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Le recours par l'État aux prestations intellectuelles de cabinets de conseil

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Publié à l’issue de la consultation citoyenne menée par la Cour en 2022, ce rapport parait avant le lancement de la deuxième campagne de participation citoyenne, qui sera élargie aux chambres régionales et territoriales des comptes et qui se tiendra du 6 septembre au 6 octobre 2023 (https://participationcitoyenne.ccomptes.fr/).

Pour remplir leurs missions, l’État et ses établissements publics font appel, en appui de leurs propres services et pour des prestations en principe ponctuelles et à forte technicité, à des cabinets privés qu’ils mandatent dans le cadre de marchés publics. Pour près des trois quarts des 890 M€ versés à ce titre par l’État en 2021, les prestations externalisées concernent le domaine informatique. Les autres missions commandées, objets du présent rapport de la Cour, portent sur des prestations de conseil. Elles comportent, à la différence des précédentes, une dimension essentiellement intellectuelle prenant la forme de travaux d’études, de conception, d’accompagnement et d’aide à la mise en œuvre de projets. À la demande de la commission des finances du Sénat, la Cour avait consacré un rapport à ce sujet en 2015, dans lequel elle formulait des recommandations pour corriger un certain nombre de lacunes. Or, plusieurs constats dressés à l’époque sont toujours d’actualité. Si des progrès ont été observés dans la dernière décennie les avancées les plus significatives ont été réalisées dans la période très récente, sous la pression de l’actualité. La circulaire du Premier ministre de janvier 2022 a ainsi introduit une plus grande cohérence. Les modalités de sa mise en œuvre doivent cependant encore être complétées et leur application vérifiée.

Une connaissance imparfaite de la réalité et des enjeux

Il reste difficile d’appréhender précisément le niveau et l’évolution dans le temps du recours aux prestations intellectuelles. Pour une part, cela résulte de l’inadaptation des référentiels comptables et des outils de suivi des dépenses de l’État. L’impossibilité de disposer de données fiables découle aussi, faute d’une définition précise et partagée des différents types de prestations de conseil, de l’hétérogénéité des pratiques et d’interprétations divergentes des nomenclatures utilisées. La définition du périmètre et des modalités de traitement des missions de conseil doit dès lors être précisée et le dispositif de suivi amélioré. Par ailleurs, les dépenses de conseil exposées par les opérateurs, qui assurent pourtant une part majeure de la mise en œuvre des politiques publiques, ne sont pas suivies comme celles des ministères. Tout en tenant compte des statuts juridiques spécifiques de ces entités, un travail d’harmonisation devrait être engagé en ce sens. Il permettrait aussi une consolidation des données.

Un pilotage interministériel mal assuré

Le recours à une prestation externe peut être une solution utile à la préparation et à la mise en œuvre de certains volets des politiques publiques. Cependant, la pratique a pu conduire à un usage inapproprié des missions de conseil. La circulaire du Premier ministre de janvier 2022 a visé à introduire une plus grande cohérence. En dépit des améliorations notables qu’elles apportent, ces orientations n’ont pas toutes un caractère opérationnel. Elles mériteraient d’être complétées, précisant en particulier les circonstances dans lesquelles le recours à un cabinet présente une valeur ajoutée. La circulaire a mis en place un cadre renforcé, qui reprend la plupart des recommandations formulées par la Cour en 2015 et par les récents rapports parlementaires. Cependant, ces nouvelles dispositions exigent une animation interministérielle claire et cohérente, offrant aux gestionnaires des garanties accrues de flexibilité, de sécurité et de prévisibilité, et aux responsables une capacité suffisante de suivi, d’orientation et d’arbitrage. En particulier, le partage des responsabilités d’orientation et de suivi et les modalités pratiques de la coordination entre la direction des achats de l’État (DAE) et la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), toutes deux chargées de compétences transversales en ce qui concerne le recours aux cabinets de conseil, doivent être clarifiées, de manière à ce que le recours à des prestataires extérieurs fasse l’objet d’une véritable unité de pilotage.

Une gestion souvent déficiente des marchés de conseil

Dans l’administration, la définition préalable des besoins permettant d’assurer dans des conditions satisfaisantes le pilotage des opérations, la préparation et la négociation des marchés de consultants et l’accompagnement des missions est souvent défaillante. Les pertes de savoir-faire ou d’expérience, mais aussi une identification insuffisante des ressources internes disponibles conduisent les ministères et, dans une moindre mesure, les établissements publics de l’État, à se tourner vers des intervenants extérieurs. L’État devrait se doter de moyens pour que des missions jusqu’alors confiées à des cabinets de conseil privés soient progressivement assurées par des ressources internes ou sous des formes alternatives plus adaptées et moins coûteuses prévues par les dispositifs existants. Par ailleurs, les administrations ont fait un usage très large de la formule des accords-cadres, qui constitue une solution de facilité, parfois au détriment de la précision nécessaire dans la définition des besoins de l’administration. L’option retenue a été de mettre en œuvre les accords-cadres en privilégiant une exécution par l’émission de simples bons de commande, plutôt que par la passation de marchés « subséquents ». Or, ce choix d’exécuter les accords-cadres par simples bons de commande, qui ne s’imposait pas dès lors que la majorité des opérations ne relevait pas de l’urgence, a des conséquences préjudiciables. Dans de nombreux cas, la prestation fournie répond mal aux besoins. Il en résulte également des surcoûts.
Le contrôle par la Cour de plus d’une centaine de marchés de conseil passés et de bons de commande émis entre 2019 et 2022 révèle un recours excessif à certaines procédures ou facilités, des imprécisions, des dépassements d’enveloppes financières ou de délais. La Cour a conduit son instruction sur chacun de ces marchés avec le souci d’apprécier, sans préjudice des suites qui pourraient leur être données par ailleurs, si les anomalies constatées relevaient des cas susceptibles de constituer des infractions sanctionnables par les juridictions financières.

Ce rapport est le premier des travaux publiés par la Cour des comptes à l’issue de la consultation citoyenne lancée en 2022 (https://participationcitoyenne.ccomptes.fr/).
La 2e campagne de participation citoyenne se tiendra du mercredi 6 septembre au vendredi 6 octobre 2023 et sera élargie aux chambres régionales et territoriales des comptes.

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Le recours par l'État aux prestations intellectuelles de cabinets de conseil

En 2022 et 2023, la Cour des comptes a mené une enquête sur le recours par l’État à des cabinets de conseil. C’était l’un des six sujets de contrôle retenus dans le cadre de sa première consultation citoyenne. L’enquête a porté sur tous les secteurs de l’action publique, et ce sont plus de 100 marchés conclus avec une cinquantaine de cabinets différents qui ont été passés en revue.
Nous avons concentré nos travaux sur les prestations intellectuelles, c’est-à-dire hors informatique, car ce sont les plus sensibles, parce qu’on est plus près des tâches que les administrations sont capables de remplir elles-mêmes et parce que l’objet des prestations est plus difficile à appréhender. Différents types de prestations existent : il y a les missions d’études (par exemple avant de lancer une réforme), les missions de conseil (par exemple sur les solutions possibles pour atteindre un objectif ou évaluer les résultats d’une politique donnée) ou encore les missions d’accompagnement (par exemple pour concevoir ou mettre en œuvre le projet de modernisation d’un service).
Ces prestations ont donné lieu en 2022 à des paiements d’environ 200 M€. C’est moins que dans la plupart des pays comparables, comme l’Allemagne et le Royaume-Uni, mais les dépenses ont triplé entre 2017 et 2021, ce qui justifie qu’on y prête une attention particulière.
Nous avons d’abord constaté que la notion même de « mission de conseil » n’est pas clairement définie et que, de ce fait, elles sont mal appréhendées et mal suivies : on ne sait pas quel est leur montant exact, elles ne sont pas comptabilisées partout de la même façon et elles sont parfois mal contrôlées.
Selon la Cour des comptes, les administrations devraient donc améliorer les conditions de préparation et de suivi des marchés de conseil. Il faudrait d’abord qu’elles s’assurent ne pas disposer des ressources en interne (ce qui n’est pas toujours fait) et aussi qu’elles fassent une évaluation sérieuse à la fin de la mission (ce qui est loin d’être systématique).
Il conviendrait aussi que les ministères définissent mieux leur besoin et qu’ils soient plus attentifs au strict respect du code de la commande publique. En effet, nous avons relevé des anomalies et des facilités qui ne sont pas des irrégularités ou des fautes graves, mais qui sont critiquables et ne doivent pas être répétées.
Le gouvernement a pris, début 2022, un ensemble de mesures qui vont dans le bon sens, parce qu’elles établissent enfin un cadre clair auquel les ministères et les établissements publics de l’État doivent se conformer.
Mais ce cadre doit être précisé et complété, notamment pour que la coordination interministérielle du recours à des cabinets soit plus clairement affirmée, pour que les données chiffrées qui s’y rapportent soient plus fiables et pour que toutes les règles de droit et de déontologie soient appliquées.
La Cour formule huit recommandations, qui devraient permettre que le recours aux prestations intellectuelles de cabinets de conseil s’effectue selon des modalités incontestables, c’est-à-dire en particulier, 1) quand il est justifié, 2) quand le besoin est bien défini, 3) quand les administrations ne disposent pas des ressources en interne, 4) quand les contrôles nécessaires sont effectués et 5) quand une évaluation a posteriori a été prévue.
De cette manière, la coopération avec les cabinets de conseil trouvera une place plus juste parmi les différents instruments dont l’État dispose pour remplir ses missions dans de bonnes conditions, c’est-à-dire à la fois de manière plus efficace du point de vue de l’administration et plus transparente pour tous.

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