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Sécurité sociale 2023

COUR DES COMPTES En images (13)

En application de sa mission constitutionnelle d’assistance au Parlement, la Cour rend public aujourd’hui son rapport 2023 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale. Pour la première fois, ce rapport est publié au printemps en même temps que le dépôt de la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale, nouvellement créée. La Cour éclaire ainsi la situation financière de la sécurité sociale en 2022, notamment dans le champ des dépenses d’assurance maladie, et ses perspectives pour 2023 et les années ultérieures. Elle tire le bilan de la mise en œuvre de plusieurs réformes et mesures adoptées ces dernières années par le Parlement, et illustre par différents exemples la nécessité de rechercher une plus grande efficacité de la dépense publique dans le secteur de la sécurité sociale.

Une situation financière à redresser

En 2022, le déficit de la sécurité sociale a atteint 19,6 Md€, soit 0,7 % du PIB. Proche du montant voté en décembre 2021, il s’est caractérisé par deux dynamiques de sens contraire. Les recettes ont été supérieures de 22,8 Md€ à la prévision grâce à la croissance et à l’inflation, qui ont fait augmenter la masse salariale de 8,7 %. Les dépenses ont en parallèle dépassé l’objectif de 21 Md€, en raison notamment d’effets de la crise sanitaire plus importants que prévu, et de la revalorisation de 4 % des pensions de retraites et autres prestations sociales dès juillet 2022. Pour l’assurance maladie en particulier, l’objectif national de dépenses (Ondam) a été dépassé de 10,4 Md€, dont 6,8 Md€ du fait des dépenses de crise.
En 2023, le déficit de la sécurité sociale devrait s’améliorer sensiblement et être ramené à 8,2 Md€, grâce à la poursuite de la progression des recettes et au reflux des dépenses de crise. Mais ce redressement ne devrait être que temporaire. Dès 2024, et malgré les effets favorables attendus de la réforme des retraites, le déficit de la sécurité sociale devrait se dégrader à nouveau. La réforme des retraites ne devrait pas permettre de rétablir le solde déficitaire de la branche vieillesse du régime général et du fonds de solidarité vieillesse, qui atteindrait 4 Md€ en 2030, ni celui de la caisse nationale de retraite des agents de la fonction publique locale et hospitalière (CNRACL) - plus de 6 Md€ en 2030.
Le financement de ces déficits par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) n’est plus assuré à partir de 2024. Si des mesures nouvelles de financement étaient décidées, elles devraient s’accompagner d’un programme pluriannuel de réformes visant un rétablissement durable des comptes. Le respect de la trajectoire prévue suppose en outre que l’objectif de dépenses d’assurance maladie soit respecté. Or celui-ci, après plusieurs années de vive progression, y compris hors crise sanitaire et revalorisation des personnels des hôpitaux et établissements médico-sociaux, devient très contraint en 2023 et en 2024, à des niveaux inférieurs à ceux de l’inflation prévue. Il importe donc que des mesures correctrices soient déclenchées en cas de dérapage des dépenses, quelle que soit leur cause, et que des dispositifs de régulation soient mis en œuvre pour tous les secteurs, y compris les soins de ville et les indemnités journalières.
Enfin, l’évolution des déficits et des dettes des hôpitaux devrait être mieux suivie. Le calendrier de versement des dotations de fin d’exercice aux hôpitaux devrait être accéléré pour permettre une publication plus rapide de leurs comptes.

Des réformes à poursuivre

La deuxième partie du rapport évalue la mise en œuvre de mesures décidées récemment et illustre la nécessité de poursuivre les efforts de réforme à travers quatre thématiques :

  1. Les expérimentations sur de nouveaux modes d’organisation et de tarification des soins, permises par l’article 51 de la loi de financement pour 2018, devraient être mieux sélectionnées. En outre, il convient de mieux préparer la généralisation des projets les plus prometteurs et de programmer l’arrêt de ceux n’ayant pas répondu aux attentes.
  2. L’organisation des Samu et des Smur est examinée, dans un contexte où leur activité, en forte croissance, répond souvent à des demandes de soins qui relèvent en réalité de la médecine de ville, tandis que les outils de coordination territoriale tardent à monter en puissance.
  3. L’indemnisation des congés de maternité et de paternité reste inégale selon les régimes de sécurité sociale et fait l’objet de délais de versement trop longs par les caisses de sécurité sociale, les congés pathologiques faisant par ailleurs l’objet d’un suivi insuffisant.
  4. La lutte contre la fraude aux prestations sociales, pour laquelle les caisses de sécurité sociale ont pris un certain nombre de mesures, doit changer d’échelle (informatisation, contrôles automatisés et a posteriori) face à un enjeu estimé à plusieurs milliards d’euros par an.

Des évolutions nécessaires

La Cour s’est également intéressée à quatre domaines pour lesquels les enquêtes conduites mettent en évidence, à des degrés divers, une efficacité insuffisante de l’action publique :

  1. Les actions de maîtrise médicalisée de l’assurance maladie, portant sur la pertinence des actes et des prescriptions médicales, pâtissent d’un manque d’outils adéquats indispensables, comme la numérisation des diagnostics et les prescriptions électroniques. Les économies obtenues, dont la mesure est peu convaincante, sont faibles par rapport aux autres pays européens, notamment pour la diffusion des médicaments génériques.
  2. Dans le domaine des retraites, les écarts de pensions restent importants entre les femmes et les hommes : 50 % pour les droits liés aux périodes d’emploi, 40 % en prenant également en compte les dispositifs de solidarité, en particulier les droits familiaux de retraite, 28 % en intégrant enfin les pensions de réversion reçues. De tels écarts et les différences de droits constitués selon les régimes devraient motiver une réforme des droits familiaux et des dispositifs de réversion.
  3. La sécurité sociale des marins est un régime spécial marqué par des spécificités historiques dont la gestion a été déstabilisée par plusieurs réformes récentes. Une réforme en profondeur est nécessaire pour améliorer leur protection en matière d’accidents du travail et assurer une plus grande équité de leurs droits en matière de retraite avec ceux de l’ensemble des assurés sociaux.
  4. Le traitement des litiges entre assurés et organismes, confié depuis 2019, pour l’essentiel, aux tribunaux judiciaires, appelle encore des simplifications et un recours accru à la médiation.

En images (13)

Sécurité sociale 2023, vignette 1

Le déficit de la sécurité sociale devrait fortement, mais temporairement, diminuer en 2023, du fait principalement du repli des dépenses d’assurance maladie liées à la crise sanitaire. À partir de 2024, le déficit devrait de nouveau se dégrader, à plus de 13 Md€ par an, en raison du déficit croissant de la branche vieillesse et de la progression des dépenses d’assurance maladie.

Sécurité sociale 2023, vignette 2

8,8 Md€
C’est, sur les 136 Md€ votés en 2020, ce qu’il reste à la Caisse d’amortissement de la dette sociale – la Cades –  pour reprendre les déficits des années 2023 et suivantes du régime général de la sécurité sociale. Cette somme devrait seulement permettre de reprendre les déficits de 2023. Il faudra élaborer de nouvelles solutions pour les déficits constatés à partir de 2024 pour éviter qu’ils ne pèsent sur les soldes de la sécurité sociale.

Sécurité sociale 2023, vignette 3

38%
des dossiers médicaux créés par le Samu en 2021 concernaient des « soins non programmés », qui pourraient être pris en charge par un médecin traitant ou de ville.

Sécurité sociale 2023, vignette 4

34,5 jours
C’est le délai moyen de versement des indemnités journalières de maternité à partir du premier jour de congé pour les salariées du régime général en 2021. Un indicateur en nette dégradation ces dernières années, à cause de la crise sanitaire notamment. Cette moyenne nationale recouvre par ailleurs des écarts importants, le délai pouvant aller jusqu’à 49,5 jours en Seine-Saint-Denis.

Sécurité sociale 2023, vignette 5

3,8 Md€
C’est le montant de l’indemnisation des congés maternité et paternité en 2022 au régime général (contre 3,4 Md€ en 2021). La part de la maternité augmente (passant de 3 Md€ en 2021 à 3,2 Md€ en 2022), celle des congés de paternité également (de 0,3 Md€ en 2021 à 0,5 Md€ en 2022), sous l’effet notamment de la réforme de 2021 ayant abouti à un allongement de la durée du congé de paternité.

Sécurité sociale 2023, vignette 6

27%
La Cour estime que plus d’un dossier sur quatre d’indemnités journalières pour maternité comporte des anomalies. Un taux supérieur à celui constaté pour les arrêts maladie (21 %). Dans plus de la moitié des cas, l’anomalie a une incidence financière, majoritairement au détriment des assurées.

Sécurité sociale 2023, vignette 7

8 Md€
C’est l’estimation du montant des fraudes aux prestations sociales. Les caisses l’évaluent en effet ainsi :

  • entre 2,5 et 3,2 Md€ de fraudes aux prestations versées par les CAF en 2020
  • entre 1,1 et 1,3 Md€ de fraudes et de fautes calculées sur un tiers des prestations versées par l’Assurance maladie en 2018 ou 2019
  • entre 0,1 et 0,4 Md€ de fautes sur les prestations versées par les caisses de retraite en 2020.
Sécurité sociale 2023, vignette 8

28%
Les femmes perçoivent en moyenne une pension de retraite inférieure de 28 % à celles des hommes en 2020 (1 401 € contre 1 955 €). L’écart de pension hors réversions est plus important encore, égal à 40 %. Cet écart se réduit toutefois au fil des générations, passant de 54 % pour la génération 1930 à 34 % pour la génération 1950.

Sécurité sociale 2023, vignette 9

22,3%
C’est l’écart de salaire moyen entre les femmes et les hommes en 2019 (contre 27,4 % en 1995). Il reflète à la fois des écarts de salaire horaire (16,1 %) et des écarts de nombre d’heures de travail dans l’année (7,6 %), les femmes étant plus souvent à temps partiel. Ces différences de situation sur le marché du travail se répercutent sur la retraite des femmes.

La retraite des femmes et des hommes - Nos rapports en 180 secondes (ou presque)

La loi a fixé au système de retraite français l’objectif d’assurer l’égalité entre les femmes et les hommes. Or, en 2020, les pensions des femmes étaient inférieures de 28 % à celles des hommes – elles étaient de 1 400 euros par mois en moyenne pour les femmes contre près de 2 000 euros pour les hommes.

Cette situation s’explique principalement par les différences qui subsistent sur le marché du travail et qui se retrouvent au moment de la retraite. En effet, le montant des pensions est lié aux revenus de l’activité.

Les femmes sont de plus en plus fréquemment en emploi, mais leur taux d’emploi reste inférieur à celui des hommes, de 8 % en 2021. Elles travaillent aussi plus souvent à temps partiel.

L’écart de salaire moyen se réduit légèrement, mais il était encore de 22 % en 2019, à la fois à cause de salaires horaires inférieurs et d’un nombre d’heures de travail plus faible.

Au moment de la retraite, ce sont les dispositifs de solidarité et les pensions de réversion qui améliorent la situation des femmes par rapport à leur situation sur le marché du travail.

Les dispositifs de solidarité du système de retraite accordent des droits qui ne sont pas la contrepartie directe de cotisations versées pendant la vie active. Fin 2016, ces dispositifs représentaient 29 % du montant des pensions versées aux femmes (hors pensions de réversion) contre 18 % pour les hommes.

Cet écart résulte principalement des droits familiaux de retraite, c’est-à-dire des droits attribués au titre des enfants. 90 % des femmes disposent ainsi d’au moins un droit familial de retraite. Alors que ces droits représentent un effort financier de plus de 20 milliards d’euros, la Cour des comptes a constaté qu’ils compensaient mal l’incidence des enfants sur la carrière des mères. Ils attribuent pour la retraite plus de trimestres que ce qui correspond aux réductions d’activité, mais ils compensent peu les pertes de salaire.

Les pensions de réversion, quant à elles, sont réservées aux personnes qui ont été mariées. Elles consistent, en cas de décès, à reverser au conjoint ou à l’ex-conjoint survivant une partie de la pension de la personne décédée.

Compte tenu des écarts d’espérance de vie et des écarts d’âge au sein des couples, près de 90 % des bénéficiaires de réversions sont des femmes. Sans les pensions de réversion, en 2020, l’écart de pension entre les femmes et les hommes serait de 40 %.

Les pensions de réversion, qui représentent un coût de 36 milliards d’euros, posent de nombreuses difficultés. Leurs conditions d’attribution et leurs montants sont différents d’un régime à l’autre. Elles ne suffisent pas à préserver le niveau de vie des femmes dont les pensions sont les plus faibles. Et elles posent aussi des questions d’équité entre les personnes divorcées, selon que l’ex-conjoint s’est remarié ou non.

Les dispositions de la réforme des retraites de 2023 ne sont pas de nature à corriger ces constats. Bien sûr, la réduction des écarts de pension entre les femmes et les hommes passe d’abord par des actions sur le marché du travail. Cependant, un ajustement des droits familiaux de retraite et des règles de réversion est indispensable.

La Cour recommande ainsi, à coût constant, de compenser de manière plus ajustée l’incidence sur les droits à retraite des pertes de trimestres et de salaire liées aux interruptions de carrière pour l’éducation des jeunes enfants, notamment pour les pensions les plus faibles, tout en préservant des droits spécifiques à partir de trois enfants.

Les SAMU et les SMUR - Nos rapports en 180 secondes (ou presque)

Dans son dernier rapport sur la Sécurité sociale, la Cour des comptes se penche sur les SAMU et les SMUR. Mais savez-vous précisément ce qu’il y a derrière ces acronymes ?

Les SAMU (services d’aide médicale urgente) sont les centres de régulation des appels au 15, joignables 24h/24, en tout point du territoire, en cas d’urgence médicale. Ils sont sollicités pour organiser la prise en charge les patients avant leur éventuel transfert à l’hôpital.

Les SMUR (structures médicales d’urgence et de réanimation), quant à eux, assurent – à la demande des SAMU – la prise en charge de patients grâce à des véhicules équipés de matériel d’urgence et de réanimation. Les équipes SMUR comprennent : un médecin spécialisé en médecine d’urgence, un infirmier et un conducteur ambulancier.

Ces deux services ont été progressivement mis en place à partir des années 1960 pour s’occuper des accidentés de la route et pour transférer les patients atteints de paralysie respiratoire d’un hôpital à un autre. Leurs missions ont ensuite été élargies pour répondre à l’ensemble des urgences vitales. En effet, au cours des 50 dernières années, les accidents de la route ont nettement diminué, alors que les accidents cardio-vasculaires, par exemple, ont fortement augmenté.

En 2021, les SAMU ont reçu plus de 32 millions d’appels, soit plus de 20 % d’augmentation depuis 2013. Parmi ceux-ci, 14 millions aboutissent à une prise en charge et donc à la création d’un « dossier de régulation médicale ».

La proportion de sorties d’un véhicule SMUR pour une urgence vitale a peu évolué sur cette période. En revanche, ce qui a sensiblement augmenté, c’est le nombre de cas qui ne relèvent pas d’une urgence vitale, mais d’un besoin de santé imprévu, que l’on appelle « besoin de soins non programmés », et qui pourrait être réalisé par un médecin traitant en ville. Ces cas représentent près de 40 % des dossiers créés annuellement par le SAMU.

Ainsi en 2021, sur 100 dossiers créés, 38 ont abouti à une prise en charge par un médecin libéral, 37 à l’organisation d’un transport sanitaire non médicalisé – c’est-à-dire réalisé par les pompiers ou une société d’ambulances privée, 20 ont donné lieu à un conseil médical donné par le médecin urgentiste du SAMU et cinq à la sortie d’un véhicule SMUR, c’est-à-dire un transport médicalisé.

Ces chiffres montrent que l’activité des SAMU, comme celles des services d’urgences dans les hôpitaux, résulte désormais, pour partie, d’un défaut d’organisation de la médecine de ville et de la permanence des soins.

Tenant compte de cette évolution, le Gouvernement a décidé, en 2019, la création des « services d’accès aux soins », les SAS. De quoi s’agit-il ? D’organiser une prise en charge commune des appels téléphoniques via le 15, 24h/24, pour toutes les situations, qu’elles relèvent d’une urgence ou d’un « besoin de soins non programmés » lorsque l’accès au médecin traitant ou à un autre médecin de proximité n’est pas possible en première intention.

Il s’agit par là non seulement de renforcer la régulation assurée par des médecins libéraux mais aussi et surtout de faire prendre en charge les patients par un médecin de ville ou une structure médico-sociale dans les 24-48h.

Une phase pilote de mise en place des SAS a démarré fin 2020.

Pour être réussie, leur généralisation devra reposer sur deux piliers solides.

Tout d’abord, la participation effective des médecins de ville au dispositif, notamment à travers l’implication des « communautés professionnelles territoriales de santé », dont l’une des missions est d’apporter une réponse aux « demandes de soins non programmés » sur un territoire.

Ensuite, l’amélioration des conditions de formation et de travail des assistants de régulation médicale, qui répondent aux appels des SAMU et qui doivent pouvoir bénéficier d’une formation adaptée, de systèmes d’information harmonisés et interconnectés entre SAMU et autres services de l’État.

Ils doivent également être en nombre suffisant pour améliorer le taux de réponse aux appels et pour faire face à l’augmentation d’appels du fait de la mise en place des SAS.

Selon la Cour, le coût de fonctionnement des SAMU et des SAS atteindra 1 milliard d’euros en 2023, soit une augmentation de plus de 60 % depuis 2016. Il apparait dès lors indispensable que d’ici leur généralisation, on évalue et garantisse les conditions permettant d’améliorer les parcours de soins entre la ville, l’hôpital et le médico-social et ainsi d’éviter des passages inappropriés dans les services d’urgences.

Les fraudes aux prestations sociales - Nos rapports en 180s (ou presque)

En 2020, la Cour des comptes s’était intéressée à la lutte contre la fraude aux prestations sociales, c’est-à-dire à la manière dont les caisses de sécurité sociale préviennent et luttent contre la fraude. Une nouvelle enquête, publiée dans le rapport de 2023 sur la sécurité sociale, permet d’établir un bilan des suites données aux recommandations de 2020.
À la différence des fautes et des erreurs, la fraude se caractérise par l’intentionnalité de son auteur, et elle est donc difficile à démontrer.

Pour lutter contre la fraude, il est d’abord nécessaire de la connaître et de la quantifier.

L’essentiel des fraudes à l’assurance maladie est imputable aux professionnels de santé et aux établissements de santé.

Pour les prestations versées par les Caisses d’Allocations Familiales, la fraude provient des allocataires qui déclarent des données erronées.

Le premier constat de la Cour est que si le montant de la fraude est par nature difficile à évaluer, des progrès ont été réalisés pour mieux l’estimer.

La branche famille l’estime entre 2,5 et 3,2 Md€ ; la branche vieillesse entre 40 et 400 M€. L’assurance maladie ne l’estime que de manière partielle : calculée sur 29 % de ses dépenses, la fraude est estimée entre 1,1 Md et 1,3 Md€. L’application d’une simple règle de trois aux montants déjà estimés conduit, pour le régime général, à un montant de fraudes et de fautes à l’assurance maladie de l’ordre de 3,8 à 4,5 Md€. La Cour recommande donc de compléter ces évaluations.

Mais tout cela ne concerne que les estimations. La fraude réellement détectée par les organismes de sécurité sociale est nettement plus faible. En 2022, pour les trois branches vieillesse, maladie et famille, les montants détectés s’élèvent à près de 850 M€ au total, ce qui ne représente qu’une part mineure du montant total de la fraude. Selon les branches et les prestations, les organismes ne parviennent à en détecter qu’entre 0,8% et 40%.

Le second constat de la Cour est donc qu’il faut changer d’échelle dans la lutte contre la fraude aux prestations.

Tout d’abord, en tarissant à la source les possibilités de frauder. Pour cela, la Cour recommande d’achever rapidement des chantiers majeurs déjà engagés, comme ceux qui visent à dématérialiser les ordonnances et bloquer à la source les fraudes des professionnels de santé. Elle recommande également de fiabiliser les données que les bénéficiaires de prestations doivent déclarer, par des échanges plus nourris entre les administrations. La Cour recommande aussi la sécurisation des coordonnées bancaires ainsi qu’un meilleur suivi des départs définitifs à l’étranger.

Ensuite, il faut que les caisses de sécurité sociale augmentent le nombre et l’efficacité des contrôles qu’elles effectuent.

Pour cela, il faut qu’elles réallouent des moyens humains à la lutte contre la fraude.

Enfin, il faut améliorer le recouvrement des sommes indument versées et renforcer les sanctions à l’égard des fraudeurs.

Les directeurs des organismes de sécurité sociale ont le droit de prononcer des sanctions, qui prennent la forme de pénalités financières et d’avertissements. À l’exception des Caisses d’Allocations Familiales, les sanctions ne sont toutefois pas systématiquement appliquées par les organismes et peuvent être différentes pour des faits de même gravité.

Les Caisses Primaires d’Assurance Maladie sont, quant à elles, dotées d’un pouvoir de sanction spécifique : il s’agit du déconventionnement, qui consiste à exclure un professionnel de santé du droit à remboursement de ses actes par l’assurance maladie. Mais ce type de sanction n’est que très rarement appliqué (45 cas seulement ont été répertoriés en 2022 dans toute la France).

La Cour recommande donc de sanctionner systématiquement les fraudes et les fautes et d’utiliser plus souvent le déconventionnement.

Les litiges avec les organismes du régime général - Nos rapports en 180s (ou presque)

Toute décision prise par un organisme de sécurité sociale du régime général peut être contestée par la personne ou l’entreprise concernée par cette décision.

Dans son rapport sur la sécurité sociale de 2023, la Cour des comptes a examiné comment sont traitées ces contestations et les litiges qui en découlent entre particuliers ou entreprises d’une part, et organismes de sécurité sociale, d’autre part.

La Cour retire de son enquête deux grands constats.

Le premier constat porte sur une réforme mise en place en 2019, qui a modifié l’architecture juridictionnelle et simplifié l’accès à la justice.

Avant la réforme, les commissions départementales d’aide sociale et pas moins de quatre juridictions étaient compétentes pour traiter des contentieux de la sécurité sociale. La loi a supprimé ces commissions et trois de ces juridictions. Désormais, seuls deux tribunaux sont compétents en première instance : le tribunal judiciaire et le tribunal administratif, ce qui facilite l’accès à la justice. Cela a également permis de professionnaliser le traitement de ces litiges.

Mais ces avancées doivent être complétées.

Tout d’abord, si les tribunaux judiciaires traitent dorénavant la plupart des contentieux de la sécurité sociale, une partie des contentieux continue de relever à la fois du juge judiciaire et du juge administratif. Cela constitue un frein à l’accès à la justice pour les allocataires des caisses d’allocations familiales et les personnes handicapées, qui sont parfois contraints de saisir les deux juridictions pour faire valoir leurs droits. La Cour propose donc d’attribuer au juge judiciaire l’ensemble des contentieux de l’aide sociale et de mettre ainsi fin au double parcours juridictionnel imposé aux citoyens, qui est complexe, long et qui induit des surcoûts pour les finances publiques.

Ensuite, pour que la réforme soit un succès, il est nécessaire que les tribunaux et cours d’appel judiciaires réduisent fortement leurs délais de jugement des litiges de sécurité sociale, qui sont plus longs que ceux des autres contentieux. Ils se sont même aggravés depuis 2019 et atteignent en moyenne 23 à 24 mois en 2021.

Enfin, l’une des particularités des contentieux de la sécurité sociale, c’est que la procédure devant les juges judiciaires est orale et qu’elle n’exige pas que les justiciables soient représentés par une personne qualifiée. Cela peut leur porter préjudice : une grande partie des assurés sociaux ne maîtrisent pas les règles du droit de la sécurité sociale, contrairement aux organismes. La Cour préconise donc l’instauration, au stade de l’appel, d’une procédure écrite avec représentation obligatoire des requérants par un avocat ou une association de leur choix. Les citoyens seront ainsi mieux armés devant les juges et les argumentaires mieux préparés à l’audience, ce qui devrait aussi accélérer les décisions de justice.

Pour éviter – autant que faire se peut – qu’un litige n’arrive devant le juge, il existe des procédures visant à trouver un terrain d’entente entre l’assuré social et la caisse de sécurité sociale. Cette étape, préalable à la saisine du juge peut et doit être améliorée : c’est le deuxième grand constat de la Cour.

Un premier levier porte sur le recours amiable. Avant de saisir les tribunaux, les assurés sociaux doivent porter leur contestation devant les commissions de recours amiable des organismes de sécurité sociale. Mais leurs délais de décision sont très longs, souvent supérieurs aux deux mois prévus par les textes. De plus, ces décisions sont souvent défavorables aux assurés. Elles ne permettent donc pas de réduire suffisamment le nombre de recours devant les tribunaux. La Cour recommande donc de simplifier la procédure et d’accélérer le traitement des dossiers par ces commissions.

Le deuxième levier porte sur la médiation. Les assurés sociaux ont la possibilité de saisir le médiateur des organismes de sécurité sociale, sous certaines conditions. Le médiateur joue un rôle de prévention et de traitement des contestations, et en pratique, les avis qu’il rend sont très largement suivis par les organismes. La Cour recommande donc de renforcer son rôle en faisant connaître aux assurés la possibilité qu’ils ont de le saisir.

Le troisième levier concerne les outils de gestion. Actuellement les outils informatiques sont peu performants : selon les branches, ils ne fournissent pas l’ensemble des données utiles au recensement, au chiffrage, au suivi et au pilotage des litiges de bout en bout. Or, ces litiges représentent des enjeux importants. Par exemple, 775 M€ de cotisations ont été contestées en 2021 devant les commissions de recours amiable des Urssaf. La Cour estime que les budgets informatiques des organismes de sécurité sociale doivent tenir compte de cette contrainte.

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