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Sécurité sociale 2023

COUR DES COMPTES En images (10)

En application de sa mission constitutionnelle d’assistance au Parlement, la Cour rend public aujourd’hui son rapport 2023 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale. Pour la première fois, ce rapport est publié au printemps en même temps que le dépôt de la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale, nouvellement créée. La Cour éclaire ainsi la situation financière de la sécurité sociale en 2022, notamment dans le champ des dépenses d’assurance maladie, et ses perspectives pour 2023 et les années ultérieures. Elle tire le bilan de la mise en œuvre de plusieurs réformes et mesures adoptées ces dernières années par le Parlement, et illustre par différents exemples la nécessité de rechercher une plus grande efficacité de la dépense publique dans le secteur de la sécurité sociale.

Une situation financière à redresser

En 2022, le déficit de la sécurité sociale a atteint 19,6 Md€, soit 0,7 % du PIB. Proche du montant voté en décembre 2021, il s’est caractérisé par deux dynamiques de sens contraire. Les recettes ont été supérieures de 22,8 Md€ à la prévision grâce à la croissance et à l’inflation, qui ont fait augmenter la masse salariale de 8,7 %. Les dépenses ont en parallèle dépassé l’objectif de 21 Md€, en raison notamment d’effets de la crise sanitaire plus importants que prévu, et de la revalorisation de 4 % des pensions de retraites et autres prestations sociales dès juillet 2022. Pour l’assurance maladie en particulier, l’objectif national de dépenses (Ondam) a été dépassé de 10,4 Md€, dont 6,8 Md€ du fait des dépenses de crise.
En 2023, le déficit de la sécurité sociale devrait s’améliorer sensiblement et être ramené à 8,2 Md€, grâce à la poursuite de la progression des recettes et au reflux des dépenses de crise. Mais ce redressement ne devrait être que temporaire. Dès 2024, et malgré les effets favorables attendus de la réforme des retraites, le déficit de la sécurité sociale devrait se dégrader à nouveau. La réforme des retraites ne devrait pas permettre de rétablir le solde déficitaire de la branche vieillesse du régime général et du fonds de solidarité vieillesse, qui atteindrait 4 Md€ en 2030, ni celui de la caisse nationale de retraite des agents de la fonction publique locale et hospitalière (CNRACL) - plus de 6 Md€ en 2030.
Le financement de ces déficits par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) n’est plus assuré à partir de 2024. Si des mesures nouvelles de financement étaient décidées, elles devraient s’accompagner d’un programme pluriannuel de réformes visant un rétablissement durable des comptes. Le respect de la trajectoire prévue suppose en outre que l’objectif de dépenses d’assurance maladie soit respecté. Or celui-ci, après plusieurs années de vive progression, y compris hors crise sanitaire et revalorisation des personnels des hôpitaux et établissements médico-sociaux, devient très contraint en 2023 et en 2024, à des niveaux inférieurs à ceux de l’inflation prévue. Il importe donc que des mesures correctrices soient déclenchées en cas de dérapage des dépenses, quelle que soit leur cause, et que des dispositifs de régulation soient mis en œuvre pour tous les secteurs, y compris les soins de ville et les indemnités journalières.
Enfin, l’évolution des déficits et des dettes des hôpitaux devrait être mieux suivie. Le calendrier de versement des dotations de fin d’exercice aux hôpitaux devrait être accéléré pour permettre une publication plus rapide de leurs comptes.

Des réformes à poursuivre

La deuxième partie du rapport évalue la mise en œuvre de mesures décidées récemment et illustre la nécessité de poursuivre les efforts de réforme à travers quatre thématiques :

  1. Les expérimentations sur de nouveaux modes d’organisation et de tarification des soins, permises par l’article 51 de la loi de financement pour 2018, devraient être mieux sélectionnées. En outre, il convient de mieux préparer la généralisation des projets les plus prometteurs et de programmer l’arrêt de ceux n’ayant pas répondu aux attentes.
  2. L’organisation des Samu et des Smur est examinée, dans un contexte où leur activité, en forte croissance, répond souvent à des demandes de soins qui relèvent en réalité de la médecine de ville, tandis que les outils de coordination territoriale tardent à monter en puissance.
  3. L’indemnisation des congés de maternité et de paternité reste inégale selon les régimes de sécurité sociale et fait l’objet de délais de versement trop longs par les caisses de sécurité sociale, les congés pathologiques faisant par ailleurs l’objet d’un suivi insuffisant.
  4. La lutte contre la fraude aux prestations sociales, pour laquelle les caisses de sécurité sociale ont pris un certain nombre de mesures, doit changer d’échelle (informatisation, contrôles automatisés et a posteriori) face à un enjeu estimé à plusieurs milliards d’euros par an.

Des évolutions nécessaires

La Cour s’est également intéressée à quatre domaines pour lesquels les enquêtes conduites mettent en évidence, à des degrés divers, une efficacité insuffisante de l’action publique :

  1. Les actions de maîtrise médicalisée de l’assurance maladie, portant sur la pertinence des actes et des prescriptions médicales, pâtissent d’un manque d’outils adéquats indispensables, comme la numérisation des diagnostics et les prescriptions électroniques. Les économies obtenues, dont la mesure est peu convaincante, sont faibles par rapport aux autres pays européens, notamment pour la diffusion des médicaments génériques.
  2. Dans le domaine des retraites, les écarts de pensions restent importants entre les femmes et les hommes : 50 % pour les droits liés aux périodes d’emploi, 40 % en prenant également en compte les dispositifs de solidarité, en particulier les droits familiaux de retraite, 28 % en intégrant enfin les pensions de réversion reçues. De tels écarts et les différences de droits constitués selon les régimes devraient motiver une réforme des droits familiaux et des dispositifs de réversion.
  3. La sécurité sociale des marins est un régime spécial marqué par des spécificités historiques dont la gestion a été déstabilisée par plusieurs réformes récentes. Une réforme en profondeur est nécessaire pour améliorer leur protection en matière d’accidents du travail et assurer une plus grande équité de leurs droits en matière de retraite avec ceux de l’ensemble des assurés sociaux.
  4. Le traitement des litiges entre assurés et organismes, confié depuis 2019, pour l’essentiel, aux tribunaux judiciaires, appelle encore des simplifications et un recours accru à la médiation.

En images (10)

Sécurité sociale 2023, vignette 1

Le déficit de la sécurité sociale devrait fortement, mais temporairement, diminuer en 2023, du fait principalement du repli des dépenses d’assurance maladie liées à la crise sanitaire. À partir de 2024, le déficit devrait de nouveau se dégrader, à plus de 13 Md€ par an, en raison du déficit croissant de la branche vieillesse et de la progression des dépenses d’assurance maladie.

Sécurité sociale 2023, vignette 2

8,8 Md€
C’est, sur les 136 Md€ votés en 2020, ce qu’il reste à la Caisse d’amortissement de la dette sociale – la Cades –  pour reprendre les déficits des années 2023 et suivantes du régime général de la sécurité sociale. Cette somme devrait seulement permettre de reprendre les déficits de 2023. Il faudra élaborer de nouvelles solutions pour les déficits constatés à partir de 2024 pour éviter qu’ils ne pèsent sur les soldes de la sécurité sociale.

Sécurité sociale 2023, vignette 3

38%
des dossiers médicaux créés par le Samu en 2021 concernaient des « soins non programmés », qui pourraient être pris en charge par un médecin traitant ou de ville.

Sécurité sociale 2023, vignette 4

34,5 jours
C’est le délai moyen de versement des indemnités journalières de maternité à partir du premier jour de congé pour les salariées du régime général en 2021. Un indicateur en nette dégradation ces dernières années, à cause de la crise sanitaire notamment. Cette moyenne nationale recouvre par ailleurs des écarts importants, le délai pouvant aller jusqu’à 49,5 jours en Seine-Saint-Denis.

Sécurité sociale 2023, vignette 5

3,8 Md€
C’est le montant de l’indemnisation des congés maternité et paternité en 2022 au régime général (contre 3,4 Md€ en 2021). La part de la maternité augmente (passant de 3 Md€ en 2021 à 3,2 Md€ en 2022), celle des congés de paternité également (de 0,3 Md€ en 2021 à 0,5 Md€ en 2022), sous l’effet notamment de la réforme de 2021 ayant abouti à un allongement de la durée du congé de paternité.

Sécurité sociale 2023, vignette 6

27%
La Cour estime que plus d’un dossier sur quatre d’indemnités journalières pour maternité comporte des anomalies. Un taux supérieur à celui constaté pour les arrêts maladie (21 %). Dans plus de la moitié des cas, l’anomalie a une incidence financière, majoritairement au détriment des assurées.

Sécurité sociale 2023, vignette 7

8 Md€
C’est l’estimation du montant des fraudes aux prestations sociales. Les caisses l’évaluent en effet ainsi :

  • entre 2,5 et 3,2 Md€ de fraudes aux prestations versées par les CAF en 2020
  • entre 1,1 et 1,3 Md€ de fraudes et de fautes calculées sur un tiers des prestations versées par l’Assurance maladie en 2018 ou 2019
  • entre 0,1 et 0,4 Md€ de fautes sur les prestations versées par les caisses de retraite en 2020.
Sécurité sociale 2023, vignette 8

28%
Les femmes perçoivent en moyenne une pension de retraite inférieure de 28 % à celles des hommes en 2020 (1 401 € contre 1 955 €). L’écart de pension hors réversions est plus important encore, égal à 40 %. Cet écart se réduit toutefois au fil des générations, passant de 54 % pour la génération 1930 à 34 % pour la génération 1950.

Sécurité sociale 2023, vignette 9

22,3%
C’est l’écart de salaire moyen entre les femmes et les hommes en 2019 (contre 27,4 % en 1995). Il reflète à la fois des écarts de salaire horaire (16,1 %) et des écarts de nombre d’heures de travail dans l’année (7,6 %), les femmes étant plus souvent à temps partiel. Ces différences de situation sur le marché du travail se répercutent sur la retraite des femmes.

La retraite des femmes et des hommes - Nos rapports en 180 secondes (ou presque)

La loi a fixé au système de retraite français l’objectif d’assurer l’égalité entre les femmes et les hommes. Or, en 2020, les pensions des femmes étaient inférieures de 28 % à celles des hommes – elles étaient de 1 400 euros par mois en moyenne pour les femmes contre près de 2 000 euros pour les hommes.

Cette situation s’explique principalement par les différences qui subsistent sur le marché du travail et qui se retrouvent au moment de la retraite. En effet, le montant des pensions est lié aux revenus de l’activité.

Les femmes sont de plus en plus fréquemment en emploi, mais leur taux d’emploi reste inférieur à celui des hommes, de 8 % en 2021. Elles travaillent aussi plus souvent à temps partiel.

L’écart de salaire moyen se réduit légèrement, mais il était encore de 22 % en 2019, à la fois à cause de salaires horaires inférieurs et d’un nombre d’heures de travail plus faible.

Au moment de la retraite, ce sont les dispositifs de solidarité et les pensions de réversion qui améliorent la situation des femmes par rapport à leur situation sur le marché du travail.

Les dispositifs de solidarité du système de retraite accordent des droits qui ne sont pas la contrepartie directe de cotisations versées pendant la vie active. Fin 2016, ces dispositifs représentaient 29 % du montant des pensions versées aux femmes (hors pensions de réversion) contre 18 % pour les hommes.

Cet écart résulte principalement des droits familiaux de retraite, c’est-à-dire des droits attribués au titre des enfants. 90 % des femmes disposent ainsi d’au moins un droit familial de retraite. Alors que ces droits représentent un effort financier de plus de 20 milliards d’euros, la Cour des comptes a constaté qu’ils compensaient mal l’incidence des enfants sur la carrière des mères. Ils attribuent pour la retraite plus de trimestres que ce qui correspond aux réductions d’activité, mais ils compensent peu les pertes de salaire.

Les pensions de réversion, quant à elles, sont réservées aux personnes qui ont été mariées. Elles consistent, en cas de décès, à reverser au conjoint ou à l’ex-conjoint survivant une partie de la pension de la personne décédée.

Compte tenu des écarts d’espérance de vie et des écarts d’âge au sein des couples, près de 90 % des bénéficiaires de réversions sont des femmes. Sans les pensions de réversion, en 2020, l’écart de pension entre les femmes et les hommes serait de 40 %.

Les pensions de réversion, qui représentent un coût de 36 milliards d’euros, posent de nombreuses difficultés. Leurs conditions d’attribution et leurs montants sont différents d’un régime à l’autre. Elles ne suffisent pas à préserver le niveau de vie des femmes dont les pensions sont les plus faibles. Et elles posent aussi des questions d’équité entre les personnes divorcées, selon que l’ex-conjoint s’est remarié ou non.

Les dispositions de la réforme des retraites de 2023 ne sont pas de nature à corriger ces constats. Bien sûr, la réduction des écarts de pension entre les femmes et les hommes passe d’abord par des actions sur le marché du travail. Cependant, un ajustement des droits familiaux de retraite et des règles de réversion est indispensable.

La Cour recommande ainsi, à coût constant, de compenser de manière plus ajustée l’incidence sur les droits à retraite des pertes de trimestres et de salaire liées aux interruptions de carrière pour l’éducation des jeunes enfants, notamment pour les pensions les plus faibles, tout en préservant des droits spécifiques à partir de trois enfants.

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