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Les mesures exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie

COUR DES COMPTES

À partir du second semestre 2021, les prix de l’énergie ont entamé une remontée avec la reprise économique mondiale post-covid. La hausse s’est accélérée au printemps 2022 en Europe, après le déclenchement de la guerre en Ukraine. Du fait des mécanismes de fixation des prix sur les marchés de gros européens de l’électricité, qui répercutent les hausses conjoncturelles des prix de gros du gaz, il s’en est suivi une très forte augmentation des prix de gros de l’électricité dans la plupart des pays européens. Cette envolée des prix de gros ouvrait la voie à des hausses massives des prix de détail et justifiait donc des interventions publiques exceptionnelles. Alors que les prix du pétrole et de l’électricité restaient élevés en 2023, et que certaines mesures exceptionnelles ont été, en France, prolongées jusqu’en 2024, la Cour s’est attachée à établir un bilan provisoire des mesures prises notamment en termes de modalités de mise en œuvre, d’effets sur les clients finals et sur les finances publiques et enfin d’articulation avec les politiques énergétiques de plus long terme.

En réponse à une crise inédite, un déploiement foisonnant de mesures exceptionnelles

En réponse à la hausse des prix de l’énergie, la France a adopté des mesures exceptionnelles visant à protéger les ménages et les clients professionnels. Élaborées dans l’urgence et ajustées au fil du temps, ces mesures accumulent près de 25 dispositifs aux caractéristiques très diverses. Elles sont majoritairement destinées aux ménages et, pour l’essentiel, non ciblées en fonction des revenus des bénéficiaires. Les fournisseurs d’énergie ou les distributeurs de carburant ayant mis en œuvre les principaux dispositifs ont hérité d’une partie de la charge administrative des décisions prises par l’État. Cette mise en œuvre intermédiée pose question en termes de complète répercussion des soutiens publics, avec le risque qu’une partie des aides ne se traduise pas par des baisses de prix et permettent au contraire de surcompenser la hausse initiale des prix. Ces risques sont notamment présents pour certaines périodes d’application des boucliers tarifaires ainsi que pour la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité intervenue début 2022. Ils appellent un renforcement des contrôles de la part de la Commission de régulation de l’énergie et l’Agence de services et de paiement.

Une protection significative, au prix d’une dépense budgétaire élevée

Les mesures de réduction des hausses de prix de l’électricité, du gaz et des carburants ont permis aux ménages français de bénéficier de prix en moyenne plus bas que leurs voisins européens. Par ailleurs, si les dispositifs de soutien au paiement des factures pour les entreprises les plus énergivores apparaissent généreux, les clients professionnels ont toutefois fait face, début 2023, à des prix de l’électricité plus élevés que chez nos principaux voisins. D’un point de vue macro-économique, les boucliers tarifaires, dont le coût brut atteindrait près de 72 Md€, ont eu un impact positif sur les prix et le PIB, malgré une détérioration de la situation des finances publiques. L’État peut compter par ailleurs sur l’effet des hausses de prix de gros sur les charges de service public de l’énergie et sur les redevances des concessions hydro-électriques pour réduire son besoin de financement. Il bénéficie aussi de 4,5 Md€ de recettes tirées de contributions sur les marges bénéficiaires des producteurs d’électricité et des acteurs du secteur pétrolier. Les protections apportées aux consommateurs d’énergie se traduiraient ainsi par un besoin de financement net de l’État atteignant 36 Md€ sur les années 2021 à 2024.

Des mesures qui pallient imparfaitement les insuffisances de la régulation publique du marché de l’électricité

La protection des clients finals contre des prix de l’électricité trop élevés passe par une régulation publique qui vise à ce que les prix de détail reflètent les fondamentaux des coûts de production nationaux et notamment la compétitivité du parc nucléaire existant. Toutefois, les défauts de mise en œuvre de cette régulation n’ont pas permis d’atteindre cet objectif dans le contexte de forte hausse des prix de gros. Et les mesures exceptionnelles mise en œuvre ont imparfaitement pallié ces défauts. La Cour pointe que ces mesures, au titre de 2022 et 2023, ont laissé d’un côté plus de 30 Md€ de marges bénéficiaires nettes répartis entre les acteurs des marchés de gros – producteurs, fournisseurs, négociants et intermédiaires de marché –, et de l’autre un coût net de près de 9 Md€ pour les finances publiques. Au final, l’État a cherché à limiter le coût budgétaire net du bouclier en augmentant les prix payés par le consommateur bien au-delà des coûts de production nationaux. La crise récente des prix de l’énergie a ainsi mis en évidence l’incapacité de l’État à mettre en place un dispositif garantissant aux consommateurs d’électricité des prix en ligne avec les coûts de production nationaux. Ce constat invite à une vigilance particulière dans la définition de la future régulation de la production nucléaire, afin de garantir la protection des clients finals face aux écarts entre prix de marché et coûts de production.

Un soutien aux énergies fossiles contraire aux objectifs de la transition énergétique

Les mesures de lutte contre la hausse des prix du gaz et des carburants mises en place en 2021 et 2022 ont soutenus la consommation d’énergie carbonées, pour un coût budgétaire de plus de 17 Md€. Or, la consommation de gaz et de carburants pétroliers est aujourd’hui sous-tarifée au regard de son effet en termes d’émission de CO2. Ce constat rappelle l’intérêt de maintenir un signal-prix sur les consommations de ces produits énergétiques. À cet égard, la sortie des boucliers tarifaires semble une bonne occasion pour définir des principes de fixation des tarifs d’accises respectifs de la consommation de gaz et d’électricité, tenant notamment compte des besoins d’internalisation des coûts d’émissions de gaz à effet de serre (GES) propres à chaque produit énergétique.

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