Une prévention insuffisamment ciblée en termes de publics et de risques, une information perfectible de la population
Même si la prévention primaire de l’AVC démontre une certaine efficacité, elle rencontre d’importantes limites. Le contrôle de l’hypertension n’a pas constitué, comme le recommandait le plan AVC 2010-2014, une priorité de la politique de prévention, alors qu’il s’agit du principal facteur de risque de l’AVC. De fait, les résultats récents en matière de dépistage et de prise en charge de l’hypertension stagnent, voire régressent pour les femmes, et sont loin de ceux atteints dans d’autres pays comparables. Un plan d’action dédié à la lutte contre l’hypertension devrait être mis en place afin d’améliorer la prévention, avec l’appui des médecins traitants. Un meilleur ciblage et une intensification des actions de prévention sur les publics les plus à risque d’AVC est également souhaitable.
La prévention de l’AVC au sens large recouvre également l’information de la population sur les premiers symptômes de l’AVC et la nécessité d’appeler immédiatement le 15. Or, la connaissance par la population reste largement perfectible. Les actions d’information sont donc à poursuivre et à intensifier, et gagneraient à s’inscrire dans une stratégie nationale explicite et pilotée.
Une prise en charge de l’AVC en phase aiguë aujourd’hui mieux assurée, mais confrontée à de nombreuses difficultés
Alors que le plan AVC 2010-2014 rappelait que l’objectif principal était de réduire la fréquence et la gravité des séquelles liées à l’AVC ainsi que sa létalité, la Cour apporte une appréciation nuancée sur l’organisation et le fonctionnement de la prise en charge en phase aiguë des patients victimes d’un AVC.
L’objectif quantitatif de 140 unités neuro-vasculaires (UNV), fixé par le plan AVC, a été atteint mais ne répond plus à l’ensemble des besoins aujourd’hui identifiés par les agences régionales de santé (ARS) et la communauté professionnelle neurovasculaire. Malgré d’indéniables progrès, les résultats obtenus restent en deçà des objectifs visés ou des résultats escomptés, notamment en termes de délais de prise en charge ou d’accès aux unités neuro-vasculaires. L’offre de soins est inégalement répartie et n’assure pas une couverture territoriale suffisante. Des difficultés de recrutement médical et paramédical fragilisent le fonctionnement de la filière et l’organisation des parcours des patients reste perfectible. La Cour suggère notamment de développer le recours au télé-AVC entre les UNV et les établissements de santé de proximité et d’élaborer un plan de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences pour la filière neurovasculaire.
Une filière post-aiguë mal articulée avec la phase aiguë, n’assurant pas un accompagnement effectif des patients
Le plan AVC 2010-2014 avait insisté sur l’importance de la phase post-aiguë avec comme bénéfices principaux la réduction de la létalité, des risques de récidive et de limitation des séquelles. Mais cette dimension n’a pas assez retenu l’attention des pouvoirs publics, conduisant à des résultats insuffisants tant en effectivité qu’en efficacité. En moyenne, la programmation d’une consultation post-AVC n’est conforme que pour 60 % des patients. De plus, l’absence d’intégration des associations de victimes d’AVC dans les structures de concertation nationales et régionales pèse négativement sur l’attention portée à ce sujet. L’accès aux soins médicaux de réadaptation (SMR) ou de rééducation adaptée est déterminant pour les victimes avec les plus fortes séquelles. Or, le manque de lits dans ces établissements ne permet pas d’accueillir tous les patients, au risque de les maintenir dans les unités d’hospitalisation en phase aiguë ou de les voir sortir trop précocement de l’hôpital ou vers des lieux inadaptés à leur pathologie. Enfin, la Cour rappelle que le programme Prado (programme d’amélioration du retour à domicile) devrait être plus largement déployé dans tous les établissements de santé disposant d’une UNV.
Un parcours d’ensemble pour le patient trop peu efficient
Selon la Cnam, la dépense concernant les AVC s’élèverait à 4,162 Md€, regroupant les dépenses hospitalières, de soins de ville et les prestations en espèces. La Cour a réévalué ce chiffre en ajoutant la dépense médico-sociale, et estime à environ 4,5 Md€ la dépense totale pour la prise en charge des patients victimes d’AVC. La Cour a également retracé les parcours de soins hôpital-ville-médico-social, de 2022 à juin 2024, avec leurs principaux résultats pour les patients (décès, perte d’autonomie lourde appelant une prise en charge médico-sociale, notamment en EHPAD) et leur coût global, soit une mise en perspective inédite. L’analyse de ces parcours montre que la prise en charge en UNV en amont et en service de soins médicaux et de réadaptation (SMR) en aval est déterminante pour la survie des patients et la limitation des séquelles. Or, ce parcours « de référence » ne concerne aujourd’hui qu’une minorité de patients. Près d’un tiers des victimes d’AVC hémorragiques présentant des handicaps lourds à la suite de leur AVC ne bénéficient pas d’une hospitalisation en UNV. De même, un tiers des victimes d’AVC ischémiques et hémorragiques présentant des handicaps lourds n’ont pas accès à des soins en SMR. En outre, 8 000 patients ayant été hospitalisés pour un AVC en 2022 n’avaient toujours pas bénéficié d’un rendez-vous de suivi médical au mois de juin 2024, ce qui entraine un risque élevé de récidive. En termes d’efficience, une meilleure orientation des patients, une meilleure coordination des acteurs de santé et une réduction des durées de séjour excessives permettraient d’accueillir davantage de patients, avec une meilleure allocation des ressources que la Cour a évaluée à hauteur de 200 M€.


