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Le secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR)

COUR DES COMPTES

Créé en 2006, le comité interministériel était chargé initialement de concevoir et de piloter la seule politique de prévention de la délinquance aux niveaux national et déconcentré. Par la suite, son champ d’intervention a été régulièrement élargi pour prendre en charge la prévention de la radicalisation en 2016, puis la lutte contre les séparatismes. Il s’appuie sur un secrétaire général qui dispose de collaborateurs dont les effectifs ont triplé entre 2018 et 2022. Il abrite également la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). Il se positionne ainsi, à la fois, au cœur de politiques faisant intervenir de nombreux ministères et comme l’animateur d’acteurs déconcentrés dont le préfet de département est une figure de premier plan. La Cour a examiné l’organisation et le statut d’une structure en profonde évolution sur la période de contrôle (2018 à 2022). L’activité du SG-CIPDR a été analysée en s’appuyant sur une enquête au niveau central ainsi qu’au sein de cinq préfectures de département relevant de régions différentes. Une attention a également été portée à la gestion du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), aux niveaux déconcentré et central. Au regard de l’ampleur des défaillances, de la nature des politiques conduites et de leur caractère interministériel, la Cour a transmis le 22 décembre 2023 un référé à la Première ministre, publié ce jour avec le rapport d’observations définitives. Ces travaux s’inscrivent dans le contexte des révélations dans la presse sur les défaillances dans la gestion du « Fonds Marianne » financé sur les crédits du FIFD qui ont déclenché une enquête sénatoriale aboutissant à un rapport en juillet 2023. L'Inspection générale de l’administration (IGA) a également produit plusieurs rapports sur le SG-CIPDR, l'USEPPM, et notamment sur le « Fonds Marianne ».

Un secrétariat général dépourvu de statut, à l’organisation peu convaincante

Créé en 2006 et rattaché au ministère de l'Intérieur, le CIPD s'est vu adjoindre un secrétaire général. Pour autant, ce dernier ne dispose pas lui-même d’un statut juridique, en dépit de l'élargissement continu de ses missions et de l'accroissement de ses effectifs. Cette évolution s'est récemment traduite par la création, à la fin de l'année 2020 et en réaction à l'assassinat du professeur Samuel Paty, d'une unité de contre-discours républicain (UCDR). Elle vise à répondre aux discours haineux et séparatistes sur les réseaux sociaux et à promouvoir les valeurs et principes de la République sur les plateformes numériques. De plus, le rattachement en juillet 2020 de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) au secrétaire général demeure ambigu. Une clarification des liens entre la Miviludes et le SG-CIPDR est indispensable. Un rattachement au ministère de l’Intérieur peut être utile sur le plan de la gestion, mais il convient, compte tenu de ses spécificités, de préserver une autonomie de la mission dans son action et son expression dans le débat public. En outre, les effectifs du SG-CIPDR et de la Miviludes atteignent 65 agents fin 2022. L'organigramme est confus, ne permettant pas de préciser clairement les missions de chacun, et est marqué par des déséquilibres importants, comme l'illustre la présence d'un cabinet composé fin 2022 de 10 postes. Cette organisation peu lisible se double d'une gestion des ressources humaines peu satisfaisante.

Une réalisation des missions sans cadre ni évaluation

Le SG-CIPDR assure des missions de conception et d’animation de politiques interministérielles. Il joue un rôle d’appui, à travers des conseils et des formations, auprès des acteurs locaux et préfectoraux notamment. L’enquête menée auprès de six préfectures de département a montré l’appropriation variable des politiques et des instances animées par le préfet. Malgré l’importance et la diversité des missions qui lui sont confiées, le comité interministériel, dont le secrétaire général ne devrait être que le bras armé, joue un rôle quasiment inexistant. Durant la période sous contrôle, seuls trois comités interministériels ont été tenus, soit à peine un tous les deux ans. Un constat similaire peut être fait pour la cellule nationale de lutte contre l'islamisme radical et le repli communautaire (CLIR) créée par une circulaire de 2022 et placée sous l'égide du ministère de l'intérieur. La Cour rappelle l'importance de réunir ces instances, ainsi que de remettre au Parlement le rapport annuel d'activité prévu par les textes, ce qui n’a pas été le cas depuis 2015. Une même appréciation est portée à l’égard du conseil scientifique sur les processus de radicalisation (Cosprad). Créé en 2017, ce conseil, structure originale conçue pour rassembler les chercheurs, a connu une activité très réduite. Le renouvellement très tardif de ses membres a freiné son action et illustre les difficultés à partager un périmètre de recherche et à alimenter efficacement la décision publique, en lien étroit avec le SG-CIPDR.

La gestion gravement défaillante du FIPD

Le cadre de gestion du FIPD (75 M€ en 2022) a été amélioré ces dernières années. L'architecture budgétaire a été simplifiée et la déconcentration des crédits (supérieure à 90 %), associant les préfectures de région et de département, apparaît satisfaisante. Toutefois, la diffusion de la circulaire annuelle fixant la doctrine d'emploi du fonds doit être anticipée pour assurer une bonne consommation des crédits. En revanche l'enquête de la Cour sur les opérations gérées au niveau central de 2020 à 2022 révèle la désorganisation du secrétariat général et d'importantes carences dans l'exercice de ses missions. Le pôle administratif et financier du SG-CIPDR ne joue pas un rôle satisfaisant de pilotage du fonds. Ces défaillances ont conduit à attribuer des subventions à des associations et à leur verser le solde, en l'absence des pièces exigées. Le contrôle de l'exécution est également très lacunaire, des renouvellements de subvention ayant été décidés en dépit de manquements dans la réalisation des actions.