Chapitre I
La situation financière de la sécurité
sociale : une trajectoire de déficits non
maîtrisés, un redressement nécessaire
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_____________________ PRÉSENTATION_____________________
Le présent chapitre analyse les comptes 2023 et les perspectives des
comptes des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (Robss) et
du fonds de solidarité vieillesse (FSV)
2
. Après la crise sanitaire, la loi de
financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023 prévoyait une forte
réduction du déficit de la branche maladie. Parallèlement, la réforme des
retraites, conduite dans la loi de financement rectificative du 14 avril 2023,
devait permettre, après un creusement temporaire, un rétablissement à terme
des comptes de la branche retraite, donc de ceux de la sécurité sociale. Ce
scénario optimiste ne s’est pas concrétisé en 2023. Les retraites ont été
réformées pour un coût, les premières années, supérieur aux prévisions du
projet de loi et le déficit de la branche maladie hors covid n’a pas été réduit
malgré un transfert important de la branche famille.
Le déficit de 2023, prévu à hauteur de 7,1
Md€ en LFSS initiale, a
été réévalué à 8,2
Md€
par la loi de financement rectificative précitée, puis
à 8,7
Md€ par la LFSS pour 2024 et à 10,8
Md€ dans le projet de loi
d’approbation des comptes définitifs de la sécurité sociale, soit près de
4
Md€ de plus qu’initialement prévu. Cette dégradation tie
nt, comme pour
le budget de l’
État, à une croissance des recettes fiscales inférieure aux
prévisions et à une absence de maîtrise des dépenses d’assurance maladie.
À partir de 2024, une nouvelle dégradation des comptes de la
sécurité sociale est attendue du fait de la poursuite de la rapide
progression des dépenses d’assurance maladie et des règles d’indexation
des prestations, notamment des pensions de retraite, sur la forte inflation
constatée en 2023. Il en résulterait, toutes choses égales par ailleurs, une
aggravation du déficit sans plus de perspective de retour à l’équilibre
financier. Le déficit deviendrait alors supérieur à la capacité
d’amortissement de la dette sociale.
Le chapitre analyse les raisons pour lesquelles le redressement
ponctuel de 2
023 a été moins important qu’attendu, en présentant les
principales évolutions intervenues en dépenses et en recettes (I). Il examine
le caractère peu soutenable de la trajectoire future et ses conséquences sur
la dette sociale, rendant nécessaire un effort de redressement (II).
2
L
’ensemble des Robss (régime général, régimes agricoles et régimes spéciaux) est
regroup
é dans les cinq branches mentionnées à l’article L.
200-2 du code de la sécurité
sociale : maladie, maternité, invalidité et décès (branche maladie) ; accidents du travail
et maladies professionnelles ; vieillesse et veuvage (branche vieillesse) ; famille et,
depuis 2021, autonomie. Le FSV assure le financement du minimum vieillesse et
d’autres prestations de solidarité.
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36
I -
Après la crise sanitaire, l’installation
d’un déficit structurel
Le déficit 2023 est supérieur aux prévisions initiales du fait d’un
ralentissement non anticipé de la progression des recettes en fin d’exercice
et, surtout, d’une fo
rte hausse des dépenses, portée par le dépassement de
l’objectif national des dépenses d’assurance maladie.
A -
Un déficit nettement supérieur aux prévisions
Le déficit des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et
du fonds de solidarité vieillesse (FSV) atteint 10,8
Md€ en 2023, soit 0,4
%
du PIB. Par rapport aux exercices précédents marqués par les effets de la
crise sanitaire en recettes (en 2020) et en dépenses (jusqu’en 2022), les
comptes s’améliorent nettement, sans pour autant revenir à la
situation de
quasi-
équilibre d’avant
-crise.
Graphique n° 1 :
évolution du déficit agrégé des régimes obligatoires
de base de sécurité sociale et du FSV (2009-2023, en
Md€)
Note : La LFSS 2022 a été adoptée avec un déficit 2020 s’élevant à 39,7
Md€. En tenant compte
de la rectification du déficit 2021 votée par le Parlement en LFSS 2023, minoré de 5
Md€ de
produits rattachables à 2020, le solde correspondant pour 2020 s’établirait à
- 34,7
Md€.
Source
: Cour des comptes d’après les comptes 2022 et 2023 des régimes de séc
urité sociale et
les tableaux d’équilibre approuvés par les LFSS pour les années antérieures
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LA SITUATION FINANCIÈRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE :
UNE TRAJECTOIRE DE DÉFICITS NON MAÎTRISÉS,
UN REDRESSEMENT NÉCESSAIRE
37
Si on le rapporte aux prévisions de la LFSS 2023, le déficit est en
aggravation de près de 4
Md€, et de 2,1
Md€ par rapport aux prévisions
2023 contenues dans la LFSS 2024. Il aurait atteint 12,3
Md€ en l’absence
de deux mesures techniques portant sur le calcul des provisions, n’ayant
d’effet qu’en 2023
: une dérogation aux règles de provisionnement pour
risques de la branche maladie, améliorant le résultat de 1
Md€
, et un
changement de méthode d’estimation de la provision au titre des
majorations de retraite de la branche vieillesse du régime général,
améliorant le résultat de 0,5
Md€
3
.
La branche maladie porte, à elle seule, la totalité du déficit
(- 11,1
Md€),
les excédents et les déficits des autres branches, beaucoup plus
réduits, se compensant entre eux. La branche maladie est également seule
responsable de l’aggravation de 4
Md€ par rapport à la prévision initiale.
Tableau n° 1 :
soldes 2023 des régimes obligatoires de base
de la sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse comparés
à la
prévision initiale 2023 et aux soldes de 2022 (en Md€)
Réalisé
2023
LFSS
2023
Écart à la
prévision
Réalisé
2022
Écart
23 -22
Maladie
- 11,1
- 7,1
- 4,0
- 21,0
9,9
AT-MP
1,4
2,2
- 0,8
1,7
- 0,3
Vieillesse
- 2,6
- 3,6
1,0
- 3,9
1,3
Famille
1,0
1,3
- 0,3
1,9
- 0,9
Autonomie
- 0,6
- 1,2
0,6
0,2
- 0,8
Total Robss
- 11,9
- 8,4
- 3,5
- 21,0
9,2
FSV
1,1
1,3
- 0,2
- 1,3
- 0,2
Vieillesse + FSV
- 1,5
- 2,3
0,8
- 2,6
1,1
Total Robss + FSV
- 10,8
- 7,1
- 3,7
- 19,7
8,9
Source
: Cour des comptes d’après la LFSS 2023 et les comptes définitifs 2022 et 2023
3
Sur ces deux opérations techniques, cf. Cour des comptes,
Rapport de certification
des comptes de la sécurité sociale de 2023
, mai 2024
. Le rapport accepte l’évolution de
la règle pour la branche vieillesse mais il émet une réserve pour la sous-évaluation des
provisions pour risques de la branche maladie, contraire au principe de prudence et
constitutive d’une anomalie significative dans
les comptes.
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38
Le graphique ci-après illustre les écarts entre les prévisions
successives et la réalisation.
Graphique n° 2 :
montant du déficit : prévisions et
solde final (Md€)
Source
: Cour des comptes d’après LFSS 2023, LFRSS 2023, LFSS 2024 et les comptes 2023
La réduction du déficit de la branche maladie par rapport à 2022 est
totalement imputable à l’extinction des dépenses liées à la crise sanitaire,
passées de près de 12
Md€ en 2022 à un peu plus de 1
Md€ en 2023. Une
amélioration plus structurelle des soldes de la branche était aussi attendue
mais elle ne s’est pas concrétisée, en raison de revalorisations salariales en
cours d’année en faveur des pers
onnels hospitaliers et médico-sociaux et
de mesures de régulation trop limitées
4
.
À ces médiocres résultats, s’ajouterait un déficit très important des
hôpitaux publics, selon des données provisoires. En l’absence de réformes
ou
d’une
augmentation
des
dotations
de
l’assurance
-maladie,
l’accumulation de tels déficits se traduira par une nouvelle dérive de la
dette hospitalière
5
.
Le déficit de la branche vieillesse et du FSV se réduit de 1
Md€ par
rapport à 2022 et est inférieur de 0,8
Md€ à la prévision ini
tiale. La
progression des recettes a été plus rapide que celle des dépenses du fait
4
Voir chapitre II du présent rapport,
Un nouveau dépassement de l’Ondam en 2023,
une impérative reprise en main de son pilotage dès 2024
.
5
Voir le rapport public thématique de la Cour sur
La situation financière des hôpitaux
publics après la crise sanitaire
, octobre 2023.
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LA SITUATION FINANCIÈRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE :
UNE TRAJECTOIRE DE DÉFICITS NON MAÎTRISÉS,
UN REDRESSEMENT NÉCESSAIRE
39
d’une croissance de la masse salariale supérieure aux prévisions de la LFSS
2023
6
. La moitié de l’amélioration par rapport à 2022 est liée au
changement de méthode d’estima
tion de la provision constituée au titre des
majorations de retraite de la branche vieillesse du régime général, déjà
relevée
supra
.
La branche autonomie devient légèrement déficitaire en 2023, en
raison d’une progression des dépenses de plus de 7
%, supérieure à celle
des recettes.
L’excédent des branches familles et accidents du travail
-maladies
professionnelles (AT-MP) se réduit par rapport à 2022, notamment du fait
des revalorisations de prestations familiales, d’un transfert de la branche
maladie vers la branche famille de certaines indemnités journalières
(2,1
Md€) et de transferts plus élevés de ces deux branches à l’Agence
centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) au titre de la
compensation de la réduction générale des cotisations patronales
d’assurance chômage (cf.
infra
).
B -
Un ralentissement non anticipé du rythme
de progression des recettes
En 2023, les produits des régimes obligatoires de base et du FSV,
nets de charges pour non-
recouvrement, s’élèvent à 600
Md€, en hausse de
27,5
Md€ par
rapport à 2022. Ils dépassent de 5,1
Md€ la prévision initiale
(du fait de la croissance de la masse salariale pendant les trois premiers
trimestres) mais le rythme de progression des recettes qui a suivi la crise
sanitaire s’est ralenti.
6
Elle est toutefois inférieure aux prévisions de la LFSS 2024, ce qui explique un déficit
plus élevé de 0,4
Md€ que la prévision de cette dernière.
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40
Tableau n° 2 :
produits nets
par nature de recettes en 2023 (en Md€)
Réalisé
2023
LFSS
2023
Écart à la
prévision
Réalisé
2022
Écart
23/22
Cotisations sociales
291,0
290,2
0,8
0,3 %
279,0
12,0
4,3 %
Cotisations prises
en charge par l’État
6,9
5,9
1,0
16,9 %
6,9
0,0
0,0 %
CSG brute
120,7
118,4
2,3
1,9 %
115,5
5,2
4,5 %
Contribution employeur
46,3
46,5
- 0,2
- 0,4 %
44,6
1,7
3,8 %
Impôts, taxes et autres
contributions sociales
108,1
111,7
- 3,6
- 3,2 %
104,3
3,8
3,6 %
Charges de non-
recouvrement
- 1,9
- 2,1
0,2 - 10,6 %
- 1,3
- 0,6
46,2 %
Transferts nets reçus
12,7
11,2
1,5
13,4 %
11,5
1,2
10,4 %
Autres produits nets
16,2
13,1
3,1
23,7 %
12,0
4,2
35,0 %
Total Robss + FSV
600,0
594,9
5,1
0,9 %
572,5
27,5
4,8 %
Source : Cour des comptes
d’après la LFSS 2023 et les comptes définitifs 2022 et 2023.
Par comparaison à la prévision pour 2023 rectifiée en LFSS 2024,
les recettes sont inférieures de 2,3
Md€ en raison du ralentissement de
l’activité économique et de l’inflation à la fin de l’ann
ée 2023 qui ont
conduit, pour la première fois depuis trois ans, à une diminution de
l’effectif salarié. La progression de la masse salariale du secteur privé a été
ainsi ramenée à 5,7 %, en-deçà de la dernière prévision du Gouvernement
(6,3 %), contre 9 % en 2021 et 8,7 % en 2022. Compte tenu de la forte
sensibilité des cotisations et de la contribution sociale généralisée (CSG)
aux variations de la masse salariale, la diminution de 0,6 point entre la
masse salariale prévue en LFSS 2024 et celle constatée
in fine
explique un
repli des recettes par rapport à la prévision de l’ordre de 4,3 Md€.
Par ailleurs, le rendement des cotisations sociales (+ 4,3 %) est
limité par le poids des allègements généraux, indexés sur le Smic
7
, et par
la baisse du taux de cotisations des travailleurs indépendants et des
exploitants agricoles
8
.
7
La hausse du Smic fait croître les exonérations pour tous les salaires inférieurs à
1,6
Smic, ce qui freine mécaniquement l’augmentation des recettes de sécurité sociale.
8
Article 3 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022.
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LA SITUATION FINANCIÈRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE :
UNE TRAJECTOIRE DE DÉFICITS NON MAÎTRISÉS,
UN REDRESSEMENT NÉCESSAIRE
41
Pour la CSG brute, la progression atteint 4,5 %, en ligne avec celle
des revenus d’activité. Après une forte hausse en 2022
9
, la CSG sur les
revenus du capital diminue de 300
M€ en raison
de l’effet du fort
ralentissement de l’activité immobilière en 2023 (
-500
M€) en partie
compensé par la croissance des dividendes (+ 200
M€).
En raison du ralentissement de la croissance, les recettes des impôts,
taxes et autres contributions affectées à la sécurité sociale, pour partie
assises sur la consommation, ne progressent que de 3,6 %, avec un
rendement inférieur aux prévisions de la LFSS 2023.
L’augmentation de 4,3
% du produit net de la TVA affectée à la
caisse nationale d’assurance maladie intègre l’affectation, décidée en LFSS
2023, d’une fraction supplémentaire de TVA pour compenser à la branche
maladie la baisse précitée du taux de cotisations des travailleurs
indépendants et des exploitants agricoles.
Un coût de la compensation d’allégements de cotisations Unédic
et de retraite complémentaire de plus en plus supporté
par la sécurité sociale
Depuis 2018
10
, l’Acoss verse à l’Unédic et aux organismes de retraite
complémentaire
11
, en lieu et place de l’État
, une compensation des
allègements généraux décidés sur les cotisations patronales d’assurance
chômage et de retraites complémentaires
12
. Ces compensations ont été
financées à l’origine par une fraction de TVA affectée à l’Acoss pour solde
de tout compte. Les écarts entre les montants versés chaque année par
l’Acoss et la TVA perçue sont répartis entre les branches du régime général.
Ces versements et transferts échappent en partie au contrôle
parlementaire
: d’une part, la répartition des écarts entre les b
ranches de
sécurité sociale est fixée par voie règlementaire
; d’autre part, les montants de
compensation et de TVA ne se retrouvent pas dans les tableaux d’équilibre
13
.
9
L’année 2022 a été marquée par l’effet différé d’un an sur les revenus du patrimoine
de 2021, en fort r
ebond après le creux de l’année 2020.
10
7° et 7° bis de l’article L. 225
-1-1 du code de la sécurité sociale.
11
L’Agirc
-Arrco et la caisse de retraite du personnel navigant professionnel de
l’aéronautique civile (CRPNPAC).
12
I de l’article L. 241
-13 du code de la sécurité sociale.
13
La compensation versée et la fraction de TVA ne sont intégrés que dans les comptes
de l’Acoss. Seul le solde éventuel est apparent pour chaque branche dans les tableaux
d’équilibre soumis au Parlement.
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42
Les montants versés sont importants et en nette augmentation :
5,1
Md€ pour l’Unédic (avant minoration de 2
Md€ évoquée
infra
) et
7,2
Md€ pour les organismes de retraite complémentaire en 2023
(respectivement 4,5
Md€ et 6,5
Md€ en 2022).
Du fait de la dynamique des allègements généraux, le solde est
négatif depuis 2022. Les branches famille, vieillesse, AT-MP ont donc été
mises à contribution, à hauteur de 1,5
Md€ au total (+ 1
Md€ par rapport à
2022). La branche vieillesse est particulièrement mobilisée : sur le déficit
2023 de la branche, qui se monte aussi à 1,5
Md€ y compris FSV, 900
M€
sont dus à l’imputation de l’écart de compensation pour les organismes de
retraite complémentaire.
Enfin, l’État a décidé, en LFSS 2024, une moindre compensation à
l’Unédic, d’un montant total de 12
Md€ pour les années 2023 à 2026, dont
2
Md€ en 2023. L’État procède ainsi à la récupération d’une partie des
excédents de l’Unédic
14
, ce que la Cour a critiqué
15
.
Un tassement non anticipé des droits sur les tabacs est constaté
(13,6
Md€ contre 13,8
Md€ en 2022), malgré les mesures de hausse de la
fiscalité votées en LFSS 2023
16
. De même, les taxes sur les boissons
alcooliques et sucrées connaissent un moindre rendement (4,1
Md€ en
2023, contre 4,9
Md€ en 2022), en raison d’une b
aisse non prévue de la
consommation (5 Md€ prévus).
Enfin, du fait du ralentissement de la progression de la masse
salariale fin 2023, le rythme de progression de certaines recettes s’est
ralenti, notamment pour la taxe sur les salaires (+ 3,7 %, après + 5,3 % en
2022) ou le forfait social (+ 2,6 %, après + 22 % en 2022).
14
En février 2024, l’Unédic faisait état d’une dette prévisionnelle de 38,6 Md€ en 2027.
Elle aurait été de 25,5 Md€ sans ces nouveaux prélèvements opérés par l’État.
15
« L’État ajoute un mécanisme budgétaire complexe au financement des politiques
d’emploi et de formation, nuisant encore à lisibilité de l’ensemble ». Cf. Cour des comptes,
Analyse de l’exécution budgétaire 2023. Mission ‘Travail et emploi
, avril 2024 (page 94).
16
La LFSS 2023 a porté deux réformes de la fiscalité du tabac
: d’une part, l’in
dexation
de l’augmentation automatique du tarif sur l’inflation de l’année N
-1 (au lieu de N-2)
et le déplafonnement de cette indexation, jusqu’à lors limitée à 1,75
% ; d’autre part, la
convergence des prix des produits du tabac à rouler et du tabac à chauffer vers ceux de
la cigarette. Une hausse du rendement était anticipée par la commission des comptes de
la sécurité sociale de septembre 2023.
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LA SITUATION FINANCIÈRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE :
UNE TRAJECTOIRE DE DÉFICITS NON MAÎTRISÉS,
UN REDRESSEMENT NÉCESSAIRE
43
Tableau n° 3 :
produits nets par branches en 2023 (en Md€)
Réalisé
2023
LFSS
2023
Écart à la
prévision
Réalisé
2022
Écart
2023/2022
Maladie
232,8
231,2
1,6
0,7 %
221,2
11,6
5,2 %
AT-MP
16,8
17,0
- 0,2
- 1,2 %
16,2
0,6
3,7 %
Vieillesse
272,5
269,7
2,8
1,0 %
259,4
13,1
5,1 %
Famille
56,8
56,7
0,1
0,2 %
53,3
3,5
6,6 %
Autonomie
37,0
36,2
0,8
2,2 %
35,4
1,6
4,5 %
Total Robss
598,5
593,2
5,3
0,9 %
570,8
27,7
4,9 %
FSV
20,4
20,6
- 0,2
- 1,0 %
19,4
1,0
5,2 %
Robss + FSV
600,0
594,9
5,1
0,9 %
572,5
27,5
4,8 %
Note : le « total Robss » ne peut être obtenu en additionnant les cinq lignes du dessus, qui
comprennent des transferts entre branches ; une telle addition conduirait à des doubles comptes.
Source
: Cour des comptes d’après la LFSS 2023 et les comptes définitifs 2022 et 2023
C -
Une hausse des dépenses due aux revalorisations des
prestations vieillesse et à un dépassement
de l’Ondam
Les charges nettes des régimes obligatoires de base et du FSV
s’
élèvent en 2023 à 610,7
Md€, en augmentation de 1
8,6
Md€ par rapport
à 2022 (+ 3,1 %), avec des évolutions contrastées entre branches.
Tableau n° 4 :
charges nettes par branches (en Md€)
Réalisé
2023
LFSS
2023
Écart à la
prévision
Réalisé
2022
Écart
2023/2022
Maladie
243,9
238,3
5,6
2,3 %
242,2
1,7 0,7 %
AT-MP
15,4
14,8
0,6
4,1 %
14,5
0,9 6,2 %
Vieillesse
275,1
273,3
1,8
0,7 %
263,3
11,8 4,5 %
Famille
55,7
55,3
0,4
0,7 %
51,4
4,3 8,4 %
Autonomie
37,6
37,4
0,2
0,5 %
35,2
2,4 6,8 %
Total Robss
610,4
601,6
8,8
1,5 %
591,8
18,6 3,1 %
FSV
19,3
19,3
0,0
0,0 %
18,0
1,3 7,2 %
Robss + FSV
610,7
601,9
8,8
1,5 %
592,1
18,6 3,1 %
Note : le « total Robss » ne peut être obtenu en additionnant les cinq lignes du dessus, qui
comprennent des transferts entre branches ; une telle addition conduirait à des doubles comptes.
Source
: Cour des comptes d’après la LFSS 2023 et les comptes déf
initifs 2022 et 2023
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44
1 -
Un net dépassement de l’Ondam
Dans le champ des branches maladie, AT-
MP et autonomie, l’objectif
national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) couvre les dépenses de
prestations légales en nature, les dépenses d’indemnités journaliè
res pour
arrêts maladie (hors congés maternité et paternité) et les dotations aux
établissements de santé et médico-sociaux
17.
L’Ondam définitif est arrêté en
année n+2 après connaissance du montant définitif des remises
pharmaceutiques
18
et des dépenses de
soins rattachées à l’exercice.
Le montant de l’Ondam fixé en LFSS 2023 s’élevait à 244,1
Md€,
dont 1
Md€ de provision au titre des dépenses liées à la crise sanitaire. Cet
objectif, inférieur à la prévision d’inflation, était ambitieux et n’a pas pu
être t
enu, en l’absence de mesures de régulation pour compenser la
dynamique d’activité et les mesures salariales décidées en cours d’année
19
.
Les dépenses s’élèvent finalement à 247,8
Md€, en dépassement de 1,5
%
(3,8
Md€) de la LFSS initiale.
De 2022 à 2023, les dépenses ont augmenté de 700
M€. Cette
stabilité apparente recouvre une quasi disparition des dépenses « covid »
(1,1
Md€ en 2023 contre 11,7
Md€ en 2022) et une progression des
dépenses pérennes. Hors covid, l’Ondam a progressé de 4,8
%
(+ 11,4
Md€) en
2023.
Le dépassement par rapport à la prévision initiale tient à 60 % aux
mesures salariales en faveur des personnels hospitaliers et médico-sociaux,
comme la hausse de la rémunération des heures de garde de nuit et de week-
end votée en LFRSS d’avril 2023
et la revalorisation du point d’indice au
1er juillet 2023. Le solde correspond à un dépassement de 0,6 point de
l’objectif initial. Les mesures de régulation, opérées en fin d’exercice, sont
demeurées marginales. Le chapitre II du présent rapport analyse en détail
les composantes de ce dépassement.
17
L’Ondam couvre 80
% des dépenses des branches maladie et autonomie et 30 % pour
la branche AT-MP.
18
En appli
cation notamment de l’article L.
162-18 du code de la sécurité sociale, ces
remises sont fixées par convention avec le comité économique des produits de santé ou,
à défaut, par décision de ce dernier.
19
Compensation aux établissements de santé et médico-sociaux de la revalorisation du
point d’indice
dans la fonction publique au 1
er
juillet 2023 et de la meilleure
rémunération des heures de garde de nuit et de week-end.
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LA SITUATION FINANCIÈRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE :
UNE TRAJECTOIRE DE DÉFICITS NON MAÎTRISÉS,
UN REDRESSEMENT NÉCESSAIRE
45
2 -
Prestations hors Ondam des branches maladie et AT-MP :
l’effet des revalorisations de 2022 et 2023
Les prestations hors Ondam des branches maladie et AT-MP
atteignent 20,4
Md€ en 2023, en hausse de 2,5
% par rapport à 2022.
Après une nette augmentation en 2022 du fait de l’extension du
congé paternité, le coût des indemnités journalières de maternité et de
paternité est resté stable en 2023 (4
Md€). Parmi ces indemnités, le coût
des indemnités journalières post-natales et post-adoption (2,1
Md€) a été
transféré en 2023 de la branche maladie à la branche famille.
Les pensions d’invalidité et les rentes AT
-MP ont été revalorisées de
1,6 % au 1
er
avril 2023
; s’y est ajouté l’effet en année pleine de la
revalorisation de 4 % de juillet 2022. En conséquence, les prestations
d’invalidité et de décès de la branche maladie progressent de 5,2
%. Les
prestations d’incapacité permanente de la branche AT
-
MP n’augmentent que
de 2,6
%, du fait d’une baisse de l’effectif, comme
les années précédentes.
3 -
Une évolution des dépenses de la branche vieillesse en ligne
avec les prévisions
Les dépenses de la branche vieillesse s’élèvent à 275,1
Md€ pour
tous les régimes obligatoires de base, en augmentation de 4,5 % par rapport
à 2022. Cette évolution est proche de celle prévue en LFSS.
Pour les assurés du régime général, les charges de prestations légales
s’élèvent à 149,6
Md€ en 2023, en augmentation de 5,2
% par rapport à
2022, soit une croissance comparable à celle observée l’année
précédente
(5,1
%). L’évolution en 2023 résulte de trois facteurs, une revalorisation
des pensions de 0,8 % au 1
er
janvier, l’effet en année pleine de la
revalorisation de 4 % intervenue par anticipation le 1
er
juillet 2022, et une
augmentation de 1,5 % du nombre de bénéficiaires de prestations en droits
propres, qui atteint 14,6 millions au 31 décembre 2023. L’indexation sur
l’inflation constatée en 2023 est intervenue le 1
er
janvier 2024.
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46
Tableau n° 5 :
prestations légales de la branche vieillesse
du régime général
(en Md€)
Source : comptes de la branche vieillesse du régime général
Le déficit de la caisse nationale de retraites des agents
20
des
collectivités locales (CNRACL) s’est creusé en 2023 (2,5
Md€ contre
1,8
Md€ en 2022). Le ratio démographique de ce régime, longtemps
favorable, est en dégradation rapide avec un nombre de cotisants désormais
stable et un nombre de pensionnés en hausse
21
. L’effet
-volume lié à
l’augmentation du nombre des pensionnés a été pour ce régime, en 2023,
équivalent à l’effet prix de la revalorisation des pensions, conduisant à un
montant de prestations légales en hausse de 6,7 % en 2023 par rapport à
2022 pour atteindre 25,5
Md€.
Les contributions de l’État au titre des retraites de fonctionnaires
(45,1
Md€) et de l’équilibrage de régimes spéciaux (7,8
Md€) ont
augmenté de 1,6
Md€.
Hors régime général, CNRACL et régime des fonctionnaires, les
prestations légales en 2023 représentent 34,5
Md€ en 2023, en
augmentation de 2,5 % par rapport à 2022.
20
Les agents qui relèvent de la CNRACL sont les agents des fonctions publiques
territoriale et hospitalière (et non les agents contractuels).
21
Le ratio démographique s’établit à 1,52 en 2022 contre 2,28 en 2010. Sur la situation
de la CNRACL, cf. Ralfss 2023, chapitre I
La situation financière de la sécurité
sociale : une amélioration temporaire, une dégradation prévisible
, pp. 54-55, mai 2023
et chapitre III du présent rapport,
La compensation démographique entre régimes de
retraite : un dispositif complexe, artificiel et mal géré
.
2023
2022
Écart
Écart
(%)
Droits
propres
Droits
dérivés
Total
Droits
propres
Droits
dérivés
Total
Pensions
128,2
12,3 140,5
121,9
11,9 133,8
6,7
5,0 %
Minimum
vieillesse
3,5
0,2
3,6
3,2
0,2
3,4
0,2
7,1 %
Majorations
4,7
0,7
5,4
4,4
0,7
5,1
0,3
5,7 %
Total
136,3
13,2 149,6
129,5
12,7 142,3
7,3 5,2 %
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UN REDRESSEMENT NÉCESSAIRE
47
4 -
Malgré la baisse des naissances, une augmentation sensible
des charges de la branche famille
Les prestations versées par la branche famille ont augmenté de
2,1
Md€ (+
5,7
%) en 2023, notamment en raison d’une progression de
1,6
Md€ des allocations. Une telle évolution est inédite, le montant des
prestations versées ayant eu tendance, ces dernières années, à rester stable
en euros courants.
Les allocations familiales, qui s’établissent à 13,3
Md€, ont
progressé de 2,5 % du fait des revalorisations de la base mensuelle des
allocations familiales en 2022 et 2023 (3,6 % en moyenne annuelle),
malgré une légère baisse de la population des enfants de moins de 20 ans.
Les allocations de soutien familial s’établissent à 3,0
Md€, en progression
de 1
Md€ du fait de la revalorisation de 50
% de la prestation au
1
er
novembre 2022
22
, qui a produit essentiellement ses effets en 2023.
Malgré la baisse de 4
% des primes à la naissance et à l’adoption,
due à la forte chute des naissances en 2023 (- 6,6 %
23
), les allocations pour
la garde des jeunes enfants (qui représentent un total de 11,4
Md€) ont
progressé de 2,8 % du fait notamment de la hausse des dépenses de
complément de mode de garde (7,1
Md€, +
5,3 %) en lien avec les
revalorisations de la base mensuelle des allocations familiales et du Smic.
Tableau n° 6 :
prestations versées par la branche famille (en Md€)
2023
2022
Écart
Allocations en faveur de la famille
21,2
19,6
1,6
8,1 %
Prestation d’accueil du jeune enfant
11,4
11,1
0,3
2,8 %
Autres prestations légales
0,2
0,3
- 0,1
n.s.
Prestations légales
32,7
30,9
1,8
5,8 %
Prestations extra-légales
6,5
6,2
0,3
5,4 %
Prestations branche famille
39,2
37,1
2,1
5,7 %
Source : comptes de la branche famille
22
Le montant de cette allocation, destinée aux parents isolés, qui a concerné près de
800 000 familles en 2022, est passé ainsi de 122,93
€ à 184,41
€ maximum par enfant.
Dans le cas d'un enfant simplement recueilli (la famille
d’accueil exerçant l’autorité
parentale en lieu et place des parents biologiques), ce montant passe de 163,87
€ à
245,80 € par enfant.
23
678 000 en 2023 contre 726 000 en 2022, 742 100 en 2021 (et 833 000 en 2010).
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48
5 -
Des dépenses de la branche autonomie tirées par les
revalorisations salariales et les capacités d’accueil nouvelles
En 2023, les charges nettes de la branche autonomie s’élèvent à
37,6
Md€, en hausse de 6,8
% (8,1 % en 2022).
Les prestations sociales (pour l’essentiel, dotations versées aux
établissements et services médico-sociaux, 31,4
Md€) ont progressé de
5,1 % du
fait de l’impact des revalorisations salariales de leurs personnels et
des mesures d’investissement du Ségur de la santé. Ces prestations financent
les établissements pour les personnes âgées (15,4
Md€ en 2023, en hausse de
3,9 %) et en situation de handicap (14,6
Md€, en hausse de 6
%).
La branche finance également l’allocation d’éducation de l’enfant
handicapé (1,5
Md€ en 2023 contre 1,3
Md€ en 2022), en hausse de 9
%
(10 % en 2022), dont le nombre de bénéficiaires augmente. Les concours
de la branche au
x départements concernent principalement l’allocation
personnalisée d’autonomie (2,8
Md€, + 4,6
%) et la prestation de
compensation du handicap (0,9
Md€, +
3,6 %).
II -
Des déficits qui se creusent après 2024,
sans perspective de retour à l’équilibre
Dans ses perspectives 2023-2026, la loi de financement rectificative
d’avril 2023 prévoyait une stabilisation du déficit de la sécurité sociale et
une légère amélioration en fin de période (13,6
Md€ en 2025, 13,1
Md€ en
2026). Cette trajectoire n’était pourtant pas
satisfaisante car elle affichait
un déficit structurel persistant dans un contexte de croissance économique.
De manière inédite, la LFSS 2024 a dégradé encore cette perspective
en prévoyant une augmentation continue du déficit jusqu’en 2027
(17,2
Md€), sa
ns plus de perspective de stabilisation et moins encore de
retour à l’équilibre. Outre qu’elle est contraire au principe d’équilibre des
comptes de la sécurité sociale, une telle trajectoire est inquiétante car elle
contribue à la hausse d’une dette social
e dont les conditions de
financement, à terme, ne sont pas définies.
La dégradation des soldes sociaux en 2023 par rapport aux
prévisions renforce en outre le risque d’une aggravation de la trajectoire si
des réformes ne sont pas conduites dans le domaine
de l’assurance maladie.
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49
A -
En 2024, un respect non assuré de l’objectif
de déficit
La LFSS 2024 prévoit un déficit des régimes obligatoires de base de
la sécurité sociale (Robss) et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) de
10,5
Md€, similaire à celui de
2023 (10,8
Md€). Son respect impliquerait
un net ralentissement de la dépense pour s’ajuster au rythme des recettes.
Pour la branche maladie, l’objectif de 254,7
Md€ des dépenses
d’Ondam en 2024 (hors provision covid de 0,2
Md€) implique un freinage
important du rythme de croissance de la dépense hors covid, qui serait de
3,2 % seulement contre 4,8 % en 2023. Dans son avis du 15 avril 2024, le
comité d’alerte
24
appelle «
à une vigilance renforcée sur l’évolution des
dépenses d’assurance maladie, de soins de
ville comme liées aux
établissements de santé
». Leur évolution tendancielle est en effet estimée
à 4,6 %, dont 2,8 % avant toutes mesures nouvelles en 2024. Le respect de
l’objectif «
dépend notamment de la réalisation de 3,5
Md€ d’économies
(hors maîtrise médicalisée)
».
24
La supervision de l’exécution de l’Ondam est confiée à un comité d’alerte qui adresse
une notification au Parlement, au Gouvernement et aux caisses nationales maladie en
cas de risque de dépassement de l’objectif adopté en loi de financement de la sécurité
sociale supérieur à 0,5 %, pour que puissent être adoptées des mesures de redressement.
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50
Tableau n° 7 :
prévisions de la LFSS 2024 comparées au réalisé 2023
et à la LFSSR 2023 (en Md€)
LFSS
2024
Réalisé
2023
Écart LFSS
2024/réalisé
2023
LFSSR
2023
Écart LFSS
2024/LFSSR 2023
Produits nets Robss
+ FSV
631,5
600,0
31,5
5,3 %
595,0
36,5
6,1 %
Charges nettes Robss
641,6
610,4
31,2
5,1 %
602,8
38,8
6,4 %
FSV
20,6
19,3
1,3
6,7 %
19,3
1,3
7,0 %
Charges nettes Robss
+ FSV
642,0
610,7
31,3
5,1 %
603,2
38,8
6,4 %
Maladie
- 8,5
- 11,1
2,6
- 7,9
- 0,6
AT-MP
1,1
1,4
- 0,3
2,2
- 1,1
Vieillesse
- 5,8
- 2,6
- 3,2
- 3,8
- 2,0
Famille
0,8
1,0
- 0,2
1,3
- 0,5
Autonomie
1,2
- 0,6
1,8
- 1,3
2,5
Total soldes Robss
- 11,2
- 11,9
0,7
- 9,5
- 1,7
FSV
0,8
1,1
0,3
1,3
- 0,5
Vieillesse + FSV
- 5,0
- 1,5
- 3,5
- 2,5
- 2,5
Total soldes Robss +
FSV
- 10,5
- 10,8
0,3
- 8,2
- 2,3
Source : Cour des comptes d’après la LFSSR 2023, la LFSS 2024 et la DSS pour les résultats 2023
Pour la branche vieillesse, l’aggravation du déficit résulterait
principalement du relèvement des pensions de retraite de 5,3 % au
1
er
janvier 2024 du fait de l’application, avec un an de décalage, des règles
de revalorisation légales en fonction de l’inflation
25
.
25
Selon l’art. L.
161-
25 du CSS, le taux appliqué correspond à l’écart entre l’indice
moyen de la période novembre 2021-octobre 2022 et celui de la période novembre
2022-octobre 2023, soit 5,3 %.
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UNE TRAJECTOIRE DE DÉFICITS NON MAÎTRISÉS,
UN REDRESSEMENT NÉCESSAIRE
51
Effet d’une variation de l’inflation
sur les soldes de la sécurité sociale
En cas d’augmentation
ou de diminution de l’inflation, les effets se
répercutent rapidement sur les recettes de la sécurité sociale qui reposent à
85
% sur les salaires (cotisations, CSG sur revenus d’activité, taxe sur les
salaires) et sur la consommation (TVA). Les effets sont plus lents sur les
dépenses, avec un an de décalage pour les dépenses indexées, et plus encore
pour les dépenses fondées sur des conventionnements (honoraires).
En conséquence, et sauf revalorisation par anticipation des
prestations comme en 2022, les déficits de la sécurité sociale diminuent
quand l’inflation accélère et augmentent quand elle décélère. Cet effet
devrait contribuer à la dégradation du solde en 2024.
Les autres branches verraient leurs excédents se réduire (AT-MP,
principalement du fait d
’un «
transfert » de cotisations au profit de la
branche vieillesse
26
; famille, en raison des mesures nouvelles liées au plan
accueil de la petite enfance
27
) tandis que le solde de la branche autonomie
redeviendrait positif du fait du transfert d’une fracti
on de CSG de la caisse
d’amortissement de la dette sociale (Cades) à la caisse nationale de
solidarité pour l’autonomie (CNSA).
B -
Après 2024, le creusement du déficit sans
perspective de retour à l’équilibre ni de stabilisation
L’aggravation du déficit après
2024 sera due notamment à la
dégradation des soldes de la branche vieillesse, que la réforme des retraites
de 2023 ne va pas permettre de rétablir rapidement. Une telle trajectoire
hors période de récession est sans précédent.
1 -
Un niveau de déficit d’ici à
2027 qui constitue un point
de bascule dans l’accumulation de la dette sociale
L’annexe de la LFSS 2024 donne la trajectoire prévisionnelle des
régimes obligatoires de base et du FSV jusqu’en 2027.
26
Baisse de cotisations de 0,12 point pour compenser la hausse équivalente des
cotisations d’assurance vieillesse, décidée en LFRSS 2023.
27
Notamment création de places en crèches (objectif de création de 35 000 places à horizon
2027) et mesures destinées à favo
riser l’attractivité du métier d’assistance maternelle.
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52
Graphique n° 3 :
trajectoire financière 2021-2027
des soldes des branche
s et du FSV (en Md€)
Source : annexe de la LFSS 2024, rectifiée pour 2023 par les comptes définitifs (les soldes 2021
correspondent aux montants approuvés par la LFSS 2022)
Le déficit se creuserait continûment pour atteindre 17,2
Md€ en
2027, du fait de la dégradation du résultat de la branche vieillesse alors que
celui de la branche maladie ne serait que stabilisé, autour de 9
Md€.
Un tel niveau est un point de bascule. Le déficit deviendrait
supérieur à la capacité d’amortissement par la Cades. Il n’y
aurait plus de
perspective de réduction de la dette sociale, après son augmentation très
forte pendant la crise sanitaire, mais une cristallisation de la dette au niveau
élevé actuel, voire une aggravation en cas de déficits accrus, si la croissance
devait être inférieure aux prévisions ou si le déficit de la branche maladie
ne pouvait être stabilisé.
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53
Graphique n° 4 :
comparaison entre LFRSS 2023 et LFSS 2024
de la trajectoire financière (Md€)
Source : annexes de la LFRSS 2023 et de la LFSS 2024 rectifiées pour 2023 par les comptes définitifs
La LFRSS pour 2023 tablait sur une stabilisation du déficit autour
de 13
Md€ à partir de 2025 du fait d’une réduction continue de celui de la
branche maladie à partir de 2024.
La trajectoire de la LFSS pour 2024 repose en outre sur des
hypothèses macro-économiques qui restent optimistes.
Tableau n° 8 :
principales hypothèses de l’annexe de la LFSS 2024
2023
2024
2025
2026
2027
PIB en volume
1,0 %
1,4 %
1,7 %
1,7 %
1,8 %
Inflation hors tabac
4,8 %
2,5 %
2,0 %
1,75 %
1,75 %
Masse salariale privée
6,3 %
3,9 %
3,4 %
3,4 %
3,4 %
Ondam hors crise sanitaire
4,8 %
3,2 %
3,0 %
2,9 %
2,9 %
Source : annexe de la LFSS 2024
La croissance pour 2023 (0,9 %) a été finalement un peu inférieure
à la prévision (1 %). Surtout, la croissance pour 2024 a été réajustée de
1,4 % à 1 % par le Gouvernement en février 2024, ce qui se traduira par de
moindres recettes pour la sécurité sociale. Cette prévision est plus élevée
que les estimations plus récentes de l’OCDE
28
(croissance de 0,6 % en
2024, de 1,2 % en 2025) et du FMI (0,7 % en 2024, 1,4 % en 2025). Selon
28
Perspectives économiques
, février 2024.
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COUR DES COMPTES
54
le Haut Conseil des finances publiques (HCFP)
29
, elle «
demeure optimiste
même si elle n’est pas hors d’atteinte
».
Malgré des effets de périmètre et de contexte favorables à partir de
2024
30
, le contexte macro-économique laisse augurer de recettes bien
moins dynamiques qu’en sortie de crise sanitaire. Malgré des «
incertitudes
importantes
» dans les évolutions de l’emploi relevées par le HCFP,
l’évolution de la masse salariale devrait se tasser fortement à hor
izon 2027,
avec une progression de 2,9 % dès 2024 (selon le programme de stabilité
2024-2027) déjà jugée «
un peu élevée
» par le HCFP. Il en va de même
pour l’augmentation du salaire moyen nominal par tête, dont la hausse
tendra vers 2 % (5,2 % en 2023).
L’évolution des effectifs salariés devrait
même passer par un creux en 2024 et en 2025. Ainsi, le programme de
stabilité d’avril 2024 prévoit une progression des prélèvements obligatoires
des administrations de sécurité sociale de 3,4 % en 2024, poursuivant le
ralentissement observé en 2023.
2 -
Un déficit croissant de la branche vieillesse,
principalement du fait de la CNRACL
Comme l’avait indiqué la Cour dans son précédent rapport annexé à
la loi de financement de la sécurité sociale (Ralfss), la réforme des retraites
adoptée le 14 avril 2023 n’aura d’effets financiers favorables sur les
comptes de la sécurité sociale que très progressivement. Selon l’étude
d’impact qui accompagnait le projet de réforme, hors conséquences sur les
soldes de l’État et des régi
mes complémentaires, elle devait se traduire par
un surcoût jusqu’à la fin de 2024, le gain net cumulé restant limité à 1
Md€
en 2025, 2
Md€ en 2026 et environ 7
Md€ à horizon 2030.
Encore ces chiffres n’intégraient
-ils pas les diverses mesures adoptées
par amendement lors de la discussion du projet de loi de financement pour
2024 ni les modifications de comportement constatées en 2023, avec des
départs en retraite plus importants que prévu par anticipation des effets de la
29
Haut Conseil des finances publiques,
Avis relatif aux prévisions macroéconomiques
associées au Programme de stabilité pour les années 2024 à 2027
, avril 2024.
30
La loi portant sur la dette sociale et l’autonomie du 7 août 2020 a prévu un transfert
de 0,15 point de CSG en provenance de la Cades (2,6 Md€) en faveur de la branche
autonomie. Par ailleurs, la dynamique des pensions de retraite en 2024 (+6,8 %) devrait
contribuer à accroitre le rendement de la CSG assise sur les revenus de remplacement.
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55
réforme. Contrairement à la dema
nde de la Cour, l’étude d’impact n’a pas
été actualisée pour prendre en compte ces effets
31
.
Par ailleurs, l’article 15 de la LFSS pour 2024 prévoit un nouveau
schéma de financement commun pour les régimes spéciaux fermés aux
nouveaux entrants par la LFRSS pour 2023
32
et pour ceux fermés
précédemment (Mines, SNCF, etc.). Les déficits de ces régimes ne seraient
plus couverts par une subvention de l’État mais financés en dernier ressort par
le régime général en contrepartie d’une «
compensation intégrale par l
’État,
chaque année, des conséquences financières pour la caisse nationale
d’assurance vieillesse
» selon les termes de l’article 15 de la loi de
financement précitée. Les modalités de ce nouveau schéma et de cette
compensation ne sont pas encore connues e
t rien ne permet de s’assurer que
la mise en place du système sera durablement neutre pour le régime général
33
.
La situation financière de la caisse nationale de retraites des agents
des collectivités locales (CNRACL) deviendrait de plus en plus
préoccupante, avec un déficit qui augmenterait continûment sur la période
pour atteindre 8,1
Md€ en 2027. Il représenterait à cette date les trois quarts
du déficit de la branche et du FSV.
Une situation de la CNRACL sans solution à ce stade
La CNRACL est un régime spécial qui couvre les risques retraite et
invalidité des agents de la fonction publique territoriale et hospitalière.
Compte tenu d’un déficit devenu structurel (2,5
Md€ en 2023), les capitaux
propres du régime, devenus négatifs en
2021, s’établissaient à
- 4,9
Md€ à
la fin de 2023.
La tendance déficitaire étant appelée à s’aggraver, la LFSS 2023 a
relevé l’autorisation d’emprunt de la CNRACL à 7,5
Md€ en 2023 pour
assurer la pérennité des paiements des prestations, autorisation portée à
11
Md€ en LFSS 2024. Les besoins de financement sont provisoirement
couverts par des emprunts à court terme souscrits par l’Acoss. Une mission
a été confiée en novembre 2023 aux inspections générales des finances, de
l’administration et des affaires
sociales en vue de dégager des pistes de
réforme pour rétablir l’équilibre des comptes.
31
La Cnav indique qu’une telle estimation devrait être réalisée à la fin de l’année 2024.
32
Industries électriques et gazières, RATP, clercs et employés de notaire, Banque de
France et Conseil économique, social et environnemental.
33
Sur cette réforme, cf. Cour des comptes,
Analyse de l’exécution budgétaire 2023 de
la mission « régimes sociaux et de retraite
», avril 2024.
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COUR DES COMPTES
56
La hausse d’un point du taux de cotisations patronales «
vieillesse »
de la CNRACL, à 31,65 %, décidée en LFRSS 2023, rapportera 600
M€ en
2024, 700
M€ en 2030. Elle
est très insuffisante pour couvrir la hausse du
déficit prévisionnel
34
. En compensation, une baisse équivalente, pour la
seule année 2024, du taux de cotisations maladie a été décidée, alors que la
hausse du taux de cotisations vieillesse est pérenne
35
.
En 2024, la branche maladie supportera donc le poids de la réduction
de cotisations, ce qui augmentera son déficit. Une compensation intégrale
« dès 2023 » devait pourtant être définie en loi de finances
36
mais le
Gouvernement a renvoyé cette question aux conclusions de la mission
confiée aux trois inspections générales
37
.
3 -
L’absence de réduction du déficit de la branche maladie
Selon la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 et
la LFSS 2024, le déficit de la branche maladie est désormais cristallisé aux
alentours de 9
Md€ par an de 2025 à 2027, sans perspective de retour à
l’équilibre, contrairement à la précédente trajectoire votée en LFRSS
d’avril 2023.
Le rythme des recettes reste en effet trop faible pour compenser les
revalorisations salariales du Ségur de la santé et la progression des
dépenses de ville au-delà des objectifs fixés, en particulier concernant les
honoraires des médecins spécialistes, les indemnités journalières et les
transports sanitaires.
En dépenses, la trajectoire de l’Ond
am a été révisée avec une
évolution moyenne annuelle sur 2024-2027 de 3,0 % désormais supérieure
à celle de l’inflation prévue hors tabac (2,0
%).
La Cour estime que cette nouvelle trajectoire, confirmée dans le
programme de stabilité 2024-2027, reste tro
p optimiste en l’absence de
réformes se traduisant par des économies pérennes pour la sécurité sociale.
34
En 2021, dans des observations définitives non publiées, la Cour avait estimé que le
rétablissement de l’équilibre financier de la CNRACL supposait une hausse des
cotisations de 4,87 points d’ici à 2024.
35
Décret n° 2024-49 du 30 janvier 2024.
36
Modifié
e par amendement parlementaire au Sénat, l’annexe à la LFRSS 2023 indique
que «
pour les employeurs publics de la CNRACL, l'État compensera intégralement le
surcoût qui en résulte dès 2023, selon des modalités définies en loi de finance
. ».
37
Mission conf
iée aux inspections générales des affaires sociales, de l’administration
et des finances. Cf.
la réponse du ministre de la transformation et de la fonction
publiques à la sénatrice Mme Isabelle Florennes, 23 novembre 2023.
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LA SITUATION FINANCIÈRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE :
UNE TRAJECTOIRE DE DÉFICITS NON MAÎTRISÉS,
UN REDRESSEMENT NÉCESSAIRE
57
En conséquence, outre les effets de la baisse de cotisations maladie des
agents des collectivités territoriales, le déficit de la branche maladie ne peut
mécaniquement que s’aggraver.
C -
Une dette sociale en hausse, dont les conditions
futures de financement restent à définir
Le financement des déficits attendus de la sécurité sociale à partir
de 2024 n’est plus assuré.
1 -
Une situation
financière nette de l’A
coss devenue
ponctuellement excédentaire en 2023
En 2023, les pertes de trésorerie nettes de la sécurité sociale se sont
élevées à 10,7
Md€, en lien essentiellement avec le déficit des régimes
obligatoires de base et du fonds de solidarité vieillesse. Toutefois, grâce à
un versement de 27,2
Md€ par la Cades (cf.
infra
), le solde net de trésorerie
de l’Acoss fin 2023 est devenu positif de 4,0
Md€, après un solde négatif
de 12,5
Md€ fin 2022 et de 31,9
Md€ fin 2021.
Cet excédent net de trésorerie s’explique
notamment par le fait que
13
Md€ destinés aux hôpitaux pour financer entre 2021 et 2029 leur
désendettement et leurs investissements, lui ont été versés par anticipation
par la Cades. Sur ce montant, seuls 3,2
Md€ ont été utilisés et le solde de
trésoreri
e de l’Acoss est amélioré, toutes choses égales par ailleurs, de près
de 10
Md€.
En 2024, l’Acoss bénéficiera d’un dernier versement de la Cades de
8,8
Md€ pour couvrir –
partiellement
–
le déficit 2023. Le déficit 2024 des
régimes obligatoires de base et du FSV est attendu à 10,5
Md€ et la
consommation de l’enveloppe destinée aux hôpitaux devrait atteindre 1
Md€
environ, ce qui laisse prévoir un solde net en fin d’année 2024 à l’équilibre
:
les montants à verser aux hôpitaux compenseraient le déficit 2024.
L’autorisation d’emprunt de l’Acoss, qui ne peut légalement
s’endetter que sur des maturités inférieures à un an, a été maintenue à
45
Md€ en 2024, comme en 2023. Cela laisse une marge de sécurité de
15
Md€ par rapport aux prévisions de l’Acoss sur l’évol
ution de son solde
brut de trésorerie
–
lequel ne prend pas en compte les liquidités détenues.
L’importance de cette marge peut être interprétée comme un certain
manque de confiance sur la capacité des branches, et notamment de la
branche maladie, à tenir leur solde prévisionnel en 2024 après le
dépassement constaté de 4
Md€ en 2023.
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58
2 -
Une réduction limitée et temporaire de la dette sociale en 2023
La dette sociale portée par la Cades et par l’Acoss avait atteint
161
Md€ en fin d’année 2022, montant record
en valeur absolue. Elle a
reflué de 4,3
Md€ en 2023 pour s’établir à 156,8
Md€.
Tableau n° 9 :
évolution de la dette sociale portée par la Cades
et par l’Acoss (2019
-
2023, en Md€)
2019
2020
2021
2022
2023
Situation nette négative Cades
89,1
93,0
115,2
136,2
145,2
Cumul déficits non repris par
la Cades et maintenus à l’Acoss
25,6
47,6
39,5
24,9
11,6
Total dette sociale
(déficits non amortis)
114,7
140,6
154,7
161,1
156,8
Source
: Cour des comptes d’après les comptes 2019 à 2023 et les décrets n°
2020-1074 du
19 août 2020, n° 2021-40 du 19 janvier 2021, n° 2022-23 du 11 janvier 2022 et n° 2023-12 du
11 janvier 2023
La dette sociale devrait toutefois prendre en compte désormais la
dette nette de la CNRACL depuis que ses capitaux propres sont devenus
négatifs, pour 2,3
Md€ en 2022 et 4,9
Md€ en 2023. Ainsi réévaluée, elle
atteint 163,4
Md€ en 2022 et 161,7
Md€ en 2023.
3 -
Une dette sociale qui progresse à partir de 2024
et dont le financement n’est plus assuré
Grâce aux ressources qui lui sont affectées
38
, la Cades est
structurellement excédentaire après couverture de la charge des intérêts des
emprunts qu’elle émet. Cet excédent atteint 18,3
Md€ en 2023 mais devrait
être réduit à 16,1
Md€ en 2024 en raison du transfert à la caisse nationale
de solidarité pour l’autonomie (CNSA) d’une fraction de la CSG. Il se
réduira à nouveau à partir de 2025 avec le passage de 2,1 Md€ à 1,45
Md€
de la contribution versée par le fonds de réserve des retraites.
La loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à
l'autonomie a organisé la prise en charge de 136
Md€ de dette sociale par la
Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades). Le tableau ci
-après
présente le détail de ces versements par exercices et par nature d’opérations.
38
Elles sont constituées de la contribution à la réduction de la dette sociale - CRDS -,
d’une fraction de la CSG et des transferts du fonds de réserve des retraites.
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UNE TRAJECTOIRE DE DÉFICITS NON MAÎTRISÉS,
UN REDRESSEMENT NÉCESSAIRE
59
Tableau n° 10 :
montants pris en charge par la Ca
des (en Md€)
2020
2021
2022
2023
2024
Total
Déficits antérieurs à 2020
20,0
11,2
31,2
Déficit br. maladie + FSV 2020
23,8
9,1
32,9
Déficit br. vieillesse + FSV 2021
25,9
1,7
27,6
Déficit branches maladie
+ vieillesse 2022
22,5
22,5
Dotation établissements de santé
5,0
5,0
3,0
13,0
Déficit branche maladie 2023
8,8
8,8
Total
20,0
40,0
40,0
27,2
8,8
136,0
Source
: Cour des comptes d’après les comptes des exercices 2020 et 202 et les décrets n° 2020
-
1074 du 19 août 2020, n° 2021-40 du 19 janvier 2021, n° 2022-23 du 11 janvier 2022, n° 2023-
12 du 11 janvier 2023 et n° 2024-176 du 6 mars 2024
En 2023 la Cades a ainsi repris 22,5
Md€ au profit des branches
maladie et retraite pour couvrir leur déficit en 2022, 1,7
Md€ de solde du
déficit 2021 de la branche vieillesse et 3
Md€ pour la dernière tranche de
l’enveloppe
destinée
au
financement
du
désendettement
et
de
s
investissements des hôpitaux. Les 8,8
Md€ disponibles à la Cades sont
affectés en 2024 pour couvrir le déficit 2023 de la branche maladie, ce qui
sera insuffisant au regard du montant constaté de 11,1
Md€.
À partir de 2024, la dette sociale, élargie à la situation nette négative
de la CNRACL recommencera donc à augmenter, sans perspective de
résorption à terme, pour dépasser 163
Md€ en 2027.
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60
Tableau n° 11 :
projection de la dette sociale jusqu’en 2027 (en Md€)
2023
2024 (p)
2025 (p)
2026 (p)
2027 (p)
Situation nette
négative Cades
145,2
137,9
122,9
107,9
92,9
Cumul des déficits
non repris par le
régime général
11,6
11,3
21,7
32,3
42,0
Situation nette
négative CNRACL
4,9
8,5
13,7
20,4
28,4
Total
161,7
157,7
158,3
160,6
163,3
Source
: Cour des comptes d’après la
LFSS 2024 et les projections Cades et CNRACL
En l’absence de nouvelle loi organique de reprise par la Cades, la
dette serait en outre de plus en plus supportée par l’Acoss, au titre du
financement des déficits du régime général (42
Md€ en 2027) et des
avances versées à la CNRACL (28
Md€ en 2027). Or l’Acoss ne peut
légalement emprunter à plus d’un an, ce qui placerait la sécurité sociale en
situation de grande fragilité financière en cas de crise de liquidité, comme
celle déjà constatée en 2020
39
. Hors ces situations exceptionnelles, la
sécurité sociale serait exposée à toute augmentation des taux d’intérêt de
court terme, qui se traduirait par un renchérissement immédiat de sa dette.
Un moyen serait de prolonger, par une loi organique, la durée de vie
de la Cades au-
delà de 2033, pour reprendre les déficits portés par l’Acoss
postérieurs à 2023. La durée des emprunts serait allongée de ce fait mais le
niveau des déficits attendus devient tel, en l’absence d’un plan crédible de
retour à l’équilibre des comptes, qu’une prolongation indéfinie de la Cades
permettrait à peine de stabiliser la dette sociale à son niveau actuel et non
plus de la réduire.
Cette perspective illustre le caractère insoutenable de la trajectoire
actuelle de la sécurité sociale et la néce
ssité impérative de mettre en œuvre
des réformes de l’assurance maladie visant à réaliser des gains d’efficience
et à revoir les déterminants de ses financements.
39
En 2020, la hausse accélérée des déficits a rendu nécessaire l’établissement d’un plan
de financement de crise comportant des prêts de la Caisse des dépôts et consignations
et de banques. L’encours d’emprunt de l’Acoss le plus élevé a été atteint le 22 juin
2020, à 89,7
Md€ (cf. Cour des comptes, Ralfss 2021, chapitre I
La trajectoire
financière de la sécurité sociale à partir de 2020 : le défi des conséquences de la crise
sanitaire
, pp. 70-71, octobre 2021).
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UNE TRAJECTOIRE DE DÉFICITS NON MAÎTRISÉS,
UN REDRESSEMENT NÉCESSAIRE
61
La Cour s’est attachée, dans ses récents rapports, à élaborer des pistes
d’économie dans les
domaines de l’imagerie médicale
40
ou de la maîtrise
médicalisée des dépenses de santé
41
. Le présent rapport recommande de
réformer
les
« niches
sociales »
sur
compléments
de
salaire
et
l’indemnisation des arrêts de travail pour maladie, de mieux encadrer
l’introduction des nouveaux médicaments anti
-cancéreux, de réduire le
recours aux médecins contractuels dans les hôpitaux et de mieux organiser
les parcours de soins pour réduire l’occupation des lits d’hôpital
42
.
40
Cour des comptes, Ralfss 2022, chapitre IV
L’imagerie médicale : des évolutions
en cours, des réformes indispensables
, octobre 2022.
41
Cour des comptes, Ralfss 2023, chapitre VIII
La maîtrise médicalisée des dépenses
de santé : une régulation inaboutie
, mai 2023.
42
Voir partie II du présent rapport :
Des réformes nécessaires pour assurer un
redressement pérenne des comptes sociaux
.
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COUR DES COMPTES
62
______________________ CONCLUSION ______________________
En 2023, le déficit de la sé
curité sociale s’est fortement réduit par
rapport à 2022 en raison de la quasi disparition des mesures liées à la
crise sanitaire. Il reste cependant nettement supérieur à la prévision
initiale, ce qui témoigne d’une insuffisante maîtrise de la dépense
d’assurance maladie. Sa trajectoire future est celle, inédite, d’une
aggravation continue jusqu’en 2027 sans perspective de retour à
l’équilibre ni même de stabilisation. Cette trajectoire conduit à la
reconstitution d’une dette sociale sans financement péren
ne. Elle paraît en
outre encore optimiste compte tenu de l’absence de maîtrise de la dépense
d’assurance maladie et de la dégradation de la situation financière des
établissements hospitaliers et médico-sociaux.
Or, comme la Cour l’a rappelé dans son rappo
rt public annuel
2024
43
, «
la persistance sur moyenne période de déficits massifs de la
sécurité sociale ne peut être justifiée dès lors que l’économie ne se trouve
pas en bas de cycle comme en 2020
». La sécurité sociale repose en effet
sur un principe ass
urantiel et n’a pas vocation à s’endetter. Le pays doit
aussi se préparer à l’arrivée des générations nombreuses du baby
-boom
dans le grand âge après 2025, qui causera de fortes tensions sur les coûts
médicaux et médico-sociaux. Au plan des principes jurid
iques, l’article
34
de la Constitution édicte que les LFSS «
déterminent les conditions
générales de son équilibre financier
», ce dernier étant une «
exigence
constitutionnelle
» depuis la décision du 18 décembre 1997 du Conseil
constitutionnel.
Si la sé
curité sociale n’est pas dotée de ressources nouvelles, il est
donc impératif d’établir un programme pluriannuel de réformes et de lutte
contre les fraudes pour étayer une trajectoire crédible de rétablissement
des comptes. À la demande du Premier ministre, la Cour des comptes
prépare des propositions de revue des dépenses d’assurance maladie en ce
sens. L’objectif est de préserver durablement notre système de protection
sociale sans en rejeter la charge financière sur les générations futures.
43
Cour des comptes, rapport public annuel,
La situation d’ensemble des finances
publiques
, mars 2024.
Sécurité sociale 2024 – mai 2024
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