Un secrétariat général dépourvu de statut, à l’organisation peu convaincante
Créé en 2006 et rattaché au ministère de l'Intérieur, le CIPD s'est vu adjoindre un secrétaire général. Pour autant, ce dernier ne dispose pas lui-même d’un statut juridique, en dépit de l'élargissement continu de ses missions et de l'accroissement de ses effectifs. Cette évolution s'est récemment traduite par la création, à la fin de l'année 2020 et en réaction à l'assassinat du professeur Samuel Paty, d'une unité de contre-discours républicain (UCDR). Elle vise à répondre aux discours haineux et séparatistes sur les réseaux sociaux et à promouvoir les valeurs et principes de la République sur les plateformes numériques. De plus, le rattachement en juillet 2020 de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) au secrétaire général demeure ambigu. Une clarification des liens entre la Miviludes et le SG-CIPDR est indispensable. Un rattachement au ministère de l’Intérieur peut être utile sur le plan de la gestion, mais il convient, compte tenu de ses spécificités, de préserver une autonomie de la mission dans son action et son expression dans le débat public. En outre, les effectifs du SG-CIPDR et de la Miviludes atteignent 65 agents fin 2022. L'organigramme est confus, ne permettant pas de préciser clairement les missions de chacun, et est marqué par des déséquilibres importants, comme l'illustre la présence d'un cabinet composé fin 2022 de 10 postes. Cette organisation peu lisible se double d'une gestion des ressources humaines peu satisfaisante.
Une réalisation des missions sans cadre ni évaluation
Le SG-CIPDR assure des missions de conception et d’animation de politiques interministérielles. Il joue un rôle d’appui, à travers des conseils et des formations, auprès des acteurs locaux et préfectoraux notamment. L’enquête menée auprès de six préfectures de département a montré l’appropriation variable des politiques et des instances animées par le préfet. Malgré l’importance et la diversité des missions qui lui sont confiées, le comité interministériel, dont le secrétaire général ne devrait être que le bras armé, joue un rôle quasiment inexistant. Durant la période sous contrôle, seuls trois comités interministériels ont été tenus, soit à peine un tous les deux ans. Un constat similaire peut être fait pour la cellule nationale de lutte contre l'islamisme radical et le repli communautaire (CLIR) créée par une circulaire de 2022 et placée sous l'égide du ministère de l'intérieur. La Cour rappelle l'importance de réunir ces instances, ainsi que de remettre au Parlement le rapport annuel d'activité prévu par les textes, ce qui n’a pas été le cas depuis 2015. Une même appréciation est portée à l’égard du conseil scientifique sur les processus de radicalisation (Cosprad). Créé en 2017, ce conseil, structure originale conçue pour rassembler les chercheurs, a connu une activité très réduite. Le renouvellement très tardif de ses membres a freiné son action et illustre les difficultés à partager un périmètre de recherche et à alimenter efficacement la décision publique, en lien étroit avec le SG-CIPDR.
La gestion gravement défaillante du FIPD
Le cadre de gestion du FIPD (75 M€ en 2022) a été amélioré ces dernières années. L'architecture budgétaire a été simplifiée et la déconcentration des crédits (supérieure à 90 %), associant les préfectures de région et de département, apparaît satisfaisante. Toutefois, la diffusion de la circulaire annuelle fixant la doctrine d'emploi du fonds doit être anticipée pour assurer une bonne consommation des crédits. En revanche l'enquête de la Cour sur les opérations gérées au niveau central de 2020 à 2022 révèle la désorganisation du secrétariat général et d'importantes carences dans l'exercice de ses missions. Le pôle administratif et financier du SG-CIPDR ne joue pas un rôle satisfaisant de pilotage du fonds. Ces défaillances ont conduit à attribuer des subventions à des associations et à leur verser le solde, en l'absence des pièces exigées. Le contrôle de l'exécution est également très lacunaire, des renouvellements de subvention ayant été décidés en dépit de manquements dans la réalisation des actions.