LES SOUTIENS
PUBLICS À L’EURO
2016 EN FRANCE
Quels retours d’expérience
pour les pouvoirs publics ?
Rapport public thématique
•
Les soutiens publics à l’Euro 2016 en France – septembre 2017
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Sommaire
Délibéré
..........................................................................................................
7
Introduction
...................................................................................................
9
Chapitre I
L’organisation du tournoi : un succès public mais un
rapport de forces inégal, aggravé par les conditions de la mise en
oeuvre
.............................................................................................................
15
I - Des conditions d’obtention du tournoi exigeantes
.....................................
16
A - Un cadre conventionnel contraignant et foisonnant
........................................
16
B - Un suivi insuffisant des engagements pris
......................................................
19
C - Des accords exorbitants du droit national
.......................................................
23
II - Une organisation progressivement confiée au secteur privé
....................
27
A - Une structure d’organisation de droit privé excluant la puissance
publique
................................................................................................................
27
B - Une coordination étatique tardive, des collectivités locales mobilisées
..........
33
III - Les coûts d’organisation supportés par les personnes publiques
............
37
A - Une dépense fiscale mal appréhendée par l’État
............................................
37
B - Un coût de la sécurité rehaussé par les risques d’attentat
...............................
40
C - Des dépenses d’animation principalement à la charge des villes
d’accueil
...............................................................................................................
42
IV - Une rétribution faible pour les organisateurs nationaux
.........................
46
A - Un résultat net pour l’UEFA supérieur à ses prévisions
.................................
46
B - Des retours financiers négociés par la fédération nationale et les villes
hôtes
.....................................................................................................................
48
Chapitre II
Les stades du tournoi : un investissement public
important, mais de nouveaux risques de gestion pour les villes
...............
53
I - L’investissement public dans les stades de l’Euro 2016
...........................
54
A - Un coût de construction des stades et de leurs dessertes de près de
2 Md€
...................................................................................................................
54
B - Un investissement public d’un milliard d’euros imputable à l’Euro
2016
......................................................................................................................
57
C - Les modalités complexes du soutien de l’État à la modernisation des
stades
....................................................................................................................
58
D - Des coûts à la place hétérogènes
....................................................................
62
II - Des risques de gestion des stades accrus pour les villes
..........................
64
A - Un modèle de gestion des stades resté majoritairement public
.......................
64
B - Les effets financiers du rehaussement de la capacité des stades
.....................
69
III - Les litiges liés à l’utilisation du Stade de France pour l’Euro 2016
.......
76
Les soutiens publics à l’Euro 2016 en France – septembre 2017
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COUR DES COMPTES
4
A - Un cadrage très imprécis des conditions d’utilisation
.....................................
76
B - L’État dans un contentieux sur la redevance due par l’UEFA
........................
78
Conclusion générale
.....................................................................................
81
Recommandations
........................................................................................
85
Annexes
.........................................................................................................
87
•
Les réponses des administrations, des organismes et des collectivités
concernés figurent à la suite du volume consacré aux sites d’accueil de
l’Euro 2016
.
Les soutiens publics à l’Euro 2016 en France – septembre 2017
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Les rapports publics de la Cour des comptes
- Élaboration et publication -
La Cour publie, chaque année, un rapport public annuel et des rapports
publics thématiques.
Le présent rapport est un rapport public thématique.
Les rapports publics de la Cour s’appuient sur les contrôles et les
enquêtes conduits par la Cour des comptes ou les chambres régionales des
comptes et, pour certains, - ce qui a été le cas pour la présente enquête -
conjointement entre la Cour et les chambres régionales ou entre les chambres.
En tant que de besoin, il est fait appel au concours d’experts extérieurs, et des
consultations et des auditions sont organisées pour bénéficier d’éclairages
larges et variés.
Au sein de la Cour, ces travaux et leurs suites, notamment la préparation
des projets de texte destinés à un rapport public, sont réalisés par l’une des sept
chambres que comprend la Cour ou par une formation associant plusieurs
chambres.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité de
la Cour des comptes, ainsi que des chambres régionales et territoriales des
comptes, et donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que
l’élaboration des rapports publics : l’indépendance, la contradiction et la
collégialité.
L’indépendance
institutionnelle
des
juridictions
financières
et
statutaire de leurs membres garantit que les contrôles effectués et les
conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La contradiction
implique que toutes les constatations et appréciations
ressortant d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes les observations
et recommandations formulées ensuite, sont systématiquement soumises aux
responsables des administrations ou organismes concernés ; elles ne peuvent
être rendues définitives qu’après prise en compte des réponses reçues et, s’il y
a lieu, après audition des responsables concernés.
La publication d’un rapport public est nécessairement précédée par la
communication du projet de texte que la Cour se propose de publier aux
ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées. Dans le rapport
publié, leurs réponses accompagnent toujours le texte de la Cour.
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COUR DES COMPTES
6
La collégialité
intervient pour conclure les principales étapes des
procédures de contrôle et de publication.
Tout contrôle ou enquête est confié à un ou plusieurs rapporteurs. Leur
rapport d’instruction, comme leurs projets ultérieurs d’observations et de
recommandations, provisoires et définitives, sont examinés et délibérés de
façon collégiale, par une chambre ou une autre formation comprenant au moins
trois magistrats, dont l’un assure le rôle de contre-rapporteur, chargé
notamment de veiller à la qualité des contrôles. Il en va de même pour les
projets de rapport public.
Le contenu des projets de rapport public est défini, et leur élaboration
est suivie, par le comité du rapport public et des programmes, constitué du
premier président, du procureur général et des présidents de chambre de la
Cour, dont l’un exerce la fonction de rapporteur général.
Enfin, les projets de rapport public sont soumis, pour adoption, à la
chambre du conseil où siègent en formation plénière ou ordinaire, sous la
présidence du premier président et en présence du procureur général, les
présidents de chambre de la Cour, les conseillers maîtres et les conseillers
maîtres en service extraordinaire.
Ne prennent pas part aux délibérations des formations collégiales,
quelles qu’elles soient, les magistrats tenus de s’abstenir en raison des
fonctions qu’ils exercent ou ont exercées, ou pour tout autre motif
déontologique.
*
Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne
sur le site internet de la Cour des comptes et des chambres régionales et
territoriales des comptes : www.ccomptes.fr.
Ils sont diffusés par
La Documentation Française
.
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Délibéré
La Cour des comptes, délibérant en chambre du conseil en formation
ordinaire, a adopté le présent rapport intitulé
Les soutiens publics à l’Euro
2016, quels retours d’expérience pour les pouvoirs publics ?
Le rapport a été arrêté au vu du projet communiqué au préalable aux
administrations, aux collectivités et aux organismes concernés et des
réponses adressées en retour à la Cour.
Les réponses sont publiées à la suite du rapport. Elles engagent la
seule responsabilité de leurs auteurs.
Ont participé au délibéré : M. Migaud, Premier président,
MM. Durrleman, Briet, Vachia, Paul, Duchadeuil, Mme Moati, M. Morin,
Mme de Kersauson, présidents de chambre, Mme Froment-Meurice,
M.
Lefas, Mme Ratte, présidents de chambre maintenus en activité,
M. Andréani, Mme Morell, M. Perrot, Mme Françoise Saliou, MM. Barbé,
Courtois, Vivet, Pétel, Maistre, Martin, Mmes Trupin, Podeur, MM. de
Gaulle, Le Mer, Rosenau, Rabaté, Jamet, Mme Casas, M. Rolland,
Mme Faugère, MM. Allain, Lallement, Mmes Girardin, Hamayon, Riou-
Canals, M. Levionnois, Mme Thibault, M. Saïb, conseillers maîtres,
M. Margueron, conseiller maître en service extraordinaire.
Ont été entendus :
‐
en sa présentation, Mme Moati, présidente de la formation
interjuridictions chargée des travaux sur lesquels le rapport est fondé et de
la préparation du projet de rapport ;
‐
en
son
rapport,
M.
Paul,
rapporteur
général,
rapporteur
du
projet
devant
la
chambre
du
conseil,
assisté
de
M.
Barbé,
conseiller
maître,
rapporteur
général
de
la
formation
interjuridictions, M. Smaniotto, auditeur et M. Gaston, rapporteur extérieur,
rapporteurs devant la formation interjuridictions chargée de le préparer, et de
M. Urgin, conseiller maître, contre-rapporteur devant cette même formation ;
‐
en
ses
conclusions,
sans
avoir
pris
part
au
délibéré,
M. Johanet, Procureur général, accompagné de M. Guérin, avocat général.
M. Lefort, secrétaire général, assurait le secrétariat de la chambre du
conseil.
Fait à la Cour, le 26 septembre 2017.
Les soutiens publics à l’Euro 2016 en France – septembre 2017
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COUR DES COMPTES
8
Le projet de rapport soumis à la chambre du conseil a été préparé,
puis délibéré le 2 mars 2017 par une formation interjuridictions, présidée
par Mme Moati, présidente de chambre, et composée de Mme Froment-
Védrine, M. Guibert, conseillers maîtres, au titre de la Cour, MM. Provost,
Sire, conseillers référendaires, MM. Debruyne, Kowarcik, Genetaud,
présidents de section de chambre régionale des comptes, au titre des
chambres régionales des comptes, ainsi que, en tant que rapporteur général,
M. Barbé, conseiller maître, et, en tant que rapporteur général adjoint,
M. Billebaud, conseiller de chambre régionale des comptes, et, en tant que
rapporteurs, MM. Smaniotto, auditeur, Gaston, rapporteur extérieur, et, en
tant que contre-rapporteur, M. Urgin, conseiller-maître.
Le projet de rapport a été examiné et approuvé, le 11 avril 2017, par
le comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes,
composé de M. Migaud, Premier président, MM. Durrleman, Briet,
Vachia, Paul, rapporteur général du comité, Duchadeuil, Mme Moati,
M. Morin, présidents de chambre, M. Cazala, président de section, en
remplacement de Mme Pappalardo, et M. Johanet, Procureur général,
entendu en ses avis.
Les soutiens publics à l’Euro 2016 en France – septembre 2017
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Introduction
L’Euro 2016, officiellement intitulé « Tournoi final 2016 du
Championnat d’Europe de football UEFA », était la quinzième édition du
championnat d’Europe des nations, créé en 1960. Il constituait la phase
finale d’une compétition dont les qualifications avaient débuté en
septembre 2014. Depuis sa création, le nombre de participants à la phase
finale du tournoi a régulièrement augmenté, passant de quatre équipes en
1960 à seize à partir de 1996. L’Euro 2016 était la première édition
comprenant 24 équipes pour le tournoi final, soit un peu moins de la moitié
des 54 fédérations nationales membres de l’Union des associations
européennes de football (UEFA), propriétaire du tournoi.
La préparation du tournoi s’est inscrite dans un processus long. La
phase officielle de candidature à son organisation a été ouverte en
décembre 2008. La fédération française de football (FFF), qui en étudiait
l’hypothèse depuis avril 2007, a déposé celle-ci le 10 février 2010 avec la
liste des villes d’accueil, arrêtée le 11 novembre 2009. Le 28 mai 2010, par
sept voix contre six pour la Turquie, la France a été désignée pays d’accueil
par le comité exécutif de l’UEFA.
Face au retard de la France en matière de grands stades, une
commission « Grands stades - Euro 2016 » a été créée en décembre 2007.
À l’issue de ses travaux, en novembre 2008, la commission considérait une
candidature à l’Euro « possible et souhaitable, sous réserve qu’elle puisse
constituer un levier pour la modernisation de nos grands stades et de leur
gestion », grands stades conçus désormais comme des « lieux de vie multi-
activités ».
Enfin les conditions de la maîtrise des grands événements sportifs
internationaux (GESI) par les pouvoirs publics français ont été étudiées
dans un rapport remis en juillet 2010
1
. Le rapport définissait ce type
d’événement comme « une manifestation sportive de niveau mondial ou
continental, reconnue par une instance sportive internationale et organisée
de manière exceptionnelle, qui attire une audience large et suscite
1
DOUILLET, David, « L'attractivité de la France pour l'organisation de grands
événements sportifs » (2010).
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10
l’attention des médias internationaux ». Selon la typologie de ces
événements, l’Euro 2016 appartient à la plus haute catégorie de GESI.
Pour un pays hôte, les visées de l’accueil d’une compétition
internationale de ce niveau ne sont pas uniquement sportives, elles sont
aussi de nature politique : accroître sa notoriété et son attractivité, conforter
sa crédibilité en vue de candidatures ultérieures pour des événements
mondiaux, améliorer la conjoncture économique, voire fortifier 1a
croissance potentielle en rehaussant la qualité de ses infrastructures, enfin
raffermir la cohésion sociale grâce notamment aux résultats de l’équipe
nationale.
En accueillant l’Euro 2016, la France a souhaité manifester sa
capacité à organiser l’une des plus grandes compétitions sportives
internationales. L’accueil du tournoi exigeait d’anticiper la construction et
la modernisation, selon les normes adéquates, des stades et des
infrastructures de transport indispensables à leur accès. Il imposait la
maîtrise d’une organisation complexe, couvrant la quasi-totalité du
territoire national, requérant la mobilisation de nombreux acteurs publics
et privés, dans un contexte de contraintes en termes de sécurité qui s’est
considérablement durci à l’approche du tournoi.
Ces deux défis : la bonne tenue de l’événement dans ses dimensions
sportive, sécuritaire et festive, et la mise à disposition d’équipements
sportifs et de transport, ont été relevés d’une façon unanimement jugée
comme très satisfaisante. Dans un contexte devenu critique, la capacité de
la France à répondre aux exigences de l’accueil d’un événement
international de cette ampleur a donc été éprouvée sans accroc.
Les observations du présent rapport n’ont pas vocation à établir un
bilan économique de l’Euro 2016. Une étude sur l’impact économique du
tournoi sur l’économie française a été réalisée par le Centre de droit et
d’économie du sport (CDES) et le cabinet Keneo, à la demande du
ministère chargé des sports. Les résultats de cette étude ont été présentés
en janvier 2017.
Les soutiens publics à l’Euro 2016 en France – septembre 2017
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INTRODUCTION
11
Rapport du Centre de droit et d’économie du sport et de Keneo
« Évaluation de l’impact économique de l’Euro 2016 »
Le cadre de l’étude
Le CDES et Keneo rappellent que « La présente étude vise à apporter
une mesure de l’impact économique de court terme de l’Euro 2016. Les
multiples autres impacts (social, médiatique ou environnemental par
exemple) sont exclus du champ de l’analyse. » « Les effets de plus long
terme sont multiples et plus complexes à analyser. À l’inverse, l’impact
économique de court terme bénéficie de méthodes éprouvées, ainsi au final
le calcul d’impact économique de court terme est le plus fiable. » « L’étude
présente l’impact économique primaire, que ce soit l’impact organisation
(budget propre de l’événement) ou l’impact tourisme (dépenses des
visiteurs), puis l’impact économique total ».
L’impact économique primaire (injection nette) est calculé à partir
de l’injection brute dans l’économie nationale des dépenses d’organisation
ou de consommation des visiteurs, moins les effets de substitution (dépenses
qui auraient été engagées à d’autres objets), d’éviction (dépenses
dissuadées) et de fuites (flux financiers sortant du territoire national).
L’impact économique total est estimé en appliquant un multiplicateur
keynésien dont la valeur a été estimée à l’aide du modèle Mésange de
l’INSEE (soit 1,25), à l’impact primaire.
Les résultats globaux
1° Le bilan économique primaire
Les auteurs de l’étude ont calculé « une injection nette dans
l’économie française liée à l’organisation de l’Euro 2016 de 476,8 M€, dont
360 M€ pour les dépenses opérationnelles ».
Ils ont calculé, après avoir retiré de l’impact touristique un « effet
d’éviction d’un total de 165 M€ », « une injection nette liée au tourisme
dans l’économie nationale de 500,6 M€ ».
Ainsi le CDES et Keneo évaluent « que l’impact économique
primaire de l’Euro 2016 s’établit à 977,4 M€ ».
2° Les recettes fiscales additionnelles
Les auteurs du rapport ont estimé les recettes fiscales produites par
l’accueil de la compétition à 74,9 M€ : 70 M€ de taxe sur la valeur ajoutée
2,7 M€ de taxes de séjour et 2,2 M€ de taxes d’aéroport. Ces recettes fiscales
sont nettes des effets d’éviction.
Les soutiens publics à l’Euro 2016 en France – septembre 2017
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12
Ces recettes sont à rapporter à un montant annuel en 2016 de TVA
de 155 Md€, de taxes de séjour de 263 M€ et de taxes d’aéroport de 1 Md€.
3° Le bilan économique total
Selon les auteurs « l’impact économique total de l’Euro 2016 au
niveau national est évalué à 1,22 Md€ ».
La conclusion générale du rapport est la suivante
:
« L’impact économique de l’Euro 2016 s’élève à 1,221 milliard
d’euros. On pourrait discuter longuement de la signification d’un tel
montant rapporté au Produit Intérieur Brut français (qui s’élevait à
2 181,1 Md€ en 2015.) » « Ce que nous retenons, c’est que l’événement a
contribué de façon tangible à un surcroît d’activité économique, à la fois par
les dépenses d’organisation et par les dépenses des visiteurs étrangers. En
particulier, la venue de près de 600 000 touristes étrangers pour l’événement
a pu contribuer à amortir la baisse touristique constatée à l’échelle
nationale ».
Pour la part relevant des pouvoirs publics et dans le champ de leurs
compétences, la Cour des comptes, avec les chambres régionales des
comptes
Hauts-de-France,
Île-de-France,
Auvergne-Rhône-Alpes,
Provence-Alpes-Côte d’Azur, Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, ont
souhaité faire un retour d’expérience sur les conditions de préparation et
d’organisation d’un grand événement sportif tel que l’Euro 2016,
Dans cette perspective, elles ont centré leurs investigations, d’une
part sur les modalités selon lesquelles les soutiens publics nécessaires à la
réalisation de la compétition, en fonctionnement et en investissement, ont
été mis en oeuvre ; d’autre part sur les risques financiers qui pourraient à
terme peser sur les collectivités locales du fait de la gestion d’enceintes
sportives agrandies et rénovées.
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INTRODUCTION
13
Carte n° 1 :
les sites d’accueil de l’Euro 2016
Le présent rapport se décompose en un rapport de synthèse (tome I)
et dix cahiers territoriaux (tome II), qui correspondent aux dix sites
d’accueil des matches et détaillent les conditions de financement et
d’exploitation des stades de l’Euro 2016.
Le chapitre I du rapport de synthèse analyse les engagements de la
France pour la tenue du championnat et l’organisation dans laquelle s’est
inscrite sa mise en place. Il recense les charges supportées par les personnes
publiques et leur niveau d’intéressement aux résultats de la manifestation.
Le chapitre II examine les coûts d’investissement et met en
perspective les risques d’exploitation des stades pour les collectivités
territoriales et les clubs sportifs en raison du fort rehaussement de leur
capacité d’accueil. Il pose la question du bon niveau des redevances
sportives.
Les soutiens publics à l’Euro 2016 en France – septembre 2017
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Les soutiens publics à l’Euro 2016 en France – septembre 2017
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Chapitre I
L’organisation du tournoi :
un succès public mais un rapport
de forces inégal, aggravé
par les conditions de la mise en oeuvre
Pour l’organisation du tournoi, l’UEFA, détentrice des droits de la
compétition européenne, représente une puissance internationale de droit
privé qui dispose de prérogatives prédominantes face à celles des autorités
publiques nationales. Cette situation s’est traduite par des dispositifs
exigeants pour les acteurs publics nationaux, de surcroît peu et tardivement
coordonnés entre eux.
Par ailleurs, le mode d’organisation finalement retenu pour la
manifestation, différent de celui prévu initialement car de droit totalement
privé, a limité le droit de regard des pouvoirs publics sur de nombreux
aspects financiers et juridiques du dispositif.
Enfin, si les dépenses publiques d’organisation sont significatives,
mais plus faibles que celles supportées par l’UEFA dont une filiale a pris
en charge le coût de fonctionnement opérationnel du tournoi, les acteurs
publics nationaux qui ont apporté leurs concours ont été peu intéressés aux
recettes de l’Euro 2016, qui a dégagé une marge bénéficiaire plus élevée
qu’escomptée.
Les soutiens publics à l’Euro 2016 en France – septembre 2017
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COUR DES COMPTES
16
I -
Des conditions d’obtention
du tournoi exigeantes
Les conditions de candidature et d’accueil de la compétition sont
définies par l’UEFA, propriétaire de l’événement. Leur caractère unilatéral
et inconditionné laissait peu de place à la négociation, tant la forme des
engagements et leur contenu étaient très précisément encadrés. Aussi,
l’engagement des pouvoirs publics a relevé davantage d’une logique
d’adhésion que d’un dispositif négocié.
A -
Un cadre conventionnel contraignant et foisonnant
Au fil des éditions successives du tournoi européen, l’UEFA a accru
le volume des normes d’organisation du tournoi européen : son cahier des
charges (appelé « Exigences relatives au tournoi » dans les documents de
l’UEFA) est passé de 73 pages pour l’Euro 2012 à 203 pages pour
l’Euro 2016, et le règlement du tournoi, hors annexes, est passé de
19 articles pour l’Euro 2004 à 70 articles pour l’Euro 2016.
Les prestations prévues pour le tournoi de 2016 étaient détaillées en
vingt chapitres couvrant des domaines très variés et avec un degré de
précisions élevé. Pour répondre à tous les aspects de ce cahier des charges,
le dossier de candidature, porté par la fédération nationale, devait
comporter de nombreux documents de portée et de formes différentes,
matérialisant tant des engagements politiques au plus haut niveau que
l’accord d’autorités administratives et locales à soutenir l’organisation du
tournoi selon les conditions requises.
Ces engagements représentent au total cinq contrats généraux
d’organisation, dix-sept lettres de garantie des pouvoirs publics nationaux
et plus de cinquante contrats locaux (cf. listes en annexe n° 3).
Au niveau national
, ont été intégrées au dossier de candidature les
lettres de soutien du Président de la République et du Premier ministre
indiquant pour sa part que « le gouvernement de la France soutiendra
totalement et sans restriction la candidature portée par la Fédération
française de football pour accueillir le tournoi final » et les lettres de
garantie signées des ministres concernés ou des responsables d’autres
entités publiques (direction générale de l’aviation civile pour les conditions
de mise à disposition des aéroports, établissement public Atout France,
compétent en matière de tourisme, etc.).
Les soutiens publics à l’Euro 2016 en France – septembre 2017
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L’ORGANISATION DU TOURNOI : UN SUCCÈS PUBLIC MAIS UN
RAPPORT DE FORCES INÉGAL, AGGRAVÉ PAR LES CONDITIONS DE LA
MISE EN OEUVRE
17
Le cadrage fiscal du tournoi représentait un enjeu majeur pour les
pouvoirs publics. Les « Exigences relatives au tournoi » exposées par
l’UEFA précisaient nettement l’objectif du propriétaire du championnat :
« nonobstant sa qualité d’organisme à but non lucratif situé en Suisse »,
l’UEFA « cherchera à retirer le revenu le plus élevé possible de
l’Euro 2016 et à minimiser les dépenses qui y sont liées ainsi que ses
obligations fiscales, afin de s’assurer que le football européen retire le
bénéfice maximum de l’UEFA EURO 2016 ».
Les conditions posées visaient à exonérer l’UEFA de toutes
impositions sur les recettes taxables en France (les recettes des droits de
retransmission télévisée et des contrats de parrainage étant imposées en
Suisse, siège de l’UEFA). Il s’agissait d’une part d’exonérer les personnes
physiques désignées par l’UEFA (joueurs et membres des délégations
sportives) non résidentes en France de toutes taxations sur les revenus du
travail, d’autre part de ne pas assujettir l’UEFA ou ses filiales à des taxes
ou impôts en France sur le chiffre d’affaires réalisé sur le territoire national
(recettes de billetterie pour l’essentiel). Enfin, en contradiction avec le droit
communautaire, était demandé un non assujettissement à la TVA de
l’association internationale et de ses émanations et une demande
d’exonération de TVA sur les recettes de billetterie.
La lettre d’engagement du ministre des finances du 2 février 2010 a
repris les exigences fiscales de l’UEFA, à deux restrictions près : la prise
en compte des dispositions européennes en matière de TVA, et
l’application du droit commun en matière de taxes et impôts sur les
paiements aux joueurs et membres des délégations sportives non-résidents.
La retenue à la source, qui avait été évoquée, n’a pas été maintenue.
Au niveau local
, le dossier de candidature comprenait des « lettres
de garantie » signées par les exécutifs locaux des villes accueillant les
rencontres du tournoi ainsi que plusieurs contrats : contrats de ville hôte
avec la collectivité d’accueil, de stade avec le propriétaire de l’équipement
et enfin d’aéroport avec la société exploitante de l’infrastructure.
Les exécutifs des collectivités territoriales publiques ont été tenus
de signer ces contrats sans pouvoir en discuter le contenu. Dans la plupart
des cas, ces contrats n’ont pas été soumis aux conseils municipaux des
villes concernées.
Le président de la FFF, dans un courrier adressé au maire de
Toulouse le 2 septembre 2009, indiquait ainsi que « l’UEFA ne considère
pas ces contrats comme des projets soumis à discussion et à amendements
éventuels, mais comme des contrats-types qu’elle demande aux villes
candidates et à la FFF de signer en l’état. Ceci signifie qu’une ville qui ne
Les soutiens publics à l’Euro 2016 en France – septembre 2017
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COUR DES COMPTES
18
pourrait pas ou ne souhaiterait pas signer ces contrats ne pourra pas figurer
dans la liste des villes hôtes proposées par la FFF. »
Aussi les collectivités ont-elles été tenues de se conformer à un
cadrage très précis. Par exemple ;
-
concernant les capacités hôtelières, chaque ville hôte devait proposer
l’accès à un hôtel 5 étoiles pour la « famille UEFA » (officiels et
personnel), soit entre 150 et 300 chambres. Cet hôtel devait permettre
un accès facile au stade et à l’aéroport par les transports publics et dans
le même temps se situer dans un « quartier agréable » permettant
l’accès à des « activités de divertissement (restaurants, musées, parcs,
loisirs) » ;
-
concernant l’animation locale, le chapitre 14 détaillait les éléments
nécessaires au fonctionnement des fan zones (sécurité, écrans,
barrières, eau potable, normes de luminosité, etc.) et précisait qu’il est
« important d’offrir un programme de divertissement » incluant « des
concerts d’ouverture et de clôture réalisés par des musiciens connus et
des
groupes
locaux
aussi
bien
que
d’autres
performances
musicales (…) ».
Par ailleurs, privés de la possibilité de conclure un contrat de
partenariat commercial durant la période du tournoi, la ville hôte et le
propriétaire du stade devaient également minimiser l’impact négatif de tout
autre contrat existant « dont les intérêts entrent ou sont raisonnablement
susceptibles d’entrer en conflit de quelque façon que ce soit avec les
exigences ou les intérêts de l’UEFA, de la FFF, de la SAS Euro 2016 » et
prendre les mesures pour protéger les droits commerciaux des partenaires
de l’Euro 2016 en combattant le « parasitisme commercial »
2
. Les villes
devaient à cette fin rendre disponibles certains membres de leur personnel.
Le dossier de candidature incorporait ainsi, dès 2011, un corps
d’engagements contraignants, formant le cadre intangible dans lequel allait
s’inscrire en 2016 la mise en oeuvre du tournoi.
2
Traduction de la notion d’
ambush marketing
, qui fait référence aux stratégies
d’entreprises qui cherchent à tirer profit de l’événement (sous forme d’actions
commerciales, marketing ou de relations publiques) sans être des « partenaires
officiels » de l’UEFA.
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MISE EN OEUVRE
19
B -
Un suivi insuffisant des engagements pris
Dès lors que l’appui au plus haut niveau de l’État de la candidature
à l’accueil de l’Euro 2016 s’était manifesté officiellement par des lettres de
soutien et de garantie, des initiatives eussent dû être prises parallèlement
pour associer le Parlement au processus de candidature quand celui-ci
impliquait des décisions législatives.
De même, il eût été souhaitable qu’un dispositif d’évaluation des
retombées économiques et sociales et une mesure des impacts budgétaires
et fiscaux aient été prévus en amont.
1 -
Un Parlement très tardivement saisi
des engagements fiscaux ministériels
Les trois lettres de garantie fiscale ont été signées les 2 et 9 février
2010 par le ministre chargé du budget sans que le Parlement soit consulté.
Les garanties fiscales obtenues par l’UEFA dans le dossier de candidature
se sont ainsi appuyées sur un simple courrier ministériel. La lettre du
ministre chargé du budget du 2 février 2010 indiquait non seulement que
« la législation actuelle permet l’octroi des garanties mentionnées », mais
aussi
« qu’aucune
législation
modifiée
ou
nouvelle
n’affectera
négativement l’exécution des exemptions et ce jusqu’à la fin de l’année
2016 ».
Or, à l’époque où ces engagements ont été pris, aucune loi ne les
autorisait et aucune garantie ne pouvait valablement être donnée que le
Parlement ne prendrait pas, durant six ans, des dispositions contraires aux
exemptions consenties. L’habilitation parlementaire n’est intervenue qu’en
2014 par le vote de la loi du 29 décembre 2014 de finances rectificative
pour 2014, en particulier son article 51.
Pour éviter de tels décalages, comportant des risques d’ordre
politique et juridique, certains pays ont mis en place un régime fiscal
permanent propre aux grands événements sportifs internationaux. Cela
présente le double avantage de restreindre le champ des exigences en
matière d’exonération de la part des organisateurs comme de sécuriser
juridiquement les engagements des pouvoirs publics.
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20
Le régime fiscal allemand s’appliquant aux événements sportifs
En Allemagne, les exonérations en faveur d’événements sportifs sont
accordées sur la base d’une disposition législative explicite et permanente
3
qui permet aux autorités de réduire ou de supprimer l’imposition des non-
résidents en cas d’événement sportif ou culturel important dont l’attribution
donne lieu à une concurrence internationale.
Par application de ce texte, le Gouvernement fédéral et les
Länder
ont accordé une exonération totale d’impôts dans le cadre de la Coupe du
monde de football 2006. Cette exonération d’impôt visait expressément la
FIFA en tant que telle mais également les membres officiels de la FIFA, les
hôtes de la FIFA, les arbitres et arbitres assistants, les participants au
congrès de la FIFA, les autres personnes accréditées officiellement par la
FIFA, les clubs nationaux de football étrangers participants et leur
personnel.
En revanche, les joueurs et entraîneurs des équipes et de la fédération
allemande étaient exclus expressément de cette exonération.
Le périmètre fiscal du dispositif allemand est beaucoup plus restrictif
que celui mis en oeuvre en France par le vote de la loi de finances
rectificative du 29 décembre 2014 : il porte uniquement sur l’impôt sur les
sociétés non résidentes.
Enfin les engagements fiscaux pris en 2010 par le Gouvernement
l’ont été sans étude d’impact. Même ultérieurement, aucune des
exonérations fiscales prévues à l’article 51 de la loi de finances rectificative
pour 2014, qui introduit le régime fiscal dérogatoire dont a bénéficié
l’Euro 2016, n’a fait l’objet d’une estimation transmise au Parlement.
Depuis, les documents budgétaires sont restés muets sur ce sujet, y compris
en 2016, alors que la dépense fiscale induite aurait dû être rattachée au
programme budgétaire qui ouvre les crédits destinés au soutien aux
activités sportives.
3
Alinéa 4 du paragraphe 50 de la loi sur l’impôt sur le revenu.
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21
2 -
L’absence d’un dispositif d’évaluation mis en place
par les pouvoirs publics
Au moment de la prise de décision, les pouvoirs publics n’ont pas
tenté d’estimer les coûts d’organisation de l’événement. Seuls les
investissements dans les infrastructures sportives ont fait l’objet d’une
première évaluation en 2008 dans le cadre du rapport de la commission
« Grands stades » (cf. chapitre II).
Par ailleurs, aucun dispositif évaluatif des retombées économiques
du tournoi n’a été mis en place dès la désignation de la France. La ministre
des sports admettait en mars 2011, lors de l’examen par l’Assemblée
nationale de la proposition de loi relative à l’organisation de l’Euro 2016,
portant sur le mode de financement des stades, que « nous n’avons pas
chiffré les retombées économiques attendues de cet événement ».
Pourtant, dans le dossier de candidature déposé en 2010, la FFF
s’engageait à proposer au gouvernement la création d’un comité national
de valorisation de l’Euro 2016. Au même moment, le Centre du droit et de
l’économie du sport (CDES) de l’université de Limoges proposait à la
délégation interministérielle aux grands événements sportifs (DIGES) et à
l’UEFA la réalisation d’une étude globale des retombées de la
manifestation. Ces deux initiatives n’ont pas abouti, et en 2014, le président
de l’UEFA regrettait « que la France ne dispose pas d’un outil statistique
pérenne permettant de mesurer les retombées économiques globales,
directes
et
indirectes,
des
grands
événements
qu’elle
organise
régulièrement ».
Ce n’est qu’en 2014 que la DIGES a constitué un groupe de
réflexion sur l’évaluation des grands événements sportifs internationaux.
En 2015, le ministère des sports décidait que le tournoi donnerait lieu à
trois types de rapport
4
: une évaluation
ex ante
, une évaluation dite « en
cours d’événement » et la définition d’une méthodologie globale « pour
évaluer les objectifs d’intérêt général associés à l’accueil des grands
événements sportifs en France ».
L’évaluation publique
ex ante
n’a pas été réalisée faute de crédits.
Au contraire, c’est l’UEFA, confrontée aux critiques des villes hôtes sur
les coûts d’organisation du tournoi, qui a commandé au CDES la réalisation
d’une étude d’impact sur les retombées économiques locales de
4
Sources : note de la direction des sports du MVJS « Point d’étape – Évaluation
économique et sociale de l’Euro 2016 », 1
er
juillet 2015, et
Lettre d’information du
DIGES
n° 3, janvier 2015.
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22
l’événement. Le rapport, réalisé à l’automne 2014, a longtemps été le seul
document d’évaluation des retombées du tournoi avant l’étude du CDES et
de Keneo commandée par le ministère chargé des sports, publié en janvier
2017
5
. La communication publique sur l’événement a
de facto
reposé entre
2014 et 2016 sur cette seule étude fournie par l’UEFA
6
.
L’évaluation publique dite « en cours d’événement » a été réalisée
en retard et partiellement. Le ministère chargé des sports
7
avait initialement
évalué son coût à 700 000 € TTC, à répartir entre l’État (130 000 € pour la
méthodologie générale et le volet national) et les collectivités (570 000 €).
En novembre 2015, les villes hôtes, invitées à financer leur part, n’ont pas
donné suite à cette demande. Le format de l’étude a alors été réduit à la
seule évaluation de l’impact économique dans le marché attribué en
mai 2016 au CDES qui a remis ses conclusions en janvier 2017 (cf. encadré
en introduction).
L’absence d’évaluation publique
ex ante
est particulièrement
regrettable dans le champ des recettes fiscales attendues par l’État. En effet,
seule l’étude commandée par l’UEFA en 2014 a tenté d’estimer les recettes
de TVA issues des dépenses liées à l’Euro 2016. Elle a abouti à une
estimation de 180 M€.
Or, l’analyse faite par la Cour de cette prévision lors de son
instruction, montrait que des corrections méthodologiques significatives
devaient être apportées ; il s’agissait de mieux prendre en compte les effets
d’éviction sur la fréquentation touristique, qui avaient été en partie omis,
et de mieux appliquer les règles de calcul de la TVA. L’étude du CDES et
de Keneo, remise en janvier 2017, a de fait montré un écart significatif avec
les premières estimations, les recettes de TVA y étant finalement estimées
à 70 M€, très en retrait du montant attendu.
En conclusion, les pouvoirs publics ne se sont pas mis en situation
de disposer, en amont du tournoi, d’une estimation des charges publiques
prévisionnelles, ni d’une évaluation des retombées économiques, y
compris en matière fiscale.
5
Les références de l’étude sont données en introduction du présent rapport.
6
C’est aussi le cas de la communication effectuée par le ministre de la ville, de la
jeunesse et des sports lors du Conseil des ministres du 10 février 2016 : « Les retombées
économiques sont estimées à plus d’un milliard d’euros au niveau national pour les
entreprises et pour l’État », « 20 000 postes ont été créés grâce à la modernisation des
stades » et « plus de 94 000 pour l’organisation de la compétition ».
7
Note de la direction des sports au cabinet du ministre, « Évaluation économique de
l’Euro 2016 – approche nationale », 22 décembre 2015.
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MISE EN OEUVRE
23
Ce type de travaux était pourtant préconisé dans le rapport de 2010
sur les grands événements sportifs internationaux. Au-delà de la nécessaire
prévision des dépenses et des recettes publiques liées à la tenue des grandes
compétitions internationales, ce qui constitue en soi un enjeu majeur et peut
être un élément de la prise de décision du soutien à une candidature,
l’occasion de forger une méthodologie nationale reproductible pour
l’accueil des grands événements sportifs n’a été saisie que tardivement et
partiellement.
C -
Des accords exorbitants du droit national
Le cadre juridique de la mise en place de l’Euro 2016 comporte de
nombreuses dispositions qui dérogent au droit national.
Le dispositif juridique de l’UEFA prévoyait que l’organisateur
national en droit, en l’occurrence la FFF, ait la responsabilité de « s’assurer
que le gouvernement met en oeuvre l’ensemble des garanties exigées en vue
de l’organisation du tournoi » et que « chacune des villes hôtes signe le
contrat de ville hôte ». La bonne exécution des obligations des pouvoirs
publics était ainsi l’un des critères contractuels de rémunération de la FFF
par l’UEFA, avant que cette rémunération ne devienne forfaitaire
(cf.
infra
).
Sur le plan national
et en matière de sécurité, le ministre de
l’intérieur s’est engagé en janvier 2010 à ce que « le gouvernement de la
France assume tous les coûts afférents à la mise en oeuvre des mesures de
sécurité liées aux manifestations de l’Euro 2016 »
8
. Il consentait également
à ce que l’UEFA décline toute responsabilité en matière de sécurité. Or,
l’intervention des forces de l’ordre pour sécuriser une manifestation
sportive ou culturelle à but lucratif ne relève pas nécessairement
d’obligations régaliennes. L’article L. 211-11 du code de la sécurité
intérieure prévoit que « les personnes physiques ou morales pour le compte
desquelles sont mis en place par les forces de police ou de gendarmerie des
services d'ordre qui ne peuvent être rattachés aux obligations normales
incombant à la puissance publique en matière de maintien de l'ordre, sont
tenues de rembourser à l'État les dépenses supplémentaires qu'il a
supportées dans leur intérêt ».
8
Cette disposition figure dans la lettre d’engagement du ministre de l’intérieur du
25 janvier 2010, adressée à l’UEFA et figurant dans le dossier de candidature. La liste
des courriers d’engagement est détaillée en annexe n° 3.
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24
Ainsi, l’État facture à la FFF et aux clubs de football professionnels
une partie des dépenses engagées pour la sécurisation des rencontres
disputées par l’équipe de France et par les clubs des Ligue 1 et Ligue 2.
Pour l’Euro 2016, il a renoncé à facturer le coût des services d’ordre
chargés de sécuriser les stades (et les fan zones) lors des 51 rencontres du
tournoi. Bien que le ministère de l’intérieur ait indiqué que cet engagement
avait été pris par tous les pays candidats, cette circonstance a méconnu
l’article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure.
Des contradictions avec la législation nationale en matière de
publicité sont apparues dès lors que le choix des parrains du tournoi
échappait à l’organisateur national et que la teneur des obligations
commerciales était insusceptible de restriction.
Dans le champ de la lutte contre l’alcoolisme, l’article L. 3323-2 du
code de la santé publique dispose que
«
toute opération de parrainage est
interdite lorsqu'elle a pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité,
directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques
». Alors que la
vente à l’intérieur des stades et dans leur périmètre a été autorisée pour des
bières à très faible teneur alcoolique (propriétés d’un des sponsors
permanents de l’UEFA), les vendeurs itinérants ont affiché les publicités
de la marque concernée. Le club des villes hôtes a adressé en 2013 au
directeur des affaires publiques de l’UEFA un courrier, resté sans réponse,
au sujet des difficultés d’application des chartes commerciales au regard
du code de la santé publique. De même, en février 2015, la direction
générale de la santé a attiré l’attention du DIGES sur le fait que les contrats
commerciaux entre l’UEFA et ses sponsors pouvaient « contrevenir aux
dispositions nationales en matière de publicité en faveur des boissons
alcooliques notamment ».
Dans d’autres domaines, pour limiter le caractère trop dérogatoire
des demandes de l’UEFA, quelques aménagements ont cependant été
obtenus. À titre d’exemple, la mention « autorisés par la réglementation »
a été rajoutée à l’accord qui prévoit l’absence de restriction sur
l’importation et l’exportation « des médicaments et des compléments
alimentaires » par les différentes équipes participantes.
Sur le plan local
, le contenu des contrats de ville hôtes a comporté
de nombreuses dispositions léonines, certaines étant non conformes au
droit national.
D’une part, les relations contractuelles entre les organisateurs et les
collectivités ont été bâties sur un mode asymétrique, au détriment des
villes. Les lettres de garantie demandées par l’UEFA aux exécutifs locaux,
rédigées en anglais, engageaient les collectivités à coopérer de façon
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L’ORGANISATION DU TOURNOI : UN SUCCÈS PUBLIC MAIS UN
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MISE EN OEUVRE
25
« inconditionnelle et irrévocable » avec l’UEFA et la FFF, tandis que ces
dernières ne supportaient aucune obligation d’indemnisation des coûts
engagés par les villes au titre de la candidature si elles décidaient « pour
quelque raison que ce soit » de ne pas les retenir. Par ailleurs le contrat de
ville hôte stipulait que la collectivité « devra couvrir, exonérer de toute
responsabilité et défendre l’UEFA pour tout(e) responsabilité/obligation,
plainte/demande, dommage ou frais résultant du présent contrat suite à
l’inexécution, par l’autorité de la ville hôte, des obligations lui incombant
en vertu du présent contrat ». Cette clause conférait une responsabilité
générale à la collectivité et lui interdisait d’engager une action récursoire à
l’encontre de l’UEFA en cas de litige.
D’autre part, certaines dispositions contractuelles avaient un
caractère contraire à la loi.
En matière de règlement des litiges, les contrats de ville hôte
disposaient que « tout litige ou différend résultant du présent contrat sera
réglé par voie d’arbitrage, par une procédure menée à Nyon, Suisse, selon
les termes de l’art. 176 et suivants du code de droit international privé
suisse (…). La décision arbitrale sera irrévocable et définitive ». Sauf
exception prévue par la loi, les personnes morales de droit public ne
peuvent se soustraire à la compétence des juridictions nationales. Si
l’article 3 de la loi du 2 juin 2011 relative à l’organisation de l’Euro
autorisait le recours à l’arbitrage pour régler les litiges en lien avec
l’organisation de la compétition, elle prévoyait pour ce faire l’application
de la loi française et non celle d’une autre législation.
En matière d’occupation du domaine public
,
les contrats de ville
stipulaient que la ville hôte devrait faire en sorte que tous les sites officiels
(hors stades) soient mis gratuitement à la disposition de l’UEFA. L’article
L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques
disposant que « toute occupation ou utilisation du domaine public d'une
personne publique (…) donne lieu au paiement d'une redevance », les villes
hôtes ne pouvaient consentir un régime de gratuité à l’UEFA et à ses
sponsors (par exemple, la gratuité des stands des sponsors UEFA au sein
des fan zones) sans méconnaître cette obligation législative.
Certaines dispositions engageaient les collectivités à la limite de
leurs compétences. Pour l’organisation des transports, les collectivités
devaient élaborer un « concept de gestion du trafic et de transport public
intégré » dans un rayon de 100 km autour du centre, incluant une garantie
d’un temps de transport inférieur à 75 minutes entre le stade et le centre-
ville ou garantir l’interdiction du survol des enceintes sportives, ce qui
relève du domaine de la direction générale de l’aviation civile (DGAC).
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26
D’autres dispositions posaient des questions de régularité par
rapport au droit des marchés publics et à celui de la concurrence, car les
contrats de ville et de stade accordaient l’exclusivité commerciale de
l’occupation des espaces publics aux parrains officiels de l’Euro 2016 sur
les sites et abords du tournoi, au détriment d’autres prestataires
commerciaux. Cette exclusivité s’étendait à l’affichage publicitaire, les
lieux concernés par la compétition devant être des « sites propres », c’est-
à-dire libres de tout affichage commercial.
Ces exigences nombreuses et dérogatoires au droit national ont pu
constituer pour certaines villes un motif de renoncement à la candidature à
l’accueil du tournoi : « les clauses exorbitantes et non négociables des
contrats imposés par 1'UEFA aux collectivités et 1'absence de véritable
soutien financier de la part de l'État et des instances sportives (UEFA, LFP
ou FFF) ont nourri la décision de la collectivité de se retirer », a indiqué
par exemple le maire de Strasbourg.
D’autres collectivités territoriales ont manifesté leur inquiétude,
voire leur désarroi. Les villes de Lyon, Lens, Bordeaux et Marseille ont
soumis les documents de l’UEFA à une expertise juridique extérieure
préalable. D’autres villes n’ont pas entrepris cette démarche, estimant
« qu’il s'agissait de contrats type adressés par l'UEFA à toutes les villes
hôtes » (ville de Toulouse). La ville de Paris et la ville de Lyon ont
considéré qu’elles ne pouvaient engager leur responsabilité que dans les
limites de leurs compétences définies par la loi. Des collectivités ont requis
l’expertise juridique de l’État : la commune de Lens, dont le conseil
municipal a estimé que de nombreuses dispositions étaient irrégulières, a
sollicité la sous-préfecture de Lens, la fédération française de football et le
ministre de la santé et des sports, et demandé l’avis du Conseil d’État sur
la validité des contrats soumis à approbation par l’UEFA. La seule réponse
reçue du ministère des sports, en avril 2010, s’est limitée à une promesse
d’étude approfondie, sans autre suite.
Les préfectures, quand des délibérations concernant l’organisation
du tournoi ont été prises et leur ont été transmises, n’ont pas réagi au titre
du contrôle de légalité.
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MISE EN OEUVRE
27
II -
Une organisation progressivement confiée
au secteur privé
À la différence d’autres manifestations de même envergure, et
contrairement au schéma initialement prévu, c’est un organisme de droit
privé qui a préparé et mis en oeuvre l’Euro 2016. Cette évolution s’est faite
au détriment de la position des acteurs publics, dont la place au sein du
dispositif n’a pas été à la mesure des engagements qu’ils avaient souscrits
et des moyens mis en oeuvre. Dans ce contexte, leur coordination est
demeurée limitée et tardive.
A -
Une structure d’organisation de droit privé excluant
la puissance publique
1 -
La permanence des ambiguïtés sur l’autorité organisatrice
de l’Euro 2016
L’enchevêtrement des textes encadrant l’organisation du tournoi
européen ne permet pas de désigner nettement l’entité qui a exercé la
responsabilité pleine et entière de sa mise en place
9
. Si la fédération
nationale a porté la candidature à l’obtention de la compétition et s’est vu
attribuer son organisation par la signature en avril 2010 d’un contrat
d’organisation (avant même la désignation de la France comme pays
d’accueil, le 28 mai 2010), une certaine confusion existe quant à la place
respective de l’association internationale et de la fédération nationale de
football.
Le « Règlement du Championnat d’Europe de football » dispose que
c’est l’UEFA qui « organise la compétition tous les quatre ans. » L’accord
de coopération, signé ultérieurement en novembre 2014, a précisé les rôles
respectifs des intervenants et rappelé que « l’UEFA est l’instance
organisatrice de l’UEFA EURO 2016 ». Cet accord mentionnait de surcroît
que le comité exécutif de l’UEFA était l’autorité décisionnaire ultime pour
toutes les questions clés qui concernent la compétition
10
. Pour autant, ce
même contrat de coopération stipulait que « l’UEFA a désigné la FFF en
9
Un schéma général de la gouvernance du tournoi est reproduit en annexe n° 4.
10
Source : « Accord de coopération », annexe 2, p.13.
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28
tant qu’association hôte chargée d’accueillir et d’organiser la phase finale
du tournoi ».
Au total, la FFF a été signataire des deux contrats généraux relatifs
à l’organisation du tournoi, en 2010 et en 2014, dont les termes sont
ambigus sur l’identité de l’autorité organisatrice. Si les champs
d’intervention de l’UEFA et de la FFF paraissent à l’origine distincts (la
gouvernance
sportive
et
européenne
d’une
part,
l’organisation
opérationnelle d’autre part), le miroitement des contrats et de leurs termes
ont laissé le champ ouvert à des pratiques confuses et intriquées au plan
national, entre la fédération internationale et la fédération nationale.
Par ailleurs, les pouvoirs publics français ont été absents du champ
des autorités organisatrices citées dans ces documents, alors qu’ils ont été
appelés à assumer de nombreuses obligations en application des exigences
de l’UEFA.
2 -
Un dispositif initial conforme aux pratiques usuelles
pour les grands événements sportifs
Les « Exigences relatives au tournoi » indiquaient dès 2009 que
l’Euro 2016 devrait être mis en oeuvre conjointement par l’UEFA, la
fédération hôte et une « société locale d’organisation ». Cette société
locale, créée par la fédération nationale, devait prendre la forme d’une
« entité juridique à but non lucratif placée sous le contrôle de l’association
hôte » et dirigée par des représentants de la fédération et des autorités
publiques.
11
En 2010, la FFF indiquait ainsi dans le dossier de candidature son
intention de créer, au plus tard au cours du troisième trimestre 2011, une
société locale d’organisation sous forme d’une association régie par la loi
du 1
er
juillet 1901. La société devait rassembler « l’ensemble des acteurs
nationaux de l’organisation : institutions du football, gouvernement et
agences gouvernementales, villes hôtes ». Le dossier de candidature
précisait que si l’UEFA le souhaitait, elle pourra désigner des représentants
au sein des organes décisionnaires de cette société, les instances fédérales
françaises devant cependant disposer de la majorité des sièges dans les
organes délibérants afin « que l’association-hôte garde, en toutes
circonstances,
le
contrôle
des
décisions
de
la
société
locale
d’organisation
12
».
11
« Exigences relatives au tournoi », chapitre 3 « Concept général du tournoi », p. 6.
12
Dossier de candidature, volet 17, p. 331.
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MISE EN OEUVRE
29
Cette organisation reprenait celle de la Coupe du monde de football
de 1998, en application du cahier des charges de la Fédération
internationale de football (FIFA). Un Comité français d’organisation avait
alors été créé sous forme d’association, réunissant vingt-quatre
représentants de la FFF, le président du Comité national olympique et
sportif français (CNOSF), dix représentants de l’État et sept des
collectivités territoriales.
En juin 2010, le ministère chargé des sports estimait que « la
solution qui paraît la mieux adaptée pour l’organisation d’une
manifestation de cette ampleur est sans doute la constitution d’un
groupement d’intérêt public (GIP) » afin « d’affirmer à la fois la
responsabilité de la FFF concernant l’organisation sportive générale de
l’Euro, et le rôle de l’État dans la réalisation de toutes les conditions
propres au déroulement de la compétition sur le territoire français (…). En
outre, le GIP, placé sous l’autorité du ministre chargé des sports (qui en est
membre fondateur) permet de garder la maîtrise du processus tout au long
de la préparation de l’événement
13
».
L’organisation de la candidature aux Jeux Olympiques de 2024 offre
un modèle qui associe GIP et comité national d’organisation, avec une
représentation des autorités publiques.
La gouvernance de la candidature et de l’organisation des Jeux
olympiques et paralympiques de 2024
En 2015, le Comité national olympique français CNOSF, la ville de
Paris, la Région Île-de-France et l’État ont créé l’association Ambition
olympique et paralympique, chargée de réfléchir aux conditions d’une
candidature à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques 2024.
Cette association a été transformée fin 2015 en un groupement
d’intérêt public (GIP) « PARIS 2024 ». Le GIP est notamment chargé de
construire le projet présenté au CIO et de représenter et promouvoir la
candidature auprès des acteurs nationaux et internationaux.
13
Source : note de la direction des sports, « EURO 2016 : gouvernance et
organisation », juin 2010.
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30
L’organisation des Jeux reposera sur un comité d’organisation des
Jeux olympiques (COJO) incluant des représentants des autorités publiques.
L’article 35 de la Charte olympique prévoit en effet que l’organisation des
Jeux Olympiques est confiée au CNO du pays de la ville hôte ainsi qu’à la
ville hôte même. Le CNO sera responsable de la mise en place du COJO.
Celui-ci doit comprendre des membres du CIO, le président et le secrétaire
général du CNO et au moins un membre représentant la ville hôte. Il peut
comprendre des représentants des autorités publiques ainsi que d’autres
personnalités.
À titre d’exemple, les représentants des autorités publiques au comité
d’organisation des JO 2020 (Tokyo) sont le vice-gouverneur de la ville de
Tokyo, le président de l’assemblée métropolitaine et un représentant de
l’agence de sport publique japonaise.
Le COJO gère le budget d’organisation, qui représente les coûts
directement liés à l’organisation de l’événement, c’est-à-dire les dépenses
liées aux infrastructures sportives temporaires, à l’aménagement et au
fonctionnement des sites, au transport des personnes accréditées, aux
ressources humaines, à la communication, etc.
C’est un schéma radicalement différent qui a été adopté pour l’Euro
2016.
3 -
Un mode d’organisation très éloigné du cadrage initial,
ses conséquences pour les pouvoirs publics
Les conditions d’organisation définies par l’UEFA en 2009 (entité
nationale juridique à but non lucratif, contrôle de l’association hôte (FFF),
direction assurée par des représentants de la fédération nationale et des
autorités publiques) n’ont pas été mises en oeuvre.
Lors de la première réunion du comité de pilotage de l’Euro (23 juin
2011), l’UEFA a annoncé que la responsabilité opérationnelle serait
confiée à la société EURO 2016 SAS, société de droit français dont les
actionnaires sont l’UEFA (à hauteur de 95 % du capital) et la FFF (5 % du
capital). La création de la société avait été décidée par l’UEFA et la FFF
au deuxième semestre 2010 ; elle a été immatriculée au RCS de Paris le
28 mars 2011. Le rôle d’EURO 2016 SAS dans l’organisation du tournoi
n’a pourtant été officialisé qu’en novembre 2014 par le contrat de
Les soutiens publics à l’Euro 2016 en France – septembre 2017
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MISE EN OEUVRE
31
coopération conclu entre l’UEFA, la FFF et la société EURO 2016 SAS,
avec effet rétroactif au 23 mars 2011
14
.
Le préambule du contrat souligne que l’EURO 2016 SAS est créée
en lieu et place du comité d’organisation local afin de « rationaliser les
moyens » et de « réaliser des économies d’échelle »
15
.
L’ambiguïté déjà signalée sur l’identité de l’autorité organisatrice
était encore accrue par une rédaction particulièrement contournée de ce
document, qui prévoit une délégation et une subdélégation : il dispose que
l’UEFA reçoit de la FFF un « service global », mais simultanément que
« la fourniture des services par la FFF à l’UEFA (…) est confiée à
EURO 2016 SAS ». Ces délégations comprenaient notamment la mise en
oeuvre des contrats de ville hôte, des contrats de stade, des contrats
d’aéroports et la mise en oeuvre des garanties publiques. Seule la mise en
oeuvre du programme des volontaires restait assumée par la FFF
16
.
Ce changement a eu pour conséquence de créer une structure
d’organisation de droit privé à but lucratif, sans représentants de l’État,
encore moins d’un contrôleur d’État comme cela aurait été le cas pour un
GIP. De façon générale, il soustrait à toutes investigations publiques, par
exemple celle des juridictions financières, l’économie du tournoi. Dans sa
réponse aux observations provisoires des juridictions financières, le
président d’EURO 2016 SAS a clairement souligné ce point : « du fait de
son statut, la société Euro 2016 SAS (…) n’entre pas dans le champ du
contrôle de la Cour ».
Le contrôle par l’État de l’organisation d’un grand événement
sportif : l’exemple du GIP « Coupe du monde rugby 2007
»
En 2003, l’International Rugby Board, propriétaire des droits de la
Coupe du monde de rugby depuis 1987, a conféré à la fédération française
de rugby (FFR) le droit d’organiser la Coupe du monde de rugby 2007.
À la demande des pouvoirs publics, la FFR a accepté la création d’un
groupement d’intérêt public (GIP) prenant en charge l’organisation de
l’événement. Les membres fondateurs du GIP étaient la FFR (52 % des
droits), l’État (46 %) et le CNOSF (2 %). La présidence du conseil
d’administration du GIP était assurée par le président de la FFR.
14
Le paragraphe 8.1 du contrat dispose que « le présent contrat est réputé avoir pris
effet le 23 mars 2011 et il restera en vigueur jusqu’au 30 juin 2017 ».
15
Source : Contrat de coopération, p.16.
16
Idem
, paragraphe 2.6.
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COUR DES COMPTES
32
La convention constitutive du GIP « Coupe du monde rugby 2007 »,
approuvée par l’État en novembre 2004, comportait plusieurs dispositions
destinées à assurer la transparence des données financières et comptables de
l’organisation du tournoi : soumission du GIP au contrôle économique et
financier de l’État (art. 16), contrôle de l’activité et de la gestion du GIP par
un commissaire du Gouvernement, certification des comptes par un
commissaire aux comptes (art. 22). La FFR, bien qu’associée à hauteur de
52 % dans le GIP, bénéficiait statutairement de 100 % des résultats.
Par conséquent, il revient aux seuls acteurs privés (EURO 2016 et
UEFA) d’établir le niveau des recettes et des dépenses de l’événement et
de sa marge bénéficiaire dans un cadre où ces deux entités ont conclu un
accord de refacturation.
Lors d'une conférence de presse tenue immédiatement après
l’événement (le 8 juillet 2016), l’UEFA a annoncé que l'Euro 2016 avait
généré un chiffre d’affaires de 1,93 Md€ pour 1,1 Md€ de dépenses, soit
un bénéfice de 830 M€. Le rapport financier 2015/16 de l’UEFA, publié en
avril 2017, fait finalement état des montants suivants : 1,91 Md€ de
recettes, 1,06 Md€ de dépenses, pour un résultat net de 847 M€.
Enfin, si un comité de pilotage national a été créé en 2014 pour
suivre la mise en place du tournoi, la parité de sa composition n’était
qu’apparente. Il réunissait huit membres : quatre représentants de l’UEFA
(dont deux membres du comité exécutif et le secrétaire général de l’UEFA)
et quatre représentants de la France « en tant que pays organisateur » : le
ministre chargé des sports, le président de la FFF, le représentant des villes
hôtes et le président d’EURO 2016 SAS.
En réalité, l’UEFA disposait de facto de cinq membres sur huit, le
président d’EURO 2016 SAS ne pouvant être rangé du côté des
représentants de la France en raison de la part de l’UEFA au capital
d’EURO 2016 SAS, d’autant plus que la présidence du comité était assurée
par le président d’EURO 2016 SAS. De surcroît les pouvoirs de ce comité
étaient limités, toutes les décisions à impact financier devant être
approuvées par la commission des finances de l’UEFA.
4 -
Une fédération nationale sans rôle opérationnel
La FFF a connu la situation paradoxale d’être l’entité officiellement
désignée comme hôte (et théoriquement organisatrice) du tournoi tout en
étant absente de l’essentiel des activités d’organisation.
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MISE EN OEUVRE
33
La FFF a perçu de façon positive l’évolution de son rôle, qui lui a
permis de ne plus assumer « la lourde charge de constituer et de faire
fonctionner au quotidien une structure propre. Déchargée de cette
responsabilité opérationnelle directe, la FFF a pu se concentrer sur la
mobilisation du football national autour de l’événement et sur la
valorisation de ses retombées au profit du football amateur ».
La gestion des bénévoles
La fédération estime le nombre de bénévoles nécessaire au
déroulement du tournoi à 6 500, répartis sur les 10 sites de la compétition.
Les villes hôtes ont également développé leur propre programme de gestion
des bénévoles, dont le volume était estimé à 4 000 en novembre 2015
17
, soit
un total de 10 500 bénévoles estimés pour l’ensemble du tournoi.
La FFF a créé en 2014 l’association « Volontaires 2016 », dont
l’objet est la gestion des bénévoles chargés d’accompagner l’organisation
du tournoi. Une convention de 60 pages conclue entre l’association et
l’UEFA (décembre 2014) décrit leur mode de gestion et leur répartition
territoriale. Le budget total du programme est évalué à 11,9 M€, dont
5,9 M€ au titre de frais généraux engagés par l’UEFA et imputables à cette
action, et 5,05 M€ directement alloués à l’association « Volontaires 2016 ».
Ce dernier montant comprend notamment 3 M€ de salaires et charges
sociales des employés de l’association, 250 000 € pour des « événements de
lancement et de divertissement », 291 667 € au titre des frais de recrutement
des bénévoles, et 500 000 € pour une « fête de clôture » réservée aux
bénévoles
18
.
B -
Une coordination étatique tardive,
des collectivités locales mobilisées
Le soutien politique au plus haut niveau de la candidature française
au
tournoi
européen,
qui
était
indispensable,
n’emportait
pas
nécessairement que soient écartées de ce processus les administrations
compétentes en matière de grands événements sportifs.
17
Source : compte-rendu de la réunion de la DIGES « Bénévolat/volontariat » du
13 novembre 2015.
18
Source : « Contrat relatif à la gestion des volontaires de l’UEFA EURO 2016 »
annexe 2 « Budget ».
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COUR DES COMPTES
34
1 -
Une coordination interministérielle et de l’ensemble
des acteurs publics insuffisamment opérationnelle
La direction des sports, qui a pour mission de « favoriser l’accueil
par la France de grands événements sportifs internationaux », n’a pas été
associée à la préparation de la candidature, ni eu communication des lettres
de garantie fournies à l’appui du dossier de candidature. Elle n’est
intervenue que pour l’approbation par l’État du contrat de stade passé entre
la FFF et le consortium qui gère le Stade de France et pour préparer la
notification des aides aux stades à la commission européenne (cf.
infra
).
Le délégué interministériel aux grands événements sportifs
(DIGES), pourtant chargé « d’animer et coordonner les activités des
administrations de l'État et des établissements publics nationaux
concourant à l'accueil en France des grands événements sportifs de
dimension internationale », n’a pas reçu une mission de coordination et
d’animation lorsque la France a été désignée pour accueillir l’Euro 2016.
L’occasion n’a pas été saisie de corriger l’une des failles relevées dans le
rapport sur l’organisation des grands événements sportifs publié en 2010.
Jusqu’à la fin 2013, deux réunions interministérielles consacrées à
l’Euro 2016 ont porté sur les modalités du soutien financier au tournoi
(soutien au financement des stades) sans que soient abordées les questions
d’organisation. La mise en oeuvre d’une coordination de l’action publique
n’a été décidée qu’en octobre 2013, lors d’une réunion interministérielle
consacrée à la préfiguration de l’Euro 2016. Le Premier ministre demandait
alors aux ministères concernés de désigner un correspondant auprès du
DIGES et de produire une note « présentant les principales questions que
soulève la tenue de l’Euro 2016 » et les projets des ministères.
L’animation interministérielle menée par la DIGES a pris la forme
de réunions d’un groupe de suivi interministériel, installé en novembre
2013, et comptant 44 membres représentant 17 administrations, de
réunions quadripartites trimestrielles associant les acteurs de l’organisation
(État, représenté par la DIGES, EURO 2016 SAS, FFF et club des sites
hôtes), de groupes de travail thématiques : sécurité, activités sociales,
mobilité, animation, et « économie, tourisme, entreprises, numérique »
(à partir de 2015).
Pour l’essentiel, la DIGES aura produit une importante information
documentaire ; outre le Plan interministériel d’action pour le football
présenté par le Premier ministre au comité de pilotage de l’Euro du
23 octobre 2014, ont été diffusés un « Guide à l’attention des organisateurs
des grands événements sportifs - Rappel du droit du travail et du droit de
la sécurité sociale », un « Cahier opérationnel d’actions Tourisme,
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MISE EN OEUVRE
35
Entreprises,
Numérique »,
un
« Cahier
de
préconisations
environnementales » et un « Guide méthodologique pour l’animation
autour de l’Euro 2016 ». En mars 2017, dans le cadre qui lui a été imparti,
il a pris l’initiative d’établir un bilan opérationnel (hors aspects budgétaires
ou financiers) de l’action des services publics parties prenantes à
l’organisation de l’Euro 2016 (dispositifs de sécurité, encadrement
sanitaire, action culturelle, promotion touristique, emploi et inspection du
travail, etc.). Ce document est destiné à une centaine d’entités
administratives qui ont participé à la tenue de la compétition.
Au total, compte tenu de ses moyens réduits et de l’absence d’un
mandat politique clair, la DIGES n’a pas été mise en situation d’exercer la
coordination des acteurs publics concourant à l’organisation du tournoi.
2 -
Des collectivités locales unies pour peser par elles-mêmes
sur les exigences initiales
L’accompagnement des collectivités locales par l’État (la DIGES
ayant comme interlocuteur principal le club réunissant les villes hôtes et
les villes, le préfet de département) n’a pas été jugé efficace par celles-ci.
Sur les aspects généraux, la commune de Lens estime que le
dispositif des services de l’État était parallèle à celui de la SAS et du club
des villes hôtes, et que la création d’un comité local de coordination
comprenant l’État, la FFF et la commune aurait été pertinente. Les villes
de Marseille, Paris et Saint-Denis ont perçu la DIGES davantage comme
un organisateur de réunions d’informations que comme un soutien efficace
des villes face à l’UEFA. La ville de Lyon n’a pas retenu de plus-values de
son intervention ; elle a regretté que la capacité d’expertise (juridique,
financière, technique) de l’État n’ait pas été mobilisée en amont. Mais il
est vrai que la mission de la DIGES est restée limitée à la coordination
interministérielle des services de l’État, sans recevoir de prérogatives plus
larges lui permettant de négocier les aspects locaux avec la SAS ou
l’UEFA. Sur le plan local, les collectivités ont des jugements trop variés
(parfois très positifs, parfois très critiques) sur l’implication des services
de l’État et leur apport pour en tirer une conclusion générale, à l’exception
notable des questions de sécurité où le rôle des préfectures a été salué.
Face à la faiblesse de l’appui juridique de l’État, les villes ont pris
l’initiative de se réunir dans l’association « Club des villes d’accueil de
l’Euro 2016 » en 2012, pour défendre leurs intérêts et tenter d’obtenir de
la société Euro 2016 SAS certains aménagements des engagements
initiaux. Dans le bilan de son action présenté en janvier 2017, le club a
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COUR DES COMPTES
36
rappelé « sa volonté d’instaurer un espace de rééquilibrage de la
gouvernance de l’Euro 2016 ».
Dans la plupart des cas, les villes hôtes et la SAS ont trouvé des
compromis, sauf en ce qui concerne l’exigence de l’UEFA d’obtenir une
gratuité totale des transports le jour des matches.
Le cas particulier des transports publics
La tarification des transports publics est le seul sujet sur lequel
l’UEFA et les villes hôtes ne sont pas parvenues à s’accorder.
Les villes hôtes s’étaient initialement engagées à offrir la gratuité des
transports en commun aux seuls détenteurs de billets d’accès aux matches.
EURO 2016 SAS a par la suite demandé une gratuité totale de l’accès au
réseau de transport les jours de matchs, en contrepartie de laquelle elle
s’engageait à verser aux exploitants une compensation financière de 5 M€.
Face au refus des syndicats de transport en commun d’Ile-de-France et de
Toulouse, autorités organisatrices des transports urbains, la société a
renoncé à cette exigence ainsi qu’à la compensation financière proposée.
Les villes hôtes ont adopté leur propre dispositif d’accès aux
transports sans se coordonner. À Lyon, le SYTRAL a maintenu la
tarification en vigueur, à l’exception de la gratuité accordée aux détenteurs
de billets. Il a également prévu d’ouvrir gratuitement l’accès à six stations
de métro nodales les jours de matchs si l’exigence de fluidité du trafic le
nécessitait. Le SYTRAL a en revanche écarté deux engagements pris par le
Grand Lyon dans le contrat de ville hôte : le fonctionnement du réseau
24h/24 et la fermeture de la station de métro située sous la place Bellecour.
À défaut de dispositif négocié, la ville hôte de Lyon a assuré la fluidité et la
sécurité du trafic, répondant a minima aux demandes des organisateurs.
Des accords ont été trouvés entre le Club et la SAS pour infléchir la
charte commerciale s’imposant aux villes (qui a connu treize versions avant
sa version finale) atténuant le régime d’exclusivité des parrains officiels.
La charte commerciale initiale consacrait l’exclusivité des droits
commerciaux de l’UEFA et de ses sponsors. Elle limitait le droit de
propriété intellectuelle que tirent les villes hôtes du dépôt de leurs marques
respectives (la SAS a par exemple refusé que l’office du tourisme du Grand
Lyon associe la marque territoriale « ONLYLYON » à la promotion de
l’événement). L’UEFA exigeait pour les fan zones un placement au coeur
de la ville, l’ouverture tous les jours de matchs, l’entrée gratuite,
l’installation de débits d’alimentation et de boissons, une capacité de
20 000 personnes minimum, la fermeture en sous-sol d’un parking et d’une
station de métro, et enfin l’absence de toute identification commerciale ou
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RAPPORT DE FORCES INÉGAL, AGGRAVÉ PAR LES CONDITIONS DE LA
MISE EN OEUVRE
37
publicitaire autre que celle des parrains de l’UEFA et des partenaires
locaux autorisés par elle.
Les villes hôtes ont atténué ces conditions en limitant le champ de
l’exclusivité commerciale des parrains de l’UEFA. Les villes ont obtenu
un droit à générer des recettes complémentaires par la désignation de quatre
partenaires privés et de deux partenaires publics locaux, mais ce droit a été
limité à quelques secteurs d’activités (médias régionaux, sécurité,
nettoyage, installations sanitaires, BTP), à l’exclusion de toute entreprise
commercialisant des produits ou des services de même catégorie que ceux
des sponsors officiels de l’UEFA.
A contrario
, la négociation a renforcé certaines contraintes ou
contreparties pesant sur les villes hôtes. L’obligation de mettre
gratuitement à disposition des partenaires officiels des stands au sein de la
fan zone, qui ne concernait initialement que Paris, a été étendue à toutes
les villes, et les parrains officiels ont acquis un droit préférentiel d’exploiter
les débits de boisson et d’alimentation. Il a été aussi précisé en préambule
des chartes que le rayonnement dont bénéficieraient les villes du fait de
l’Euro 2016 serait réputée représenter une valeur au moins équivalente à
celle des prestations fournies par les villes, notamment la mise à disposition
gratuite du domaine public. Cette clause, qui était censée répondre à
l’obligation légale de facturer une redevance pour l’occupation de ce
domaine, ne saurait en faire office, les avantages de notoriété mis en avant
n’ayant pas été quantifiés, et pas davantage les montants de redevances
censés leur correspondre.
III -
Les coûts d’organisation supportés
par les personnes publiques
Indépendamment du coût des exonérations fiscales consenties, les
dépenses publiques de mise en oeuvre du tournoi ont été partagées de façon
équilibrée entre l’État et les collectivités territoriales.
A -
Une dépense fiscale mal appréhendée par l’État
1 -
Une procédure d’estimation de la dépense fiscale critiquable
Lors du vote de la loi de finances rectificative pour 2014, qui
donnera force légale au régime d’exonérations fiscales du tournoi
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COUR DES COMPTES
38
européen, la commission des finances de l’Assemblée nationale
19
a tenté
d’estimer le coût de ce régime d’exonération, ne disposant pas de chiffrage
de la part de l’administration fiscale. Son rapport évoquait « un manque à
gagner pour l’État et les collectivités territoriales estimé entre 150 et
200 M€ » et précisait que « la filiale de l’UEFA en France semble être le
principal bénéficiaire de cette exonération, étant notamment en charge
d’assurer l’essentiel des ventes de billetterie et d’hospitalités
20
». Cette
estimation a été reprise dans le rapport de la commission des finances du
Sénat
21
.
Aucune explication n’a été donnée sur le mode de calcul de ces
montants. Seuls les débats à l’Assemblée nationale établissent un lien entre
cette évaluation et les activités de billetterie et d’hospitalités basées en
France, dont les recettes étaient évaluées à 500 M€. Le manque à gagner
avancé paraît résulter de l’application du taux d’impôt sur les sociétés de
33,33 % au chiffre d’affaires, et non aux bénéfices, issus de ces activités.
Ce n’est que lors de la parution en 2015 du décret fixant la liste des
compétitions sportives internationales organisées en France pouvant
bénéficier d’un régime fiscal dérogatoire qu’une étude d’impact a été
présentée par le seul ministère des sports. Elle a évalué la dépense fiscale
liée à l’Euro 2016 à 34,9 M€ pour l’impôt sur les sociétés et 2,2 M€ pour
la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. En fait, les montants
avancés reprenaient les données d’une note transmise à la rapporteure
générale du budget à l’Assemblée nationale, établie en décembre 2014, par
la société EURO 2016 SAS. Le chiffrage du ministère est ainsi basé sur
une étude d’une filiale de l’UEFA.
Une estimation réalisée conjointement par les administrations
compétentes des ministères des finances (principalement la direction de la
législation fiscale) et des sports eût été hautement souhaitable. La Cour
rappelle que l’impact des dépenses fiscales doit figurer dans les documents
budgétaires fournis au Parlement, ce qui n’a pas été le cas, y compris dans
la présentation de la loi de finances pour 2016.
19
Rapport n° 2408 fait au nom de la commission des Finances, de l’Économie générale
et du Contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances
rectificative pour 2014.
20
Formules de prestige commercialisées à des prix beaucoup plus élevés.
21
Rapport n° 159 fait au nom de la commission des Finances du Sénat sur le projet de
loi de finances rectificative, adopté par l’Assemblée nationale, pour 2014.
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MISE EN OEUVRE
39
2 -
Une dépense fiscale réévaluée
Le coût de l’exonération fiscale estimé en 2014 par l’Euro 2016 SAS
a été minoré car l’assiette du calcul était erronée et les recettes ont été
moindres qu’escompté.
Le calcul n’intègrait pas les recettes de billetterie et d’hospitalités
réalisées auprès de ressortissants étrangers, qui sont taxables en totalité en
France
22
. Les recettes de billetterie et d’hospitalités, prévues initialement à
500 M€, ne se sont finalement élevées qu’à 397 M€ (269 M€ pour les
recettes de billetterie et 128 M€ pour celles d’hospitalités) selon les états
financiers publiés en avril 2017 par l’UEFA.
Tableau n° 1 :
évaluation de la dépense fiscale
(en M€)
Part
Évaluation
EURO 2016
SAS (2014)
Évaluation
Cour des
comptes (2017)
Billetterie
France
60 %
150
162
Étranger
40 %
107
Hospitalités
France
65 %
162,5
83
Étranger
35 %
45
Base CA imposable
312,5
397
Taux de marge
32,5 %
44,2 %
Base bénéfice imposable
101,6
175,5
Taux de l’impôt sur les sociétés
34,43 %
34,43 %
Montant de l’IS
35
60,4
CVAE
2,2
4,1
Taxes assises sur les salaires
0,6
0,6
Total dépense fiscale
37,8
65,1
Sources : Cour des comptes et courriers d’EURO 2016 SAS (2014 et 2017)
La dépense fiscale s’élèverait, au titre de l’exonération de l’impôt
sur les sociétés, de la contribution à la valeur ajoutée des entreprises et des
taxes assises sur les salaires, à 65 M€.
22
Cf. Article 209 I du CGI.
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COUR DES COMPTES
40
B -
Un coût de la sécurité rehaussé
par les risques d’attentat
Selon le droit applicable, l’organisation générale de la sécurité de
l’événement incombait à la fédération nationale, conformément au cahier
des charges du tournoi, qui précisait que « l’association-hôte devra assumer
(en
collaboration
avec
les
autorités
publiques
compétentes)
la
responsabilité complète et exclusive de tous les aspects en matière de sûreté
et de sécurité en rapport avec l’Euro 2016 (…). L’UEFA se dégage de toute
responsabilité en matière de sûreté et de sécurité lors de l’Euro 2016 pour
quelque raison que ce soit et à tout moment (…) ».
Dans ce cadre, le partage des responsabilités opérationnelles a été
défini dans un protocole tripartite en septembre 2015 entre le ministre de
l’intérieur, le président de la FFF et le président d’EURO 2016 SAS. En
application de ce protocole, l’État est garant de l’ordre public à l’extérieur
des stades (comme pour toute autre manifestation sportive) et les
organisateurs (FFF et EURO 2016 SAS) sont responsables de la sécurité à
l’intérieur des sites officiels : les dix stades, les camps de base des
24 équipes nationales, les hôtels et terrains d’entraînement et de transfert
des équipes (deux hôtels et un terrain par ville hôte), le centre international
de retransmission à Paris, les hôtels officiels de l’UEFA et les centres de
collecte des billets.
Dans cette répartition, l’UEFA a refusé que les fan zones soient
considérées comme des sites officiels de l’Euro 2016. Leur sécurisation,
qui constituera un enjeu opérationnel et financier lourd, relève ainsi des
villes d’accueil qui les mettent en place.
En pratique, les organisateurs s’étaient déjà réparti entre eux la
responsabilité de la sécurité des sites officiels selon les modalités
suivantes : « la Fédération n’assumera pas de façon directe la mise en
oeuvre opérationnelle de la sécurité privée de la compétition mais
s’appuiera sur la SAS (…). L’exécution des tâches en la matière a été
confiée à la SAS ». Pour autant, c’est « la Fédération qui demeure
juridiquement responsable»
23
.
Au total, si la FFF s’est retirée de la gestion de la sécurité des sites
officiels, elle est restée exposée aux risques juridiques liés à leur
sécurisation bien qu’elle en ait délégué la maîtrise.
23
Convention de coopération, novembre 2014
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RAPPORT DE FORCES INÉGAL, AGGRAVÉ PAR LES CONDITIONS DE LA
MISE EN OEUVRE
41
1 -
Le coût de la gratuité de la sécurisation de l’Euro 2016
Les conditions posées pour l’obtention du tournoi par l’UEFA
rendaient très difficiles une négociation pour facturer les concours des
forces de l’ordre, au sein et aux abords des stades, pour la surveillance des
flux de supporters et la protection des équipes nationales (cf
. supra
).
Cette facturation est en général forfaitaire : elle s’élève par exemple
à 100 000 € pour les matches « à enjeu » comme ceux du Paris-Saint-
Germain en Ligue 1 ou en Ligue des champions au Parc des Princes. Sur
cette base et pour les 51 matches du tournoi, le manque à gagner s’élève au
moins à 5,1 M€.
Par ailleurs, en acceptant que les fan zones ne soient pas considérées
comme des sites officiels, l’État et les villes se sont vu transférer la
responsabilité et la charge de leur sécurisation, qui autrement aurait relevé
des organisateurs sportifs.
2 -
Des coûts supplémentaires pour l’État
en raison de la menace terroriste
Dans le contexte des attentats survenus à Paris le 7 janvier puis le
13 novembre 2015 et à Bruxelles le 22 mars 2016, l’État a relevé son niveau
de sécurisation de la manifestation. Il a mobilisé des moyens supérieurs à
ceux envisagés, totalisant presque 30 % des forces mobiles disponibles au
niveau national. La police a rehaussé le taux de présence obligatoire de ses
fonctionnaires de 80 % à 85 %, décalant les temps de repos et de congés.
Le coût salarial des forces de sécurité nationale peut être évalué à
20 M€ sur la base de l’emploi des effectifs annoncé par le ministère de
l’intérieur (77 000 agents durant un mois). Il convient d’y ajouter 5 M€ de
dépenses d’intendance (hors coût du matériel mobilisé). Par ailleurs, un
certain nombre de coûts se sont révélés progressivement sous l’effet des
circonstances particulières : mobilisation de la police de l’air et des
frontières, déplacements et intendance des 96 fonctionnaires de police
affectés à la protection permanente des 24 équipes nationales (quatre par
équipe), augmentation des coûts d’hébergement des forces mobiles
résultant de la pression sur les tarifs hôteliers dans les villes hôtes,
mobilisation de la cellule nationale de prévention des risques nucléaires,
radiologiques et bactériologiques, implication des services départementaux
d’incendie et de secours. Ces coûts supplémentaires ponctuels peuvent être
estimés à au moins 5 M€.
Les soutiens publics à l’Euro 2016 en France – septembre 2017
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COUR DES COMPTES
42
La question de la sécurité des fan zones a été particulièrement
épineuse. Si, dans un premier temps, il a été considéré que leur création
contribuait à la sécurité de l’événement en canalisant les éventuels
débordements des supporters et en facilitant l’action des forces de l’ordre,
les risques d’attentats les ont transformées en cibles potentielles. Leur
maintien, après avoir été objet de polémiques, a été décidé, les autorités
publiques estimant qu’elles créaient malgré tout une meilleure garantie de
sécurité pour les supporteurs. Ce contexte a conduit le ministre de
l’intérieur à rehausser leur niveau de sécurisation par une instruction du
22 février 2016, qui, selon les estimations du ministère, a provoqué le
doublement de leurs coûts de sécurité, soit 12 M€ supplémentaires.
Le ministre de l’intérieur, dans la lettre du 25 avril 2016, a souhaité
que cette charge supplémentaire soit partagée en trois parts égales entre lui,
les villes hôtes et l’UEFA, tout en rappelant que « l’État n’était pas partie
prenante entre les villes et les organisateurs de ces espaces de
divertissements ». Finalement, l’État a pris à sa charge les deux tiers de la
dépense supplémentaire en se substituant aux villes, soit 8 M€, et l’UEFA
a contribué à hauteur de 4 M€.
Par ailleurs, alors qu’il avait été initialement envisagé d'intégrer ces
montants dans la soulte de 8 M€, l’État a versé aux villes des subventions
pour 2,9 M€ issues du fonds interministériel de prévention de la
délinquance, principalement pour l’équipement en vidéoprotection des fan
zones.
Au total, le coût complet de la sécurité pour l’État peut être estimé
au minimum à 46 M€.
C -
Des dépenses d’animation principalement à la
charge des villes d’accueil
1 -
Le coût brut des fan zones, la charge nette pour les villes
À la demande de l’UEFA, chaque ville hôte a aménagé une fan zone,
conçue comme un périmètre fermé et sécurisé, géré par la collectivité
territoriale, permettant au coeur des villes de visionner les rencontres sur
des écrans géants, de participer à des animations et de se restaurer. L’UEFA
a pris en charge la mise en place et le fonctionnement des écrans géants à
l’intérieur de chacune des fan zones, pour un montant total de 3,9 M€. Ces
zones sont gratuites d'accès, pour des capacités allant de 10 000 spectateurs
(Lens) à 92 000 spectateurs (Paris).
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MISE EN OEUVRE
43
L’organisation des fan zones a représenté un coût public brut cumulé
de près de 41 M€, auxquels s’ajoutent 2 M€ de subventions d’État au titre
de la vidéoprotection. La plus importante (Paris) représente un coût de
14,9 M€ (voire de 17 M€ si on inclut le déficit d’exploitation de 2 M€
supporté selon lui par le gestionnaire privé), celles de Marseille 4 M€, de
Bordeaux 3,8 M€, de Saint-Denis 3,2 M€, de Nice 3 M€ et de Lyon
2,9 M€.
Pour une fréquentation nationale estimée à 4 millions de personnes,
le coût unitaire de la gratuité de l’accès a été pour l’ensemble des pouvoirs
publics de l’ordre de 10 € par entrée (un peu plus à Paris, dont la fan zone
a accueilli 1 250 000 visiteurs).
Le coût net pour les villes hôtes est inférieur.
D’une part, si elles ont assuré la sécurisation des fan zones pour un
coût total d’environ 20 M€ (dont 6 M€ à Paris, 3 M€ à Bordeaux, 2,6 M€
à Lille, 1,8 M€ à Marseille et à Lyon et 1,6 M€ à Nice), elles ont bénéficié,
aux termes de l’accord obtenu par le Club des villes hôtes, d’une
contribution de 12 M€ de ces dépenses par l’État (8 M€) et l’UEFA (4 M€).
Les prestations de sécurité assurées par des agents de sociétés privées
représentent la moitié des dépenses des villes (12,7 M€), à côté des
dépenses d’équipements (vidéo-surveillance pour 1,9 M€, postes de
commandement et de sécurité pour 1,8 M€ et protection des accès pour
1,5 M€).
D’autre part, les villes ont pu retirer des fan zones des recettes
commerciales en les ouvrant à des partenaires commerciaux locaux, après
la négociation qu’elles ont menée avec la SAS. Ce montant est difficile à
consolider sur le plan national car les pratiques des villes ont été très
diverses. Il s’agit parfois de recettes directes, souvent faibles comme à
Saint Etienne (20 000 €), souvent de recettes laissées au gestionnaire privé
de la zone, comme mode d’intéressement, à Lyon par exemple.
Toutefois, les dépenses connues ne reflètent pas la totalité de la
charge réelle : les municipalités ont mobilisé de façon massive les effectifs
de police municipale les jours de match, notamment pour sécuriser les
abords des fan zones. À Paris, outre les coûts propres à la fan zone, la ville
a ainsi valorisé à hauteur de 300 000 € les moyens mis en oeuvre pour
assurer la sécurité des lieux où se déroulaient les animations. La ville de
Lyon a estimé que près de 80 % de ses effectifs étaient mobilisés les jours
de match. Il n’a pas été possible de valoriser de façon complète ces charges
et les effets de reports induits (récupération de temps de service), qui
accroissent le coût global de la sécurité pour les collectivités.
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44
Au total, la dépense nette identifiée pour les villes au titre des fan
zones peut être estimée à environ 29 M€.
2 -
Les autres dépenses d’animation et d’accueil
Les villes ont dépensé près de 26 M€ en animation et organisation.
Elles s’étaient en effet engagées auprès de l’UEFA à la réalisation de
« programmes d’accompagnement » constitués d’opérations d’animation
sur l’ensemble de leur territoire ou à l’achat de billets au bénéfice de jeunes
et de publics défavorisés (2,34 M€ d’achat de billets).
Aux acquisitions de billets par les villes doivent être ajoutées celles
de l’opération « Tous prêts » du ministère de la ville, de la jeunesse et des
sports, qui a acheté auprès d’EURO 2016 SAS un total de 20 000 places
(dites « places sociales ») pour un montant de 553 085 €. Ce dispositif
national a été géré par les préfectures, sous l’égide de la direction des
sports, selon une instruction ministérielle qui détaillait de façon
particulièrement précise les modalités d’attribution des places (avec des
quotas par type de populations bénéficiaires et par sites et selon les projets
d’animation labellisés dans les villes hôtes et les départements). Sur le
terrain, une certaine confusion a été plusieurs fois relevée dans la gestion
de ces attributions entre les villes et l’État.
Le programme « Tous prêts ! »
Le programme « Tous prêts ! » a été initié par le Ministère de la
Ville, de la Jeunesse et des Sports et élaboré conjointement avec la
Fédération française de football.
Il visait à promouvoir des projets d’animations autour de l’Euro 2016
dans un vaste champ d’interventions : la santé par la pratique sportive,
l’engagement des jeunes et l’éducation à la citoyenneté par le sport, la
solidarité autour des valeurs du sport, le lien entre le sport et la culture et le
développement durable.
Les publics cibles étaient les jeunes, les personnes vulnérables telles
que les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, les
personnes en difficulté sociale, notamment les personnes détenues, les
personnes résidant au sein des quartiers prioritaires de la politique de la ville
ou dans les territoires ruraux enclavés.
Au total, 1 143 projets ont été labellisés. Parmi ceux-ci, 88 %
s’adressaient aux jeunes, 17 % aux personnes en situation de handicap et
14 % aux personnes en difficulté sociale. Sur les 20 000 places acquises par
l’État, 16 515 places ont été distribuées au titre de ces projets.
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MISE EN OEUVRE
45
Le coût net à la charge des villes de ces programmes
d’accompagnement atteindrait 18 M€ après déduction des participations
institutionnelles (région, département, etc.) et de diverses recettes de
partenariat.
Certains
programmes
d’accompagnement
ont
parfois
représenté des budgets élevés, 3,7 M€ à Paris par exemple (cf
.
cahier
territorial).
Enfin, les 24 équipes qualifiées pour l’Euro 2016 se sont installées
dans des « camps de base » durant le tournoi. Les collectivités locales
concernées
24
ont engagé à cette occasion des dépenses pour moderniser le
stade municipal, d’entraînement de l’équipe, ou pour valoriser l’événement
par des animations. Les 16 collectivités qui ont répondu à la Cour ont au
total investi 3 M€ et supporté 1,1 M€ de dépenses de fonctionnement à ce
titre. Les situations locales apparaissent toutefois très hétérogènes selon le
niveau des investissements réalisés dans le stade, l’obtention d’une
participation de la société Euro 2016 SAS et l’éventuelle contribution de la
fédération nationale de l’équipe accueillie. Par exemple, la ville de Paris
n’a pas souhaité se porter candidate à l’accueil d’un camp de base, n’ayant
pas jugé suffisantes les modalités financières proposées par l’UEFA pour
l’immobilisation d’un stade important (stade Charléty).
Au total, les dépenses nettes des villes hôtes pour l’animation à
l’occasion de l’accueil du tournoi dans leur stade peuvent être estimées à
environ 52 M€.
Le montant total des dépenses d’organisation et d’investissement
(hors stade du tournoi) engagées par les pouvoirs publics peut être évalué
à 182,2 M€, les dépenses nettes de l’État et des villes d’accueil à 162,2 M€.
24
Perros-Guirec, Dinard, La Baule, Pornichet, Saint-Nazaire, Saint-Martin-de-Ré, Le
Pian-Médoc, Deauville, Tours, Vichy, Saint-Jean-d’Ardières, Évian-les-Bains,
Annecy-le-Vieux, Montpellier, Mallemort, Aix-en-Provence, Saint-Cyr-sur-Mer,
Tourrettes, Versailles, Chantilly, Orry-la-Ville et Croissy-sur-Seine.
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46
Tableau n° 2 :
récapitulatif des dépenses engagées par l’État
et les villes hôtes pour l’accueil du tournoi (en M€)
Acteurs publics
Nature de la dépense
Montant brut
Montant net
État
Dépense fiscale
65,1
65,1
Sécurité
46
46
dont surcoût sécurité fan zones
8
8
Total État
111,1
111,1
Villes hôtes
Fan zones
41
29
Animations locales
26
18
Camps de base
4,1
4,1
Total villes hôtes
71,1
51,1
Total général
182,2
162,2
Source : Cour des comptes. Pour les villes hôtes, les montants nets sont obtenus après déduction des subventions
reçues d’autres collectivités (régions et départements) et des recettes commerciales estimées (hors loyers des
stades). Le montant des « camps de base » inclut 3 M€ de dépenses d’investissement.
IV -
Une rétribution faible
pour les organisateurs nationaux
A -
Un résultat net pour l’UEFA
supérieur à ses prévisions
Lors du troisième comité de pilotage de l’Euro 2016 (mai 2013), le
secrétaire général de l’UEFA indiquait que la prévision de recettes liées au
tournoi s’élevait à 1,86 Md€. Cette hausse de 34 % par rapport aux recettes
de l’Euro 2012 (1,39 Md€) s’expliquait notamment par l’augmentation du
nombre d’équipes qualifiées pour la phase finale (passées de 16 en 2012 à
24 en 2016) et du nombre de rencontres disputées (de 31 en 2012 à 51 en
2016).
Dans une note adressée à la commission des finances de
l’Assemblée nationale en décembre 2014, EURO 2016 SAS prévoyait un
résultat net de 650 M€. Lors d’une conférence de presse le 8 juillet 2016,
l’UEFA faisait état de niveaux supérieurs à ces deux prévisions, avec un
montant de recettes de 1,93 Md€ et 830 M€ de résultat net.
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47
En définitive, le rapport financier 2015/16 de l’UEFA indique que
l’UEFA a réalisé un résultat net de 847,3 M€ à l’occasion de l’Euro 2016,
en hausse de 42,7 % par rapport à l’Euro 2012, soit un taux de marge
bénéficiaire de 44,2 %.
D’après les régles de l’UEFA, une partie de ce bénéfice est appelée
à être redistribuée sous forme « d’une contribution au football européen »
dans les quatre années du cycle du tournoi. Selon le rapport financier de
l’UEFA « Les recettes considérables générées par l’EURO 2016 ont
permis de lancer un plan de solidarité encore plus grand, qui bénéficiera,
comme toujours, à l’ensemble des fédérations membres, plutot qu’aux
seules associations ayant pris part à l’EURO ». Le même document précise
que « chaque association membre reçoit un paiement unique de
3,5 millions d’euros pour des investissements dans des projets liés aux
infrastructures de football, au développement et à la formation, et au
football de base, ainsi qu’un montant pouvant aller jusqu’à 1,9 million
d’euros par saison sous la forme de versements de solidarité fixes et de
paiements incitatifs ». La Fédération française de football n’a pas indiqué
aux juridictions financiéres d’informations plus détaillées.
Graphique n° 1 :
résultat net de l’UEFA à l’occasion des tournois de
l’Euro (en M€)
Source : Cour des comptes d’après rapports financiers UEFA
855,2
317,6
537,6
1350,9
692,7
658,2
1 390,90
797,2
593,7
1 916
1 069
847,3
Tot a l d es rec et t es
Tot a l d es d ép en ses
R ésu lt a t n et
Euro 2004
Euro 2008
Euro 2012
Euro 2016
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48
B -
Des retours financiers négociés
par la fédération nationale et les villes hôtes
1 -
Le choix par la FFF d’une dotation fixe
plutôt que d’un régime d’intéressement
L’UEFA distribue une prime de participation à l’ensemble des
équipes engagées dans le tournoi, pour un montant total de 301 M€ versé
aux 24 fédérations concernées. La répartition de cette somme est liée aux
résultats sportifs des équipes et non au lieu d’organisation du tournoi ou à
ses résultats financiers. Pour la FFF, cette prime de participation s’est
élevée à 23,5 M€ (elle aurait été de 26,5 M€ si l’équipe de France avait
gagné la finale) ; la fédération en a conservé 70 % pour faire face aux frais
de logistique de la délégation nationale, le reliquat étant reversé aux
joueurs.
L’UEFA attribue également un intéressement à la FFF, en tant
qu’entité organisatrice, à la bonne tenue du tournoi et à ses résultats.
Les versements de l’UEFA à la FFF à ce titre devaient se composer
d’une part fixe de 15 M€, destinée à compenser les dépenses engagées par
la fédération au titre de ses obligations contractuelles, et de deux parts
variables. La première, d’un montant maximum de 10 M€, était laissée à
l’appréciation de l’UEFA, car fondée sur la « performance » de la
fédération en matière d’organisation
25
, la seconde était liée à la
contribution de la FFF aux recettes commerciales de l’UEFA. L’UEFA
devait rétrocéder à la FFF 20 % des recettes nettes de parrainage, 10 % des
recettes de licences commerciales et 5 % des recettes « d’hospitalité ».
Enfin, l’UEFA s’engageait à compenser les loyers des stades pour chaque
rencontre jouée.
Estimant que ce schéma ne lui procurait pas d’assurance sur le
montant définitif de ses revenus, la FFF a conclu avec l’UEFA en 2014 un
avenant financier au contrat d’organisation, aux termes duquel l’UEFA
paierait à la fédération, au titre des frais d’organisation, une somme
forfaitaire de 20 M€.
25
Les indicateurs permettant de mesurer la « performance » de la FFF étaient
notamment sa capacité à mettre en place une « collaboration positive et constructive »
avec les villes hôtes, la conclusion des accords de stade, et la capacité de la fédération
à s’assurer la collaboration de l’État « pour la mise en place des garanties et des mesures
législatives nécessaires ».
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RAPPORT DE FORCES INÉGAL, AGGRAVÉ PAR LES CONDITIONS DE LA
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49
La fédération a affecté cette dotation au fonds d’aide au football
amateur, qui finance des infrastructures pour les clubs amateurs (terrains,
vestiaires, club houses, éclairage) ainsi que des actions de formation pour
les éducateurs. En 2016, 1 144 projets ont été financés pour un montant de
22,9 M€
26
.
Selon les prévisions de la FFF, elle n’aurait perçu au titre du schéma
initial qu’un revenu net de 6 M€. Toutefois, le montant garanti de 20 M€
ne représente que 2,4 % du résultat affiché par l’UEFA, lui-même en forte
progression.
2 -
Les fonds reçus par les villes hôtes
Après négociation, l’UEFA s’est engagée en 2014 à verser aux villes
hôtes une dotation globale de 20 M€ (soit 2 M€ par collectivité) au titre de
« l’héritage » du tournoi. Le club des villes hôtes avait initialement
souhaité que cette dotation s’élève à 100 M€.
Cette dotation ne constitue pas une recette permettant de compenser
une partie des dépenses engagées pour l’accueil du tournoi. Elle est
destinée à financer des équipements sportifs de proximité, sur le fondement
d’appels à projets locaux. Le bilan financier de « l’héritage » peut ainsi
s’avérer négatif si les investissements retenus par les villes sont d’un coût
supérieur au montant de la dotation. Dans le cas de la ville de Lyon, qui a
affecté ces fonds à la rénovation de six stades inscrits au plan communal
de rénovation des enceintes sportives et nécessitant des travaux urgents, le
montant total des travaux engagés (2,42 M€) est supérieur à la dotation de
l’UEFA.
Par ailleurs, les collectivités propriétaires des stades ont perçu des
loyers de l’UEFA, pour un montant total de 11,38 M€, au titre de la mise à
disposition des stades durant le tournoi, conformément aux règles
d’occupation du domaine public
27
.
Dans les sites où les collectivités n’étaient pas les propriétaires des
enceintes, l’UEFA a versé des redevances à l’Olympique Lyonnais, club
propriétaire de son enceinte, au Racing Club de Lens, titulaire d’un bail
26
Par comparaison, hors organisation d’événement exceptionnel, l’État verse à la FFF
une subvention annuelle de l’ordre de 1 M€, à laquelle s’ajoute la mise à disposition de
fonctionnaires d’État (les conseillers techniques sportifs) dont la charge représente
environ 4 M€ annuels. Au total, l’appui public annuel à la fédération représente un peu
plus de 2 % de son budget.
27
La Cour des comptes a arrêté cette estimation sur la base des données communiquées
par les collectivités territoriales concernées.
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COUR DES COMPTES
50
emphytéotique administratif, ainsi qu’à l’État pour le stade annexe au Stade
de France. Le niveau du loyer du Stade de France reste pour l’heure un
sujet de contestation (cf
. infra
). Au total, les loyers payés par l’UEFA
devraient s’établir à 20,1 M€.
La question particulière de la compensation de la disparition
de la taxe sur les spectacles
Depuis le 1
er
janvier 2015, la taxe sur les spectacles a été remplacée
par une TVA à taux réduit de 5,5 %. L’État a prévu de compenser le manque
à gagner pour les collectivités bénéficiaires de l’ancienne taxe, sur la base
de son produit de 2013.
Sur les dix villes hôtes, seules Paris et Saint-Denis appliquaient cette
taxe en 2013 et bénéficient par conséquent du régime de compensation
annuelle. À ce titre, elles ont perçu en 2016 un total de 5,5 M€ (Paris) et
2,7 M€ (Saint-Denis), alors qu’elles avaient prévu dans leur plan financier
prévisionnel un produit de la taxe sur les spectacles respectivement de
2,6 M€ et de 8 M€ pour les seules rencontres liées à l’Euro 2016. Certaines
villes avaient rétabli cette taxe en 2014 : Saint-Etienne escomptait
450 000 € de nouvelles recettes fiscales et la ville de Décines (pour le Parc
Olympique Lyonnais) en attendait 2 M€.
Ces collectivités, et principalement Saint-Denis, estiment que la
suppression de la taxe sur les spectacles à dix-huit mois du début du tournoi
a dégradé leur plan de financement pour l’accueil du championnat. Saint-
Denis a réduit son programme d’animations pour tenir compte de cette
moins-value.
Les villes hôtes devraient bénéficier d’environ 31,38 M€ de
versement de la part de l’UEFA, dont seulement 20 M€ peuvent être
considérés comme un intéressement à l’accueil de l’Euro 2016, susceptible
toutefois d’entrainer des dépenses d’investissement supérieures à ce
montant.
Au total, si les deux montants forfaitaires (pour 40 M€) sont
considérés comme une forme de rétribution de l’UEFA à deux acteurs
nationaux de l’organisation (FFF et villes hôtes), celle-ci ne représente que
4,8 % de la marge bénéficiaire prévisionnelle de l’association européenne.
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RAPPORT DE FORCES INÉGAL, AGGRAVÉ PAR LES CONDITIONS DE LA
MISE EN OEUVRE
51
______________________ CONCLUSION ______________________
Le processus de candidature à l’accueil des grands événements
sportifs internationaux est par construction asymétrique, car défavorable
aux candidats nationaux soumis à une vive concurrence et très désireux
d’obtenir un tournoi de grande envergure tel que l’Euro 2016. La dualité
de gestion de la candidature entre une fédération nationale porteuse du
projet et des acteurs publics, au premier rang desquels l’État, introduit des
biais peu propices à la défense des intérêts publics. Cette ambivalence
devient réellement critique lorsque les rôles respectifs de la fédération
nationale et de l’association européenne ne sont pas clairement distincts,
voire finissent par se confondre lors de la mise en oeuvre de l’événement.
Il en a été ainsi à l’occasion de l’Euro 2016, lorsque s’est imposé
un dispositif privé formé d’un triangle de relations complexes et parfois
confuses entre la FFF, l’UEFA et une SAS, le comité de pilotage national
par l’association européenne n’étant pas en état d’assurer un
rééquilibrage institutionnel. De ce fait, l’un des enseignements tirés par le
Club des villes hôtes à l’issue du tournoi est d’engager dorénavant pour
ce type d’événement « une approche plus précoce et exigeante ».
D’autres modes d’organisation susceptibles de mieux garantir la
défense des intérêts généraux, d’ailleurs initialement prévus pour l’Euro
2016 et mis en oeuvre pour la plupart des grands événements sportifs, n’ont
pas été défendus par l’État. La formule du groupement d’intérêt public
(GIP) offre d’une part la possibilité d’associer des personnes morales de
droit privé (comme une fédération sportive nationale, une filiale privée
d’une fédération internationale ou une personne morale étrangère) à des
personnes morales de droit public et garantit la possibilité d’un
contrôle financier par l’État. D’autre part, un GIP a la possibilité de
prendre une participation dans une société privée chargée de l’activité
commerciale liée à un événement sportif, et offre ainsi la souplesse
nécessaire à la gestion courante.
En l’absence d’une structure commune de gestion qui en aurait
assuré la consolidation et la transparence, il est difficile de mesurer a
posteriori les dépenses totales d’organisation de la compétition. À défaut,
la dépense publique nette, coût des exonérations fiscales comprises, peut
être évaluée par les juridictions financières à environ 162 M€.
En ce qui concerne l’État, la dépense finale pourrait se limiter aux
coûts de sécurité (de l’ordre de 46 M€), dès lors que la dépense fiscale due
aux exonérations consenties (65 M€) pourrait être plus que compensée par
les recettes supplémentaires de TVA (70 M€), certes moindres que prévues
Les soutiens publics à l’Euro 2016 en France – septembre 2017
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52
(180 M€). Quant aux villes, elles supporteront environ 51 M€ de charges
nettes, les 20 M€ de dotation de l’UEFA étant consacrés à des dépenses
d’investissement au titre de l’« Héritage ».
Au-delà du niveau des soutiens publics à l’organisation, la question
principale pour les autorités publiques réside dans deux problématiques :
les coûts ont-ils pu être maîtrisés face aux exigences de l’autorité
organisatrice ? La part consacrée par l’UEFA à la rétribution des acteurs
locaux est-elle équitable au regard des bénéfices financiers tirés de la
compétition ?
Il ressort des analyses précédentes que la maîtrise des coûts
d’organisation a été quasi impossible (à l’exception notable de la gratuité
des transports) et que le rapport entre les recettes dégagées et
« l’intéressement » des acteurs nationaux, même après négociation par les
villes hôtes, semble mal proportionné au regard des flux financiers générés
par le tournoi dans les comptes de l’UEFA.
Si le cycle quadriennal des recettes de ce tournoi pour l’UEFA ne
peut être méconnu ainsi que son programme de solidarité, il n’en reste pas
moins qu’un retour de 40 M€ au titre de son organisation nationale est
modeste pour le football amateur.
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Chapitre II
Les stades du tournoi :
un investissement public important,
mais de nouveaux risques de gestion
pour les villes
Ce chapitre synthétise les constats établis dans les cahiers
territoriaux (réunis dans le tome II), qui détaillent les opérations
d’investissement par site.
Les observations des juridictions financières recensent les
financements mobilisés pour moderniser les stades et leur desserte en vue
de la compétition et précisent la part des soutiens publics qui sont liés à la
tenue du tournoi.
Il met en perspective les conditions d’exploitation d’équipements
sportifs agrandis et transformés, en soulignant les risques d’exploitation
que les collectivités territoriales continueront à supporter, dans une
économie des stades qui n’a pas été modifiée, à une exception près (le
grand stade de Lyon). Il traite du cas particulier du Stade de France à Saint-
Denis, propriété de l’État, qui complète la liste des enceintes de l’Euro
2016 pour en avoir accueilli la rencontre finale.
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54
I -
L’investissement public dans les stades
de l’Euro 2016
Le rapport de la commission « Grands stades Euro 2016 », remis en
2008 avant la parution du cahier des charges de l’UEFA, évaluait le
montant total des investissements à environ 0,9 Md€, montant incluant
ceux des villes (Strasbourg, Nancy, Nantes) qui ont finalement retiré leur
candidature. En 2009, un rapport d’étape de la FFF sur la candidature
évaluait les investissements à 1,6 Md€. Le dossier de candidature déposé
en 2010 ne contenait pas le montant consolidé des investissements
nécessaires, précisant que l’organisation du tournoi « n’exige pas, en-
dehors des stades, l’engagement de programmes massifs d’investissement
public de la part de l’État ou des collectivités territoriales », ce qui
s’avèrera faux pour les dessertes des stades.
Un nouveau cadre législatif a été jugé indispensable pour faciliter le
financement public de la modernisation des stades par la reconnaissance de
l’intérêt général des enceintes sportives aptes à accueillir des compétitions
internationales, quand bien même elles seraient presque uniquement
utilisées par des clubs professionnels de droit privé, voire qu’elles
n’appartiendraient pas au patrimoine public.
L’article 28 de la loi du 22 juillet 2009 relative au développement et
à la modernisation des services touristiques a ainsi prévu que « les
enceintes sportives figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé
des sports, destinées à permettre l'organisation en France d'une compétition
sportive internationale (…), ainsi que les équipements connexes permettant
le fonctionnement de ces enceintes, sont déclarés d'intérêt général, quelle
que soit la propriété privée ou publique de ces installations (…) ». La loi
du 1
er
juin 2011 relative à l'organisation du championnat d'Europe de
football de l'UEFA en 2016 a aussi élargi les possibilités de soutien
financier apporté par les collectivités locales aux projets de stades et aux
clubs sportifs.
A -
Un coût de construction des stades
et de leurs dessertes de près de 2 Md€
Le coût total final des travaux de construction et de rénovation de
neuf des dix stades retenus pour accueillir l’Euro 2016
28
est évalué à
1,919 Md€ HT. Ce coût comprend les dépenses directement consacrées
28
Le Stade de France à Saint-Denis n’a fait l’objet que d’aménagements mineurs.
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LES STADES DU TOURNOI : UN INVESTISSEMENT PUBLIC IMPORTANT,
MAIS DE NOUVEAUX RISQUES DE GESTION POUR LES VILLES
55
aux stades (1,67 Md€), d’un ordre de grandeur proche de l’estimation
initiale de la FFF, et les dépenses d’infrastructures (aménagements
extérieurs, dessertes en transports, parkings, programmes immobiliers
annexes, etc.) indispensables à leur fonctionnement, pour 244 M€.
Des retraits de candidature en raison
des coûts élevés d’investissement
En 2009, plusieurs villes (Nantes, Rennes, Nancy et Strasbourg) ont
envisagé de se porter candidates à l’accueil de l’Euro 2016, avant de se
retirer du processus de sélection.
La ville de Rennes avait rénové en 2004 le Stade de la Route de
Lorient pour augmenter la jauge de 20 000 places à 30 000 places et
installer des loges, des aménagements extérieurs et des bureaux en-dessous
du stade. En juin 2009, la ville a procédé à une étude de faisabilité technique
et financière sur l’impact du cahier des charges de l’UEFA, concluant que
la reconfiguration du stade nécessitait la création de 5 500 places
supplémentaires pour un coût évalué à 36 M€. La ville de Rennes a renoncé
à se porter candidate, en raison du caractère récent des travaux effectués sur
le stade, des contraintes techniques imposées par le cahier des charges de
l’UEFA et du faible niveau du soutien financier annoncé par l’État. De
surcroît, le club résident estimait que la jauge actuelle du stade était
suffisante
.
À Strasbourg, la mise aux normes UEFA du stade de la Meinau était
évaluée à 160 M€. En déduisant les contributions de l’État (16 M€) et du
conseil général du Bas-Rhin (14 M€), la charge restante pour la ville de
Strasbourg était de 130 M€. En raison de sa situation sportive, le club
résident était dans l'incapacité de participer au montage financier de
l'opération. Le maire de Strasbourg et le président de la Communauté
urbaine de Strasbourg avaient demandé une hausse de la participation de
l'État, de 10 % à 35 % du coût du projet, le reversement aux collectivités
d'une partie du bénéfice tiré de l'organisation de l’EURO 2016 sur le site
ainsi que la création d'un fonds d'aide à l'investissement en faveur des stades
alimenté
par une partie des droits de télévision et par un prélèvement sur
les paris en ligne. Ces demandes ayant été refusées, les élus locaux ont retiré
en juillet 2009 la candidature de Strasbourg
: «
le risque ne peut pas être
pris de devoir
in fine
demander aux seuls contribuables de Strasbourg et de
son agglomération de supporter la charge de ces 130 millions d'euros.
»
Les opérations sur les stades ont été réalisées selon des modalités
diverses, dont des contrats de partenariat public-privé (PPP) pour quatre
d’entre eux (Nice, Marseille, Bordeaux et Lille).
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56
Dans ces derniers cas, les montants indiqués dans le tableau suivant
ne concernent que les investissements initiaux et non la totalité du montant
des contrats de partenariat, qui comprennent d’autres coûts tels que la
maintenance de l’équipement ou son exploitation commerciale, et
emportent des mécanismes financiers particuliers sur des durées pouvant
aller jusqu’à 35 ans. En ce qui concerne les coûts des travaux, si une partie
incombe au constructeur et exploitant privé au moment de la livraison de
l’équipement, le coût est en réalité assumé en totalité par la collectivité
publique mais reporté et étalé sur plusieurs décennies (cf
.
infra
).
Tableau n° 3 :
les dépenses d’investissement pour les stades
et leurs aménagements extérieurs (en milliers d’euros HT)
Ville
Nom du stade
Coût des travaux
sur le stade
Coût des
dessertes,
programmes
annexes et
aménagements
Total des coûts
d'investissement
initiaux
Bordeaux
Matmut
Atlantique
213 857
7 559
221 416
Lens
Bollaert-Delelis
70 000
-
70 000
Lille
Pierre-Mauroy
307 953
46 000
353 953
Lyon
Parc Olympique
Lyonnais
410 000
182 456
592 456
Marseille
Stade Vélodrome
281 300
-
281 300
Nice
Allianz Riviera
211 000
4 000
215 000
Saint-Denis
Stade de France
-
-
-
Saint-Etienne
Geoffroy-
Guichard
65 105
4 260
69 365
Toulouse
Stadium
municipal
40 080
146
40 226
Paris
Parc des Princes
75 000
75 000
TOTAL
-
1 674 295
244 421
1 918 716
Source : Cour des comptes
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57
B -
Un investissement public d’un milliard d’euros
imputable à l’Euro 2016
Si la tenue en France de l’Euro 2016 a été « un formidable
accélérateur pour les projets de modernisation ou de construction des stades
déjà initiés », un « détonateur pour le lancement de nouveaux projets »
29
,
ces réalisations auront aussi un impact pérenne sur le niveau d’équipement
en enceintes sportives et en infrastructures de communication des
agglomérations concernées. Le rôle de catalyseur de l’Euro 2016, selon les
préconisations du rapport sur les grands stades et bénéficiant de
financements publics permis par les lois de 2009 et 2011, doit également
être replacé dans cette perspective.
La détermination du soutien public en investissement à l’Euro 2016
doit tenir compte de deux facteurs. D’une part, certains investissements ont
été supportés par des personnes privées, d’autre part plusieurs enceintes
n’ont pas été réalisées dans la perspective de l’accueil du tournoi, même si
les collectivités locales propriétaires se sont ultérieurement portées
candidates à cette manifestation.
En retirant le montant de la construction du stade des Lumières à
Lyon, financée par un investisseur privé (à l’exception des accès et autres
travaux de viabilisation), la participation des acteurs publics s’élève à
1,5 Md€ HT.
Par ailleurs, certains projets (les stades de Bordeaux, Lens et
Toulouse par exemple) ont été conçus intégralement dans l’optique
d’accueillir le tournoi, les villes ayant accéléré leurs décisions de
modernisation ou modifié leurs projets initiaux pour se conformer aux
besoins exprimés par l’UEFA, en capacité d’accueil du public et en normes
sportives. Pour d’autres stades, les décisions de construction ou de
rénovation ont été prises en-dehors de la perspective d’accueillir l’Euro
2016. À Lille, la décision de construire le stade sur le site actuel remonte à
2006 et le contrat de partenariat public-privé a été attribué fin 2008 pour
un stade livré en octobre 2012. Pour le Parc des Princes (Paris), les travaux
de rénovation et d’entretien (mise en conformité des installations
techniques) devaient être réalisés même sans l’Euro 2016 et ne sont pas liés
à l’accueil du championnat, l’exploitant ayant pris à sa charge 82 % des
travaux d’embellissement et de mises aux normes internationales qu’il
estimait nécessaires, la ville prenant à sa charge le reliquat, soit 16,5 M€.
Aussi peuvent être soustraits des charges publiques directement liées à
29
Source : Ligue de football professionnel, rapport 2008-2009, p.25.
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58
l’Euro 2016 celles concernant la construction du stade de Lille et
l’aménagement du Parc des Princes.
En revanche, le projet du stade de Nice, s’il a été initié avant le dépôt
de la candidature française, a été replacé dès 2011 dans le cadre de l’accueil
de l’Euro 2016 comme la chronologie de la prise de décision en témoigne
(cf
. cahier territorial
), sa jauge ayant été rehaussée de façon très
significative à ce seul effet. Le coût public directement rattachable au
tournoi s’élève alors à 1,125 Md€.
Les investissements consentis dans les infrastructures de transport
représentent un cinquième des dépenses publiques, ce qui traduit
l’éloignement de plusieurs des nouveaux stades par rapport aux centres
villes. L’essentiel de ce type de dépenses (182 M€, soit 74 % du total) a été
engagé en faveur du Parc Olympique Lyonnais. Certes, ces investissements
contribueront au développement des métropoles concernées, notamment
pour l’est de la métropole de Lyon, mais ils n’auraient pas tous constitué
des priorités dans de tels délais sans la nécessité de desservir les nouveaux
stades. Certaines dessertes ne fonctionnent d’ailleurs que les soirs de
matches.
Les plans de financement de chaque stade sont exposés dans les
cahiers territoriaux correspondants. Ils font apparaître les coûts nets pour
les collectivités maîtres d’oeuvre, en tenant compte des cofinancements
publics obtenus.
C -
Les modalités complexes du soutien de l’État
à la modernisation des stades
Le soutien financier de l’État à la modernisation des stades de
l’Euro 2016 a été porté par le Centre national pour le développement du
sport (CNDS) ;
Le Centre national pour le développement du sport (CNDS)
Établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle du
Ministre chargé des sports, le CNDS a été créé le 2 mars 2006, se substituant
au « Fonds national pour le développement du sport » (FNDS), institué en
1979 pour soutenir des actions liées au sport de haut niveau et au sport de
masse.
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MAIS DE NOUVEAUX RISQUES DE GESTION POUR LES VILLES
59
Les missions du CNDS sont définies par l’article R.411-2 du code
du sport. Dans le cadre des orientations générales fixées par le ministre
chargé des sports, le CNDS doit notamment « contribuer au développement
de la pratique du sport par le plus grand nombre » et « favoriser l’accès au
sport de haut niveau et l’organisation de manifestations sportives. »
Pour 2017, le budget du CNDS s’élève à 261 M€.
1 -
Une extension du champ des financements du CNDS
Les actions financées par le CNDS s’inscrivent dans deux objectifs :
le développement du sport de haut niveau et celui du sport pour tous, « dans
le cadre des orientations générales fixées par le ministre chargé des sports »
(art. R.411-2 du code du sport). Le premier contrat de performance du
CNDS (2009-2011) fixait à l’établissement l’objectif de « soutenir des
projets publics à caractère structurant, c’est-à-dire ceux qui servent à
l’accueil de manifestations sportives internationales
30
». Concernant l’Euro
2016, la lettre d’orientation au directeur de l’établissement de 2010
indiquait qu’il appartiendrait au CNDS de mettre en oeuvre l’aide de l’État
à la construction et à la rénovation des stades du tournoi.
La participation du CNDS au financement des stades de l’Euro
n’allait pourtant pas de soi au regard de certains modes de financement des
stades, incluant des apports majoritairement privés ou des baux
emphytéotiques
administratifs
et
de
leur
usage
exclusivement
professionnel à l’issue du tournoi. En effet le CNDS a pour vocation « à
n’intervenir au titre de son objet social que pour le compte du sport amateur
porté par le mouvements sportif
31
». Plusieurs dispositions ad hoc ont donc
été nécessaires pour rendre compatibles les projets de financement des
stades de l’Euro 2016 et son soutien.
La loi du 1
er
juin 2011 relative à l'organisation du championnat
d'Europe de football de 2016 a rendu éligibles aux financements du CNDS
les projets de construction ou de rénovation des stades réalisés sous les
régimes du bail emphytéotique administratif et de PPP. Le décret du
11 avril 2012 a inséré dans le code du sport une disposition élargissant
explicitement ses missions à l’Euro 2016 : le CNDS « exerce également
ses missions en contribuant au financement des projets de construction ou
30
Contrat de performance État-CNDS 2009-2011, p. 7. Selon l’article 4-2-7-bis du
règlement général du CNDS dans sa version adoptée le 22 octobre 2009, les
équipements permettant d’accueillir les compétitions et manifestations sportives
internationales sont éligibles à un financement du CNDS.
31
Source : réponse du CNDS à la Cour.
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60
de rénovation des enceintes sportives destinées à accueillir la compétition
sportive dénommée Euro 2016 ».
2 -
Un nouveau prélèvement sur les jeux mal calibré,
un pilotage financier heurté
Le niveau du soutien de l’État,
via
le CNDS, aux opérations
d’investissement liées à l’Euro 2016 a connu plusieurs variations entre
2009 et 2013.
Dans un courrier du 10 mars 2009 adressé au Premier ministre, la
ministre chargée des sports proposait de mettre en place « pour le début de
l’année 2010 un plan de soutien d’un montant de 100 millions d’euros
échelonné sur 5 ans. » Le Premier ministre décidait en septembre 2009 que
l’État consacrerait aux stades de l’Euro 2016 « un financement pouvant
s’élever jusqu’à 150 millions d’euros », le montant définitif de 152 M€ n’a
été définitivement fixé qu’en 2013 lorsqu’il a été obligatoire de notifier à
la Commission européenne les aides publiques à la modernisation et
construction des stades (cf.
infra
).
L’ajustement des recettes du CNDS à ce niveau de subvention a été
difficile et s’est fait au prix d’un prélèvement nouveau et prorogé. Pour
couvrir cette dépense, un prélèvement additionnel de 0,3 % sur les sommes
misées auprès de la Française des jeux a été créé par la loi de finances pour
2011. Il a été plafonné à 24 M€ par an sur la période 2011-2015, soit un
montant cumulé de 120 M€.
L’écart de 32 M€ devait être comblé par un prélèvement sur le fonds
de roulement de l’établissement
32
. Cette solution ayant rencontré
l’opposition du monde sportif amateur, les dépenses au titre de l’Euro 2016
n’ont été couvertes qu’au prix d’un allongement jusqu’en 2017 de la
période du prélèvement additionnel, assorti d’un plafonnement des
montants prélevés (16,5 M€ en 2016 et 15,5 M€ en 2017) afin de ne pas
dépasser la limite de 152 M€.
Or, en raison du dynamisme de la base taxable, le produit réel du
prélèvement a été, dès 2011, supérieur au montant du plafond. La
différence revient au budget général de l’État, pour un montant estimé à
74,4 M€ (entre 2011 et 2017).
32
Rapport n°3203, présenté par M. Bernard Depierre au nom de la Commission des
affaires culturelles et de l’éducation, enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale
le 8 mars 2011.
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MAIS DE NOUVEAUX RISQUES DE GESTION POUR LES VILLES
61
3 -
Des attributions de subventions peu lisibles,
des effets d’aubaine et des défauts de régularité
Les taux de subvention du CNDS aux stades de l’Euro 2016 sont
caractérisés par une grande amplitude, certains étant nettement supérieurs
aux taux moyens pratiqués par l’établissement pour des projets courants
(9 % en moyenne sur la période 2006-2012).
Tableau n° 4 :
les subventions du CNDS aux stades de l’Euro
(hors Parc des Princes à Paris
33
)
Site
Porteur de
projet
Coût total
Montant
éligible
Montant
attribué
En part
du coût
total
En part du
montant
éligible
Bordeaux
Commune de
Bordeaux
164 940 000 €
164 940 000 €
28 000 000 €
16,98 %
16,98 %
Décines-
Charpieu
Foncière du
Montout
387 018 089 €
269 249 836 €
20 000 000 €
5,17 %
7,43 %
Lens
Racing Club
de Lens
70 000 000 €
70 000 000 €
12 000 000 €
17,14 %
17,14 %
Marseille
Commune de
Marseille
267 273 000 €
267 273 000 €
28 000 000 €
10,48 %
10,48 %
Nice
Commune de
Nice
204 155 000 €
181 014 000 €
20 000 000 €
9,80 %
11,05 %
Saint-Etienne
Saint-Etienne
Métropole
49 051 005 €
49 051 005 €
8 000 000 €
16,31 %
16,31 %
Toulouse
Commune de
Toulouse
32 483 708 €
24 150 699 €
6 000 000 €
18,47 %
24,84 %
Villeneuve-
d’Ascq
Lille
Métropole
282 000 000 €
217 300 000 €
28 000 000 €
9,93 %
12,89 %
Source : Cour des comptes d’après données CNDS
Les taux d’intervention n’ont pas obéi à des critères clairs, et ne
s’inscrivent pas dans l’objectif d’effet de levier des subventions assigné à
l’organisme, l’incitant à tendre vers un taux minimal de 15 %. Certains taux
d’intervention faibles (5,1 % pour le stade de Lyon, 9,8 % pour le stade de
33
Les coûts totaux indiqués correspondent aux dépenses prévisionnelles communiquées
par les collectivités au CNDS en 2011, qui ont servi d’assiette au calcul des subventions.
Le total des montants attribués n’atteint pas 152 M€, l’attribution d’une subvention de
2 M€ à la ville de Paris n’ayant été actée qu’en fin d’année 2016.
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62
Nice et 9,9 % pour le stade de Lille) rendent très relatif l’effet de
consolidation des plans de financement.
De surcroît, si certains stades peuvent être exclus du périmètre des
investissements directement rattachables au tournoi, leur sélection par la
FFF en 2009 au titre des stades de l’Euro 2016 leur a permis de bénéficier
du concours financier du CNDS au titre de ce tournoi. Intervenant
a
posteriori
, ce soutien n’a eu aucun effet de levier sur la réalisation des
équipements concernés et constitue un effet d’aubaine.
Dans le cas du stade Pierre-Mauroy (Lille), le commencement
d’exécution des travaux a eu lieu en septembre 2010, alors que les
délibérations du CNDS relatives au financement des stades ont été prises
en mai et novembre 2011 et que la première convention avec le CNDS date
du 31 décembre 2011. Cette pratique contrevient aux dispositions relatives
aux subventions de l'État pour des projets d'investissement, qui prévoient
qu’aucun commencement d'exécution du projet ne peut être opéré avant la
date à laquelle le dossier de demande de subvention est complet, et a
fortiori avant la décision d’attribution de la subvention. Ces dispositions
générales s’appliquent aux établissements publics tels que le CNDS, dont
le règlement général lui-même précise que « seuls peuvent être présentés
les projets n’ayant donné lieu à aucun commencement d’exécution au
moment du dépôt de la demande de subvention. »
Enfin, le subventionnement par le CNDS a pu produire des effets
inflationnistes de rehaussement de certaines jauges non prévues
initialement : le cas du stade de Nice est révélateur, d’autant que la jauge
est supérieure aux besoins locaux constatés sur les dernières saisons
(cf
. infra
et cahier territorial).
Au total, les attributions des subventions du CNDS aux stades de
l’Euro 2016 ont résulté plus de décisions individuelles fondées sur des
considérations d’opportunité que sur l’application de règles générales
fixées par l’établissement public.
D -
Des coûts à la place hétérogènes
Parmi les cinq opérations d’investissement les plus onéreuses
rapportées au coût à la place figurent les quatre opérations menées en
contrat de partenariat, qui concernent les opérations de construction de
nouveaux stades, par nature plus coûteuses que les opérations de
rénovation sur des stades existants. Le coût à la place du Parc Olympique
lyonnais, plus élevé que celui des quatre autres stades construits en contrat
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LES STADES DU TOURNOI : UN INVESTISSEMENT PUBLIC IMPORTANT,
MAIS DE NOUVEAUX RISQUES DE GESTION POUR LES VILLES
63
de partenariat, doit être nuancé par la réalisation d’investissements dans les
espaces de congrès et de séminaires, beaucoup plus importants que pour
d’autres enceintes multi activités.
L’opération du Stade Vélodrome de Marseille, présentée comme
une rénovation, représente un coût à la place nettement plus élevé que celui
des opérations semblables (Paris, Lens, Saint-Etienne et Toulouse). Il
s’agit en fait d’une très profonde restructuration.
Tableau n° 5 :
les coûts d’investissement par place
(en € courants HT)
Ville
Nom du stade
Nature de
l'opération
Coût des
travaux sur le
stade
Nombre de
places
Coût à la place
Lyon
Parc
Olympique
Lyonnais
Construction
410 000 000
59 186
6 927
Lille
Stade Pierre
Mauroy
Construction
307 953 000
50 000
6 159
Nice
Allianz Riviera
Construction
211 000 000
35 624
5 923
Bordeaux
Matmut
Atlantique
Construction
213 857 000
42 115
5 078
Marseille
Stade
Vélodrome
Rénovation-
reconfiguration
281 300 000
67 354
4 176
Paris
Parc des
Princes
Rénovation
91 500 000
47 929
1 909
Lens
Bollaert-
Delelis
Rénovation
70 000 000
38 000
1 842
Saint-
Etienne
Stade
Geoffroy-
Guichard
Rénovation
65 105 000
41 965
1 551
Toulouse
Stadium
municipal
Rénovation
40 080 398
31 500
1 272
Source : Cour des comptes
Les opérations de construction des stades de l’Euro 2016
apparaissent plus onéreuses que celles réalisées récemment dans d’autres
stades européens : le coût à la place représentait 4 600 € pour le stade de
Munich
en
2005
(75 000 places
dont
70 000 lors
des
matchs
internationaux) et 3 200 € pour le stade multifonctionnel de Berlin en 2004
(opération de rénovation portant la capacité du stade à 74 000 places). Le
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stade multifonctionnel d’Arsenal à Londres, inauguré en 2006, a coûté
8 300 € par place (60 300 places) mais avec un niveau de prestations très
supérieur à celui des stades français.
II -
Des risques de gestion des stades
accrus pour les villes
La commission « Grands stades » recommandait que la tenue de
l’Euro 2016 soit l’occasion de changer le modèle public français de
propriété et de mode d’exploitation des stades. L’objectif était de
désengager les collectivités locales des risques de gestion et des aléas
sportifs.
Cette ambition ne s’est pas concrétisée. La majorité des stades
construits ou rénovés à l’occasion de l’Euro 2016 demeure la propriété des
collectivités territoriales tandis que le recours à des contrats de partenariat
public privé pour leur construction et leur exploitation recèle des risques
nouveaux pour les villes. Par ailleurs le rehaussement des capacités
d’accueil des stades du tournoi impose une revalorisation substantielle des
redevances d’occupation des clubs résidents qui n’a pas encore eu lieu.
A -
Un modèle de gestion des stades
resté majoritairement public
1 -
Un autre modèle de gestion des stades de football
préconisé en 2008
En dépit d’une réflexion menée très en amont sur l’économie des
stades de football, ni le régime de propriété de ces derniers, ni leur mode
d’exploitation n’ont été modifiés à l’occasion du tournoi. Les collectivités
territoriales demeurent totalement impliquées dans leur gestion, y compris
lorsqu’elles ont retenu la procédure des contrats de partenariat public-privé
comme mode de conception, de construction et d’exploitation de leurs
enceintes.
En 2008, le rapport de la commission « Grands stades – Euro
2016 » présentait la candidature à l’organisation de l’Euro 2016 comme un
levier de modernisation des grands stades français et comme une occasion
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de transformer l’économie du football professionnel. Il soulignait que la
soutenabilité de leur exploitation requérait la participation des clubs
professionnels résidents à leur conception et à leur financement, afin que
les équipements soient adaptés aux besoins de l’exploitation courante. La
commission estimait donc que la solution la plus conforme aux intérêts des
différents partenaires était que les clubs soient propriétaires des stades, leur
transférant ainsi un actif stable et leur assurant la possibilité de diversifier
leurs recettes grâce à des stades multi-activités et à la pratique encore peu
développée en France des « hospitalités » (places VIP et loges avec
prestations de services).
Lors de l’examen par la commission des affaires culturelles et de
l’éducation de l’Assemblée nationale de la proposition de loi relative à
l’organisation du championnat d’Europe en France, la ministre des sports
soulignait ainsi que « ces projets de rénovation et de construction de stades
devraient notamment permettre aux clubs résidents de se passer à l’avenir
de financements publics ».
Les opérations conduites sur les stades de l’Euro 2016 n’ont pas
permis d’avancer dans ces directions. À l’exception du Parc Olympique
Lyonnais, les stades construits ou rénovés sont restés propriétés des
collectivités publiques, qui ont assuré la maîtrise d’ouvrage des travaux
directement ou par le truchement de contrat de partenariat public-privé dont
elles ont arrêté le cahier des charges. Le parc des grands stades français de
football demeure donc très majoritairement public.
2 -
Des relations triangulaires complexes
dans le cadre des partenariats publics privés
Pour deux stades seulement, le club résident est responsable de
l’exploitation et des travaux à réaliser.
Concernant le Parc des Princes, la ville de Paris n’assure plus, en
application de la convention d’occupation du domaine public qu’elle a
signée, que les travaux de grosses réparations dans la limite de 1 M€ HT
par an, le reste étant supporté par le club résident.
Dans le cas du stade Bollaert de Lens, le bail emphytéotique de
50 ans confère au club local toutes les prérogatives du propriétaire.
Cependant, le club bénéficiaire, qui ne disposait pas de la capacité
financière pour supporter les travaux de mise aux normes, a incité la ville
à se porter candidate à l’organisation de l’Euro 2016. Le financement de la
rénovation du stade a ainsi été entièrement public, à hauteur de 70 M€, ce
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66
qui impose une actualisation des conditions du bail en sus d’une
clarification du régime très confus de propriété du stade (cf. cahier
territorial).
Dans les autres cas, les opérations ont été portées par les collectivités
locales. Les plus importantes ont été conduites sous forme de contrat de
partenariat public-privé par les collectivités propriétaires (cf. cahiers
territoriaux de Bordeaux, Lille, Marseille et Nice). Ces montages associent,
aux côtés du club sportif, un nouvel acteur de droit privé à la gestion du
stade : la société de conception/construction et d’exploitation du stade.
Or, à l’exception du contrat du stade de Bordeaux qui a impliqué
d’emblée le club résident et ses actionnaires dans l’économie du stade, les
deux exploitants que sont le club et le titulaire du PPP restent dissociés.
Les clubs conservent des relations directes avec les villes et métropoles,
alors que dans la plupart des cas le titulaire du contrat doit exploiter
commercialement
l’équipement
(manifestations
culturelles
ou
événementielles), en complément d’une activité sportive qui lui échappe.
Graphique n° 2 :
les relations du contrat de partenariat
en phase d’exploitation du stade
Source : Cour des comptes
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67
Ce mode d’engagement triangulaire, non intégré dans une approche
unique, complexifie la gouvernance économique future des stades : d’une
part, les aléas sportifs liés à la performance du club sont séparés de la
gestion d’ensemble assurée par l’exploitant privé et sont
in fine
supportés
par la personne publique ; d’autre part, l’objectif de diversification des
recettes d’exploitation du stade peut entrer en concurrence avec l’usage
sportif de l’enceinte. Demeurant propriétaires de l’enceinte, les
collectivités seront appelées comme arbitre en cas de conflits d’usage entre
le club et le partenaire privé, quelle que soit la qualité du contrat initial.
3 -
Un niveau de redevances sportives dissocié du montant
des loyers des contrats de partenariat
Dans plusieurs cas, l’occupant principal, qui est le club résident du
stade, est très loin de verser une redevance d’occupation à due proportion
de son utilisation de l’enceinte.
Pour le stade Vélodrome de Marseille, le loyer du contrat de
partenariat dû par la ville à l’exploitant du stade est de l’ordre de 15,8 M€
par an. La redevance d’utilisation payée par le club a été fixée pour trois
ans (2014-2016) à un niveau bas (une part fixe de 4 M€, à laquelle s’ajoute
une part variable attendue à 0,7 M€ en 2016), en dépit de l’engagement de
la ville en 2013 d’exiger du club pour la seule part fixe 8 M€ par an. La
charge résiduelle pour la collectivité s’élève ainsi à 11 M€, alors que les
prévisions de celle-ci lors de la conception du projet l’évaluaient à 4 M€
(cf. cahier territorial). Elle représente 73 % du loyer annuel alors que le
club résident est l’utilisateur quasi unique du stade.
Dans le cas du stade « Allianz Riviera » à Nice, le loyer annuel
moyen dû par la ville est de 13 M€ sur la durée du contrat. Cette charge est
à mettre au regard de la redevance versée par le club (1,87 M€ HT pour la
part fixe, combinée à un seuil très élevé de déclenchement d’une part
variable), dont le montant est inférieur aux hypothèses initialement
retenues par la commune, entre 3 M€ et 4 M€ par an (cf. cahier territorial).
Dans ce cas, la charge résiduelle supportée par la ville est même supérieure
à 80 %.
Pour le stade de Lille, le LOSC, club résident, ne verse pas
directement au partenaire privé la redevance de 4,7 M€ due pour
l’utilisation du stade. La redevance est versée à la Métropole européenne
de Lille, qui s’acquitte auprès du partenaire privé du versement des 16 M€
de loyer prévus contractuellement. La charge nette s’élève à 11,3 M€ par
an. Si le club venait à évoluer en Ligue 2, la redevance serait réduite à
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68
seulement 1 M€, ce qui porterait la charge nette de la métropole à 15 M€.
La charge résiduelle de la collectivité s’établit ici à 70 %.
En revanche, la ville de Bordeaux est parvenue à limiter les risques
financiers dus à l’exploitation du stade ; elle a obtenu de l’actionnaire du
club une lettre de garantie dans laquelle il s’engage à « faire en sorte » que
le club honore le loyer prévu et à ne pas céder ses parts au capital du club
sans signature par le repreneur d’une nouvelle lettre d’intention « dont les
termes seront satisfaisants pour la ville de Bordeaux ». En outre, le club
des Girondins de Bordeaux a apporté 115 M€ sur trente ans, limitant à
174,5 M€ le coût net global que supporteront
in fine
les collectivités, dont
131 M€ pour Bordeaux (ville et métropole). Après déduction du loyer
acquitté par le club en contrepartie de l’utilisation du stade (3,85 M€ HT),
l’effort financier résiduel pour la collectivité devrait s’élever à 88,3 M€ sur
trente ans, soit un peu moins de 3 M€ par an. Pour autant, les recettes de
diversification (issues par exemple de spectacles organisés dans le stade)
qui doivent alimenter le chiffre d’affaires du partenaire, restent aléatoires
et leur défaut peut à moyen terme déstabiliser l’équilibre économique du
contrat (cf. cahier territorial).
Au total, les redevances sportives, même si elles n’ont pas vocation
à compenser totalement les loyers des collectivités dus au titre des contrats
de partenariat, ne les atténuent que très partiellement et ne représentent
qu’une fraction des avantages que les clubs retirent de stades nouveaux ou
rénovés.
Seul le site de Lyon a vu se mettre en place un modèle nouveau,
inspiré de celui des grands clubs européens. L'Olympique Lyonnais a
assumé sa responsabilité financière à l’occasion de la construction du grand
stade de Lyon : il a bâti sous sa maîtrise d’ouvrage un équipement lui
permettant de diversifier son activité et de consolider son modèle
économique, sans pour autant reporter l’aléa sportif sur les acteurs publics.
Pour y parvenir, il a toutefois dû obtenir l’aide des pouvoirs publics qui ont
sécurisé son plan de financement à travers plusieurs dispositifs financiers
ou fonciers, et pris à leur charge la réalisation des dessertes du stade pour
un montant total de 182 M€ HT. En contrepartie de cet investissement
initial, certaines collectivités publiques locales ne sont désormais plus
exposées à l’aléa sportif ni au risque commercial, intégralement supportés
par le club (cf. cahier territorial).
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LES STADES DU TOURNOI : UN INVESTISSEMENT PUBLIC IMPORTANT,
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69
B -
Les effets financiers du rehaussement de la capacité
des stades
Les capacités des stades du tournoi ont été accrues et portées au-delà
des demandes de l’UEFA. Ce rehaussement important emporte pour les
collectivités des risques financiers, si les affluences dans les stades sont
inférieures à leurs capacités et ne dégagent pas les recettes de billetterie
attendues pour couvrir leurs frais d’exploitation et si les redevances
d’occupation versées par les clubs résidents restent inférieures aux niveaux
requis par l’investissement des collectivités locales, ne permettant pas alors
de couvrir leur amortissement.
1 -
Le dépassement des besoins exprimés par l’UEFA
Dans ses «
Exigences relatives au tournoi »
,
l’UEFA demandait que
les candidats à l’accueil du tournoi proposent neuf stades selon la
configuration suivante : deux stades (pour le match d’ouverture, la finale
et les rencontres de l'équipe nationale) d’au moins 50 000 places, dont de
préférence un stade de 60 000 places ; trois stades (pour les quarts de finale
et les demi-finales) d’une jauge minimum de 40 000 places ; et quatre
stades (pour les matchs de groupe) d’une jauge minimum de 30 000 places.
Soit un total de neuf stades pour une capacité de 350 000 places.
Tableau n° 6 :
capacité des stades de l’Euro
et écart avec les exigences de l’UEFA
Nombre de places des stades
de l’Euro
Écart avec les exigences
UEFA
Stade de France
81 838
+ 21 838
Marseille
67 354
+ 17 354
Lyon
59 186
+ 19 816
Lille
50 000
+ 10 000
Paris
47 929
+ 7 929
Bordeaux
42 115
+ 12 115
Saint-Etienne
41 965
+ 11 965
Lens
38 000
+ 8 000
Nice
35 624
+ 5 624
Toulouse
33 000
+ 33 000
Total sans Stade de France
415 173
+ 18,6 %
Total avec Stade de France
497 011
+ 42 %
Source : Cour des comptes, d’après UEFA, « Exigences relatives au tournoi », chapitre 8.
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70
Or, les investissements sur les stades de l’Euro 2016 ont porté la
capacité
totale
des
enceintes
concernées
de
320 749 places
à
415 173 places (stades construits ou rénovés), soit 30 % d’augmentation.
Ces jauges sont supérieures dans tous les sites aux capacités minima
exigées par l’UEFA. Sur les dix stades retenus (et non neuf), l’excédent
s’élève à 147 011 places (soit + 42 %) en intégrant le Stade de France et à
65 673 places (soit + 18,6 %) hors Stade de France.
Graphique n° 3 :
capacités totales construites pour l’Euro 2016
au regard des affluences moyennes et des exigences de l’UEFA
(en nombre de spectateurs)
Sources : UEFA et données LFP (fréquentations)
2 -
Une élévation significative du risque d’exploitation
par rapport aux fréquentations observées
Avant l’Euro 2016, les capacités d’accueil totales des stades
(320 749 places) étaient déjà supérieures aux niveaux d’affluence moyens
constatés au cours des dernières saisons de football (266 827 spectateurs
par journée en moyenne dans les stades concernés depuis la saison 2012-
2013). Avec désormais 415 713 places au total (hors stade de France), les
capacités nouvelles issues des investissements réalisés en faveur du tournoi
accentuent significativement le déséquilibre entre les capacités d’accueil et
les affluences.
267 945
19,71%
320 749
9,12%
350 000
18,62%
415 173
0
50 000
100 000
150 000
200 000
250 000
300 000
350 000
400 000
450 000
Moyenne
affluence
2012-2016
Variation
Capacité
totale
anciens
stades
Variation Capacités
exigées
par
l'UEFA
Variation
Capacité
totale
nouveaux
stades
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LES STADES DU TOURNOI : UN INVESTISSEMENT PUBLIC IMPORTANT,
MAIS DE NOUVEAUX RISQUES DE GESTION POUR LES VILLES
71
Tableau n° 7 :
affluence moyenne et jauge des stades
à l’issue de l’Euro 2016
Source : Ligue de football professionnel
Si l’augmentation des capacités s’était inscrite dans les exigences de
l’UEFA, le nombre de places aurait cru de quelque 30 000 unités, et non
de 95 000, creusant moins l’écart entre jauges des stades et fréquentations.
Des jauges nettement excédentaires par rapport aux besoins constatés et à
ceux exprimés par l’UEFA représentent un surcoût d’investissement mais
aussi un risque important de ne pas pouvoir faire face aux nouvelles
charges d’exploitation.
Les jauges des nouveaux stades de Bordeaux et de Nice représentent
près du double des fréquentations constatées depuis 2012, alors que ces
stades offraient déjà des capacités supérieures à toutes les fréquentations
annuelles depuis cette date. La jauge du stade de Marseille, qui nécessitait
une augmentation substantielle pour faire face à des pics de fréquentation,
a été portée au-delà des plus hautes exigences de l’UEFA (67 300 places
contre 60 000 ou 50 000).
Un des exemples les plus marquants est celui de Nice. La jauge du
nouveau stade (35 624 places) est supérieure de 5 624 places à la capacité
minimale exigée par l’UEFA, et de plus de 11 000 places au pic de
fréquentation atteint lors de la saison sportive 2013-2014. Rapporté au coût
de construction à la place (5 923 € HT), le surcoût d’investissement par
rapport aux besoins constatés peut être évalué, selon la référence retenue,
entre 33 M€ et 65 M€ (cf.
cahier territorial
).
Dans le cas du stade de Saint-Etienne, après sa rénovation à
l’occasion de l’Euro 2016 (+ 4 600 places), le nombre de places inoccupées
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72
est passé d’environ 7 000 en moyenne avec l’ancienne jauge à 12 000 en
moyenne. Si la modernisation du stade était indispensable à l’accueil du
tournoi, son augmentation capacitaire ne l’était pas, le stade étant déjà au-
dessus des exigences de l’UEFA dans sa catégorie. De ce fait, le club
constate que la nouvelle capacité requiert une politique d’invitation gratuite
conséquente (voire la fermeture de certaines zones) pour atteindre un taux
de remplissage de 70 %. Aussi, après déduction des places sur invitation,
le nombre moyen de spectateurs payants sur la dernière saison se limite à
27 175 pour 42 000 places, soit un taux de fréquentation payante de
seulement 65 % pour un investissement de 65 M€ (cf. cahier territorial).
La mesure exacte et définitive de ces surcoûts ne pourra être
appréciée qu’à l’issue de plusieurs saisons de championnat. Ils ne seront
atténués que si l’effet « nouveau stade » entraîne une hausse de la
fréquentation moyenne des enceintes sportives.
En revanche les surcapacités issues de l’Euro 2016 ont un effet
immédiat et durable sur la hausse du niveau des redevances d’exploitation
des stades, alors que les recettes de billetterie pourraient ne pas s’élever à
due proportion, comme l’exemple du stade de Saint-Etienne l’illustre.
3 -
Le relèvement des redevances d’occupation des stades :
une nécessité économique, une obligation juridique
Sur le plan national, la rénovation des stades de l’Euro 2016 a pour
effet d’obliger les collectivités publiques propriétaires à revoir le niveau
des redevances d’occupation.
Selon le code général de la propriété des personnes publiques, le
montant de la redevance « tient compte des avantages de toute nature
procurés au titulaire de l'autorisation d’occupation du domaine public ». De
ce fait, l’augmentation du nombre de places, la faculté de disposer de plus
de loges ou sièges VIP, permettant d’offrir des prestations de service à
valeur ajoutée (hospitalités), la possibilité de valoriser plus facilement les
espaces publicitaires et les partenariats commerciaux sont des paramètres
qui entrainent une revalorisation du niveau des redevances. En pratique, les
formules de calcul se fondent tant sur le niveau de l’investissement
consenti par la personne publique que sur le chiffre d’affaires de
l’exploitant (en l’occurrence les clubs résidents) de l’enceinte sportive et
au prorata de son utilisation.
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LES STADES DU TOURNOI : UN INVESTISSEMENT PUBLIC IMPORTANT,
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73
Sur le plan européen, la Commission européenne a estimé en 2013
que les soutiens publics de l’État (CNDS) et des collectivités territoriales
aux projets de construction et de rénovation des stades de l’Euro 2016
devaient lui être notifiés. Elle a souhaité vérifier que les redevances
d’occupation des stades seront revalorisées à hauteur des investissements
publics réalisés en vue de l’Euro 2016, afin que les clubs français, qui
bénéficient d’équipements neufs et plus adaptés à leur exploitation
commerciale, ne soient pas avantagés par rapport aux autres clubs
européens.
Dans sa décision sur les aides publiques aux stades de l’Euro 2016
34
,
la Commission européenne a noté que la France s’engageait à lui soumettre
une nouvelle notification concernant les conditions d’exploitation et
d’utilisation des stades. La France s’engageait également à mettre en place
un système de contrôle destiné à « garantir le respect des conditions de
marché pour la fixation des redevances dues pour la mise à disposition des
stades recevant des aides d’État
35
».
En définitive, l’avis de la Commission européenne sur les aides aux
stades de l’Euro 2016 en 2013 a renforcé le niveau d’exigences relatives
aux redevances des grands stades, déjà posées par la règlementation
nationale.
En 2014, le ministère chargé des sports a demandé au service France
Domaine de la Direction générale des finances publiques (DGFIP) d’établir
une méthode de calcul des redevances dues par les clubs résidents « afin
que le montant versé par ces derniers soit respectueux des conditions de
marché
36
». La formule de calcul de la redevance préconisée par France
Domaine dans un document de mai 2015 distingue une part fixe et une part
variable.
a)
Une part fixe des redevances à mettre à niveau
La part fixe est le produit de deux éléments : un pourcentage de
l’investissement public (fixé à 2 % par an de l’investissement) rapporté au
taux d’occupation par le club utilisateur. Plusieurs collectivités
propriétaires des stades de l’Euro 2016 ont engagé une hausse des
redevances d’occupation fondée sur ce calcul. Les villes de Bordeaux, de
34
Décision du 18 décembre 2013 C (2013) 9103 final aide d’État Sa 35501 (2013/N) –
France – Financement de la construction et de la rénovation des stades pour l’EURO
2016, paragraphes 305 et suivants.
35
Idem
, paragraphes 302 et 305.
36
Courrier du DGFIP au Directeur des sports, 1
er
juin 2015.
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74
Saint-Etienne et de Marseille ainsi que la Métropole de Lille perçoivent
une part fixe de redevance cohérente avec l’application de la méthode
élaborée par France Domaine (cf. cahiers territoriaux).
En revanche, le niveau de la part fixe n’est pas partout conforme au
modèle financier élaboré à l’occasion de la notification à la Commission
européenne.
À Toulouse, la redevance totale, fixée par une convention de 2004,
s’élève à 200 000 € alors que le modèle de calcul de France Domaine
prévoit une redevance globale supérieure à 1 M€. À Nice, un avenant à la
convention de 2013 entre le club et la ville a établi un montant de 1,87 M€
pour la part fixe de la redevance tandis que le niveau découlant du modèle
de France Domaine est de 2,75 M€ (cf. cahiers territoriaux).
Les cas de Lens et Paris sont particuliers. À Paris, le niveau faible
de la part fixe résulte de la prise en charge des travaux de rénovation du
stade (pour 75 M€ HT) par le club résident. Le club de Lens, titulaire du
bail emphytéotique (BEA) du stade, n'est pas un club résident au sens
propre, ce qui n’exclut pas de réviser les conditions du bail pour tenir
compte d’un investissement de 70 M€ entièrement supporté par les
collectivités publiques. À l’heure actuelle, le loyer versé par le club est d’un
niveau très faible (438 000 € par an), alors que la part fixe serait d’un
million d’euros si le club de Lens était un club résident, non titulaire de
BEA (cf. cahier territorial). Aussi le bail devra être révisé pour tenir compte
de l’importance de l’investissement entièrement supporté par les personnes
publiques.
b)
Une part variable à mettre en application
La part variable n’est quasiment pas activée par les collectivités
propriétaires des stades.
Pourtant, elle est assise sur le chiffre d’affaires réalisé par
l’utilisateur de l’équipement (billetterie, loges, restauration, vente de
produits dérivés, commercialisation des espaces publicitaires, à l’exception
des recettes de droits audiovisuels), que le rehaussement des jauges des
stades comme leur meilleure adéquation aux besoins commerciaux et
publicitaires (augmentation des loges, par exemple) permet en théorie
d’accroître.
Si l’ensemble des conventions d’occupation des stades de l’Euro
2016 prévoient l’existence d’une part variable, le seuil de déclenchement
de cette part a souvent été déterminé de façon à être difficilement ou jamais
atteint.
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75
À titre d’exemples, à Nice, le seuil de déclenchement de la part
variable est fixé à 25 M€ alors que les recettes de billetterie et de
sponsoring ne se sont élevées qu’à 12,5 M€ lors de la saison 2014-2015. À
Lille, le club résident doit verser à la métropole une part variable constituée
par un intéressement de 20 % sur la part du chiffre d’affaires de billetterie
excédant 16,5 M€ HT. Or, les recettes de billetterie n’ont atteint que
12,2 M€ lors de la saison 2014-2015
37
, niveau qui n’est pas appelé à
progresser à court terme en raison du déclin régulier de la fréquentation. À
Marseille, la part variable de la redevance, assise sur le chiffre d’affaires
de la billetterie, a été activée pour la première fois lors de la saison 2014-
2015, mais à un niveau très faible (cf
. cahiers territoriaux
).
Au total, la mise à bon niveau des redevances dépendra dans la
plupart des cas de l’activation des parts variables. Le mode de calcul
préconisé par France Domaine consiste à utiliser un barème gradué de
chiffre d’affaires débutant à 2 M€, auquel s’appliquent des taux progressifs
par tranche de chiffre d’affaires. En appliquant cette formule, le montant
de la redevance totale représenterait, dans la plupart des cas, le double des
montants actuels, réduits en pratique aujourd’hui aux seules parts fixes.
Ce dispositif a fait l’objet d’une communication à la Commission
européenne ; sa mise en application par les villes serait de nature à les
prémunir des risques juridiques liés à un montant trop faible de redevance
d’utilisation.
Enfin, il existe un risque que la faiblesse des redevances puisse
s’interpréter comme une subvention déguisée à des clubs professionnels,
parfois déjà subventionnés par ailleurs. De telles subventions à une société
anonyme
sportive
professionnelle
ne
sont
pas
interdites,
mais
conditionnées à l’existence de conventions de missions d’intérêt général
(art. L.113-2 du code du sport) et limitées dans leur montant à 2,3 M€ par
saison pour l’ensemble des collectivités territoriales (art. R.113-1 du code
du sport).
En conclusion, la quasi-totalité des redevances sportives est
aujourd’hui inférieure, et parfois dans des proportions importantes, au
niveau requis tant pour des motifs de sauvegarde des finances locales que
de respect des règles d’occupation du domaine public et d’obligations
européennes. Un effort doit être accompli par les collectivités territoriales
et leurs partenaires pour corriger cette situation.
37
Source : DNCG, comptes individuels des clubs, saison 2014/2015.
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COUR DES COMPTES
76
III -
Les litiges liés à l’utilisation
du Stade de France pour l’Euro 2016
L’État, propriétaire et concédant du Stade de France, doit faire face
à de nombreux contentieux concernant le régime de concession de ce stade.
Sa mise à disposition pour la tenue des matches de l’Euro 2016 a ouvert un
nouveau contentieux dont l’origine tient à un litige non résolu entre les
organisateurs de la compétition (FFF et EURO 2016 SAS) et le consortium
exploitant le Stade de France (CSDF).
A -
Un cadrage très imprécis des conditions d’utilisation
Alors que la mise en conformité du Stade de France pour accueillir
l’Euro 2016 ne nécessitait que des travaux mineurs pris en charge par la
société exploitante (CSDF), les conditions de mise à disposition du stade
n’ont pas été suffisamment précisées entre cette société, les organisateurs,
et le concédant du stade qu’est l’État.
Conformément au cahier des charges du contrat de concession de
1995
38
, le ministre chargé des sports a donné son accord en 2010 à
l’exploitant pour la signature avec la FFF du contrat de stade proposé par
l’UEFA, sans que l’État en soit lui-même partie prenante.
À cet égard, l’Euro 2016 se distingue des championnats du monde
d’athlétisme 2003 et de la coupe du monde de rugby 2007, pour lesquels
des conventions tripartites avaient été conclues entre l’État, le CSDF et
l’organisateur de la manifestation. En outre la FFF n’était que
« l’appariteur » de l’UEFA à laquelle le contrat de stade devait être soumis.
L’État avait pourtant un intérêt direct à participer à la définition des
termes de ce contrat. En effet, si l’article 25 du cahier des charges de la
concession autorise l’État, dans l’intérêt public, à imposer unilatéralement
de nouvelles obligations ou restrictions d’exploitation au concessionnaire,
il doit alors l’indemniser des éventuelles conséquences financières
négatives de ces obligations ou restrictions. Or, le contrat de stade porté
par la FFF comportait de telles clauses. En outre, ce contrat prévoyait que
le CSDF ne devait enregistrer aucune perte d’exploitation liée au tournoi,
quelles que soient les obligations ou restrictions posées.
38
L’article 18 alinéa 4 du cahier des charges du contrat de concession prévoit que
l’accueil des manifestations sportives exceptionnelles fait l’objet de conventions
spécifiques conclues en accord avec le concédant.
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LES STADES DU TOURNOI : UN INVESTISSEMENT PUBLIC IMPORTANT,
MAIS DE NOUVEAUX RISQUES DE GESTION POUR LES VILLES
77
À l’issue des discussions entre les parties prenantes pour
l’application du contrat de stade, la société exploitante a demandé à l’État
en février 2015 de la dédommager de pertes d’exploitation qu’elle estimait
non couvertes par le loyer proposé par la société EURO 2016 SAS, qui en
pratique s’était substituée à la FFF. L’origine de cette demande était
principalement le refus de la SAS d’indemniser les périodes d’exclusivité
exigées par l’UEFA. Le CSDF en a alors appelé au financement de l’État,
en vertu de l’autorisation de signature qu’il avait donnée, bien qu’il ne soit
pas cosignataire du contrat.
Cette confusion due à un partage des responsabilités contractuelles
insuffisamment clair, en raison d’un réseau d’acteurs (FFF, UEFA, EURO
SAS 2016 et État) mal coordonné, a été aggravée par une doctrine
imprécise de la FFF quant aux conditions d’utilisation des stades de
l’Euro 2016.
Après avoir recommandé en décembre 2009 aux propriétaires et
exploitants de stades de proposer un loyer qui tienne « également compte
des pertes d’exploitation éventuelles pendant la période d’exclusivité
(période de deux semaines avant le début de l’Euro 2016 et un jour après
le dernier match) », la FFF indiquait le 28 janvier 2010, sans s’y être
opposée, que l’indemnisation due à l’exploitant pour l’indisponibilité du
stade pendant la période de préparation, de déroulement et de démontage
de l’événement (pour les stades multifonctions) n’était pas incorporée par
l’UEFA dans son cahier des charges, donc a priori non indemnisée.
Elle renvoyait une éventuelle indemnisation à « une discussion
spécifique avec l’UEFA » après l’attribution de l’Euro 2016 à la France.
Or, comme l’a souligné un rapport de l’Inspection générale de la jeunesse
et des sports sur la mise à disposition du Stade de France pour
l’Euro 2016
39
, « quand bien même la FFF a confié la mise en oeuvre
opérationnelle à la société EURO 2016 SAS, elle est responsable vis-à-vis
de l’UEFA de l’ensemble des contrats ».
Si des difficultés identiques se sont produites sur d’autres sites,
notamment à Bordeaux, ces ambiguïtés sur le périmètre des charges à
facturer à la SAS ont pris une importance particulière pour le Stade de
France, en raison des enjeux financiers propres à cette enceinte, au
demeurant propriété de l’État.
39
Rapport de l’IGJS de mars 2016, demandé le 16 février 2016 par le ministre chargé
des sports au titre d’une mission d’expertise relative aux conditions d’accueil de
l’Euro 2016 au stade de France.
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COUR DES COMPTES
78
B -
L’État dans un contentieux sur la redevance due
par l’UEFA
Dans le contrat précité, la part fixe du loyer a été fixée initialement
à 1 013 000 € et n’incluait pas les pertes d’exploitation liées à la période
d’indisponibilité du stade.
Or le contrat de stade, dans sa version signée en 2010, contenait des
dispositions exigeantes dans ce domaine : aucun événement autre que des
matches de football ne devait se dérouler à compter de deux mois avant le
début de l’Euro 2016 (soit à compter du 10 avril 2016), aucun autre
événement que les matches de l’Euro 2016 ne pouvait se dérouler dans la
période commençant quatre semaines avant le début de l’Euro 2016 et sept
jours après le dernier match dans le stade (soit du 13 mai au 17 juillet 2016),
avec un prolongement possible de trois semaines pour le démontage
complet des installations temporaires. Ceci correspondait à une période
maximale d’indisponibilité du stade de 118 jours, soit près de quatre mois.
En fin d’année 2013, EURO 2016 SAS
40
, pourtant non partie au
contrat initial, a fait connaître au Consortium son intention de revoir à la
baisse les conditions financières de mise à disposition du stade. La SAS
souhaitait obtenir une diminution de plus 30 % de la part fixe du loyer
prévu par le contrat de stade mais prendre à sa charge les prestations de
sécurité, qui relevaient jusqu’alors du CSDF.
Les négociations conduites entre le CSDF et la SAS Euro 2016 pour
préparer le projet d’avenant au contrat de stade ont largement réduit la
période d’indisponibilité, en la ramenant à 63 jours et en autorisant la tenue
de la finale de la coupe de France de football au Stade de France le
21 mai 2016.
Les parties ont abouti à un accord (sans qu’un avenant soit
formellement signé) qui reposait sur une baisse de 16,6 % de la part fixe
du loyer en contrepartie du transfert des prestations de sécurité, d’accueil
et de premiers secours à la SAS et surtout de la réduction de la période
d’indisponibilité. Mais cet accord ne comportait toujours pas de clauses
d’indemnisation des pertes éventuelles dues à cette période.
En définitive, la SAS paiera un loyer par rencontre de 870 000 €,
inférieur à celui facturé en 2007 pour la Coupe du monde de rugby
(1 028 571 € par match) qui en outre ne prévoyait pas de périodes
d’exclusivité.
40
Le président d’EURO 2016 SAS était le directeur général de la FFF en 2010.
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LES STADES DU TOURNOI : UN INVESTISSEMENT PUBLIC IMPORTANT,
MAIS DE NOUVEAUX RISQUES DE GESTION POUR LES VILLES
79
À l’issue de ces négociations difficiles, le Consortium estimait
supporter une perte d’exploitation importante due aux périodes
d’exclusivité. EURO 2016 SAS a maintenu sa position et a refusé d’entrer
dans un débat sur la compensation des pertes d’exploitation qui, selon elle,
ne la concerne pas. Sur le fondement des garanties du contrat de
concession, le Consortium s’est tourné vers l’État, qui ayant rejeté sa
demande de dédommagement de plusieurs millions d’euros, se voit
confronté à un nouveau contentieux
41
sur le Stade de France. Le rapport
précité de l’inspection générale de la Jeunesse et des sports a reconnu que
le contrat pour l’Euro 2016 « impacte le modèle économique du Stade »
tout en retenant une évaluation très inférieure des pertes subies par le
concessionnaire.
Un jugement rendu le 1
er
juin 2017 par le tribunal administratif de
Paris considère que le CSDF n'est pas fondé à rechercher la responsabilité
de l'État au titre de ses pertes d'exploitation. Il repose notamment sur le fait
que les conditions d'accueil de l'EURO 2016 ne sont pas constitutives d'une
modification imprévue des conditions d'exploitation au sens de l'article 25
du contrat de concession entrainant une prise en charge de leurs
conséquences financières par l'État ; pour le juge administratif, l'État n'a
pas joué un rôle autre que celui de facilitateur dans la négociation et la
signature du contrat de stade.
Cette affaire illustre un cadrage initial confus de l’événement, qui
in
fine
permet à l’émanation nationale de l’UEFA d’imposer ses conditions
économiques et financières, voire d’en reporter les conséquences sur les
pouvoirs publics.
41
Une fois les conditions de dédommagement souhaitées par le Consortium rejetées par
l’État, l’article 54.1 du contrat de concession qui prévoit de soumettre le différend des
parties à un conciliateur, devait être mis en oeuvre. Toutefois, en l'absence d'entente sur
le nom d'un conciliateur, le Consortium a déposé une requête indemnitaire devant le
tribunal administratif de Paris, le 14 décembre 2015.
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COUR DES COMPTES
80
______________________ CONCLUSION ______________________
À la différence des dépenses d’organisation, la modernisation des
stades pour se conformer aux normes de l’Euro 2016 a été financée
presque entièrement sur fonds publics.
Pour ce faire, ont été
élargi
es
par voie législative (loi du 22 juillet
2009 relative au développement et à la modernisation des services
touristiques et loi du 1
er
juin 2011 relative à l'organisation du championnat
d'Europe de football de l'UEFA en 2016) les possibilités de soutien
financier apporté par l’État (via le CNDS) et les collectivités locales aux
projets de stades, qu’ils soient publics ou privés, dès lors que ces enceintes
et leurs équipements connexes sont destinés à l’accueil d’une compétition
sportive internationale.
À terme, les risques économiques et budgétaires pour les
collectivités locales sont variables en proportion des budgets locaux.
Toutefois, certaines collectivités tolèrent des écarts si importants entre les
charges des stades (loyers des partenariats public-privé sur 30 ans ou
coûts de fonctionnement des stades par le budget local) et les redevances
sportives qu’elles reçoivent, qu’elles supportent
in fine
une charge
anormale, le principal bénéficiaire de l’infrastructure, le club résident, ne
contribuant pas à due concurrence de son utilisation.
Un calibrage des investissements, au demeurant
plus proche des
attentes de l’UEFA, en termes de jauge des stades, aurait été de nature à
minorer les risques d’exploitation futurs et les tensions sur le niveau des
redevances sportives. Les financements publics auraient été alors mieux
proportionnés aux besoins.
En ce qui concerne le Stade de France, les conditions confuses de
sa mise à disposition, qui ont débouché sur un contentieux dont l’État est
partie prenante malgré lui, témoignent des défaillances du cadrage initial
des responsabilités respectives des différents acteurs de l’Euro 2016. Cette
affaire illustre la capacité des autorités organisatrices du tournoi à ne pas
assumer les conséquences financières de leurs exigences.
L’observation la plus critique est d’ordre systémique : elle réside
dans la permanence du modèle municipal de stades, qui maintient le risque
économique, lié aux aléas sportifs, dans la sphère publique pour des
enceintes d’abord utilisées par des clubs privés. Sauf à Lyon, la visée
initiale de transformer la gouvernance du football professionnel, par une
plus forte intégration des clubs et des stades, grâce au catalyseur de l’Euro
2016,
n’a donc pas prospéré
.
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Conclusion générale
Des moyens publics en rapport avec l’importance de l’évènement
Les conditions essentielles à la bonne tenue du tournoi, pour celles
relevant des acteurs publics, ont été remplies.
Les dix villes d’accueil des matches ont mis en place les animations
prévues dans les délais et selon les cadres fixés par l’UEFA, et les 23 villes
accueillant des camps de base se sont également conformées au cahier des
charges. Ces prestations ont été parfaitement assurées par les villes. Les
moyens publics d’État, essentiellement de sécurité, ont
été déployés sans
faille. Les dix stades ont été disponibles pour la compétition et accessibles
dans des conditions conformes aux attentes de l’UEFA, pour un coût public
d’investissement d’un peu plus d’un milliard d’euros.
Resituée dans une perspective de long terme, l’appréciation sur
l’organisation de l’Euro 2016 du point de vue de l’intérêt général mérite
pourtant d’être nuancée : les améliorations de la gouvernance publique,
dont la préparation du tournoi aurait pu être l’occasion, et la révision des
rapports entre les collectivités locales et les clubs professionnels dans
l’économie des grands stades, n’ont pas eu lieu.
Un accord inégal
Le dispositif « contractuel » de l’Euro 2016, unilatéral et foisonnant,
est resté dans les mains de l’UEFA. Elle en a seule maîtrisé la globalité
alors que l’autorité d’organisation était censée être la fédération française
de football. Celle-ci, en déléguant sa mission
à une émanation de droit privé
de l’UEFA au détriment d’un dispositif public plus traditionnel,
initialement prévu et que l’État n’a pas défendu, a renforcé cette
prééminence.
Dans ce contexte, il n’a pas été possible de contrebalancer
significativement le poids de l’UEFA et de son émanation nationale, la
SAS EURO 2016, une fois accepté le cadre institutionnel, juridique et
financier des exigences du tournoi.
Dans le champ de ses responsabilités, l’État a été défaillant dans
plusieurs domaines ; aucune approche globale de l’enjeu que représentait
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COUR DES COMPTES
82
l’Euro 2016 n’a été tentée lors du processus de candidature. Les pouvoirs
publics nationaux se sont engagés sans évaluation préalable au moins d’un
ordre de grandeur des dépenses. Aucun dispositif d’estimation des
retombées économiques à long terme n’a été mis en place à son initiative,
seule une estimation restreinte des effets de court terme a été finalement
commandée. Le coût des exonérations
fiscales est resté un sujet non traité.
En outre, et indépendamment des aléas liés à la sécurité publique, la mesure
des coûts d’organisation pour l’État et les collectivités locales n’a été
consolidée par aucune administration.
Maints engagements pris ont été exorbitants du droit
national.
Certaines
des
dispositions
prises
emportaient
des
conséquences
financières : gratuité du concours des forces de l’ordre pour l’État, perte de
redevance d’occupation du domaine public ou de recettes commerciales
pour les collectivités. Le pilotage interministériel réunissant les pouvoirs
publics, réel mais mis en oeuvre de façon tardive, a été très limité dans sa
portée, car ne bénéficiant pas d’un portage politique puissant. Seules les
villes ont su peser sur certains dispositifs initiaux pour en modérer les effets
budgétaires.
Au total, le dispositif d’ensemble qui s’est appliqué à l’Euro 2016,
a été d’une qualité institutionnelle et juridique médiocre, témoignant d’un
recul de l’État face aux instances du sport professionnel.
Une organisation publique en apparence,
un dispositif privé en réalité
Maints de ces constats critiques trouvent leur origine dans une
perception faussée de la nature d’un événement sportif de ce type. Cette
ambiguïté originelle a été encore accentuée lors de la tenue de l’Euro 2016,
dont le mode d’organisation a été singulier par rapport à celui des grandes
manifestations sportives qui ont eu lieu en France.
Les droits des grandes manifestations sportives sont la propriété
d’associations internationales de droit privé, la concurrence interétatique
pour leur obtention est vive, ce qui limite la capacité des États à instaurer
une
relation
de
partenariat
équilibrée.
Enfin, aucune
institution
internationale publique ne correspond à leurs aires géographiques (c’est le
cas de l’UEFA) et ne dispose des compétences nécessaires pour faire valoir
une position concertée des États sur certains aspects régaliens, tels que la
fiscalité des tournois ou les normes applicables aux stades.
La combinaison de ces facteurs provoque un déséquilibre structurel
des relations : les droits et les recettes de l’événement sont du côté de
l’association internationale, les obligations de mise en oeuvre sont pour
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CONCLUSION GÉNÉRALE
83
l’État et les risques financiers durables lui reviennent ainsi qu’aux
collectivités locales.
Pour autant la nature des enjeux reconnus d’intérêt général et
la
charge symbolique du résultat de l’équipe nationale pourraient laisser
croire que de telles manifestations reposent sur une organisation publique.
L’importance des moyens mis en jeu, qui ne sont pas tous quantifiables,
suggère aussi que leur économie repose sur une relation partagée entre le
détenteur de la manifestation sportive et le pays organisateur. C’est
l’appréhension directe que peut en avoir à juste titre le citoyen.
Cet écart de perception a été accentué lors de la tenue de l’Euro 2016
en France, en raison d’un mode d’organisation singulier, car nettement
dominé par une maîtrise privée de la gestion de l’événement.
D’autres modalités de fonctionnement (comme celles de la Coupe
du monde de rugby ou celles évoquées pour les Jeux olympiques 2024, par
exemple) auraient permis d’instaurer une concertation permanente, un
partage des décisions, une transparence des coûts, un débat sur la régularité
des exigences « contractuelles » par rapport au droit national.
Si le rapport de force entre le détenteur des droits du tournoi
européen et les autorités publiques d’un pays, est en l’état actuel
déséquilibré, il n’en découle pas en revanche que les pouvoirs publics
nationaux doivent accepter sciemment ou de facto d’être marginalisés, plus
prestataires que partenaires.
De façon plus générale, si la compétition entre les pays demeure
vive pour l’obtention des grands événements sportifs, leur organisation
nourrit aussi des réticences accrues, en raison du rapport entre leurs coûts
et leurs retombées économiques et sociales. Aussi, face aux « puissances
internationales » que sont devenues les grandes associations sportives, des
réflexions s’amorcent. L’Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE) a adopté en mai 2016 un projet de principes
directeurs, présenté par la France, qui prévoit que toute organisation de
manifestation sportive majeure soit assortie d’objectifs en termes d’intérêt
public, de coûts, de résultats et d’impacts. Cette initiative pourrait être
poursuivie par l’élaboration d’une maquette commune d’audit des grandes
manifestions sportives internationales.
Un faible intéressement aux recettes du tournoi,
associé à des risques budgétaires pour les collectivités
La disproportion entre les bénéfices tirés de la manifestation par
l’association sportive qui en détient les droits (de l’ordre de 847,3 M€, soit
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COUR DES COMPTES
84
un taux de marge bénéficiaire de 44 %) et les rétributions versées à certains
acteurs publics nationaux est manifeste. Le retour sur les recettes de
l’événement est faible, forfaitisé au mieux à 40 millions d’euros, soit 4,7 %
de la marge connue dégagée par l’événement.
Même s’il est compréhensible que l’Euro de football, compétition
quadriennale et principale de l’UEFA, soit l’occasion pour celle-ci
d’attraire un maximum de recettes, il parait anormal que les acteurs
nationaux qui ont contribué à l’accueil du tournoi, en investissement et en
fonctionnement, ne bénéficient pas d’une rétribution plus significative
fondée sur les résultats financiers de l’événement.
D’autres voies d’intéressement auraient pu être recherchées, soit
pour minorer la charge d’organisation des villes, par exemple en donnant
le statut de sites officiels aux fan zones ce qui eût entrainé la prise en charge
de leur sécurisation par l’UEFA, soit pour participer à la mise à niveau
coûteuse des stades, auquel l’État français a quant à lui contribué par un
nouveau prélèvement additionnel sur les jeux, soit enfin pour accroître
« l’héritage » du tournoi en faveur de la pratique sportive des amateurs.
Les conséquences des fortes augmentations de jauge des stades,
parfois au-delà des besoins de la compétition européenne, constituent le
risque majeur pour les collectivités locales. Ce risque est susceptible de se
matérialiser rapidement si elles n’adaptent
pas les redevances sportives aux
normes financières d’occupation des équipements publics.
À terme, elles restent exposées aux risques d’exploitation des stades
et à ceux des aléas sportifs, à l’exception de la métropole de Lyon et à un
moindre degré de celle de Bordeaux. L’Euro 2016 n’aura pas été l’occasion
d’une réforme de l’économie des grands stades, principalement occupés
par des clubs résidents de droit privé et voués aux compétitions du football
professionnel.
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Recommandations
Les pouvoirs publics ont démontré leur capacité à organiser un
événement de l’ampleur de l’Euro 2016, sans s’assurer pourtant d’un cadre
institutionnel qui les associe pleinement et d’une rétribution proportionnée
aux efforts et aux recettes. Si des bilans divers ont été faits, sur les
retombées économiques immédiates ou sur l’action opérationnelle des
services publics, l’État aurait dû établir un retour d’expérience
institutionnel d’ensemble.
Aussi, la Cour des comptes estime que le respect de certaines
recommandations sécuriserait à l’avenir au plan de l’organisation la tenue
de manifestations sportives de ce niveau en France. Elles formulent les
quatre recommandations suivantes :
Pour assurer les suites directes de l’Euro 2016 :
1.
mettre à niveau, au regard des investissements consentis, les
redevances dues aux collectivités propriétaires des stades.
Pour améliorer l’accueil des grands événements sportifs
internationaux :
2.
estimer un coût public prévisionnel des grands événements sportifs
internationaux dès la candidature, suivre son évolution de façon
consolidée et établir dès ce stade le cadre des études d’impact sur leurs
retombées économiques ;
3.
structurer de façon permanente la concertation des partenaires, publics
et privés, de la candidature à la tenue de l’événement, grâce à un
comité d’organisation présidé au niveau du premier ministre, arbitrer
le rôle de la délégation interministérielle aux grands événements
sportifs (DIGES) en vue des prochaines manifestations sportives
internationales ;
4.
retenir un mode de gestion de la manifestation (de préférence un GIP)
qui associe les acteurs publics, vise la transparence des dépenses
supportées par chaque partenaire et incorpore un mécanisme
d’intéressement en rapport avec les résultats financiers.
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Annexes
Annexe n° 1 : sigles utilisés
...........................................................................
89
Annexe n° 2 : extrait du rapport sur l’organisation des grands
événements sportifs internationaux (2010)
....................................................
90
Annexe n° 3 : liste des documents conventionnels de l’Euro 2016
...............
91
Annexe n° 4 : schéma de la gouvernance de l’Euro 2016
..............................
93
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Annexe n° 1 :
sigles utilisés
CDES :
Centre de droit et d’économie du sport, Faculté de droit et des
sciences économiques, université de Limoges.
CNDS :
Centre national pour le développement du sport.
CSDF :
Consortium
Stade de France.
DNCG
: Direction nationale du contrôle de gestion (sous tutelle de la FFF).
DIGES :
Délégation interministérielle aux grands événements sportifs.
FFF
: Fédération française de football.
FIFA
: Fédération internationale de football association.
GESI
: Grands événements sportifs internationaux.
LFP
: Ligue de football professionnel.
PIAF
: Plan interministériel d’action pour le football (2014).
SESE :
Société d’Exploitation Sports et Événements, exploitant du Parc
des Princes (Paris).
SLO
: Société locale d’organisation.
STIF :
Syndicat des Transports d’Île-de-France,
organisateur des
transports dans la région.
UEFA
: Union des associations européennes de football (en anglais :
Union of European Football Associations
).
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COUR DES COMPTES
90
Annexe n° 2 :
extrait du rapport sur l’organisation
des grands événements sportifs internationaux
(2010)
Source : DOUILLET, David, Rapport au Président de la République,
« L'attractivité de la France pour l'organisation de grands événements
sportifs », 2010.
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ANNEXES
91
Annexe n° 3 :
liste des documents conventionnels
de l’Euro 2016
Cinq documents généraux d’organisation du tournoi
Document
Auteurs ou signataires
Date
Dossier de candidature
FFF
15 mai 2010
Contrat d’organisation (« Staging
agreement »)
FFF / UEFA
4 juin 2010
Avenant financier au contrat
d’organisation
FFF / UEFA
27 novembre 2014
Contrat de coopération
FFF/UEFA/Euro 2016 SAS
27 novembre 2014
Convention spécifique de sécurité
FFF/Euro 2016 SAS
-
Environ 50 contrats de niveau territorial
Document
Signataires
Date
Contrats de stade
Collectivités propriétaires ou
exploitants des stades/UEFA
2010
Contrats d’aéroport
Sociétés d’exploitation/UEFA
2010
Contrats de ville (y compris villes
d’accueil des camps de base)
Collectivités/UEFA
2010
Avenants
Collectivités/UEFA
2014
Chartes relatives aux zones
officielles des supporters
Collectivités/UEFA
2014
Chartes promotionnelles et
commerciales de la ville hôte
Collectivités/UEFA
2014
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COUR DES COMPTES
92
Dix-sept lettres de garantie
Auteur
Date
Thématique
Directeur général de l'aviation civile
13 janvier 2010
Horaires aériens
Président de la République
21 janvier 2010
Soutien à la candidature
Ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités
territoriales
25 janvier 2010
Sûreté et sécurité
Directeur général de l'Institut national de la propriété
industrielle
27 janvier 2010
Protection des marques
Directeur général de l'Institut national de la propriété
industrielle
27 janvier 2010
Propriété intellectuelle
Ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et
ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités
territoriales
27 janvier 2010
Accession aux stades
Ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité
nationale et du développement solidaire
28 janvier 2010
Entrée sur le territoire
Ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi
28 janvier 2010
Propriété intellectuelle
Ministre du budget, des comptes publics, de la fonction
publique et de la réforme de l'État
2 février 2010
Exonération fiscale
Ministre du budget, des comptes publics, de la fonction
publique et de la réforme de l'État
2 février 2010
Exonération import-
export
Ministre de la santé et des sports
5 février 2010
Mise en oeuvre du
contrat d’organisation
Atout France
8 février 2010
Appui à la candidature
Ministre de la justice
8 février 2010
Propriété intellectuelle
et droits commerciaux
Ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi
8 février 2010
Gratuité des fréquences
Premier Ministre
9 février 2010
Euro 2016 classé
comme un « événement
d’intérêt général »
Ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et
ministre du budget, des comptes publics, de la fonction
publique et de la réforme de l'État
9 février 2010
Absence de restrictions
aux opérations de
change et sur devises
Ministre de la santé et des sports et
ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement
durable et de la mer
9 février 2010
Environnement et
responsabilité sociale
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ANNEXES
93
Annexe n° 4 :
schéma de la gouvernance
de l’Euro 2016
Source : Club des sites
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