Une économie sociale et solidaire diverse et mal mesurée
Composé de quatre familles statutaires (associations, fondations, mutuelles, coopératives) et d’une famille par adhésion volontaire (sociétés commerciales dont l’activité a pour finalité une utilité sociale), le secteur représente 13,7 % des emplois privés et 10,6 % de l’emploi salarié en 2021. Malgré une présence dans de nombreux secteurs d’activité, sa notoriété dans l’opinion publique et sa visibilité restent insuffisantes, dans un contexte de généralisation des démarches de responsabilité sociale au sein des entreprises et d’apparition des entreprises à mission en 2019. Dans ce contexte, la Cour recommande de promouvoir, dès l’adoption de la stratégie nationale de soutien à l’économie sociale et solidaire en 2025, les spécificités du mode d’entreprendre de l’ESS, notamment au moyen du guide des bonnes pratiques prévu par la loi du 31 juillet 2014.
La mesure du poids de l’ESS dans le PIB n’est pas possible sans un suivi statistique régulier. Par ailleurs, la démarche d’évaluation de l’impact et de l’utilité sociale de l’économie sociale et solidaire demeure complexe et cloisonnée entre les différents acteurs : même si les pratiques se développent, les référentiels communs font défaut pour bien mesurer les apports de ce mode d’entreprendre. L’aboutissement d’ici 2027 du projet de compte satellite avec l’Insee permettrait d’aller au-delà des indicateurs de la comptabilité nationale pour mieux appréhender les activités, la valeur ajoutée et le poids dans l’économie nationale de l’ESS.
Des flux financiers publics vers l’économie sociale et solidaire en progression, sans stratégie d’ensemble
Les acteurs de l’ESS Interviennent souvent en complément ou pour le compte de politiques publiques dont ils sont en quelque sorte les opérateurs. Ils reçoivent à ce titre des flux financiers croissants et diversifiés de l’État (16 Md€ en 2024) comme des collectivités territoriales (6,7 Md€ en 2023). Cependant, cette évolution ne résulte pas d’une stratégie ou d’une vision globale pour l’ESS. Cette absence de stratégie s’explique notamment par l’instabilité du pilotage de cette politique ainsi que par la faiblesse du positionnement du délégué ministériel et des moyens du réseau des chargés de mission ESS dans chacune des préfectures. La Cour recommande ainsi d’assurer un pilotage stable de la politique de soutien à l’ESS en tant que mode d’entreprendre et de donner au délégué chargé de l’économie sociale et solidaire un positionnement interministériel d’ici 2026.
L’État doit également davantage articuler son action avec celle des collectivités territoriales pour élaborer une stratégie nationale de qualité. Par ailleurs, ses modalités d’intervention sont critiquées pour leur complexité par les acteurs, confrontés à une multiplicité d’interlocuteurs et de portails pour le dépôt de leurs demandes de financement. Il serait nécessaire d’interconnecter d’ici 2027 les portails de demandes de subvention ou de réponse à des appels à projet lancés par l’État en direction des acteurs de l’économie sociale et solidaire et de co-construire avec les représentants des régions et des intercommunalités la stratégie nationale de soutien au développement de l’économie sociale et solidaire.
Un soutien de l’État au développement du modèle d’ESS axé sur la mobilisation des investisseurs publics et privés
L’appui direct de l’État au développement de l’ESS est limité en montant (20 M€) et ne permet pas de favoriser et d’encourager l’innovation sociale. Les pôles territoriaux de coopération économique, qui regroupent les entreprises de l’ESS, des collectivités territoriales et d’autres acteurs (universités, associations), sont reconnus pour leur rôle de catalyseur d’innovation sociale. La Cour recommande d’adapter en 2026 les modalités de financement de ces pôles à leurs besoins et à leur rythme de développement.
Les investisseurs publics ont mobilisé en faveur de l’ESS principalement des dispositifs de droit commun mais leur offre de financement reste limitée aux projets les plus rentables. Par ailleurs, le refus de Bpifrance de comptabiliser les titres participatifs comme des fonds propres est préjudiciable pour de nombreuses coopératives pour lesquelles ces titres, qui sont des valeurs mobilières, représentent le levier le plus efficace pour attirer des financeurs privés et publics. La Cour préconise de revoir d’ici 2026 la doctrine de Bpifrance pour intégrer les titres participatifs et associatifs dans les quasi fonds propres et ainsi favoriser l’accès des coopératives et des associations aux financements.
Enfin, le fléchage des fonds privés vers l’ESS a permis de doubler le volume de l’encours d’épargne solidaire depuis 2019 : il doit être poursuivi grâce à une communication plus importante des établissements financiers pour augmenter les dons solidaires auprès des détenteurs de livrets de développement durable et solidaire et pour valoriser les fonds solidaires auprès des détenteurs de contrats d’assurance-vie.