Sort by *
Publications

Publications

Sécurité sociale 2024

COUR DES COMPTES En images (19)

En application de sa mission constitutionnelle d’assistance au Parlement, la Cour rend public aujourd’hui son rapport 2024 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale.

Une perte de maîtrise des comptes sociaux

En 2023, le déficit de la sécurité sociale atteint 10,8 Md€, près de 4 Md€ de plus que la prévision initiale. La branche maladie porte, à elle seule, la responsabilité de la totalité de ce déficit et de son aggravation en cours d’année. Elle a bénéficié de la quasi-extinction des dépenses liées à la crise sanitaire, mais des réformes visant à contenir ses autres dépenses n’ont pas été engagées.
En 2024, le déficit de la sécurité sociale devrait rester stable à 10,5 Md€. Le respect de cet objectif suppose une décélération importante du rythme d’augmentation des dépenses d’assurance-maladie. L’objectif ne sera atteint que si 3,5 Md€ d’économies au moins sont réalisées, montant nettement plus élevé que les années précédentes. Pour la branche vieillesse et le fonds de solidarité vieillesse, il est attendu un déficit de 5 Md€, dont l’aggravation résulte de l’indexation des pensions de retraite sur l’inflation avec un an de décalage.
Pour l’avenir, la loi de financement pour 2024 a revu les perspectives financières de la sécurité sociale dans un sens défavorable. La trajectoire prévoit désormais une dégradation continue des comptes, sans perspective de stabilisation et encore moins de retour à l’équilibre. Un tel niveau de déficit constitue un point de bascule. La dette sociale va en effet recommencer à augmenter hors de tout motif de crise sanitaire et les conditions de son financement à terme ne sont plus assurées.

Des réformes nécessaires pour redresser les comptes sociaux

Les compléments aux salaires de base (heures supplémentaires aides directes, partage de la valeur…), récemment renforcés pour augmenter le pouvoir d’achat des salariés, constituent autant de « niches sociales ». Le manque à gagner pour la sécurité sociale atteint 18 Md€ en 2022. Son augmentation entre 2018 et 2022 a été supérieure à l’aggravation du déficit hors Covid.
Le coût de l’indemnisation des arrêts de travail pour maladie a augmenté de plus de 50 % entre 2017 et 2022 pour atteindre 12 Md€ dans le régime général. Pour réduire la vive progression de cette dépense, il est nécessaire d’aller plus loin dans la lutte contre la fraude aux arrêts de travail et dans le contrôle des prescriptions de médecins. La réglementation, trop complexe, devrait être simplifiée et les conditions de la prise en charge, partagées entre l’assurance-maladie, les entreprises et les salariés, devraient évoluer.
Un autre domaine dont le coût augmente fortement est celui des médicaments innovants dans la lutte contre le cancer (6 Md€ en 2022 avant remises). Les bénéfices de ces traitements sont importants, mais les procédures d’évaluation devraient être renforcées par le recours à des études médico-économiques indépendantes des laboratoires pharmaceutiques et un suivi de leur efficacité dans la vie réelle. Cela permettrait de renégocier les prix des médicaments concernés.
Si le recours à l’intérim médical dans les hôpitaux publics est resté limité, d’autres formes d’emplois temporaires se sont développées dans un contexte de pénurie : les médecins contractuels représentent désormais 13 % de l’effectif, 30 % dans les petits hôpitaux. Leur rémunération dépasse souvent les plafonds réglementaires. La croissance de leur nombre conduit à une perte d’attractivité du statut de praticien hospitalier et à une fragilisation du fonctionnement des services. Un renforcement du cadre de régulation est nécessaire.
Enfin, la stratégie de réduction du nombre de lits à l’hôpital est liée depuis 2013 à la montée en charge de la chirurgie ambulatoire, qui ne nécessite plus de garder les patients la nuit. Depuis 2020, on constate en outre une forte augmentation des fermetures temporaires de lits la nuit, le week-end, et pendant les congés scolaires, qui ne fait pourtant pas l’objet d’un recensement national. Le vieillissement de la population devrait conduire à une nouvelle stratégie visant à limiter les hospitalisations et à fluidifier les parcours de santé.

Une qualité de service et une efficacité à renforcer

La qualité du service rendu aux usagers des caisses du régime général se dégrade. Les temps d’attente augmentent et les délais de traitement administratif des dossiers s’allongent. Par ailleurs, le développement des services numériques est utile mais il risque de laisser de côté les usagers qui ne maîtrisent pas ces outils. S’agissant de « Mon espace santé », il s’agit d’une réforme ambitieuse, qui vise à constituer pour chaque citoyen un dossier médical partagé avec les professionnels de santé, auquel seront adjoints des services. Les freins qui obèrent actuellement son usage devront être levés. L’État affiche une forte ambition d’élargir les usages des données de santé. Une grande base de données a été constituée, mais ses extensions, prévues aux données cliniques, n’ont pas encore été réalisées. Le point de blocage principal est la décision prise de recourir à la filiale d’une entreprise américaine pour développer les fonctionnalités liées à l’intelligence artificielle, qui pose des questions de souveraineté. S’agissant de la gestion des retraites des professions libérales, la Cour a constaté des coûts de gestion élevés, des rémunérations excessives, peu d’efforts de modernisation et de mutualisation des outils, au détriment du service rendu aux assurés. Un renforcement de la tutelle et un rapprochement avec le régime général, engagé par une seule section professionnelle, apparaissent nécessaires. Enfin, pour les aides aux familles nombreuses, les règles d’indexation ont eu pour effet d’évincer une part croissante de familles à revenus intermédiaires. Les fragilités structurelles des familles les moins favorisées n’ont pas été réduites pour autant.

En images (19)

Sécurité sociale 2024 - 1

MALADIE, VIEILLESSE, FAMILLE...
Comment se porte notre sécurité sociale ?

10,8 Md€
C'est le déficit de la sécurité sociale en 2023, au lieu des 7,1 Md€ prévus par la loi de financement initiale.

Sécurité sociale 2024 - 2

Avec le repli des dépenses liées à la crise sanitaire, il s'est réduit de 8,8 Md€ par rapport à 2022.
Mais il devrait augmenter de nouveau en 2024, notamment du fait de l'indexation des retraites sur les prix, en ces temps de forte inflation, et de la progression des dépenses d'assurance maladie.

Les déficits devraient continuer de s'aggraver jusqu'à atteindre plus de 17 Md€ en 2027, sans perspective de redressement ou même de stabilisation.
Les conditions de financement de la dette sociale doivent donc être redéfinies.

Sécurité sociale 2024 - 3

Les dépenses d'assurance maladie, à elles seules, ont augmenté de 5,4 % par an en moyenne entre 2020 et 2023 (hors coût de la crise sanitaire, évalué à près de 50 Md€). La trajectoire d'ici à 2027 prévoit une réduction de cette progression à 3 % par an, sans mesures d'économies documentées et sans que cela permette de réduire le déficit, qui resterait de l'ordre de 9 Md€ par an.

La Cour des comptes a identifié plusieurs domaines dont l'évolution récente a eu un impact important sur les déficits sociaux, en recettes, comme en dépenses.
Ce sont autant de possibilités d'économies, que la Cour a chiffrées.

Sécurité sociale 2024 - 4

Les allègements de cotisations sociales sur les compléments de salaire dans le secteur privé ont été récemment renforcées.

Inéquitables et se substituant en partie à des hausses de salaires, ces niches sociales sont un manque à gagner pour la sécurité sociale, et cette perte de recettes a augmenté de 8 Md€ entre 2018 et 2022, soit plus que l'augmentation des déficits sociaux hors covid.

Les indemnités d'arrêts de travail pour maladie ont aussi fortement augmenté ces dernières années.

De 7,7 Md€ en 2017, elles ont atteint 12Md€ en 2022. Plusieurs leviers pourraient permettre de réduire cette progression des dépenses : l'obligation de télétransmission pour lutter contre la fraude (1/3 des arrêts sont encore en papier), un contrôle renforcé des médecins qui prescrivent le plus d'arrêts, la simplification de la règlementation, ou encore la réduction de la durée maximale d'indemnisation.

Sécurité sociale 2024 - 5

Intérim à l'hôpital, fermeture des lits dans les hôpitaux publics, médicaments anticancéreux... : d'autres sujets ont un impact fort sur les comptes sociaux et sont abordés dans le rapport sécurité sociale 2024.

Pour en savoir plus, suivez la Cour des comptes sur les réseaux sociaux et consultez le rapport complet sur www.ccomptes.fr

Sécurité sociale 2024 - Intérim médical 1

MÉDECINS À L’HÔPITAL Le boum des emplois temporaires

Au cours des vingt dernières années, le recours aux emplois temporaires de médecins s’est fortement développé dans l’hôpital public pour compenser le manque de praticiens hospitaliers.
Le nombre de contractuels mobilisés a augmenté de manière constante, en particulier dans les petits hôpitaux, dans lesquels leur part dans l’effectif atteint jusqu’à 30 %.

Sécurité sociale 2024 - Intérim médical 2

Dans un contexte de pénurie de médecins, les hôpitaux publics ont recours aux emplois temporaires pour assurer leurs obligations de continuité et de permanence des soins.
Le recours à l’intérim médical a été conçu pour pallier des absences ponctuelles, mais les solutions de remplacement ne relèvent pas du seul recours à l’intérim.
Les hôpitaux publics emploient aussi des médecins sous contrat.

Le développement de ces emplois temporaires pèse sur la situation financière des hôpitaux.

Ces contrats sont coûteux et souvent irréguliers, car ils dépassent les plafonds réglementaires. Le surcoût induit par le dépassement des limites réglementaires peut être estimé à
183 M€ en 2021 (+72% en quatre ans).

Sécurité sociale 2024 - Intérim médical 3

Ce phénomène remet également en cause la situation des praticiens hospitaliers sous statut, qui peuvent moins facilement concilier vie professionnelle et personnelle et sont souvent moins bien rémunérés.

Enfin, cette progression d’emplois temporaires engendre des équipes médicales plus instables et fragilise le fonctionnement des services.

Sécurité sociale 2024 - Intérim médical 4

Pour garantir la sécurité et la qualité des soins et alors que les contraintes normatives apparaissent encore insuffisantes, les règles de recours à certains contrats temporaires doivent être définies de manière plus restrictive. Une stratégie de réorganisation de l’offre de soins au niveau local est nécessaire. Elle doit être coordonnée par les agences régionales de santé et appliquée au sein des groupements hospitaliers de territoires.

Pour en savoir plus, suivez la Cour des comptes sur les réseaux sociaux et consultez le rapport complet sur www.ccomptes.fr

Sécurité sociale 2024 - Relations entre les usagers et l'assurance-maladie

Relations entre les usagers et l'assurance-maladie

Près des 2/3 des réponses apportées aux usagers sont erronées.

Sécurité sociale 2024 - La réduction du nombre de lits à l’hôpital 1

RÉDUCTION DU NOMBRE DE LITS À L’HÔPITAL

Entre stratégie et contraintes

La pandémie de covid-19 a mis en lumière les difficultés rencontrées par les hôpitaux dans la prise en charge des patients et a notamment conduit à s’interroger sur
la pertinence de la politique de fermeture de lits menée au cours des deux dernières décennies.

Sécurité sociale 2024 - La réduction du nombre de lits à l’hôpital 2

Entre 2000 et 2022, le nombre de lits a en effet baissé de 23 % pour l’ensemble des hôpitaux publics et privés.

Deux raisons expliquent cette réduction:
- le transfert de lits de soins de longue durée de l’hôpital vers les Ehpad dans les années 2000

- le progrès des techniques médicales, notamment en chirurgie ambulatoire (qui ne nécessite pas que le patient passe la nuit à l’hôpital) à partir des années 2010.

Sécurité sociale 2024 - La réduction du nombre de lits à l’hôpital 3

Avec cette montée en puissance de la chirurgie ambulatoire, des économies de plusieurs centaines de millions d’euros étaient attendues, ce qui a été compensé par une baisse des tarifs versés par l’assurance maladie.
Mais ces moindres coûts n’apparaissent pas clairement dans les comptes des hôpitaux publics, qui ont par ailleurs été peu restructurés.

Une troisième raison explique, plus récemment, la réduction du nombre de lits :
les tensions croissantes sur les ressources en personnel soignant et le contexte de crise sanitaire ont conduit de plus en plus d’hôpitaux à fermer temporairement des lits.

Sécurité sociale 2024 - La réduction du nombre de lits à l’hôpital 4

La demande de soins va fortement s’accroître d’ici à 2040, notamment sous l’effet du vieillissement de la population, ce qui implique de penser une véritable stratégie, territoire par territoire, en matière de lits hospitaliers.

En plus de la poursuite du virage ambulatoire, il faudra une meilleure coordination des professionnels sur les territoires afin de limiter les hospitalisations et de fluidifier les parcours de santé.

Sécurité sociale 2024 - La réduction du nombre de lits à l’hôpital 5

Le pilotage de la gestion des lits devrait être confié aux agences régionales de santé et une véritable méthode d’évaluation de la charge de travail des infirmiers et des aides-soignants sera nécessaire pour l’assurer.

Pour en savoir plus, suivez la Cour des comptes sur les réseaux sociaux et consultez le rapport complet sur www.ccomptes.fr.

Sécurité sociale 2024 - Les médicaments anti-cancéreux 1

CANCER
Nouveaux traitements, quels enjeux ?

Avec plus de 430 000 nouveaux cas diagnostiqués chaque année, le cancer touche plusieurs millions de personnes en France. C’est la première cause de décès.
C’est aussi la pathologie la plus coûteuse pour la sécurité sociale : son coût s’élevait à 22,5 Md€ en 2021, soit plus de 12% des dépenses totales de la branche maladie.

Sécurité sociale 2024 - Les médicaments anti-cancéreux 2

Le recours à des médicaments innovants dans la lutte contre le cancer s’est beaucoup développé depuis les années 2000. Prescrits en complément des traitements classiques (chimiothérapie, radiothérapie, chirurgie), ils permettent de réelles avancées thérapeutiques et améliorent l’espérance de vie des patients.

Cependant ces médicaments ont un coût très élevé, et les dépenses en matière de traitements anticancéreux innovants sont en progression constante: de 3,3 Md€ en 2018, elles sont passées à 5,9 Md€ en 2022.

Sécurité sociale 2024 - Les médicaments anti-cancéreux 3

Pour permettre un accès plus rapide aux traitements innovants, des dérogations aux procédures habituelles de mise sur le marché et de remboursement des nouveaux médicaments ont été mises en place.
Cela pose des difficultés en termes d’évaluation et de négociation des prix.

Les recommandations de la Cour:
- Améliorer les procédures d’évaluation en conduisant des études médico-économiques, indépendantes des laboratoires privés, pour quantifier les progrès en années de vie gagnées en bonne santé.
Cela pourrait passer par une mobilisation plus importante des universités.

Sécurité sociale 2024 - Les médicaments anti-cancéreux 4

- Mettre en place un registre, financé par les entreprises pharmaceutiques, pour observer l’efficacité à long terme des médicaments anti-cancéreux dans la vie réelle. Si l’analyse montrait des résultats inférieurs à ceux attendus, les prix pourraient être renégociés.

Pour en savoir plus, suivez la Cour des comptes sur lesréseaux sociaux et consultez le rapport complet sur www.ccomptes.fr

À lire aussi

Les autres publications qui pourraient vous intéresser :