Des mobilités public-privé peu nombreuses, centrées sur les emplois supérieurs
Chaque année, environ 500 000 personnes, soit environ 10 % des effectifs, quittent la fonction publique, et autant la rejoignent. Les mobilités public-privé ne représentent qu’une faible part de ces mouvements, un ordre de grandeur de 10 000 personnes concernées avait été estimé en 2019. Ainsi, les juridictions financières recommandent-elles que les administrations renforcent le suivi statistique de ces mobilités, en particulier dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière. Pour la plupart des agents publics, la mobilité reste exceptionnelle et relève de décisions individuelles. De nombreuses raisons peuvent expliquer les mobilités des agents, parmi lesquelles la rémunération, la nature des emplois proposés ou les perspectives de carrière offertes. Cette respiration entre les deux sphères est souvent jugée utile, surtout dans la haute fonction publique de l’État. Ainsi, le corps des ingénieurs de l’armement a instauré la pratique de la période d’ouverture, consistant à affecter des ingénieurs, pour une période de deux à trois ans, dans des entreprises du secteur privé en vue d’acquérir des compétences dont l’administration ne dispose pas en interne. Environ 10 % d’entre eux étaient affectés dans le secteur privé en janvier 2024. De plus, les mobilités public-privé concernent principalement les agents contractuels, moins les fonctionnaires. Or, l’emploi contractuel se développe rapidement : entre 2015 et 2023, le nombre de contractuels a augmenté de près de 300 000 personnes. Il est donc essentiel que les administrations prennent davantage en compte cette évolution structurelle.
Des contrôles des mobilités public-privé principalement mis en œuvre au sein de l’État
S’inscrivant dans un mouvement international, les dispositifs de contrôle des mobilités professionnelles entre les secteurs public et privé ont donné à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) un rôle prépondérant. La HATVP et les ministères n’interdisent les mobilités qu’à un petit nombre de personnes : moins de 10 décisions d’incompatibilité ont été rendues pour chacun des ministères inclus dans le champ de l’enquête sur la période 2020-2023, et 7 % des avis rendus par la Haute autorité en 2023 étaient des avis d’incompatibilité. Ces refus de mobilité sont généralement motivés par les risques pénaux potentiels. Ce chiffre ne prend pas en comptes les agents qui se désistent avant de réaliser leurs projets professionnels, par exemple à la suite d’échanges avec leur référent déontologue et leur employeur. Toutefois, les avis de compatibilité avec réserves ont représenté 77 % des avis de la Haute autorité, toutes mobilités confondues en 2023. Ce recours aux réserves permet une respiration du système de contrôle tout en assurant une prévention indispensable des risques. Concernant les postes à responsabilité dans les collectivités territoriales, plusieurs lacunes en matière de contrôle ont été relevées bien que l’on constate des avancées récentes. La fonction publique hospitalière, elle, fait gravement défaut : entre 2021 et 2023, la HATVP a été saisie 135 fois pour des départs de la fonction publique territoriale mais seulement 15 fois pour des départs de la fonction publique hospitalière et jamais pour l’entrée dans celle-ci.
Améliorer l’efficacité et la lisibilité du dispositif
La réforme de 2019 étant relativement récente, il paraît nécessaire dans un premier temps de stabiliser un dispositif complexe et encore partiellement mis en œuvre. En revanche, la Cour propose d’améliorer le dispositif existant pour le rendre plus fluide et plus compréhensible par les agents. D’abord, elle recommande aux administrations de recenser les mobilités, de renforcer l’effectivité des contrôles dans la fonction publique hospitalière et de mettre en place des registres des déports et des réserves, aisément accessibles.
De même, il est nécessaire d’accroitre la responsabilisation des agents sur le respect des règles déontologiques, par exemple en exigeant un engagement par écrit des agents publics sur le respect des réserves auxquelles ils sont soumis durant les trois années après leur départ. Pour rendre la procédure plus fluide pour les employeurs, la HATVP pourrait renforcer la lisibilité de sa doctrine de contrôle et de son champ d’intervention. Aussi, la Cour encourage-t-elle la HATVP à se rapprocher de la direction générale de fonction publique, ainsi que de la direction générale des collectivités locales et celle de l’offre de soins. L’amorce d’une gouvernance transversale est indispensable pour accélérer la mise en œuvre de la loi du 6 août 2019 dans la fonction publique territoriale et surtout s’assurer de son respect dans la fonction publique hospitalière.