pollution). Celles-ci sont présentées pour avis
à un conseil spécifique, le
Conseil d’évaluation des OAT vertes
, puis soumises à la validation
d’un comité de pilotage interministériel placé sous l’égide du Premier ministre.
Ce processus
permet de définir le montant d’émission possible d’OAT
vertes.
D’un point de vue comptable,
les fonds levés sont traités comme ceux d’une OAT traditionnelle et gérés selon le principe
d’universalité budgétaire.
Chaque année, un rapport
d’allocation et de performance, établi sur
la base du projet de loi de règlement, permet de vérifier l’équivalence nominale entre
les fonds
issus des émissions vertes et les emplois qui lui sont associés. Une seconde opinion, actualisée
chaque année et ém
anant d’un acteur extérieur (Moody’s ESG Solutions) formule une assurance
de niveau raisonnable sur la capacité de l’Etat à affecter le produit de l’OAT au financement de
projets favorables à l’environnement.
En matière d’apport financier,
l’existence d’u
n différentiel de taux, légèrement inférieur
pour les OAT vertes que pour les OAT classiques («
greenium
»), suggère une demande
particulière pour ces actifs. En dehors du point mentionné plus haut sur les ratios de couverture,
l’émission inaugurale de cha
cune des OAT vertes et les abondements subséquents se sont faits
dans des conditions globalement comparables à celles de titres de dette de maturité similaire.
À
l’occasion des abondements, l’AFT a noté ce léger différentiel de taux en faveur des OAT
vertes -
par rapport à ce qu’aurait été le taux théorique, pour une obligation de même maturité
ou de même duration
–
de l’ordre de deux points de base (soit 0,02
%).
De nombreux pays, notamment européens, ont suivi la France dans l'émission
d'obligations vertes souveraines et se sont inspirés du cadre qu'elle avait mis en place. L'Irlande,
la Suède, le Luxembourg, l'Espagne, l'Italie, la Hongrie, la Suisse, la Belgique, la Lituanie ou
encore le Royaume-Uni ont procédé à l'émission de leurs propres titres verts
23
. Les volumes du
marché des obligations souveraines vertes ont donc fortement augmenté depuis 2017.
L’articulation entre cette offre croissante et la demande supplémentaire pour ce type d’actifs
doit être suivie avec précaution pour capter les premiers signaux indiquant la maturité de ce
marché et l’absence de capacité d’absorption complémentaire.
Par exemple, les réabondements
opérés sur l’OAT verte 2044 en février et novembre 2023 ont été réalisés avec un ratio de
23
D’après une audition de
Sean Kidney, président de la
Climate Bond Initiative
(CBI) devant le Sénat, parmi les
grands pays développés, seuls les États-Unis n'envisagent pour le moment pas d'émettre d'obligations vertes.
COUR DES COMPTES
32
couverture compris entre 1,5 et 2, soit peu au-
dessus du seuil retenu par l’AFT comme celui
d’une adjudication réussie
24
.
En revanche, les nouvelles lignes d’OAT vertes continuent d’être
émises à de bonnes conditions, comme en témoigne le succès de la syndication de la nouvelle
OAT verte
25
lancée le 16 janvier 2024. Ainsi, si l
es dialogues fréquents de l’AFT avec les
banques et les investisseurs devraient permettre à l’agence d’anticiper
les difficultés, il convient
de suivre avec une acuité particulière les moindres de signe de fragilité de ce marché.
Pourtant, quantifier la demande supplémentaire effectivement apportée par les OAT
vertes
–
donc des investisseurs étant moins ou non présents pour les OAT classiques - est un
exercice difficile, puisque, par nature, les investisseurs ne communiquent pas ou peu de chiffres
sur les montants qu’ils comptent consacrer à tel ou tel type de produit. L’AFT peut constater,
de façon qualitative, dans ses contacts avec les investisseurs, que certains d’entre eux ont des
contraintes sur le caractère « vert » de leurs investissements. Elle peut aussi mesurer la présence
d’investisseurs spécifiques lors des syndications
26
de titres verts par rapport aux syndications
classiques. Certains approfondissements permettant de mieux appréhender cette mesure
pourraient ainsi être envisagés : enquête spécifique auprès des investisseurs, sollicitations des
institutions financières françaises en anonymisant les résultats, etc.
24
Le ratio cible du PAP étant de 1,5 pour les OAT et 2 pour les BTF.
25
OAT Verte 3% 25 juin 2049.
26
L’AFT utilise deux types d’opérations pour émettre ces titres, les adjudications et les syndications.
DES VOL
UMES D’ÉMISSION TOUJ
OURS CROISSANTS DANS UN CONTEXTE DE REMONTÉE DES TAUX
33
___________________________ RECOMMANDATION ___________________________
La Cour formule la recommandation suivante
(Recommandation nouvelle)
Approfondir l’analyse des titres indexés
et des OAT vertes en
précisant
dans quelle mesure ces titres permettent d’apporter une demande supplémentaire
par
rapport aux OAT classiques (Direction générale du Trésor, Agence France Trésor)
Chapitre II
Une charge de la dette qui continue
d’augmenter
Orem ipsum dolor sit amet, consectetuer adipiscing elit, sed diam nonummy nibh euismod
tincidunt ut laoreet.
I -
Une forte hausse de la charge de la dette du fait de la
remontée des taux
La LFI pour 2023 avait ouvert 50,83 Md
€ de crédits sur le programme 117 destiné à
abonder en recette le compte de commerce 903 au titre de la dette de l’État.
La dépense au titre
de la charge de la dette de moyen et long termes de l’État
aura finalement été de 57,38 Md
€
.
De ce montant peuvent être déduits deux éléments. Le premier rassemble les recettes liées à la
dette de moyen-long terme, de 2 973
M€
; le second relève du surplus dégagé par la trésorerie
(530
M€, cf. infra).
Finalement, la char
ge de la dette de l’État, telle qu’exécutée par l’apport du
programme 117, atteint donc 53,87
M€.
Si l’on inclut la dette SNCF réseau (soit l’ensemble du compte de commerce 903),
le montant à financer par le budget général atteint un total de 54,78
Md€ en exécution.
Les dépenses liées à la dette correspondent à la charge
d’intérêts des titres (
41,47 Md
€
dont 2,72
M€ sur les OAT indexées
et 38,75 Md
€ pour les OAT nominales et les BTF
27
) et à la
charge d’indexation du capital des obligations indexées,
pour 15,80
Md€. Cette dernière
reste
élevée, mais quasiment stable par rapport à 2022 (+0,30
Md€
- cf. encadré).
L’exécution du compte de commerce lié
e à la dette de moyen et long termes se résume
comme suit :
27
Bons du Trésor à taux fixe et à intérêt - titres à court terme, de maturité initiale inférieure ou égale à un an.
COUR DES COMPTES
36
Tableau n° 2 :
dépenses et recettes du compte, hors trésorerie
, M€
Dépenses
Intérêt des
OAT (hors
indexés) et
BTF
Intérêt des
OAT
indexées
Indexation du
capital des
OAT indexées
Frais et
commis-
sions
Intérêt sur
les dettes
reprises par
l’État
Total des
dépenses
2019
34 837
3 141
2 764
18
99
40 859
2020
31 649
3 016
458
32
99
36 254
2021
32 334
2 522
3 022
43
773
38 694
2022
32 549
2 759
15 530
26
906
51 770
2023
38 755
2 719
15 802
20
987
58 283
Recettes
Coupons
courus des
OAT
Produits des
émissions de
BTF*
Intérêts sur
instruments de
couverture
Total
recettes
Equilibrage
nécessaire
2019
1 080
664
19
1 763
39 096
2020
937
956
21
1 914
34 340
2021
639
1 034
4
1 677
37 017
2022
1 100
359
1
1 460
50 310
2023
2 973
-
-
2 973
55 310
NB : Le coupon couru à l’émission est payé par l’acheteur d’une
obligation réabondée et correspond au coupon
relatif à la durée écoulée entre la dernière date de paiement de coupon et l’émission. En effet, si une obligation
de souche ancienne est réabondée en novembre de l’exercice N avec un paiement de coupon en mars
N+1, le
coupon de mars N+1 représentera l’ensemble de la période entre mars N et mars N+1. Or, l’obligation est
réabondée en novembre et l’acheteur touche en mars un coupon non pas sur la période novembre
-mars mais sur
l’ensemble d’une année écoulée (entre
mars N et mars N+1), soit un montant supérieur à ce qu’il devrait
théoriquement toucher étant donnée sa date d’achat du titre. Il doit donc payer, lors de l’achat du titre, le coupon
correspondant à la période mars N
–
novembre N, qui correspond à une forme de trop-perçu lors du versement
du coupon en mars N+1.
*Si les taux sont négatifs.
UNE CHARGE DE LA DET
TE QUI CONTINUE D’AU
GMENTER
37
La provision pour charge d’indexation, une spécificité au regard de la comptabilité budgétaire
Lors de l’arrivée à maturité d’un titre indexé, le montant de capital rembo
ursé est calculé en
multipliant le nominal du titre par un coefficient d’indexation dépendant de l’évolution de l’inflation
sur la période de vie de l’obligation. Une
«
provision pour charge d’indexation
» est enregistrée
annuellement pour évaluer la charge budgétaire potentielle sur la totalité de l’encours de titres
indexés, quand bien même il n’y a pas de décaissement effectif.
De 15,8 Md
€
en 2023, soit 30 % de la charge de la dette, cette provision soulève plusieurs
difficultés.
Tout d
’abord, elle ne se calcule pas de la même façon en comptabilité budgétaire et en
comptabilité générale. D’un côté, la comptabilité budgétaire s’appuie sur l’article 125 de la loi
n°99-1172 du 30 décembre 1999 (LFI 2000) e
t se fonde sur l’inflation observé
e de mai N-1 à mai N
pour le calcul de la provision relative à l’année N
dans le PLF, celle-
ci n’étant pas ajustée par la suite
.
De l’autre côté, la provision passée dans le compte général de l’État en
comptabilité générale est
calculée au terme de l’exercice et prend en compte le mouvement d’inflation sur l’ensemble de
l’année
. Le décalage entre comptabilité budgétaire et générale peut être massif en cas de mouvement
rapide de l’inflation. Ainsi, en 2022, cette provision é
tait de 15,5 Md
€
en comptabilité budgétaire et
de 22 Md
€
en comptabilité générale. En 2023, elle est de 15,8 Md
€
en comptabilité budgétaire et de
8,5 Md
€
en comptabilité générale.
Ces derniers chiffres montrent ensuite les à-coups auxquels est soumise cette provision. Ces
variations fortes, liées aux modalités de calcul de la provision et au poids de l’encours sur lequel elle
porte (271 Md
€
d’encours de titres indexés à fin 2023), rendent difficile l’interprétation de la charge
de la dette et en réduisent sa lisibilité.
Enfin, cette provision est la seule écriture du budget de l’État qui fait exception au principe de
base de la comptabilité budgétaire selon lequel les dépenses sont rattachées à l’exercice de leur
décaissement. En étant inscrite comme une dépense non décaissée, elle pèse sur le niveau total des
dépenses et donc sur le déficit, mais à l'inverse doit être déduite du besoin de financement puisqu’elle
n’est pas décaissée.
La trésorerie permet en 2023 de dégager un surplus de 530
M€ (cf. infra),
venant minorer
le nécessaire équilibrage de 55,31 Md
€ relevant de la dette de moyen et long termes.
In fine
, la
charge de la dette, incluant
l’État
et la SNCF, atteint donc 54,78 Md
€
, dont 53,87 Md
€ pour ce
qui relève de l’
État, au sens du programme 117.
Cette progression de 4,9
Md€
par rapport à 2022 peut se décomposer analytiquement en
trois effets.
Le premier est l’augmentation du volume de dette, représentant
1,7
Md€ de charge
d’intérêt supplémentaire
(on peut parler d’un «
effet volume »).
Le secon
d est la hausse des taux d’intérêts
(ou « effet prix »). Cet effet est cette année de
+3,3
Md€ et résulte de la combinaison de deux éléments
:
d’une part, l’impact défavorable sur
la charge de la dette de la hausse des taux d’émissions sur les BTF
(+4,6 Md
€ sur la charge de
la dette)
et d’autre part, l’impact favorable du remplacement des titres amortis émis il y a
plusieurs années par des taux de coupons qui, malgré la remontée des taux observée récemment,
restent néanmoins en-
deçà des taux d’origine
(-1,3
Md€)
.
Le troisième est l’effet de l’inflation
, quasiment nul en 2023. En effet, la charge
d’indexation du capital des OAT indexées est restée quasiment stable entre 2022 et 2023, du
fait du maintien de l’inflation à un niveau élevé mais relativement stab
le. La charge
COUR DES COMPTES
38
d’indexation reste donc une composante importante de la charge de la dette mais ne participe
pas à l’augmentation de cette dernière sur l’exercice.
Graphique n° 11 :
e
ffets conjugués du volume, des taux et de l’inflation sur la variation
de la charge de la dette, Md
€
Source : AFT
II -
Des opérations de trésorerie excédentaires
La gestion de la trésorerie a permis de dégager un surplus de 530 M
€
en 2023, alors que
la dernière décennie avait été marquée, du fait de l’environnement de taux négatifs, par une
contribution négative de la trésorerie au financement de l’État.
Graphique n° 12 :
solde des opérations de trésorerie
Source : AFT, Cour des comptes
-10
-5
0
5
10
15
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Effet volume
Effet inflation
Effet taux
-2 000
-1 000
-
1 000
2 000
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Charges totales des opérations de trésorerie
Produits des opérations de trésorerie
Solde
UNE CHARGE DE LA DET
TE QUI CONTINUE D’
AUGMENTER
39
Tableau n° 3 :
dépense
s et recettes de trésorerie, M€
Dépenses
Intérêt des
comptes des
dépôts des CT
Intérêt des
opérations
inter-bancaires
Intérêts du
compte
courant du
Trésor à la
Banque de
France
Rémunération des
fonds non
consommables
versés par l’État
Charges totales
des opérations de
trésorerie
2019
177
37
194
752
-1 160
2020
183
38
485
754
- 1 460
2021
163
31
536
751
-1 481
2022
180
20
472
752
-1 424
2023
531
10
-
752
-1 292
Recettes
Gestion de la
trésorerie
Recettes
diverses
Produits totaux des
opérations de
trésorerie
2019
-
-
-
2020
-
-
-
2021
-
2
2
2022
197
-
197
2023
1 822
-
1 822
Source : AFT
A -
Une amélioration due à la remontée des taux
J
usqu’en 2021, les taux négatifs conduisaient à « rémunérer négativement » les dépôts de
l’État placés à la Banque
de France, c’est
-à-
dire que l’État payait pour placer ses liquidés.
En
2022, la remontée des taux et leur passage dans une zone positive avait eu deux conséquences
en termes de trésorerie. D’abord, ce n’est plus l’État qui payait la Banque de France pour
le
placement de sa trésorerie. Au contraire, l’État est rémunéré désormais positivement par la
Banque de France (voir encadré sur les évolutions de cette rémunération). Ces intérêts, après
avoir coûté 536 M
€
à l’État en 2021 puis 293
M
€
en 2022
28
,
ont
permis de dégager une recette
de 821 M
€
en 2023.
28
472 M€ de dépenses pour l’État du fait des taux négatifs puis une recette de 179 M€ du fait du passage en taux
positifs.
COUR DES COMPTES
40
Les évolutions de rémunération du compte du Trésor à la Banque de France
: d’une
charge à une recette de trésorerie pour l’État
Les règles de rémunération du compte du Trésor à la Banque de France en vigueur, fixées par la
Banque centrale européenne, prévoient qu’au
-
delà d’un seuil, le solde soit rémunéré à 0
%
29
. Cependant,
dans le cadre de la normalisation de sa politique monétaire à l’automne 2022, la BCE avait décidé de
supprimer temporairement, jusqu’au 3
0 avril 2023, ce plafond de 0 %
30
. Ainsi, entre ces deux dates, les
montants déposés avaient été rémunérés au taux le plus bas entre l’€
STR
31
et le taux de facilité de dépôt
de la BCE. À compter du 1er mai 2023
32
et là encore temporairement, un plafond de rémunération égal
au taux €STR minoré de 20 points de base a été introduit. Cette décision permet, dans un contexte de
taux monétaires positifs, un taux positif mais contenu de rémunération. La convention passé entre la
Banque de France et l’AFT pour la tenue
du compte du Trésor se cale sur ces différentes évolutions.
La seconde conséquence de la remontée des taux à des niveaux positifs tient aux
modalités de
pilotage de la trésorerie par l’AFT
. Celle-ci
s’appuie
en effet sur des prévisions
quotidiennes, qui
permettent d’évaluer les montants nécessaires au financement des opérations
à venir. Ainsi, les excédents temporaires de trésorerie peuvent être placés sur le marché
interbancaire, sous deux formes principales que sont les dépôts dits « en blanc » (sans garantie)
ou les opérations de pensions livrées. Ces dernières sont des
prises en pension de titres d’État
qui sont des prêts
de l’AFT
garantis par les titres (dits « de collatéral »)
qu’elle reçoit de la
banque emprunteuse de liquidités.
Dans l’intérêt financier de l’État, ces placements actifs ne
sont effectués que si leur rémunération est supérieure à celle proposée par le compte du Trésor
à la Banque de France, ce qui a été le cas à partir de l’introduction, au 1
er
mai 2023, d’un plafond
de rémunération pour ce compte (
€
STR minoré de 20 points de base - cf. encadré), cette
situation s’étant poursuivie ensuite jusqu’en fin d’exercice.
Ainsi, en plus de la rémunération positive par la Banque de France des liquidités sur le
compte du Trésor, la remontée des taux a élargi les opportunités de placement de la trésorerie
sur le marché des prêts interbancaires. Après avoir représenté un coût de 31 M
€
en 2021, puis
de 2,8 M
€
en 2022
33
, ces opérations ont pris un essor notable en 2023. Alors que l’encours
moyen quotid
ien de placement via les deux types d’opération (prêts en blanc ou avec collatéral)
atteignait 6,7 Md
€
en 2022, il a fortement augmenté en 2023 pour atteindre près de 28 Md
€
.
La
rémunération de ces opérations, d’un peu plus de 3,5
% sur l’année, permet de
dégager près
de 980 M
€
de recettes.
29
Si les taux sont négatifs, la rémunération sera au taux le plus faible entre le taux €STR (indice de marché
interbancaire) et le taux de la facilité de dépôt.
30
Décision du Conseil des gouverneurs de la BCE du 8 septembre 2022.
31
« Euro short term rate
» : taux à court terme en eu
ros qui reflète les coûts d’emprunt au jour le jour non garantis
pour les banques de la zone euro
–
taux interbancaire de référence.
32
Décision d 7 février 2023 de la BCE, applicable à partir du 1
er
mai.
33
Les intérêts des prêts interbancaires dus aux taux négatifs
ont généré une dépense de 20 M€ mais
le passage
ensuite en taux positifs a permis
d’atteindre près de 18 M€ de recettes sur l’année
.
UNE CHARGE DE LA DET
TE QUI CONTINUE D’AU
GMENTER
41
B -
Hors PIA, des dépenses liées à la rémunération des dépôts des
correspondants du Trésor
L
es charges relevant de la trésorerie de l’
État regroupent les rémunérations des fonds
non consommables destinés au financement des
investissements d’avenir
(PIA), les
rémunérations des dépôts des correspondants du Trésor, c’est
-à-
dire d’institutions qui déposent
tout ou partie de leurs fonds auprès du Trésor.
La part la plus importante des dépenses relève des dépôts des correspondants effectués
dans le cadre des PIA, qui conservent des conditions de rémunérations plutôt favorables (4 %
pour le Plan Campus de 2008, 3,4 % et 2,5 % pour les PIA 1 et 2). De nombreuses conventions
entre l’État et les opérateurs des PIA devaient arriver à
échéance en 2020, pour un total de
22
Md€. Elles ont été reconduites dans les mêmes conditions de taux alors que les taux de
marché avaient significativement baissé depuis, ce que la Cour a critiqué dans les NEB
récentes
34
ainsi que dans son rapport de 2021 sur les PIA
35
. La rémunération de ces fonds non
consommables versée par l’État représente le principal poste de dépense de la trésorerie depuis
2017, stable à hauteur
d’environ 750
M€ par an
.
En dehors de l’exception des PIA, le décret du 7 novembre 2012 r
elatif à la gestion
budgétaire et comptable publique (GBCP) pose comme principe général l’absence de
rémunération des fonds déposés au Trésor. Pour autant, les déposants obligatoires (collectivités
locales et établissements publics), sur autorisation express ou de droit, et les déposants
facultatifs peuvent placer leurs liquidités sur un ou plusieurs comptes à terme (CAT) ou un
compte de placement rémunéré (CPR). La rémunération de ces comptes est fixée par l’arrêté
du 24 janvier 2013
36
; elle est établie en référence aux taux courts (avec un plancher à 0 % qui
s’appliquait dans le contexte des taux d’intérêts négatifs
).
Sur le total de 164,85 Md
€
déposés par les différentes catégories de correspondants du
Trésor, et hors PIA, 17,68 Md
€
sont rémunérées.
Tableau n° 4 :
encours des comptes des déposants, Md
€
En Md
€
Encours au
31/12/23
Dont
rémunérés
Collectivités et établissements
publics locaux dont
75,65
2,45
Régions
1,77
Départements
8,97
Communes
31,02
EPCI
19,39
34
NEB 2019 ou 2020.
35
Publication
« Le programme d’investissement d’avenir : un acqu
is à consolider, un rôle spécifique à mieux
définir »
octobre 2021.
36
Arrêté du 24 janvier 2013 portant application des articles 43 à 47, 134, 138, 141, 142, 143, 195 et 197 du décret
n°2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaires et comptable publique et encadrant les comptes
de disponibilité et les dépôts de fonds au Trésor.
COUR DES COMPTES
42
En Md
€
Encours au
31/12/23
Dont
rémunérés
Autres EP locaux
14,50
Hôpitaux
8,36
Etablissements publics nationaux
48,57
0,00
Banques centrales africaines
7,42
7,42
Union européenne
3,65
Autres
21,20
7,79
TOTAL
164,85
17,68
Investissements d’avenir
37,32
21,99
Source : AFT, DGFiP
En 2023, les intérêts payés par l’État aux
déposants (hors PIA) ont atteint un total de
497,6
M€, soit une hausse de
318
M€
par rapport à 2022.
Tableau n° 5 :
intérêts payés pour les comptes des déposants, hors PIA, M
€
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Bpifrance
42,6
90,7
91,9
113,9
131,1
196,7
Banques centrales
africaines
54,8
62,6
68,8
38,2
43,1
269,6
Compte de dépôt de
l’IEOM
29,8
23
22
11
0
0
Autres
0,3
0,3
0,3
0,3
5,2
31,4
Total
127,5
176,6
183,0
163,4
179,5
497,6
Source : AFT
NB : le compte de dépôts IEOM n'est plus rémunéré depuis le 1er janvier 2021 (la rémunération versée en 2021 correspond
aux intérêts courus en 2020)
Les conditions de rémunération applicables à ces dépôts n’ont pas été modifiées en 2023
et diffèrent selon les déposants.
L’augmentation des taux directeurs de la BCE en 2023
(+200 po
ints de base), et dans leur sillage des taux des BTF, explique l’augmentation des
rémunérations.
Pour les dépôts des banques centrales africaines, qui ont généré 269,6
M€ d’intérêts à
payer par l’État en 2023
, des conventions de compte sont passées avec chacune, dans le cadre
d’accords de coopération entre la France et les États de ces unions monétaires.
Pour la Banque
Centrale des Comores (BCC) le taux en vigueur est le taux de facilité de prêt marginal de la
BCE, avec un plancher à 2,5 %.
Pour la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC)
, les
taux en vigueur sont
le taux de facilité de prêt marginal de la BCE sur le solde créditeur jusqu’à
la moitié des avoirs extérieurs totaux, avec un plancher en toute hypothèse à 0,75 %, et le taux
de refinancement de la BCE sur le solde créditeur allant au-delà de la moitié des avoirs
extérieurs.
UNE CHARGE DE LA DET
TE QUI CONTINUE D’AU
GMENTER
43
Bpifrance dispose de comptes spécifiques, dédiés au placement de fonds de garantie
(dotés sur fonds publics). Ils sont encadrés par une convention relative à la gestion globale de
ces comptes et font l’objet, chacun, d’une décision ministre et d’une convention de compte
.
L’évolution de la ligne «
Autres
» résulte principalement de l’accroissement du taux de
rémunération des dé
pôts de l’Unédic. Ses dépôts sont répartis entre un compte à vue, dont la
rémunération est définie dans une décision du ministre de 2023, qui fixe celle-ci par rapport au
dernier taux BTF à 3 mois diminué de 0,05 %, et une enveloppe déposée pour un horizon
d’une
année, dont la rémunération a été fixée par une autre décision par rapport au taux BTF 12 mois
(connu à date) diminué de 0,05 %.
•
Chapitre III
La conformité aux principes et règles du droit
budgétaire
variation nette, appréciée en fin d’année, de la dette négociable de l’État d’une durée
supérieure à un an
». Pour l’exe
rcice 2023, le «
plafond de la variation nette, appréciée en fin
d’année et en valeur nominale, de la dette négociable de l’État d’une durée supérieure à un an
est fixé à 125,5
milliards d’euros
» (article 131 de la LFI 2023). Il a été respecté en 2023
pui
squ’il correspond à la différence entre les émissions nettes (270
Md€) et l’amortissement de
la dette de moyen et long termes en valeur nominale hors supplément d’indexation (144,5
Md€).
La loi de finances pour 2023 autorise, en son article 97 (« état E »), un découvert en cours
d’année de
chaque section du compte de commerce. Les découverts maximaux autorisés en loi
de finances de chacune des deux sections ont été stables par rapport à 2022, à 17,5
Md€, pour
la section 1 et à 1,7
Md€ pour la section
2.
Au
cours de l’exercice,
le découvert de la première section du compte a atteint ses points
les plus hauts lors de la dernière décade d’avril (9
166
M€), lors de la dernière décade de mai
(10 648
M€), lors de la dernière décade de juillet (13
861
M€) et lors
de la dernière décade
d’octobre (8
267
M€).
Le découvert maximal autorisé en loi de finances (17,5
M€) a été
respecté.
S’agissant de la seconde section, le solde entre les recettes et les dépenses n’a jamais été
déficitaire en 2023, des opérations budgéta
ires minimes ayant eu lieu malgré l’extinction des
swaps. Malgré la mise en extinction, le PLF pour 2023 précisait que « le plafond de cette section
doit rester calibré dans l’hypothèse d’une reprise de cette politique
.
Il convient d’inscrire un
plafond de 1,7
Md€ pour 2023, identique à celui des années précédentes.
».
Les deux niveaux de découvert ont été respectés.
COUR DES COMPTES
46
_____________________________CONCLUSION _________________________________
L’année 2023 a été marquée par un besoin de financement encore en hausse, ajusté en
cours d’exercice à cause d’un déficit budgétaire plus élevé qu’attendu. Pour faire face à ce
besoin, l’Agence France Trésor a mobilisé l’ensemble des leviers possibles. Non
seulement le
montant des émissions de moyen et long termes a augmenté, de 10 Md
€
par rapport à 2022 (et
donc de 70 Md
€
par rapport à 2019) mais les disponibilité du compte du Trésor ont également
été fortement mobilisées. Les émissions de court terme, qui avaient servi de variable
d’ajustement
lors de la crise sanitaire, ont été largement utilisées en 2023, en dehors de toute
notion d’urgence. Or, cette pratique a largement contribué à l’augmentation de la charge de
la dette puisque ce sont les taux courts
qui ont le plus augmenté sur l’exercice.
L’AFT a pour stratégie de suivre la demande des investisseurs pour émettre
la dette de
l’État
au meilleur prix et au moindre risque. Pour autant, cette stratégie et la liquidité
nécessaire des titres de dette ont un impact budgétaire immédiat, à savoir celui des décotes
nettes enregistrées sur l’exercice. De même, l’émission de titres indexées
- qui relève également
de la stratégie de l’agence
- présente, en cumulé depuis 2001, un coût budgétaire de près de
10 Md
€
, coût qui ne repose il est vrai que sur la seule année 2023 puisque ce bilan faisait
encore apparaître un gain sur vingt ans à la fin de l’année 2022
. Dans ce contexte, il appartient
à l’
AFT
de justifier l’intérêt de ces titres par d’autres éléments
, comme
l’apport d’une
demande
supplémentaire par rapport aux titres classiques, peu documenté pour le moment.
COUR DES COMPTES
48
Annexe n° 1 :
suivi des recommandations
N°
Recommandation
formulée au sein de
la note d’exécution
budgétaire 2022
Réponse de l’administration
Analyse de la Cour
Appréciation par
la Cour du degré
de mise en
œuvre*
1
Dans le contexte de
reprise de l’inflation,
actualiser
rapidement les
conditions et limites
des émissions de
titres indexés (
AFT
)
« Les modèles ont été réactualisés en
2023 afin de tenir compte des récentes
évolutions du contexte économique. […].
Les simulations du portefeuille ont été
réalisées sur un grand nombre de
scénarii macro-économiques et
financiers, combinés à une multitude de
stratégies d’endettement comprenant
différentes parts d’encours de dette
indexée. Les simulations, sur données
actuelles et rétrospectives (de 2008 à
2023) suggèrent une part optimale de
titres indexés comprise entre 10% et
20%, et de 17 % en moyenne. »
Les hypothèses de la
note et du modèle qui
la sous-tend ont été
actualisées et
présentées dans les
documents
budgétaires.
Mise en œuvre
Recommandation
levée
.