RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS,
ORGANISMES ET PERSONNES CONCERNÉS
LES MESURES
EXCEPTIONNELLES
DE LUTTE CONTRE
LA HAUSSE DES
PRIX DE L’ÉNERGIE
Rapport public thématique
Mars 2024
•
Les mesures exceptionnelles de lutte contre la hausse des prix de l’énergie - mars 2024
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Réponses des
administrations,
organismes et personnes concernés
Réponse reçue
à la date de la publication (15/03/2024)
Réponse de la présidente de la commission de régulation de l’énergie
......
4
Réponse reçue après la date de publication
Réponse du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique
.................................................................................
9
Destinataire n’ayant pas d’observation
Monsieur le président-
directeur général de l’agence de services et de
paiement (ASP)
Destinataire n’ayant pas répondu
Monsieur le ministre de la transition écologique et de la cohésion des
territoires
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RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DE LA COMMISSION DE
RÉGULATION DE L’ÉNER
GIE
La CRE tient d'abord à saluer la qualité et la profondeur du travail
réalisé par la Cour. Les analyses figurant dans le rapport thématique sont
d'une grande qualité et apportent une vision d'ensemble précieuse sur les
mesures prises pendant la crise de 2022-2023 et les leçons à tirer de cette
crise. La CRE remercie également la Cour pour la qualité des échanges
lors de son audition et des échanges techniques, et pour l'attention qui a
été portée à ses commentaires écrits.
La double crise simultanée, du gaz au niveau européen et de la
production nucléaire au niveau français, a été d'une
ampleur
exceptionnelle, impossible à anticiper. Le système énergétique européen
dans son ensemble n'était pas préparé à une telle crise. Le marché intérieur
européen de l'énergie et une bonne partie des mécanismes de régulation
existants en France n'étaient pas conçus pour faire face à une crise
d'approvisionnement d'une telle ampleur. Les mesures ont été prises dans
l'urgence au fur et à mesure du développement de la crise, tant au niveau
européen que national. Elles étaient donc nécessairement imparfaites, et
la démarche de contrôle doit veiller à intégrer dans ses analyses la
situation de réaction dans l'urgence et sans visibilité, en évitant une lecture
a posteriori qui ignorerait l'enchainement et l'imprévisibilité des
événements.
Au vu de l'ampleur inédite de cette crise, la CRE considère que la
réaction de l'Union européenne et de l'État français ont été dans l'ensemble
d'une remarquable efficacité. Les principales mesures adoptées dans des
délais très courts ont permis d'assurer la sécurité d'approvisionnement en
gaz, grâce notamment à la baisse de la consommation et à l'arrivée
massive du GNL. Les interconnexions avec nos voisins européens ont
également joué à plein pour assurer l'approvisionnement gazier et
électrique. À titre d'illustration, la France a exporté du gaz vers
('Allemagne à partir d'octobre 2022 et l'Allemagne a exporté de
l'électricité vers la France pendant l'hiver 2022-2023. Par la suite, les
revenus excédentaires des producteurs d'électricité décarbonée ont été
taxés à 90 %, afin de financer les mesures de protection des
consommateurs d'électricité. En outre, les dispositifs dans l'ensemble
symétriques dont bénéficient les filières renouvelables soutenues par l'État
ont apporté des contributions nettes importantes au budget de l'État.
L'ensemble de ces mesures ont permis d'une part une sortie rapide
de
la
crise
d'approvisionnement,
d'autre
part
de
protéger
les
consommateurs européens de hausses de facture trop fortes.
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En France, les consommateurs d'électricité ont bénéficié de prix
largement moins élevés que dans les États membres comparables,
l'ARENH (y compris son augmentation ponctuelle de 20 TWh en 2022)
ayant joué un rôle majeur de protection des consommateurs, toutes
catégories confondues, pendant cette crise. Le rapport de la CRE sur le
fonctionnement du marché de détail, publié le 7 novembre 2023, souligne
que les fournisseurs ont, d'une part assuré la bonne répercussion des aides
de l'État et d'autre part honoré, à de très rares exceptions près, les contrats
pluriannuels à prix fixes signés avant la crise à des prix bas.
Enfin, la CRE remarque que les dispositifs de protection des
consommateurs sont de deux natures différentes :
-
des dispositifs de soutien direct au consommateur (post marché) et qui
s'apparentent à des aides directes (par exemple les chèques énergie).
Ces dispositifs interviennent postérieurement à la facturation par les
fournisseurs de l'énergie fournie. Si elles assurent un bénéfice direct
et intégral du soutien public au consommateur, elles nécessitent (hors
dispositif d'accise directe sur la consommation énergétique comme la
réduction de la TICFE) la mise en œ
uvre et l'activation de dispositifs
de ciblage et de gestion en lien direct avec l'ensemble des
consommateurs ;
-
des dispositifs passant par le marché et les fournisseurs, de type
ARENH+ ou boucliers tarifaires. Ces dispositifs sont intégrés à la
formation des prix de vente aux clients finals et sont donc compatibles
avec un déploiement rapide à grande échelle. La France a fait le choix
de dimensionner au mieux les aides en évitant tout effet d'aubaine
pour les consommateurs (pas de réductions de prix pour les clients
bénéficiant déjà de prix bas) ou les fournisseurs (pas de compensation
pour les fournisseurs capables de financer les réductions de prix sur
leurs marges grâce à des coûts d'approvisionnement faibles). Ce choix
vertueux oblige à dimensionner les aides en fonction des contrats de
fourniture des consommateurs et des coûts d'approvisionnement des
fournisseurs, au prix d’une grande complexité, notamment pur la CRE
et les fournisseurs, en gestion comme en contrôle que la Cour a bien
mises en exergue.
Au-delà de ces remarques générales, la CRE formule les
observations suivantes sur les analyses et recommandations du rapport
public thématique.
La Cour met en évidence un écart important entre les coûts de
production et d'importation, et les prix de ventes avant intervention de
l'État. Il convient en premier lieu de rappeler qu'il n'y a pas de lien direct
entre le coût constaté de la production d'électricité d'une année donnée et
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le prix de l'électricité payé par les clients cette même année. En effet, dans
leur très grande majorité, les offres des fournisseurs sont fondées sur les
marchés à terme, en général de l'année à venir, voire plus loin, pour les
offres à prix fixe pluriannuel. C'est le cas par exemple du Tarif Réglementé
de Vente d'Électricité qui est approvisionné deux ans à l'avance. Ainsi, le
prix payé par les consommateurs n'a pas de rapport avec les prix spot de
l'année considérée, qui peuvent eux-mêmes s'écarter significativement du
coût de production réellement constaté.
L'existence d'un écart entre les coûts de production de l'électricité
constatés a posteriori et le prix payé par les consommateurs en 2022 et
2023 n'a donc rien d'anormal en tant que tel. Son montant très élevé, évalué
par la Cour à au moins 38 Md
€
, reflète la dynamique temporelle et
l'ampleur exceptionnelle des variations tant des prix de gros de l'électricité
que du coût des combustibles et de la disponibilité des moyens de
production pendant la crise. À titre d'illustration, les prix spot de
l'électricité en 2023 se sont établis à un niveau très inférieur à celui attendu
et reflété dans le prix du produit calendaire 2023 constaté en 2022, du fait
de la baisse de tension sur le marché fin 2022 et début 2023. Inversement,
en 2022, les prix spot ont été très supérieurs au prix du produit calendaire
2022 constaté en 2021, la crise s'étant aggravée brutalement fin 2021 et
début 2022 (annonce par EDF du problème de corrosion sous contrainte
le 15 décembre 2021, invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février
2022).
Ainsi, si le prix payé par les consommateurs a vocation à refléter les
coûts de production en moyenne sur une longue durée et lorsque le système
électrique fonctionne normalement, il n'en est pas de même lors d'une crise
d'approvisionnement, où le prix s'établit alors à un niveau permettant
d'équilibrer l'offre et la demande. Ce sont bien les prix du gaz extrêmement
élevés qui ont permis l'arrivée massive du GNL et la baisse de plus de 15 %
de la consommation. De même, les prix très élevés de l'électricité en
France ont contribué, avec les campagnes des pouvoirs publics sur la
sobriété, à la baisse de 9 % de la consommation pendant l'hiver 2022-
2023.
Si l'exercice de comparaison réalisé par la Cour a tout son intérêt,
nous divergeons sur les conclusions à en tirer. Les mêmes acteurs qui,
peut-être, se sont trouvés gagnants lorsque la situation s'est améliorée fin
2022 et début 2023, ont été perdants fin 2021 et début 2022, et auraient été
perdants si la crise s'était aggravée. La CRE réitère donc la prudence qu
’
il
convient d'avoir sur l'interprétation et l'analyse du comportement des
acteurs, face au caractère inédit et difficilement prévisible des évènements.
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Par ailleurs, la Cour pose le constat d'une insuffisante taxation de
cet écart par le dispositif de Captation des Rentes Inframarginales (CRI).
Cette situation n'est guère surprenante dans la mesure où il semble que le
principal producteur d'électricité décarbonée EDF ne contribuera pas à la
CRI (à l'exception de sa filiale EDF renouvelables pour certaines
installations du groupe sorties d'obligation d'achat), notamment en raison
de la prise en compte dans ta CRI des pertes sur le marché de gros
encaissés par les producteurs en raison de leur politique de couverture (les
pertes d'EDF en 2022, qui a dû racheter à court terme de l'énergie vendue
à long terme en raison de l'épisode de la corrosion sous contrainte, ont été
déduites de ses gains en 2023). En outre d'autres caractéristiques de la
CRI créent par construction un écart, notamment le fait que :
-
la CRI ne couvre pas toutes les filières, en particulier les réservoirs
hydrauliques, et ne tient pas compte de la valorisation des garanties
de capacités ;
-
les seuils de taxation fixés pour chaque filière sont supérieurs aux
coûts complets et la taxation au-delà de ces seuils est substantielle
(90 %) mais laisse néanmoins aux producteurs une marge.
En ce qui concerne les bénéfices que d'autres acteurs du marché ont
pu retirer de la situation, tout acteur ayant une position ouverte « courte »
fin 2022 (c'est-à-dire ayant vendu à terme plus que ce qu'il avait acheté) a
bénéficié de la chute des prix de fin 2022/ début 2023, et inversement pour
les acteurs ayant eu des positions « longues ». À contrario, les acteurs
ayant des positions longues en milieu d'année 2022, notamment du fait de
la baisse des consommations, ont aussi pu bénéficier de la hausse des prix,
et inversement pour les positions courtes (en particulier d'EDF) qui ont
occasionné de lourdes pertes. Sauf manipulation de marché qui relèverait
des missions de surveillance de la CRE, il s'agit du fonctionnement normal
du marché, avec des montants hors-normes du fait de l'ampleur extrême
des variations de prix pendant la crise de prix. Ces activités ne sont pas
concernées par la CRI, qui a vocation à capter les rentes inframarginales
des producteurs d'électricité décarbonées ainsi que, à titre exceptionnel en
France, les bénéfices réalisés par les centrales au gaz du fait des primes
de risques très élevées sur le marché à terme français tout au long de 2022.
En ce qui concerne les recommandations de la Cour, la CRE émet les
observations suivantes.
Recommandation 1
La Cour recommande de contrôler a posteriori l'absence de cumul
entre le bouclier gaz individuel et l'aide gaz à l'habitat collectif sur 2023.
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La CRE est favorable à cette recommandation et a d'ailleurs
renforcé le dispositif de justification par les fournisseurs de l'absence de
double-compensation entre le bouclier tarifaire gaz 2023 (CRE) et le
bouclier collectif gaz 2023 (ASP). Les fournisseurs sont tenus de produire,
dans leur déclaration de pertes valant demande de compensation, une
méthodologie d'identification des clients éligibles et d'affectation
(mutuellement exclusive) entre les deux mécanismes, et attester qu'ils
appliquent ladite méthodologie et qu'ils n'ont pas fait de double demande.
Ils doivent par ailleurs donner accès à leurs CAC aux données
relatives aux deux demandes. Les CAC vont attester (i) la présence de cette
méthodologie d'identification et d'affectation et d'un process d'application,
et (ii) qu'il n'y a pas de doublon identifié entre les deux demandes.
Recommandation 2 :
La Cour recommande de proposer au Parlement une évolution
législative du champ et des modalités de calcul de la contribution sur les
rentes infra-marginales au titre de 2024, permettant d'en augmenter le
rendement.
La CRE est favorable également à la réorientation de cette
recommandation sur l'année 2024, et non l'année 2023 comme évoqué
dans le relevé d'observations provisoires, pour limiter l'écueil du caractère
rétroactif.
La CRE est favorable à une poursuite de la CRI spécifiquement pour
les installations ayant résilié leur contrat d'obligation d'achat, et ce jusqu'à
la date d'échéance prévue dans le contrat résilié avec un taux de taxation
à 90 %. En effet, pour ces producteurs dont les installations ne se seraient
pas développées sans soutien public, la possibilité d'effectuer une
résiliation anticipée de leur contrat de soutien est de nature à générer des
rentes indues, alors que les pénalités de résiliation sont souvent très peu
élevées et ne couvrent pas nécessairement les subventions versées sur la
durée du contrat.
Par ailleurs, la CRE tient à souligner qu'une taxation de type CRI
ne serait pas opérationnellement possible sur les opérateurs du marché de
gros pour les activités de trading, dont la fonction est d'assurer une
liquidité permettant aux acteurs économiques de couvrir leurs besoins et
de réduire leurs risques au meilleur coût, avec des transactions multiples
sur les mêmes MWh.
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Recommandation 3 :
La Cour recommande de paramétrer le bouclier tarifaire 2024 de
sorte que le TRV appliqué pour l'électricité reflète mieux les coûts actuels
de production nationaux.
Il n'y aura
in fine
de gels tarifaires que pour certains tarifs
spécifiques aux Zones Non Interconnectées, mis en œuvre par la
péréquation tarifaire et non par le mécanisme de boucliers.
A contrario
, la
recommandation de la Cour concernait a priori l'hypothèse d'une
application nationale.
Sur le principe, la CRE était défavorable à cette recommandation.
En effet, la CRE propose les TRVE conformément à la méthode prévue
dans le code de l'énergie, qui n'a pas de lien direct avec les coûts de
production nationaux (à l'exception de l'obligation de couvrir les coûts
comptables de production d'EDF hors rémunération du capital). La
commercialisation des TRVE est une activité de fourniture d'électricité à
un prix quasiment fixe pour une année, ce qui nécessite un
approvisionnement stable et réalisé préalablement à l'année de livraison,
avec un lissage suffisamment long pour amortir les fluctuations de prix de
courte durée. Les TRVE devant être contestables, la seule référence
utilisable (hors composante ARENH) est le marché de gros.
La CRE n'a pas d'observation sur la recommandation 4.
RÉPONSE
DU MINISTRE DE L’ÉCO
NOMIE, DES FINANCES ET
DE LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE ET NUMÉRIQUE
Je salue la qualité des travaux menés par la Cour, qui a conduit des
analyses approfondies.
Ce rapport appelle néanmoins de ma part plusieurs observations.
Les mesures exceptionnelles sur les prix des énergies prises par la
France entre 2021 et 2023 ont été conçues pour répondre à un contexte de
crise absolument inédit et qu'aucun cadre régulatoire n'avait anticipé. Les
fortes hausses des prix des énergies constatées à partir de 2021 et qui se
sont accélérées en 2022 avec la guerre en Ukraine n'étaient ni
matériellement ni socialement soutenables et ont nécessité une action
rapide des pouvoirs publics. Le caractère d'urgence des mesures prises et
les délais très contraints dans lesquels les cadres législatifs et
réglementaires ont été définis et mis en œuvre n'ont pas permis de mettre
en place en première intention des mesures ciblées. De telles mesures,
comme le souligne la Cour, nécessitent en outre des croisements de
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données et posent des difficultés techniques qui ne pouvaient être résolus
ni par l'État ni par les fournisseurs d'énergie dans ce contexte et ce délai.
La Cour considère qu'il est dommageable que les mesures prises
n'aient pas été ciblées sur les ménages modestes et aient altéré le signal
prix sur les énergies fossiles, au détriment de la politique de
décarbonation. Toutefois, je tiens à rappeler que si elles n'étaient en effet
pas toutes ciblées, les mesures prises au cours de la crise, qui répondaient
à un objectif immédiat de soutien des consommateurs face à la hausse des
prix, ont été temporaires, ne constituaient en aucun cas un cadre pérenne,
et ont été accompagnées d'un plan de sobriété sans précédent, dans la
droite ligne des objectifs de transition énergétique. L'action du
Gouvernement doit ainsi être regardée dans son ensemble.
En premier lieu, ces mesures étaient ponctuelles et sont
progressivement éteintes à mesure que ta baisse des prix s'opère. Le
bouclier individuel sur le gaz n'a pas été prolongé au-delà du 30 juin 2023.
Le bouclier collectif perdure, y compris en 2024, mais l'aide est recentrée
sur les seuls contrats conclus, à prix très élevé, au second semestre 2022 :
il s'agit d'accompagner le stock de contrats signés au pic de la crise.
S'agissant du carburant, la mesure a duré quelques mois et a été
éteinte au 31 décembre 2022. Elle a ensuite été remplacée par une mesure
ciblée, l'indemnité carburant, réservée aux ménages les plus modestes. Les
mesures non ciblées étaient donc ponctuelles, pour faire face à une
situation de crise exceptionnelle.
En outre, en parallèle, le Gouvernement a déployé des mesures
fortes avec le plan de sobriété qui comprend un volet de réduction des
consommations pour toutes les énergies, incluant notamment un volet
logement et un volet transports. Au-delà des gestes du quotidien, les aides
à la rénovation énergétiques et des mesures plus structurelles ont été
promues.
Les mesure sur les prix n'ont ainsi pas fait obstacle à une baisse des
consommations de l'ordre de -17 % en gaz du 1
er
août 2022 au 31 juillet
2023 par rapport à la même période sur 2018-2019, et de -5 % en volume
sur la consommation de carburant, comme le souligne d'ailleurs la Cour.
Dans les faits, ces mesures d'exception ont donc permis d'atténuer l'impact
économique de la hausse de leurs prix pour les ménages, et globalement
pour l'économie française, sans être à court terme contraires à l'objectif
de réduction des consommations d'énergie fossile.
Je considère donc que les mesures prises dans l'urgence contre la
hausse des prix, y compris des énergies fossiles, étaient nécessaires pour
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faire face à une crise d'une ampleur inédite, sans remettre en cause dans
la durée la trajectoire de décarbonation de la France.
S'agissant des recommandations que la Cour formule dans son
rapport, je souhaite vous faire part des éléments suivants :
-
Sur la recommandation 1 (Contrôler a posteriori l'absence de cumul
entre le bouclier gaz individuel et l'aide gaz à l'habitat collectif sur
2023), je partage la nécessité de s'assurer qu'il n'y a pas de cumul
entre le bouclier tarifaire gaz et l'aide à l'habitat collectif.
Pour mémoire, l'article 3 du décret du 30 décembre 2022 mettant
en place l'aide à l'habitat collectif pour 2023 prévoit que sont exclues du
bénéfice de l'aide les personnes bénéficiant du bouclier gaz individuel.
Pour les copropriétés, le choix revenait au fournisseur de faire
bénéficier ses clients de l'un ou l'autre des dispositifs :
-
le bouclier tarifaire prévu par la LFI 2023 permet d'avoir l'aide plus
rapidement ;
-
le bouclier collectif permet de bénéficier de l'aide complémentaire
pour les copropriétés qui ont signé un contrat très cher au S2 2022.
Comme le souligne la Cour, compte tenu de la baisse des prix du
gaz, le bouclier tarifaire n'a pas été reconduit au S2 2023. Le risque de
cumul ne porte donc que sur le premier semestre.
Dans la pratique, le bouclier tarifaire prévu par l'article 181 de la
LFI 2023 permettait aux fournisseurs de proposer un prix de fourniture à
leur client équivalent à celui de TRVg gelé
.
Le calcul de l'aide de base pour
le bouclier collectif étant basé sur la différence entre le TRVg non gelé et
le TRVg gelé, un client qui serait tout de même déclaré par son fournisseur
dans le dispositif du bouclier collectif aurait une aide nulle, Il ne peut ainsi
y avoir de doublonnement de l'aide de près de 400
M€ comme l'indique la
Cour.
Pour 2023, l'aide totale pour le bouclier collectif sera demandée par
les fournisseurs au plus tard le 1
er
avril 2024. Cet exercice est concomitant
avec la déclaration des charges de service public pour le réalisé 2023 au
plus tard le 1 er mars 2024. Je tiens à vous assurer que des modalités de
contrôles sont prévues.
Pour le bouclier individuel, dans le cadre des déclarations de
charges de services publics de l'énergie, les fournisseurs doivent produire
une méthodologie d'identification des clients éligibles et d'affectation
(mutuellement exclusive) entre les deux mécanismes, et attester qu'ils
appliquent ladite méthodologie et qu'ils n'ont pas fait de double demande.
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Ils devront par ailleurs donner accès à leur commissaire aux comptes
(CAC) aux données relatives aux deux demandes. Les CAC vont attester (i)
la présence de cette méthodologie d'identification et d'affectation et d'un
process d'application, et (ii) qu'il n'y a pas de doublon identifié entre les
deux demandes.
Pour le bouclier collectif géré par I'ASP, les fournisseurs attestent
en outre sous leur responsabilité que les clients qu'ils déclarent n'ont pas
bénéficié du bouclier individuel.
Ces dispositions permettront d'assurer qu'il n'y a pas de cumul entre
les deux dispositifs.
-
Sur la recommandation 2 (Proposer au Parlement de faire évoluer le
champ et les modalités de calcul de la contribution sur les rentes infra-
marginales au titre de 2024, afin d'en augmenter le rendement), je ne
suis pas favorable à une évolution du dispositif adopté en loi de
finances pour 2024.
D'une part, je rappelle que le Gouvernement a soutenu la
prolongation en 2024 du dispositif de captation des rentes infra-
marginales, adoptée en LFI 2024, alors que celle-ci n'était pas requise au
plan européen (contrairement à l'année 2023 où ce dispositif avait été
prévu au niveau européen dans le contexte de la crise).
D'autre part, je ne suis pas favorable à une remise en cause des
paramètres du dispositif en cours d'application, cela nuit à la stabilité
réglementaire et à la visibilité dont les acteurs économiques ont besoin.
Enfin, s'agissant d'un dispositif exceptionnel de crise, conçu dans
l'urgence, il ne peut répondre à un besoin d'évolution structurel du
fonctionnement du marché de l'électricité. À cet égard, la France s'est
fortement mobilisée pour faire évoluer le cadre de marché européen, et une
réforme a été adoptée en ce sens en fin d'année dernière au niveau
européen. Le Gouvernement a présenté le projet de régulation du nucléaire
envisagé au niveau national en cohérence avec cette évolution du cadre
européen. Ce projet vise à répondre structurellement à l'objectif de
sécuriser dans la durée l'accès des consommateurs français, résidentiels
comme professionnels, à un prix de vente cohérent avec la structure de
coûts complets du mix électrique.
-
Sur la recommandation 3 (Paramétrer le bouclier tarifaire électricité
2024 de sorte que les prix payés par les consommateurs reflètent au
mieux les coûts actuels de production nationaux), je souhaite rappeler
que le Gouvernement a mis en place des mesures d'une ampleur
exceptionnelle pour protéger tes consommateurs face à la crise, mais
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que ces mesures ne sont pas soutenables dans la durée pour le budget
de l'État, et qu'il était donc nécessaire d'en sortir progressivement dès
que la situation s'améliorait. C'est ce que le Gouvernement a fait,
comme il s'y était engagé, en n'activant pas le bouclier tarifaire en
2024 et en réduisant en partie le bouclier fiscal sur l'électricité, tout
en limitant la hausse des prix à moins de 10 %.
L'article 52 du PLF 2024 prévoit la faculté pour le Gouvernement
de prolonger le bouclier tarifaire sur l'électricité en 2024.
Si la mise en œuvre du bouclier tarifaire en 2022 et 2023 se justifiait
compte tenu des hausses exceptionnelles de tarifs proposées par la CRE
dans le contexte de la crise, la situation en 2024 a permis d'engager la
sortie progressive du bouclier tout en limitant la hausse des prix à moins
de 10 %, comme le Gouvernement s'y était engagé.
-
Concernant la recommandation 4 (Préserver les signaux prix sur les
énergies
fossiles
en
privilégiant
les
aides
ciblées
sur
les
consommateurs les plus vulnérables), je la partage. Néanmoins,
quand la Cour souligne qu'il est dommageable que les mesures prises
pendant la crise n'aient pas été ciblées sur les ménages modestes et
aient altéré le signal prix sur les énergies fossiles, je souhaite
rappeler, comme je le mentionnais en introduction, que les mesures
prises au cours de la crise, qui répondaient à un objectif immédiat de
soutien face à une hausse vertigineuse des prix, ont été temporaires,
ne constituaient en aucun cas un cadre pérenne, et ont été
accompagnées d'un plan de sobriété sans précédent, dans la droite
ligne
des
objectifs
de
transition
énergétique.
L'action
du
Gouvernement doit ainsi être regardée dans son ensemble.
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