FINANCES ET COMPTES
ANALYSE DE L’EXÉCUTI
ON
BUDGÉTAIRE 2023
Compte de commerce « Couverture des
risques financiers de l’État »
Avril 2024
•
Sommaire
SYNTHÈSE
............................................................................................................................................................
5
RÉCAPITULATIF DES RECOMMANDATIONS
............................................................................................
7
INTRODUCTION
..................................................................................................................................................
9
CHAPITRE I ANALYSE
DE L’EXÉCUTION BUDGÉ
TAIRE
....................................................
11
I - DES PRÉVISIONS INDICATIVES, UN SOLDE NUL EN EXÉCUTION
...............................................
11
II - UN GAIN DE CHANGE EN EXÉCUTION GRÂCE AUX OPÉRATIONS DE COUVERTURE
........
12
III - LA CONFORMITÉ AUX PRINCIPES ET RÈGLES DE DROIT BUDGÉTAIRE
..............................
13
CHAPITRE II DES AMÉLIORATIONS RÉCENTES POUR RÉPONDRE AUX
LIMITES DU COMPTE
......................................................................................................................
15
I - UNE COUVERTURE DES RISQUES DIVERSEMENT UTILISÉE PAR LE PASSÉ
...........................
15
II - UN USAGE PLUS PRUDENT DE LA COUVERTURE DES RISQUES
................................................
17
ANNEXES
............................................................................................................................................................
19
•
Synthèse
Institué par l’article
54 de la loi de finances pour 2006, le compte de commerce
910
–
Couverture des risques financiers de l’État
retrace les opérations destinées à protéger les
dépenses du budget général de l’appréciation des devises et de la hausse des prix des produits
pétroliers. Effectuées au moyen de deux instruments financiers dérivés, les achats à terme de
devises et les échanges de prix d’achat à terme dits
swaps
sur produits pétroliers, ces opérations
figent le montant en euros des contributions libellées en devises que la France doit verser à
différentes
institutions internationales et des produits pétroliers qu’elle doit acheter.
L
’objectif
du dispositif est de sécuriser l’exécution budgétaire, dans la mesure du possible, au niveau des
montants inscrits en loi de finances.
Ce compte de commerce n’est pas
doté de crédits : ses dépenses sont intégralement
compensées par les recettes perçues des programmes budgétaires bénéficiant des opérations de
couverture. Le compte est donc systématiquement à l’équilibre. Il ne fait l’objet que d’une
autorisation de découvert, qui correspond au cumul des sommes à verser au titre des différents
contrats de couverture, dont le montant a été fixé en loi de finances initiale à 966,0
M€ en 2023
et à 634,0
M€ en loi de finances initiale
pour 2024.
Une exécution 2023 permettant de dégager des gains de change du fait de la
remontée des taux
Le montant des recettes et des dépenses du compte a été évalué en projet de loi de finances
(PLF) pour 2023 à 1,908 Md
€. Le montant total
des opérations de couverture en 2023 a
finalement atteint 2,19
Md€ (contre 1,
71
Md€
en 2022).
L’écart entre la
valeur en euro des devises reçues et le montant des versements en
provenance des programmes ou comptes bénéficiaires de la couverture de leurs risques de
change a généré un gain de 58,94
M€.
Les opérations de couverture des risques liés à
l’approvisionnement en produits pétroliers enregistrent quant à elles une recette nette de
7,67
M€.
Au total, le compte enregistre un gain de change de 66,61
M€, qui
est répercuté dans les
reversements du compte aux programmes du budget général avant que le compte soit soldé à
l’équilibre.
Des progrès notables dans la couverture des risques de change
À la suite des pertes de change constatées en 2015 et en réponse aux recommandations
des précédentes notes d’analyse de l’exécution budgétaire de la Cour et d’un rapport conjoint
de l’inspection générale des finances (IGF) et de l’inspection générale des affaires étrangères
(IGAE) d’août 2016 sur la couverture des risques
de change, les responsables des programmes
concernés, la direction du budget, la direction générale du Trésor et l’Agence France Trésor
COUR DES COMPTES
6
(AFT) ont progressivement amélioré leur coordination en matière de politique de couverture du
risque de change.
Trois ministères sont particulièrement concernés
: le ministère de l’économie, des
finances et de la souveraineté industrielle et numérique (MEFSIN)
, le ministère de l’Europe et
des affaires étrangères (MEAE) et le ministère des armées.
Pour couvrir les risques financiers associés aux opérations libellées en devises
(contributions pluriannuelles à des fonds multilatéraux pour le MEFSIN, contributions
internationales à des opérations de maintien de la paix ou CIOMP pour le MEAE), le
responsable de programme est chargé
de prendre l’initiative de la couverture, d’en fixer la date
et les modalités techniques. Les rôles respectifs du MEAE,
de l’AFT et des SCBCM des
ministères des finances et des affaires étrangères ont été clarifiés dans la convention du
5 juillet 2006 révisée le 12 avril 2018 puis le 5 avril 2023, au terme de laquelle les ministères
peuven
t bénéficier de l’appui technique de l’AFT.
Un retour à une couverture plus prudente des risques financiers
Au titre de
l’exécution 2022,
les opérations libellées en devises étrangères du MEAE
n’
avaient presque pas été couvertes.
Cette situation a donné lieu à une communication du Procureur général près la Cour des
comptes
à la direction des affaires financières du MEAE ainsi qu’à la directi
on du budget et à
la direction générale du Trésor, appelant leur
attention sur l’absence de couverture du risque de
change sur les versements en devises étrangères opérés au cours de l’exercice par le MEAE au
titre des CIOMP et sur le préjudice qui en est
résulté pour l’État
.
L’exercice 2023 a été plus prudent. Le MEAE, contrairement à l’année précédente et
suivant en cela la recommandation de la Cour, a procédé dans les temps à la couverture de
l’essentiel de ses engagements vis
-à-vis des organisations internationales restant à verser durant
l’exercice.
ll a choisi, pour l’exécution 2023, de couvrir par anticipation 90
% du montant des
contributions envisagées par le projet de loi de finances pour 2023, au printemps 2022, en amont
de la détermination du taux de budgétisation établi par la direction générale du Trésor,
rejoignant ainsi les pratiques du MEFSIN.
Récapitulatif des recommandations
La Cour ne formule pas de recommandation
Introduction
Le compte de commerce 910
–
Couverture des risques financiers de l’État
, créé par
l’article
54 de la loi de finances pour 2006, retrace les flux financiers liés aux opérations de
couverture de deux catégories de risques financiers (risque de change et risque d’appréciation
du prix du pétrole), à l’exception des opérations liées à la gestion de la dette négociable et non
négociable et de la trésorerie d
e l’État, qui, en application de l’article
22 de la loi organique
relative aux lois de finances (Lolf)
, relèvent d’un compte distinct.
Ces opérations de couverture des risques de change et de prix ont pour objectif de
sécuriser l’exécution budgétaire en figeant les montants en euros des contributions
que la
France verse à des
institutions internationales et des produits pétroliers qu’elle ach
ète.
Ce compte de commerce ne retrace que la partie des opérations de couverture de change
et de prix pétroliers exécutée par l’Agence France Trésor (AFT). D’autr
es activités de
couverture de risques monétaires sont exécutées pour le compte de l’État par Natixis et
Bpifrance Assurance Export et sont retracées comme telles dans le compte général de l’État
1
ou dans le compte de commerce 915
–
Soutien financier au commerce extérieur
2
.
L’AFT recourt à deux types d’instruments financiers
: les contrats d’achats de devises à
terme et les contrats d’échange de prix à terme dits
swaps
de produits pétroliers.
Les instruments financiers de couverture des risques
Pour les dépenses en devises, les contrats de change à terme consistent à fixer, au moment de
la négociation du contrat, les montants en devises et en euros qui seront échangés à échéance (la
banque apporte les devises, l’État apporte les euros). Ces contrats sont négociés par l’AFT sur
instruction du ministère ordonnateur. Plusieurs banques sont sollicitées, la mieux-disant est retenue.
Pour les achats de produits pétroliers, des contrats d’échange à terme dits
swaps
sur prix de
produits pétroliers prévoient le versement, une fois par mois, du différentiel entre la moyenne des prix
de marché observés depuis un mois et du prix convenu au contrat d’échange ou
swap
. La banque paie
le prix de marché, l’État paie le prix fixé au contrat. Le différentiel est versé par la
contrepartie dont
le prix est le plus élevé. Les opérations de couverture des approvisionnements en produits pétroliers
sont réalisées par l’AFT au profit du service des essences des armé
es (SEA).
1
Le compte général de l’État pour 2022 donne
des informations utiles sur ces couvertures de change, cf. note
22.2.1.4 Garantie au titre de la procédure de stabilisation de taux d’intérêt des crédits à l’exportation, que Natixis
gère conformément à l’articl
e 41 de la loi de finances rectificative pour 1997 (engagement de stabilisation et
contrats de couverture associés)
–
abrogé en 2023
–
et la note 22.4.3.2 Instruments financiers à terme négociés par
Bpifrance Assurance Export, pour la garantie de change accordée aux exportateurs.
2
La section 2du 32.1.1. retrace les opérations couvrant le risque de change constituant un risque monétaire, dans
le cadre des garanti
es publiques pour le commerce extérieur accordées pour des opérations d’assurance des risques
monétaires, au sens du a du 1° de l’article
L. 432-2 du code des assurances.
COUR DES COMPTES
10
Il appartient aux responsables des programmes budgétaires ministériels de définir la
stratégie de couverture des opérations libellées en devises et d’en arrêter les modalités (date,
désignation de la devise, fixation du montant et des échéances).
D’un exercice à l’autre, les principaux ministères concernés par ce
dispositif sont :
-
le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE)
, notamment au titre des
contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix
(CIOMP) financées sur les programmes 105
–
Action de la France en Europe et dans le monde
et 209
–
Solidarités à l’égard des pays en développement.
Ce
dernier programme n’a
pas fait
l’objet de couverture pour l’exercice budgétaire 202
3
3
;
-
le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et
numérique
(MEFSIN)
au titre des contributions aux institutions multilatérales de développement
financées par le programme 110
–
Aide économique et financière au développement
et au
titre des prises de participations dans les banques de développement, via le compte
d’affectation spéciale
Participations financières de l’État
(CAS PFE) ;
-
le
ministère
des
armées
au
titre
des
opérations
du
compte
de
commerce
901
–
Approvisionnement des armées en produits pétroliers
.
Les opérations non couvertes réalisées par l’AFT sont retracées dans le compte
d’opérations monétaires 953
–
Pertes et bénéfices de change
.
Compte de commerce 910 «
Couverture des risques financiers de l’État
»
Graphique n° 1 :
recettes = Dépenses
–
exécution 2023
(en M€)
Source : Agence France Trésor
L’intégralité des dépenses
est enregistrée en dépenses de fonctionnement relevant du titre
3
Le programme 209 est absent des rapports annuels de performance des exercices 2019 à 2022 car il
n’a pas fait
l’objet d’opérations de couverture pour ces exercices.
1 413,5
1 517,7
2 368,8
1 715,4
2 190,1
0
500
1000
1500
2000
2500
2019
2020
2021
2022
2023
Chapitre I
Analyse de
l’exécution budgétaire
I -
Des prévisions indicatives, un solde nul en exécution
Conformément à l’article
22 de la Lolf
, le compte de commerce ne fait l’objet, en loi de
finances initiale, que d’une autorisation de découvert. Ce compte n’a pas d’existence
autonome
: il isole par un jeu d’écritures les gains
et pertes nets réalisés sur les opérations de
couverture qui se retrouvent dans les programmes budgétaires concernés. À
l’équilibre par
construction, son solde est toujours nul en fin de gestion.
Les évaluations de recettes et les prévisions de dépenses
ont un caractère purement
indicatif. Elles concernent les principaux contrats de devises à terme engagés au moment du
projet de loi de finances (PLF).
Ces contrats portent sur un total de 954,0
M€ à l’été 2022 (estimées à 39
M€
par le PLF
pour 2024) qui se répartit comme suit :
-
479,0
M€ au titre du programme
105 pour les CIOMP ;
-
474,0
M€ au titre du programme 110, dont 436
,0
M€ pour la contribution à l’association
internationale de développement (AID), 28,0
M€ pour la contribution au fonds
international de développement agricole (FIDA) et 10,0
M€ pour le fonds asiatique de
développement (FAsD).
Le montant des
swaps
sur les produits pétroliers est considéré comme nul en prévision,
car il repose sur un différentiel entre le prix convenu et le prix effectif à terme qui ne peut être
anticipé. Le montant notionnel d’achat de 12
,0
M€ prévu par le PLF pour 2023
correspond au
montant des contrats de couverture des achats de produit pétroliers pour l’année 2023 déjà
négociés et sert à déterminer le montant maximal du découvert autorisé.
Le montant évalué en recettes et en dépenses du CAS PFE (100,09
M€ pour 2023) n’est
pas non plus intégré aux prévisions.
COUR DES COMPTES
12
Tableau n° 1 :
solde du compte de commerce 910 en 2023
Montants en M€
Exécution 2022
LFI 2023
Exécution 2023
Recettes
1 715,40
1 908,00
2 190,1
Versements en provenance des programmes ou comptes bénéficiaires,
au titre de l'acquisition des instruments de couverture des risques
788,29
954,00
1 061,75
Flux financiers reçus des contreparties financières
927,12
954,00
1 128,39
Dépenses
1 715,40
1 908,00
2 190,11
Versements aux contreparties financières, pour l'acquisition des
instruments de couverture des risques
788,29
954,00
1 061,75
Autres charges et versements
927,12
954,00
1 128,36
Solde
0
0
0
Source : Agence France Trésor
II -
Un gain de change en exécution grâce aux opérations de
couverture
L’exécution des opérations de change se réalise en deux phases
:
-
les sommes en euros convenues au taux fixé à la souscription du contrat à terme et
provenant des programmes budgétaires bénéficiant de la couverture sont inscrites en
recettes (1) et leur versement à la contrepartie bancaire est inscrit, une fois effectué, en
dépenses (2) ;
-
lors du dénouement du contrat, les devises reçues de la contrepartie bancaire converties en
euros au taux de change du jour sont inscrites en recettes (3) et les montants correspondants
versés au programme budgétaire bénéficiant de la couverture sont inscrits en dépenses (4).
Tableau n° 2 :
exécution du compte de commerce
Couverture des risques financiers de
l’État
au 31
décembre 2023 (M€)
Recettes constatées
Dépenses constatées
1)
Réception des montants issus des programmes et comptes
bénéficiaires des instruments de couverture des risques
2) Versement de ces montants aux contreparties financières
pour l’acquisition des instruments de couverture des risques
- depuis le programme 110
–
Aide économique et
financière au développement
474,93
-
au titre de l’aide économique et financière au
développement
474,93
- depuis le programme 105
–
Action de la France
en Europe et dans le monde
479,05
-
au titre de l’action de la France en Europe et dans
le monde
479,05
-
depuis
le
compte
de
commerce
901
–
Approvisionnement des armées en produits
pétroliers
6,93
- au titre des approvisionnements en produits
pétroliers
6,93
- depuis le CAS PFE
100,84
- au titre du CAS PFE
100,84
Total 1)
1 061,75
Total 2)
1 061,75
3)
Réception des flux financiers de la part des contreparties
financières
4) Autres charges et versements
(reversement dans les programmes)
-
au titre de l’aide économique et financière au
développement
526,37
-
pour
l’aide
économique
et
financière
au
développement
526,37
ANALYSE DE L’EXÉCUTI
ON BUDGÉTAIRE
13
-
au titre de l’action de la France en Europe et dans
le monde
487,33 - pour
l’action de la France en Europe
487,33
- au titre des approvisionnements des armées en
produits pétroliers
14,60
- pour les approvisionnements des armées en
produits pétroliers
14,60
- au titre du CAS PFE (programme 731)
100,06
- pour le CAS PFE (programme 731)
100,06
Total 3)
1 128,36
Total 4)
1 128,36
Total recettes 1) + 3)
2 190,11
Total dépenses 2) + 4)
2 190,11
Source : Agence France Trésor
Note de lecture : «
l’État apporte les euros
» : 474,93
M€ prévus aux taux fixés par les contrats à terme sont prélevés du programme
110 pour être inscrits en recettes (1) et versés à l’établissement bancaire le mieux
-disant (2). Inversement « la banque apporte les
devises » : 526,37
M€ résultant de la conversi
on de devises au taux du jour du dénouement du contrat sont inscrits en recettes
pour solde du compte de la banque (3), et en dépenses pour être reportés dans le programme 110 (4).
L’écart de 10
8
M€ entre la prévision des opérations de change
à terme (954,0
M€)
du
PLF et les sommes effectivement couvertes pour ces opérations (1 061,75
M€) est
principalement dû aux contrats à terme demandés et négociés après la loi de finances initiale
(+101,0
M€ sur le programme 731
du CAS PFE).
Ce dispositif a permis de dégager un gain de 66,61
M€ entre les sommes couvertes
(1 061,75
M€) et l’exécution finale au dénouement des contrats de couverture (
1 128,36
M€
obtenus à terme)
et démontre l’efficacité du mécanisme. Ce gain a été répercuté sur les
programmes et comptes bé
néficiaires des couvertures pour être utilisé à d’autres fins.
Le gain de change se décompose comme suit : 51,41
M€
de gain de couverture sur le
programme 110, 8,28
M€
de gain sur le programme 105, une légère perte sur le CAS PFE
(- 0,7
M€)
et une recette nette de 7,67
M€ issue des opérations
de couverture sur les produits
pétroliers au bénéfice du compte de commerce
Approvisionnement des armées en produits
pétroliers
.
III -
La conformité aux principes et règles de droit budgétaire
La régularité des opérations réalisées à partir du compte de commerce s’apprécie au
regard de
l’article
22 de la Lolf, qui attribue un caractère limitatif au découvert autorisé en loi
de finances
–
il s’agit de la principale contrainte pesant sur le compte en exécution, ses recettes
et ses dépenses n’ayant en revanche pas le caractère de crédits et n’ayant donc pas à être
autorisées. En cas de dépassement de l’autorisation de découvert par le solde déficitaire (cumul
annuel des dépenses nettes des recettes), le ministre chargé des finances en informe les
commissions d
e l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances.
Le montant de l’autorisation de découvert (966
,0
M€ en 202
3) correspond, par
convention, à la somme des contrats de change à terme prévus au moment de la rédaction du
PLF pour les contributions (954,0
M€) et
à
l’approvisionnement de produits pétroliers
(12,0
M€), en supposant que les parités de change constatées au dénouement seront égales à
celles convenues aux contrats. Il permet donc, théoriquement, de souscrire ces contrats sans que
le compte
d’
affectation ait encore reçu les fonds correspondants en provenance des programmes
du budget général.
En 2023, c
e montant n’a pas été dépassé, même si le total des versements en provenance
des programmes ou comptes bénéficiaires, au titre de l’acquisition
des instruments de
COUR DES COMPTES
14
couverture et à destination des contreparties
financières s’est élevé à
1 061,75 M
€.
Pour 2024,
le découvert a été autorisé à hauteur de 634,0
M€.
Les contrats conclus prévoient un échange de flux de paiement le même jour : une
dépense et une recette sont en principe enregistrées simultanément de sorte que le compte de
commerce 910
–
Couverture des risques financiers de l’
État
n’est jamais à découvert en fin de
journée. En exécution ce principe a été respecté.
Chapitre II
Des améliorations récentes pour répondre aux
limites du compte
I -
Une couverture des risques diversement utilisée par le passé
Ainsi que le souligne la Cour depuis l’exécution budgétaire 2013, l’utilisation du compte
Couverture des risques financiers de l’État
pour couvrir les risques de change présente des limites
en termes d’exhaustivité des risques couverts, mais le mécanisme de couverture qu’il retrace reste
efficace lorsqu’il e
st utilisé.
Une couverture des risques qui avait montré ses limites en 2014-2015
Le mécanisme de couverture du compte de commerce
Couverture des risques financiers de l’État
a trouvé ses limites à partir de l’été 2014, la dépréciation de l’euro vis
-à-vis du dollar conduisant
paradoxalement le ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI) à
cesser d’y recourir. Au cours des années précédentes, le ministère n’avait souscrit de couverture que
lorsque le taux de change était égal ou supérieur au « taux de budgétisation
4
», c’est
-à-dire au taux ayant
servi à la préparation du PLF, en vue de dégager des gains de change, et non pour couvrir des crédits
budgétaires et « figer
» d’éventuelles pertes de change qu’il aurait dû supporter sur son budget. En 2015,
le MAEDI s’est trouvé confronté à des problèmes de soutenabilité en exécution, car la position de l’euro
par rapport au dollar s’était dégradée entre
la préparation du PLF et le versement en devises des
contributions à la charge du ministère, occasionnant une perte estimée à 101,7
M€.
Ces difficultés ont été évoquées par la Cour dans ses notes d’analyse de l’exécution budgétaire de
l’exercice 2015 et dans sa communication à la commission des finances, de l’économie générale et du
contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale sur les cont
ributions internationales de la France en
octobre 2015, dans laquelle elle recommandait de :
« mettre en place, après une analyse économique
rétrospective et prospective, un mécanisme efficace de couverture du risque de change, sans préjudice
d’un ajusteme
nt des crédits dans le cadre de la programmation budgétaire »
.
En réaction à ces difficultés et à la demande du Parlement, le Gouvernement a saisi
l'inspection générale des affaires étrangères (IGAE) et l'inspection générale des finances (IGF)
pour produire : «
un rapport établissant un bilan de l'utilisation du mécanisme d'achat à terme
4
Or, selon la direction du budget, le taux de change mentionné dans les documents budgétaires ne revêt qu’une
valeur indicative et ne constitue pas, selon elle, un taux plancher en deçà duquel le ministère ne devrait pas recourir
à une couverture.
COUR DES COMPTES
16
de devises utilisé depuis 2006 et un bilan du recours à la réserve de précaution pour couvrir
les risques de change auxquels sont exposés les crédits de la mission Action extérieure de l'État.
Ce rapport examine également l'opportunité d'introduire un mécanisme budgétaire
automatique et pérenne de couverture de ces risques de change.
»
5
Remis au Parlement en octobre 2016, le rapport reprenait le constat et la recommandation
de la Cour et formulait 37 recommandations opérationnelles. Analysées en 2017 par un groupe
de travail interministériel
6
, ces recommandations ont principalement abouti le 12 avril 2018 à
une nouvelle convention entre le MEAE, l’AFT et les SCBCM des financ
es et des affaires
étrangères
7
.
Dans l’attente de travaux complémentaires, la Cour a
recommandé
jusqu’en 2021
(sur
l’exécution 2020
) à la direction du budget et à la direction générale du Trésor
d’inciter les
parties à recenser les opérations susceptibles
d’être exposées au risque de change, à établir un
cadre de référence commun, à offrir un soutien technique aux responsables de programmes dans
l’engagement d’opérations de couverture et à clarifier le traitement budgétaire des risques non
couverts. En effe
t, le mécanisme de couverture demeure pertinent s’il est bien utilisé
8
. En
conclusion de l’analyse de l’exécution 2021, elle a par ailleurs recommandé de conforter les
efforts entrepris et d’examiner l’opportunité de prévoir un dispositif de couverture de
change
ou de financement du risque de change pour toutes les dotations budgétaires susceptibles de
représenter un enjeu budgétaire significatif.
Dans les faits, les opérations en devises de MEFSIN ont été couvertes par achat à terme
de dollars sur l’ensemb
le de la période de leur versement. Les opérations en devises relevant
du MEAE et liées à des CIOMP, programmées en devises au stade de la loi de finances initiale
ont été couvertes à 82 %. En se limitant aux opérations libellées en dollars, cette couverture a
été d’environ 89
% cette même année.
Pour les opérations en devises liées à des CIOMP au titre de la gestion de 2022, le MEAE
a choisi de ne pas recourir à la couverture de change organisée selon les stipulations de la
convention de 2018 et il a procédé au règlement de 80 % de ses contributions internationales et
opérations de maintien de la paix au taux de chancellerie en vigueur dès le mois de février 2022,
sur devis et non sur factures plus tard dans l’année comme il est d’usage.
La direction du budget a estimé que cette décision avait occasionné une dépense
budgétaire de 34,3
M€ supérieure aux crédits budgétaires prévus par la loi de finances initiale
pour 2022, soit une perte bien supérieure à celle qui aurait pu être constatée si une couverture
5
Selon
l’article
129 de la loi de finances initiale de 2016.
6
Le groupe de travail se composait de représentants de la direction du budget (bureau des affaires étrangères et du
développement), du MEAE (direction des affaires financières), de la direction générale du Trésor (bureau aide
publique au développement), l’AFT (cellule trésorerie), des SCBCM, de la direction générale des finances
publiques (département comptable ministériel et Mission Chorus), de la direction spécialisée des finances
publiques pour l’étranger et de l’agence pour l’informatique financière de l’État. Sa coordination a été confiée à
la direction du budget.
7
Non signataire de la convention, la direction du budget a participé à sa révision.
8
Pour illustrer ce point, selon la mission IGF-IGAE de 2016, pour la seule année 2015 et les seules dépenses en dollars
et francs suisses identifiées par Chorus, 330
M€ au minimum de dépenses auraient pu être évitées si un
e couverture à
terme avait été passée globalement au regard des prévisions d'engagement de l'État en dollars et francs suisses à l'été
2014.
DES AMÉLIORATIONS RÉCENTES POUR RÉPONDRE AUX LIMITES DU COMPTE
17
avait été prise en août 2021. Au contraire, selon le MEAE, cet arbitrage aurait permis de limiter
la perte potentielle de 21,5
M€ par rapport à un versement en août 2022 (il aurait alors dû payer
55,8
M€ de plus que les dotations inscrites en LF
I 2022).
Cette situation a donné lieu à une communication du Procureur général près la Cour des
comptes à la direction des affaires financières du MEAE
ainsi qu’à la direction du budget et à
la direction générale du Trésor, appelant leur attention sur l’ab
sence de couverture du risque de
change sur les versements en devises étrangères opérés au cours de l’exercice par le MEAE au
titre des CIOMP et sur le préjudice qui en est
résulté pour l’État
.
II -
Un usage plus prudent de la couverture des risques
Les ministère économiques et financiers recourent à différents dispositifs pour faire face
aux variations du taux de change. Ils font souvent primer le paiement anticipé sur le paiement
à terme avec couverture des risques financiers.
Ce fût encore le cas en 2023 pou
r la contribution française au fonds pour l’environnement
mondial (FEM) et pour laquelle 325
M€ ont été inscrits en LFI.
À la suite de la décision de
retenir le taux de change de la Banque mondiale, plus avantageux, la contribution française en
euros a été réduite à 310
M€. De plus, le paiement anticipé des États donne droit à une réduction,
indépendamment du taux de change. La France ayant contribué avant le 30 juin, le montant
s’est établi à 297,68
M€, générant une économie de 27,32
M€ sur la période 2023 –
2026 par
rapport au montant prévu en LFI.
Un achat en devises par l’AFT en anticipation de ses versements a aussi permis d’éviter
aux ministères économiques et financiers des variations induites par le taux de change, cette
année pour le FAsD (10,0
M€) et le FIDA (28
,0
M€), dégageant un gain de change à hauteur
de 44,29
K€ p
our le FAsD, mais occasionnant une perte de 235,53
K€ pour l
e FIDA.
Ce paiement anticipé constitue une position prudente, même si elle amène parfois à
constater des pertes de change,
en ce qu’elle vise à limiter les pertes en cas
d
’anticipation d’un
e
baisse durable des taux de marché par rapport au taux de budgétisation.
Quant au MEAE, il a passé des contrats à terme dès mai 2022 pour 90 % des dépenses en
devises du programme 105 qui ont été ensuite fixées par la loi de finances 2023. Autorisée par
la convention avec l’AFT
renouvelée le 5 avril 2023
, cette anticipation a eu pour effet d’inscrire
les taux retenus dans le cadre des OAT dans les travaux de budgétisation à la place des taux de
budgétisation. Sur les 10 % restants, ce taux de budgétisation a été appliqué.
Le MEAE estime que cette pratiqu
e a permis de minorer d’environ 16
M€ la budgétisation des
CIOMP. Cette minoration résulte
toutefois d’une remontée des taux qui ne peut pas être davantage
anticipée que sa baisse.
Couvrir par contrat d’achat à terme de devises l’essentiel des CIOMP à la
suite de la
conférence technique de mars et avant la conférence de budgétisation de mai permet de
programmer en euros dans le PLF un montant presque intégralement déterminé.
COUR DES COMPTES
18
L
’avancement du calendrier de passation des OAT par rapport au calendrier de
programmation exige toutefois que la direction du budget anticipe dès mars les montants
proposés pour les CIOMP, pour que la lettre-plafond de fin juillet en tienne compte ; il suppose
aussi que le MEAE anticipe de manière fiable les montants des CIOMP qui résultent de budgets
votés fin juin N tous les deux ans pour une période du 1
er
juillet N au
30 juin de l’année N+1.
Le MEAE considère sa capacité de programmation fiable à 90 % et souhaite inclure une
marge de sécurité de 10 %, afin de couvrir 80 % de la programmation des CIOMP dès mars
(couverture prévisionnelle à 85 % pour 2024). Le ministère serait alors enclin à appliquer le
mécanisme d’auto
-assurance prôné par la direction du budget sur les pertes potentielles qui ne
porteraient plus que sur 20
% de l’a
ssiette totale.
•
COUR DES COMPTES
20
Annexe n° 1 :
liste des publications récentes de la Cour des comptes en
lien avec les politiques publiques concernées par la note d’évaluation
budgétaire
Cour des comptes,
Les contributions internationales de la France 2007-2014
,
Communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
de l’Assemblée nationale,
octobre 2015.