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Société d'économie mixte Marseille Aménagement - Relation avec la ville de Marseille

CRC PROVENCE-ALPES-CÔTE D'AZUR

Rapport d'observations définitives

SYNTHESE

La Société d’économie mixte Marseille Aménagement (SEMA), dont la majorité du capital est détenue à parts à peu près égales par la Caisse d’Epargne, la ville de Marseille, la communauté urbaine Marseille Provence Métropole et la Caisse des dépôts et consignations, a pour activité principale la gestion des mandats et des concessions qui lui ont été confiés par la ville de Marseille et plus accessoirement par MPM.

Elle est liée au travers d’un GIE à la Société publique locale SOLEAM créée en 2009 par la ville de Marseille et dont MPM est devenue par la suite actionnaire.

LA GOUVERNANCE

La SEMA se caractérise par un mode de gouvernance déséquilibré, qui donne la prééminence au directeur général face à un conseil d’administration faible où les collectivités locales actionnaires sont peu présentes. La communauté urbaine en a été absente pendant plus de 5 ans et le maire de Marseille n’a présidé aucun des conseils entre 2000 et 2008, ni aucune des assemblées générales.

Le conseil d’administration n’est pas saisi des conventions signées par la SEMA avec ses deux principaux actionnaires publics et ne décide que très rarement et sur la base d’informations insuffisantes.

LES CONCESSIONS

La part importante des rémunérations forfaitaires était une source de fragilité pour la société qui s’est concrétisée en 2010 avec la perte de plus d’un million d’euros sur les Périmètres de restauration immobilière Thubaneau, Panier et Centre-ville, suite à leur clôture.

La ville de Marseille a choisi à plusieurs reprises la solution d’un financement de ses opérations par l’emprunt. Elle s’est ainsi endettée par l’intermédiaire de la SEMA pour près de 26 M€, mais sans que cela n’apparaisse dans ses comptes.

L’ACTIVITE

Plusieurs opérations font l’objet de prolongations, pour des périodes parfois longues. Il conviendrait donc de mieux définir, au départ, la durée des opérations.

La chambre a étudié plus en détail trois opérations en raison notamment de leurs enjeux financiers.

Le contenu et l’objet de la concession d’aménagement de la Capelette, réattribuée en 1996 à la société Marseille Aménagement, ont été profondément bouleversés par plusieurs avenants. Son périmètre a ainsi été multiplié par 4 et sa durée est passée de 6 à 20 ans. Pourtant ces extensions successives n’ont été précédées d’aucune réflexion stratégique et opérationnelle sérieuse afin de définir les objectifs d’une opération majeure pour la ville de Marseille, dont la participation prévisionnelle est passée de 9,48 M€ à 56,8 M€.

Le taux de réalisation au 31 décembre 2010 de la ZAC Capelette, dont le périmètre ne correspond pas totalement à celui de la concession, est faible. Les dépenses prévues n’ont été réalisées qu’à concurrence de 21 %. Alors que le budget foncier a été réalisé à 37 %, les travaux n’ont pratiquement pas été réalisés (6 %) et les recettes seulement à concurrence de 12,7 %. De même la participation du concédant estimée à 45 M€ n’a été appelée qu’à concurrence de 22 % soit environ 10 M€.

Au 31 décembre 2010, le retard de la ZAC Capelette génère un besoin de financement de 12,47 M€, ce qui induit un risque financier supplémentaire pour la ville.

Ce retard s’explique en partie par l’impasse faite sur le problème du déplacement du centre de transfert des déchets urbains implanté face au Palais omnisport de Marseille grand-Est, qui conditionne la réalisation de plusieurs équipements indispensables au désenclavement et au développement de la ZAC : un système de transport en commun en site propre et la voirie nécessaire à la desserte interne du quartier. A ce jour, faute de solution adéquate, ce déplacement semble abandonné.

La chambre constate par ailleurs que les cessions de terrains à des promoteurs ne sont pas encadrées par une procédure permettant de garantir une valorisation optimale de ces biens.

Le Palais omnisport de Marseille grand-Est (POMGE) est un équipement public de 12 000 m² composé d’une patinoire à deux pistes et d’un skatepark intérieur. La décision de le construire a été prise sans réflexion suffisante sur sa fréquentation potentielle et son coût d’exploitation, et sans que la question de sa desserte ne soit résolue.

La société Laser occupait une partie de son terrain d’assiette sur la base d’un bail précaire. Réseau ferré de France, propriétaire du terrain, n’ayant pas réussi à le libérer de cette occupation, Marseille Aménagement a accepté de verser une indemnité de 2 M€, dix fois plus élevée que l’indemnité conventionnelle maximale à laquelle Laser avait normalement droit. Ce montant a été arrêté sur la base du rapport d’un expert qui a conclu de manière expéditive à l’existence d’un bail commercial, bail que les parties ont ensuite conclu à titre rétroactif.

Le coût de la construction (56,7 M€, coûts indirects compris), a été relativement bien maîtrisé. En revanche, même si le nombre d’entrées grand public payantes est conforme aux attentes, la fréquentation globale est inférieure en 2010 à la fréquentation attendue, et connaît une baisse sensible en 2011. L’insuffisance de fréquentation est en partie imputable à la ville de Marseille, qui devait promouvoir l’usage du palais omnisport auprès de l’éducation nationale et de ses propres services. La gestion de l’activité évènementielle par le régisseur intéressé a été également défaillante, puisqu’il n’a encaissé que moins de 20 % des recettes prévisionnelles sur cette activité qui représentait 22 % des produits estimés. Le coût réel pour le contribuable marseillais d’une entrée au palais omnisport de Marseille grand-Est est estimé par la chambre à 17 €. L’utilisateur ne paye donc au mieux que moins d’un tiers du coût réel du service. Un tel niveau de subventionnement, sans être anormal, aurait dû être mieux anticipé par la ville de Marseille avant de prendre la décision de construire cet équipement.

Les opérations confiées à Marseille Aménagement dans le cadre de la réhabilitation du centre-ville de Marseille ce sont déroulées dans le cadre de Périmètres de restauration immobilière (PRI) et d’Opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH).

Les Périmètres de restauration immobilière

Les trois PRI (Panier Vieille Charité, Thubaneau et Centre-ville) ont été lancés entre 1993 et 1995 et se sont étendus sur des durées longues, comprises entre 14 et 19 années, du fait notamment de la décision tardive de mettre en œuvre la procédure des expropriations. Ces opérations ne sont cependant toujours pas achevées et ont été en partie reportées et prolongées, avant même que leurs bilans de clôture ne soient arrêtés, dans le cadre de l’opération grand centre-ville (OGCV) conduite par la SOLEAM.

Pour les trois PRI, la subvention d’équilibre de la ville atteint 49,35 M€, soit 45 % des dépenses (109,38 M€), selon les bilans provisoires établis par Marseille Aménagement au 31 décembre 2010. Pour le PRI Thubaneau, ce taux atteint même 62 % si l’on prend en compte la réalisation du mémorial de la Marseillaise. Au total le coût pour la ville s’élève à 60 M€ puisqu’il convient d’ajouter à la subvention d’équilibre le coût du rachat par la ville des biens qui appartenaient encore à Marseille aménagement à la clôture des concessions.

Les acquisitions, premier poste de dépenses, ont atteint 45,5 M€ pour les trois PRI. . Les reventes de ces logements ont été réalisées majoritairement par l’intermédiaire de commercialisateurs, choisis par Marseille Aménagement sans appel à la concurrence, alors que la réglementation l’imposait pourtant. Ces commercialisateurs ont perçu 4,8 M€ de commissions qui ont alourdit le déficit des opérations, comblé par la ville.

Les reventes opérées directement par Marseille Aménagement ont été réalisées dans un cadre informel qui ne permet pas de garantir que tous les acheteurs potentiels aient bien été informés des projets de cessions et que les intérêts de la ville aient été optimisés.

Une grande partie de ce patrimoine acquis par la SEMA restait encore sa propriété à la clôture des concessions, avec de nombreux logements vacants et non réhabilités alors qu’elle les possède souvent depuis de très nombreuses années, notamment ceux apportés par Marseille Habitat en octobre 1996 et août 1999. Ainsi, pour le PRI Centre-Ville, seules 31 adresses sur 63 faisaient l’objet de baux ; pour le Panier, seulement 15 adresses sur 59 étaient louées.

Cette action foncière de Marseille Aménagement a porté sur 26 % des logements réhabilités. Elle a été d’un coût élevé. Il se monte en effet à 514 € par m², déduction faite de recettes de commercialisation des logements. De surcroît, ce coût n’intègre pas les dépenses de restauration immobilière supportées par les acquéreurs.

Globalement, les PRI n’ont atteint que partiellement leurs objectifs. Ainsi 40 % des logements qui devaient être réhabilités dans les PRI Centre-ville et Thubaneau, n’avaient toujours pas fait l’objet de travaux à la date du 31 décembre 2009.

Alors que le contrôle des travaux réalisés par les propriétaires relève clairement, aux termes de la convention, de la compétence du concessionnaire, aucun document n’atteste de contrôles réalisés par la SEMA ou par l’architecte mandaté par la ville.

En l’absence de diagnostic physique des opérations d’amélioration, il s’avère impossible de dresser un bilan des travaux réalisés pour l’amélioration des parties communes et la mise aux normes des parties privatives et donc d’apprécier l’effectivité et la qualité de la restauration immobilière opérée.

Enfin, deux opérations confiées à Marseille Aménagement au titre de ces concessions, n’entraient pas dans ce cadre : la construction de bureaux Bd d’Athènes pour un syndicat, opération conduite sans base légale et la réalisation du mémorial de la Marseillaise qui aurait dû être effectuée sous le régime d’un mandat.

La communauté urbaine est peu présente dans les opérations de rénovation immobilière et d’amélioration de l’habitat, alors qu’elle dispose de compétences obligatoires dans divers domaines (habitat, logement social, urbanisme et voirie en particulier) concernés par les opérations conduites sur le centre-ville de Marseille. Dans certains cas, elle a même délégué à la ville, à Marseille Aménagement ou à la SOLEAM l’exercice de ses propres compétences (cas du droit de préemption urbain renforcé).

Les Opérations programmées d’amélioration de l’habitat

Marseille Aménagement est également intervenue dans le cadre des OPAH République et Centre-ville.

Pour la première, elle a joué un rôle de prestataire de service dans le cadre d’un marché initial de 2002 prorogé plusieurs fois. Le périmètre d’intervention de l’équipe d’animation gérée par Marseille Aménagement a été diminué de 36 % dès 2004, ce qui constituait une modification de l’objet même du marché. Un avenant aurait été nécessaire afin notamment d’ajuster la rémunération de l’équipe d’animation en conséquence.

Comme pour les PRI, Marseille Aménagement n’a pu apporter la preuve d’un contrôle effectif des travaux réalisés par les propriétaires.

L’AVENIR DE MARSEILLE AMENAGEMENT

L’avenir de Marseille Aménagement est étroitement dépendant de la place qu’occupera la SEMA dans le montage qui comprend désormais la SOLEAM et le GIE dont les deux sociétés sont membres. La chambre constate que ce montage est lourd et complexe et qu’il pourrait ne pas atteindre son but qui est de permettre à la ville de Marseille de continuer à attribuer des opérations d’aménagement sans mise en concurrence. Il existe en effet des risques importants de voir ce dispositif considéré comme un contournement de la jurisprudence européenne sur le in house qui interdit désormais aux collectivités locales de confier, sans mise en concurrence préalable, des prestations à leurs sociétés d’économie mixte.

Ce montage est cependant présenté aujourd’hui comme transitoire, contrairement aux annonces dont il a fait l’objet à l’origine. Les différents partenaires concernés ont indiqué qu’il allait probablement évoluer. Les risques mis en exergue par la chambre ont donc été pris en compte, mais seule la connaissance de l’organisation nouvelle effectivement mise en place permettra de s’en assurer.
 
RECOMMANDATIONS A LA VILLE DE MARSEILLE

Recommandation n° 1
1-1 Verser des avances suffisantes pour la réalisation de ses concessions
1-2 Mettre en place un suivi des besoins de financement de ses concessions

Recommandation n° 2
Corriger l’insuffisance d’amortissement constatée au titre des années 2010 et 2011 dans le budget annexe du POMGE.