Une situation financière dégradée, un redressement à engager
Malgré des dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire (tests de dépistage, vaccination) plus élevées que prévu, le déficit de la sécurité sociale s’est fortement réduit en 2021 (24,3 Md€ contre 39,7 Md€ en 2020), grâce au redémarrage de l’activité économique, mais aussi à la comptabilisation sur 2021 de recettes de prélèvements sociaux se rattachant à 2020 (5 Md€). En 2022, le déficit se réduirait à nouveau (à près de 18 Md€), mais sa diminution serait entièrement imputable à la baisse des dépenses liées à la crise, à nouveau sous-estimées. La croissance des recettes serait entièrement absorbée par la dynamique des dépenses hors crise.
En 2023, le déficit continuerait à se réduire (à près de 7 Md€), mais les dépenses d’assurance maladie, notamment celles liées à la crise (1 Md€ prévus), pourraient être sous-estimées. À partir de 2024, le déficit remonterait pour atteindre près de 12 Md€ en 2026, malgré des hypothèses économiques optimistes - un effort de maîtrise des dépenses d’assurance maladie qui serait renforcé par rapport à l’avant-crise et une nouvelle réforme des retraites. La pérennisation du déficit de la sécurité sociale crée le risque d’une croissance continue de l’endettement social (environ 160 Md€ prévus fin 2022), au détriment des générations futures. La Cour propose diverses évolutions de la structure du financement des différentes branches de sécurité sociale et note que les professions de santé libérales doivent d’avantage contribuer à l’effort collectif de maîtrise des dépenses de santé.
Des réformes nécessaires, des enjeux à mieux prendre en compte
La Cour s’est intéressée à quatre sujets qui mettent en évidence la nécessité d’engager des réformes. Le secteur de l’imagerie médicale, qui se développe sous l’effet de l’arrivée de techniques innovantes, souffre d’une activité hospitalière en difficulté croissante, en raison d’une préférence accrue des radiologues pour l’exercice libéral, et d’une répartition territoriale inégalitaire. S’agissant de la radiothérapie, qui traite chaque année la moitié des nouveaux cas de cancer et représente un coût de 1,5 Md€ pour l’assurance maladie, les modalités de tarification de l’activité à l’hôpital et en ville devraient être harmonisées - les mêmes soins y étant délivrés. Autre enjeu prioritaire : le secteur médico-social, qui présente l’un des taux d’accidents du travail parmi les plus élevés de tous les secteurs d’activité, dans un contexte de taux d’encadrement trop faible. La Cour formule plusieurs recommandations visant à réduire la fréquence des accidents du travail et maladies professionnelles, augmenter l’attractivité du secteur et améliorer la qualité du service rendu aux usagers. Enfin, elle recommande une réforme des droits destinés à compenser, notamment pour les mères, l’effet sur les retraites des interruptions d’activité professionnelles liées à la naissance et à l’éducation des enfants.
Des mesures récentes au bilan contrasté
La troisième partie du rapport dresse le bilan de deux mesures récentes. La Cour a examiné deux dispositifs de la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje) : constatant que le premier de ces dispositifs (la prestation partagée d’éducation de l’enfant, qui indemnise les périodes de cessation d’activité pour l’éducation de l’enfant durant ses trois premières années) a échoué à atteindre ses objectifs, la Cour recommande que son montant en soit réévalué, et sa durée de versement limitée à la première année de l’enfant. S’agissant du complément de libre choix du mode de garde (CMG), qui aide les familles à financer la garde des enfants de moins de six ans par des tiers, la Cour considère nécessaire d’en réaménager les barèmes, pour permettre aux familles les plus modestes de recourir davantage à l’ensemble des modes de garde externe. La Cour dresse aussi le bilan de la mise en œuvre de la réforme complexe des aides au logement, calculées depuis 2021 en fonction de revenus plus contemporains. Si la mutualisation des données de ressources entre, et au sein des sphères fiscale et sociale doit permettre de mieux gérer les prestations, il est nécessaire de simplifier la définition même des ressources à prendre en compte. Enfin, la Cour a évalué le transfert au régime général de la gestion de la sécurité sociale des travailleurs indépendants, dont elle considère qu’il a été mené à bien, même si certains de leurs besoins spécifiques doivent être mieux pris en compte. Elle souligne toutefois que le recouvrement de leurs prélèvements sociaux doit rester un point central d’attention.