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Le contrôle budgétaire au ministère des armées : premier bilan de l'expérimentation

COUR DES COMPTES

Le ministère des armées s’est inscrit dans la démarche d’allègement du contrôle budgétaire et de responsabilisation des gestionnaires publics initiée depuis 2018 par le comité interministériel à la transformation publique. Dans ce contexte, il a engagé en 2022 et 2023 une expérimentation visant à internaliser au sein de la direction des affaires financières (DAF) les activités de contrôle budgétaire des dépenses du ministère, à l’exception de celles des opérateurs sous tutelle. Cette expérimentation porte sur des masses financières importantes : 54,8 Md€ de crédits de paiement ont été consommés sur la mission budgétaire Défense en 2023. Elle intervient sur un domaine des dépenses publiques qui présente des risques importants de soutenabilité budgétaire. Ainsi, à la fin de l’année 2022, les restes à payer sur la mission budgétaire Défense – c’est-à-dire les autorisations d’engagement consommées n’ayant pas encore donné lieu à des paiements – s’élevaient à 92 Md€. Enfin cette expérimentation s’inscrit dans la logique de la LOLF du 1er août 2001 qui visait à renforcer la responsabilité des gestionnaires publics. Le présent audit flash a pour objet de dresser un bilan de cette expérimentation.

Des résultats encourageants à renforcer en termes de continuité et de fluidité du service

En 2022 et en 2023, la DAF a assuré l’internalisation du contrôle budgétaire, auparavant effectué par le contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM). La mission a été reprise avec efficacité par le ministère des armées : les délais de contrôle et le volume des observations formulées sont comparables à ce qu’ils étaient avant l’expérimentation. Plusieurs facteurs ont permis ces résultats. Le premier tient à l’effectif de contrôleurs budgétaires suffisant, en nombre et en compétences, pour assurer la mission. Le transfert en 2022 des agents servant auparavant auprès du CBCM a grandement contribué à la réussite de l’expérimentation. Le second facteur repose sur la confiance entre les acteurs de la chaîne budgétaire. La Cour préconise en conséquence d’alléger le formalisme de la documentation demandée par la direction du budget et de rétablir le lien entre le contrôle budgétaire et le contrôle comptable relevant de la DGFiP. Avant d’envisager de pérenniser la nouvelle organisation, il conviendra d’effectuer en 2024un bilan complet de l’expérimentation. Si l’internalisation du contrôle budgétaire à la DAF était confirmée, il serait utile de prévoir une clause de réexamen dans cinq ans, afin de tirer un retour d’expérience qui pourrait aussi bénéficier aux autres ministères qui envisageraient également de se voir déléguer le contrôle budgétaire exercé par leur CBCM.

Des contrôles à renforcer pour tirer les conséquences de la nouvelle organisation

Le renforcement des contrôles doit concerner en premier lieu les principales zones de risques budgétaires, à savoir : la soutenabilité des investissements pluriannuels, la gestion des restes à payer qui en résulte, et la maîtrise de la masse salariale. La DAF doit poursuivre les actions engagées afin de mieux maîtriser la soutenabilité budgétaire, mais aussi s’appuyer sur les entités du ministère disposant de la meilleure expertise en la matière. Ainsi il paraît souhaitable que la DAF continue de s’appuyer sur la DRH du ministère des armées pour le contrôle de certains actes budgétaires de masse salariale. De même, le rehaussement à 100 M€ du seuil de contrôle a priori des actes du programme budgétaire 146 « équipement des forces » constitue une délégation de fait du contrôle à la DGA, laquelle a dû renforcer en conséquence son contrôle interne financier. Le renforcement des contrôles doit aussi se matérialiser par une amélioration qualitative des contrôles a posteriori, notamment à travers l’examen plus effectif des suites données par les gestionnaires aux observations des contrôles a priori qui concernent environ le tiers des actes visés. Il est aussi nécessaire que la direction du budget s’organise pour auditer le contrôle budgétaire désormais effectué pour son compte par la DAF au ministère des armées.

Une responsabilisation accrue des gestionnaires publics

Cette expérimentation de l’internalisation du contrôle budgétaire au sein de la DAF du ministère des armées n’est pas sans conséquence sur le nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics entré en vigueur en 2023. Au titre de son autorité fonctionnelle, la DAF doit accompagner les gestionnaires dans les actions qu’ils doivent mettre en place, notamment en matière de contrôle interne financier, pour préserver leur responsabilité. Ceci concerne plus particulièrement les domaines qui, du fait du caractère pluriannuel des dépenses concernées, présentent le plus de risques en matière de soutenabilité budgétaire : les responsables des budgets opérationnels de programme (BOP) du programme 146 « équipement des forces » à la DGA, du programme 178 « préparation et d’emploi des forces » à l’état-major des armées (EMA), dans les états-majors d’armées et les directions et services interarmées (DSIA), ainsi que le BOP relevant du service d’infrastructure de la défense (SID) du programme 212 « soutien de la politique de défense ». Il est dès lors indispensable que les gestionnaires publics répondent systématiquement par écrit aux observations formulées lors du contrôle budgétaire a priori, charge à la DAF de leur faire un retour sur le caractère adéquat de leur réponse.