Un développement rapide qui représente un défi pour les politiques publiques.
Dès 2019, la France s’est dotée d’une réglementation encadrant l’activité des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) selon deux niveaux graduels de contraintes. Le premier niveau repose sur un enregistrement obligatoire des PSAN par l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui a permis d’établir un socle de contrôle minimal des acteurs. Le second niveau permet aux PSAN d’obtenir de l’AMF un agrément optionnel, à condition qu’ils disposent de règles prudentielles, attestant leur maîtrise des risques financiers. Ce régime a conduit à l’enregistrement de 90 PSAN entre 2020 et septembre 2023, constituant un écosystème dynamique sur le marché des actifs numériques. Bien que ce régime ait engendré des avancées réglementaires, il présente toutefois plusieurs limites. D’une part, les autorités peinent à lutter contre les opérateurs qui offrent des services en France sans y être enregistrés et les moyens manquent pour contrôler les comportements fautifs, dans un contexte de coopération variable entre les États. D’autre part, la seconde limite tient au fait qu’un seul agrément optionnel a été délivré par l’AMF, en juillet 2023. Conscientes des risques de ces investissements et des limites attachées aux normes nationales concernant un secteur dont les enjeux sont internationaux, les autorités françaises soulignent la nécessité de renforcer ces règles à l’échelle européenne.
L’adaptation en cours de la réglementation en France et en Europe
Le règlement européen MiCA (markets in crypto-assets) s’inspire très directement du modèle français et le prolonge. Il redéfinit la notion de crypto-actifs et permet aux prestataires agréés par un État membre de fournir des services dans l’ensemble du marché européen. Souhaitant renforcer l’encadrement des prestataires, le Parlement français a prévu la mise en œuvre d’un enregistrement « renforcé » obligatoire pour la fourniture de services sur actifs numériques en France, dès le 1er janvier 2024. Le renforcement de l’encadrement des prestataires va demander un effort de structuration important pour l’AMF et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) qui devront conduire des vérifications plus approfondies dans des délais restreints. Le nombre de dossiers en cours d’examen devrait augmenter rapidement pour l’AMF et l’ACPR, qui contribueront dans le même temps aux travaux de la Commission européenne sur le traitement des NFT.
Une lutte complexe contre le financement d’activités criminelles
L’anonymat des portefeuilles et le caractère entièrement virtuel des flux, présentent un risque élevé quant au financement d’activités criminelles via les crypto-actifs. Les services en charge de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCBFT) se sont adaptés pour prendre en compte les spécificités des crypto-actifs. Depuis la loi PACTE, les PSAN enregistrés sont soumis aux mêmes obligations que les autres établissements financiers et contribuent à la LCBFT. L’État peut notamment tracer des flux de transactions, incriminer des plateformes et effectuer des saisies de crypto-actifs. Toutefois, l’État gagnerait à développer des outils en complément de ceux dont il dispose actuellement. Si à l’échelle internationale, le sujet des crypto-actifs est désormais pris en compte dans les instances politiques ; il est nécessaire d’accélérer, sur le plan national, la montée en compétence des PSAN sur la LCBFT. Les obligations pesant sur les plateformes d’échange de NFT en matière de LCBFT pourraient évoluer à l’issue du rapport que la Commission européenne doit produire d’ici 2024.
Des dispositions fiscales trop peu connues, des ajustements nécessaires
L’administration fiscale dispose de très peu de données sur la détention des crypto-actifs et les revenus qu’ils génèrent. Pour l’année 2021, 20 000 contribuables ont déclaré des plus-values de cession de crypto-actifs aux services fiscaux, pour un montant total d’environ 400 M€. La France applique un régime de taxation simplifié à la sortie de la sphère des crypto-actifs : Seule la cession des actifs numériques contre des monnaies « fiat », des biens ou des services donne lieu à une imposition. Ce régime fiscal est inadapté à l’utilisation des crypto-actifs comme moyens de paiement, alors que le règlement MiCA fait des jetons de monnaie électronique une catégorie à part entière des crypto-actifs. Par ailleurs, les NFT se développant dans des domaines très variés, pourraient ne pas être assimilables à des actifs de type financier. La récente révision des normes européennes de coopération fiscale entre les États devrait améliorer la visibilité des administrations fiscales à partir de janvier 2026. La Cour appelle la direction générale des finances publiques à se doter d’une stratégie viable pour exploiter pleinement les informations qu’elle recevra au titre de ces échanges automatisés entre États-membres.