L’organisation du tournoi : un succès public mais un rapport de forces inégal, aggravé par les conditions de la mise en œuvre
Alors que l’autorité d’organisation de l’Euro 2016 était censée être la Fédération française de football, l’UEFA a maîtrisé en réalité la globalité de l’événement, grâce à un dispositif « contractuel » unilatéral. Le dispositif d’ensemble appliqué à l’Euro 2016 a été d’une qualité institutionnelle et juridique médiocre. Ainsi, maints engagements pris ont été exorbitants du droit national, certains emportant des conséquences financières : gratuité du concours des forces de l’ordre pour l’État, pertes de redevance d’occupation du domaine public (fan zones) ou de recettes commerciales pour les collectivités. Le déséquilibre du rapport de force entre l’UEFA et le pays d’accueil n’implique pas nécessairement que les pouvoirs publics soient à ce point marginalisés. La formule du groupement d’intérêt public (GIP), qui n’a pas été défendue par l’État, était pourtant susceptible de mieux garantir la défense de l’intérêt général et le contrôle financier de l’État. En l’absence d’une telle structure, il est difficile de mesurer a posteriori les dépenses totales d’organisation de la compétition, mais la dépense publique nette, coût des exonérations fiscales comprises, est évaluée à 162 M€ environ. La disproportion entre les bénéfices tirés par l’UEFA (de l’ordre de 847 M€, soit 44 % de marge bénéficiaire) et les rétributions versées à certains acteurs publics nationaux est manifeste. Une coopération entre les États pour limiter les exigences des instances sportives internationales, serait opportune.
Les stades du tournoi : un investissement public important mais de nouveaux risques de gestion pour les villes
Les conséquences des fortes augmentations de jauge des stades, parfois au-delà des besoins de la compétition, constituent un risque d’exploitation accru pour les collectivités locales (nécessité d’une hausse des fréquentations et d’une diversification des activités), lesquelles sont restées propriétaires, sauf à Lyon, des enceintes sportives. Elles doivent aussi adapter les redevances payées par les clubs résidents pour l’occupation de ces équipements publics agrandis. Un calibrage des investissements plus proche des attentes de l’UEFA aurait minoré les risques d’exploitation futurs et les tensions sur les redevances.
En ce qui concerne le Stade de France, les conditions confuses de sa mise à disposition, qui débouchent sur un contentieux dont l’État est partie prenante malgré lui, témoignent des défaillances du cadrage initial des responsabilités respectives des différents acteurs de l’Euro 2016, et de la capacité de l’UEFA à se dégager de toute obligation afférente à ses exigences.
La permanence du modèle municipal de stades maintient le risque économique lié aux aléas sportifs dans la sphère publique, pour des enceintes d’abord utilisées par des clubs privés. À cet égard, seules les métropoles de Lyon et, dans une moindre mesure, de Bordeaux font exception. L’Euro 2016 n’aura donc pas été l’occasion d’une réforme de l’économie des grands stades.
Recommandations
Les juridictions financières formulent quatre recommandations visant notamment à :
- mettre à niveau, au regard des investissements consentis, les redevances dues par les clubs professionnels propriétaires des stades ;
- estimer un coût public prévisionnel des grands événements sportifs internationaux et établir le cadre des études d’impact sur leurs retombées économiques dès le stade de la candidature ;
- créer un comité permanent d’organisation, présidé au niveau du Premier ministre, pour faciliter la concertation entre partenaires publics et privés, et arbitrer le rôle de la délégation interministérielle aux grands événements sportifs ;
- retenir un mode de gestion de la manifestation qui associe les acteurs publics (GIP), vise la transparence des dépenses supportées par chaque partenaire et incorpore un mécanisme d’intéressement en rapport avec les résultats financiers.
Crédit photo : Wikipédia - George M. Croutas