Sort by *
Publications

Publications

Les missions de service public du groupe La Poste

COUR DES COMPTES

L’audit flash présenté ce jour porte sur les missions de service public confiées à La Poste. Alors que le montant de leur financement par l’État a très fortement augmenté, il vise à éclairer les négociateurs du contrat d’entreprise 2023-2027. Le groupe La Poste est une société anonyme dont l’actionnariat est constitué de la Caisse des dépôts et consignations (66 %) et de l’État (34 %). Avec un chiffre d’affaires de 34 Md€ en 2021, le groupe a connu ces dernières années une forte croissance de son activité, de 41 % entre 2017 et 2021, principalement tirée par des acquisitions externes. Avec 245 000 collaborateurs, ce groupe s’impose comme le deuxième employeur public de France et incarne un service public présent sur tout le territoire, grâce à son réseau et ses 65 000 facteurs.

Un coût croissant et un pilotage perfectible des missions de service public

Le législateur a confié au groupe La Poste quatre missions de service public : le service universel postal (plus de 7 milliards de courriers et 500 millions de colis ont été acheminés en 2021), le transport et la distribution de la presse, l’aménagement du territoire et l’accessibilité bancaire. Ces missions mobilisent environ un quart des ressources du groupe pour apporter des services quotidiens. En comparaison des autres opérateurs postaux européens, les missions de service public confiées au groupe La Poste sont à la fois plus nombreuses et plus exigeantes, avec notamment plus de jours de distribution du courrier et plus de points d’accueil. Ces missions de service public sont soumises au droit européen de la concurrence qui autorise la France à verser une compensation financière au groupe La Poste pour couvrir tout ou partie des coûts qu’elles entraînent. Jusqu’en 2021, trois d’entre elles faisaient l’objet d’une compensation. Avec le versement d’une compensation au titre du service universel postal à partir de 2021, le montant total de ces compensations a presque doublé, passant de 634 M€ en 2017 à 1,1 Md€ en 2021. Après versement des compensations, le groupe La Poste accuse sur ses quatre missions de service public un écart au « coût net » [notion issue du droit européen qui représente l’écart entre la marge, positive ou négative] de plus de 1,4 Md€ selon l’autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de distribution de la presse (Arcep), et un déficit de couverture de ses charges de 571 M€ selon les estimations de La Poste.

Une redéfinition nécessaire des missions de service public en dépit des réformes récentes

Les conditions d’exécution des missions de service public sont précisées dans le cadre du contrat d’entreprise conclu entre l’État et La Poste qui fixe le montant des compensations et détermine les objectifs de qualité de service assignés à l’opérateur. Chaque mission fait l’objet d’un pilotage et d’un suivi spécifiques, associant les parties prenantes concernées. La Cour constate que la hausse de l’effort financier consenti par l’État ne s’est pas systématiquement accompagnée d’un renforcement des exigences de qualité de service en 2021 et 2022 sur l’ensemble de ces missions, alors même que le Premier ministre en avait fait une contrepartie de l’octroi de la compensation au titre du service universel postal.

L’État et La Poste ont engagé au cours des deux dernières années d’importantes réformes. La réforme du service universel postal, entrée en vigueur au 1er janvier 2023, avec la suppression de la lettre prioritaire ainsi que les autres efforts de productivité du groupe La Poste, devraient permettre de générer un gain de 600 M€ en année pleine à l’horizon 2025. La réforme de 2022 de la mission de transport et de distribution de la presse devrait se traduire par une réduction de 200 M€ du déficit de la mission. Ces deux réformes doivent permettre de stabiliser le déficit constaté par La Poste d’ici à 2025 et le montant des compensations versées par l’État devrait légèrement diminuer - de 1,1 Md€ en 2021 à 1 Md€ en 2025.

Toutefois, la Cour note que la poursuite de la baisse du volume de courrier, du nombre d’exemplaires de presse distribués et de la fréquentation des points de contact postaux devrait creuser à nouveau fortement le déficit entre 2025 et 2030. Face à ce défi, l’augmentation du montant des compensations ne saurait être la solution. Une redéfinition profonde du cadre et du contenu de ces missions est nécessaire.

Compte tenu des enjeux économiques, sociaux et territoriaux liés à ces missions de service public, ces réformes doivent être anticipées en vue de l’échéance de 2025, date à laquelle le mandat accordé à La Poste pour l’exercice du service universel postal arrivera à son terme et devra être réattribué par la loi.