La chambre réalise son premier audit sur un thème qui résulte d’une contribution déposée sur la plateforme des juridictions financières en 2023 et qui concerne les frais de déplacement des élus. Les frais de déplacement, que ce soit du personnel et plus encore lorsqu’il s’agit des élus, des membres des institutions ou des chefs coutumiers, sont des dépenses qui peuvent être qualifiées de sensibles, c’est-à-dire pour lesquelles le public peut avoir le sentiment soit que leur utilité n’est pas démontrée, soit qu’elles ne sont pas réalisées dans l’intérêt général. L’intervention de la chambre a donc pour objet de fournir, de façon fiable et transparente, une information sur le montant de ces frais de déplacement et son évolution et, le cas échéant, faire des recommandations pour en améliorer la maîtrise et la transparence de l’information fournie.
Sur la base des montants imputés en comptabilité, et sous réserve de leur fiabilité, dont la chambre rappelle l’importance, les frais de déplacement du personnel et des élus de la Nouvelle-Calédonie et des provinces ainsi que de leurs collaborateurs représentent en moyenne, entre 2019 et 2024, 534 MF CFP par an, soit 3,3 % des charges à caractère général. Les frais de mission et de déplacement des élus, des membres des institutions et des chefs coutumiers en représentent un peu moins d’un quart, soit près de 120 MF CFP (22 %). Ces derniers ont connu un net rebond après la crise sanitaire et dépassent, en moyenne en 2022 et 2023 de 16 % leur niveau de 2019. Sur ces deux exercices, leur poids est cinq fois plus élevé que ceux des élus de la Polynésie française dans les charges à caractère général, même si la comparaison entre les deux territoires présente certaines limites.
Après analyse des informations fournies par la Nouvelle-Calédonie et les provinces dans le cadre de ce contrôle ciblé sur les déplacements des élus, des membres des institutions et secrétariats généraux, soit 34 % des frais de déplacement de ces collectivités entre 2020 et 2023, la chambre constate qu’ils sont supportés majoritairement par la Nouvelle-Calédonie, notamment le congrès et le gouvernement pour qui ils représentent, en moyenne, en 2022 et 2023, exercices non concernés par la crise sanitaire, respectivement près de 62 MF CFP et 56 MF CFP par an.
Graphique n°1 : Évolution des dépenses de déplacement des élus des assemblées et des exécutifs, de leurs collaborateurs et des secrétaires généraux ou adjoints.
Source : chambre territoriale des comptes d’après les éléments fournis par les collectivités
Pour la province Nord et la province des îles Loyauté, les déplacements des élus et de leurs collaborateurs relèvent essentiellement de déplacements intérieurs (respectivement 88 % et 52 % en moyenne en 2022 et 2023) alors qu’il s’agit majoritairement de déplacements hors du territoire pour la Nouvelle-Calédonie et la province Sud (respectivement 60 % et 96 %).
Graphique n°2: Répartition des déplacements intérieurs et hors du territoire de la Nouvelle-Calédonie et des provinces
Source : chambre territoriale des comptes d’après les éléments fournis par les collectivités
Afin de limiter le poids financier des frais de déplacement, la chambre recommande à la Nouvelle-Calédonie et aux provinces de développer l'usage de la visioconférence, notamment pour les réunions préparatoires ou à caractère technique.
Enfin, la chambre constate que les déplacements, notamment ceux hors du territoire, sont réalisés par un nombre restreint de personnes dans chacune des institutions.
Graphique n°3: Nombre de déplacements effectués entre 2020 et 2024 par institution, nombre de personnes concernées et coût total en MF CFP (taille de la bulle)
Source : chambre territoriale des comptes d’après les éléments fournis par les collectivités
En moyenne, ces personnes ont effectué 2,8 déplacements entre 2020 et 2024 pour un coût moyen de 0,8 MF CFP par voyage.
Les frais de déplacement sont des dépenses sensibles, sur lesquelles les citoyens attendent un effort particulier de maîtrise et de transparence de la part des élus, qui ont un devoir d’exemplarité en la matière. Sur la base des constats effectués, comme des exemples de bonnes pratiques en Australie, en Nouvelle-Zélande ou dans l’hexagone, la chambre propose plusieurs pistes. La chambre recommande tout d’abord aux collectivités de revoir les délibérations encadrant la prise en charge des frais de déplacement pour limiter l’usage de la classe affaire en avion et mettre en place un système de remboursement des nuitées et des frais de repas sur justificatifs et plafonnés.
La chambre recommande aussi, pour les déplacements les plus importants, notamment à l’extérieur du territoire, de développer la transparence en mettant en place pour les élus et personnels concernés l’obligation de rendre compte des résultats atteints pour chaque déplacement et en publiant régulièrement sur le site internet des collectivités des informations synthétiques sur le déroulé des déplacements et leurs coûts.
Certains remboursements sont réalisés alors que l’objet ou la durée du déplacement ne semble pas en cohérence avec l’intérêt général porté par la collectivité. La chambre note en particulier le poids financier des déplacements pour les discussions institutionnelles à Paris, ou pour être présent dans les instances des Nations Unies traitant de la question de la décolonisation qui ont représenté respectivement près de 19 % et près de 6,5 % des frais de déplacement des élus et de leurs collaborateurs entre 2021 et 2023.
Prise en charge des déplacements dans le cadre des discussions institutionnelles et devant les instances des Nations Unies
En F CFP | 2021 | 2022 | 2023 | |
Discussions institutionnelles à Paris | Congrès | 6 583 502 | 8 788 535 | 21 915 351 |
Gouvernement | 3 392 480 | 4 153 612 | 19 752 540 | |
Conseil économique, social et environnemental |
| 1 569 585 |
| |
Province Sud | 3 607 380 | 14 323 189 | 18 117 650 | |
Province des îles Loyauté | 876 635 | 1 299 075 | 5 260 878 | |
Province Nord | - | - | 4 711 932 | |
TOTAL | 14 459 997 | 30 133 996 | 69 758 351 | |
Déplacements devant les instances des Nations Unies | Congrès | 5 674 086 | 14 853 918 | 1 925 249 |
Gouvernement | 3 000 660 | 3 400 695 | 781 900 | |
Province Sud | 2 938 640 | 3 226 377 | 2 754 239 | |
Total | 11 613 386 | 21 480 990 | 5 461 388 | |
Source : chambre territoriale des comptes d’après les éléments fournis par les collectivités
Sans méconnaître l’importance politique de ces rendez-vous, la chambre estime que la Nouvelle-Calédonie et les provinces doivent cesser de rembourser des frais qui ne correspondent pas à l’intérêt général qu’elles portent. En outre, la chambre les invite à mettre en place une charte de déontologie et un référent déontologue pour les agents et les élus, le cas échéant mutualisé entre collectivités pour plus d’efficience, et à diffuser une information sur les obligations de déclaration à la haute autorité de la transparence pour la vie publique qui pèsent sur les représentants d’intérêts, y compris agissant pour le compte de mandants étrangers à compter du 1er juillet 2025.
La chambre formule donc un rappel du droit et six recommandations visant à assurer une plus grande maîtrise et transparence des frais de déplacement des élus de la Nouvelle-Calédonie et des provinces.
RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1. (Nouvelle-Calédonie, provinces, sénat coutumier, conseil économique, social et environnemental) Substituer les rencontres par visioconférence aux déplacements intérieurs chaque fois que cela est possible. (échéance 2026).
Recommandation n° 2. (Nouvelle-Calédonie, provinces) Réviser les conditions de prise en charge du transport et de remboursement des frais de nuitée et de repas des élus, des membres des institutions et des secrétariats généraux, que ce soit pour les déplacements intérieurs ou hors du territoire, en les soumettant à la fourniture de justificatifs de dépense, en en plafonnant le remboursement et en encadrant strictement le choix de la classe affaire pour les déplacements en avion. (échéance 2026).
Recommandation n° 3. (Nouvelle-Calédonie, provinces) Mettre en place une procédure obligatoire de compte-rendu des objectifs, du déroulé et des résultats des déplacements réalisés et publier une synthèse de ceux-ci et des dépenses engagées pour les déplacements les plus importants ou ceux effectués par les personnes en charges de certaines fonctions. (échéance 2026).
Recommandation n° 4. (Nouvelle-Calédonie, provinces) Cesser tout remboursement de frais liés à des déplacements ou missions qui ne sont pas réalisés dans le cadre d’un objectif ou projet d’intérêt général porté par la collectivité ou selon les procédures prévues, veiller à retenir les options les plus économiques et renforcer le contrôle des justificatifs. (échéance 2026).
Recommandation n° 5. (Nouvelle-Calédonie, provinces Nord et îles Loyauté) Mettre en place une charte de déontologie et un référent déontologue pour les élus et les agents. (échéance 2026).
Recommandation n° 6. (Nouvelle-Calédonie, provinces) Rappeler aux élus les dispositions applicables aux représentants d’intérêts. (échéance 2026).
RAPPEL DU DROIT
Rappel du droit n°1. (province des îles Loyauté) : Veiller au respect de l’instruction budgétaire et comptable M52 adaptée à la Nouvelle-Calédonie pour imputer les frais de déplacement. (échéance 2025).


