COMMUNIQUÉ DE PRESSE
15 mars 2024
Rapport public thématique
LES MESURES EXCEPTIONNELLES DE LUTTE
CONTRE LA HAUSSE DES PRIX DE L’ÉNERGIE
À partir du second semestre 2021, les prix de l’énergie ont entamé une remontée avec la
reprise économique mondiale post-covid. La hausse s’est accélérée au printemps 2022 en
Europe, après le déclenchement de la guerre en Ukraine. Du fait des mécanismes de fixation
des prix sur les marchés de gros européens de l’électricité, qui répercutent les hausses
conjoncturelles des prix de gros du gaz, il s’en est suivi une très forte augmentation des prix
de gros de l’électricité dans la plupart des pays européens. Cette envolée des prix de gros
ouvrait la voie à des hausses massives des prix de détail et justifiait donc des interventions
publiques exceptionnelles. Alors que les prix du pétrole et de l’électricité restaient élevés
en 2023, et que certaines mesures exceptionnelles ont été, en France, prolongées jusqu’en
2024, la Cour s’est attachée à établir un bilan provisoire des mesures prises notamment en
termes de modalités de mise en
œ
uvre, d’effets sur les clients finals et sur les finances
publiques et enfin d’articulation avec les politiques énergétiques de plus long terme.
En réponse à une crise inédite, un déploiement foisonnant de mesures exceptionnelles
En réponse à la hausse des prix de l’énergie, la France a adopté des mesures exceptionnelles
visant à protéger les ménages et les clients professionnels. Élaborées dans l’urgence et ajustées
au fil du temps, ces mesures accumulent près de 25 dispositifs aux caractéristiques très
diverses. Elles sont majoritairement destinées aux ménages et, pour l’essentiel, non ciblées en
fonction des revenus des bénéficiaires. Les fournisseurs d’énergie ou les distributeurs de
carburant ayant mis en
œ
uvre les principaux dispositifs ont hérité d’une partie de la charge
administrative des décisions prises par l’État. Cette mise en
œ
uvre intermédiée pose question
en termes de complète répercussion des soutiens publics, avec le risque qu’une partie des aides
ne se traduise pas par des baisses de prix et permettent au contraire de surcompenser la hausse
initiale des prix. Ces risques sont notamment présents pour certaines périodes d’application
des boucliers tarifaires ainsi que pour la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale
d’électricité intervenue début 2022. Ils appellent un renforcement des contrôles de la part de
la Commission de régulation de l’énergie et l’Agence de services et de paiement.
Une protection significative, au prix d’une dépense budgétaire élevée
Les mesures de réduction des hausses de prix de l’électricité, du gaz et des carburants ont
permis aux ménages français de bénéficier de prix en moyenne plus bas que leurs voisins
européens. Par ailleurs, si les dispositifs de soutien au paiement des factures pour les
entreprises les plus énergivores apparaissent généreux, les clients professionnels ont toutefois
fait face, début 2023, à des prix de l’électricité plus élevés que chez nos principaux voisins. D’un
point de vue macro-économique, les boucliers tarifaires, dont le coût brut atteindrait près de
72 Md
€
, ont eu un impact positif sur les prix et le PIB, malgré une détérioration de la situation
des finances publiques. L’État peut compter par ailleurs sur l’effet des hausses de prix de gros
sur les charges de service public de l’énergie et sur les redevances des concessions hydro-
électriques pour réduire son besoin de financement. Il bénéficie aussi de 4,5 Md
€
de recettes
tirées de contributions sur les marges bénéficiaires des producteurs d’électricité et des acteurs
du secteur pétrolier. Les protections apportées aux consommateurs d’énergie se traduiraient
ainsi par un besoin de financement net de l’État atteignant 36 Md
€
sur les années 2021 à 2024.
Des mesures qui pallient imparfaitement les insuffisances de la régulation publique du
marché de l’électricité
La protection des clients finals contre des prix de l’électricité trop élevés passe par une
régulation publique qui vise à ce que les prix de détail reflètent les fondamentaux des coûts de
production nationaux et notamment la compétitivité du parc nucléaire existant. Toutefois, les
défauts de mise en
œ
uvre de cette régulation n’ont pas permis d’atteindre cet objectif dans le
contexte de forte hausse des prix de gros. Et les mesures exceptionnelles mise en
œ
uvre ont
imparfaitement pallié ces défauts. La Cour pointe que ces mesures, au titre de 2022 et 2023,
ont laissé d’un côté plus de 30 Md
€
de marges bénéficiaires nettes répartis entre les acteurs
des marchés de gros – producteurs, fournisseurs, négociants et intermédiaires de marché –, et
de l’autre un coût net de près de 9 Md
€
pour les finances publiques. Au final, l’État a cherché
à limiter le coût budgétaire net du bouclier en augmentant les prix payés par le consommateur
bien au-delà des coûts de production nationaux. La crise récente des prix de l’énergie a ainsi
mis en évidence l’incapacité de l’État à mettre en place un dispositif garantissant aux
consommateurs d’électricité des prix en ligne avec les coûts de production nationaux. Ce
constat invite à une vigilance particulière dans la définition de la future régulation de la
production nucléaire, afin de garantir la protection des clients finals face aux écarts entre prix
de marché et coûts de production.
Un soutien aux énergies fossiles contraire aux objectifs de la transition énergétique
Les mesures de lutte contre la hausse des prix du gaz et des carburants mises en place en 2021
et 2022 ont soutenus la consommation d’énergie carbonées, pour un coût budgétaire de plus
de 17 Md
€
. Or, la consommation de gaz et de carburants pétroliers est aujourd’hui sous-tarifée
au regard de son effet en termes d’émission de CO2. Ce constat rappelle l’intérêt de maintenir
un signal-prix sur les consommations de ces produits énergétiques. À cet égard, la sortie des
boucliers tarifaires semble une bonne occasion pour définir des principes de fixation des tarifs
d’accises respectifs de la consommation de gaz et d’électricité, tenant notamment compte des
besoins d’internalisation des coûts d’émissions de gaz à effet de serre (GES) propres à chaque
produit énergétique.
Lire le rapport
CONTACTS PRESSE :
Julie Poissier
Responsable du pôle médias & réseaux sociaux
T
06 87 36 52 21
julie.poissier@ccomptes.fr
Sarah Gay
Chargée des relations presse
T
06 50 86 91 83
sarah.gay@ccomptes.fr
@Courdescomptes
ccomptes
Cour des comptes
Cour des comptes