Une dégradation de la situation financière de la poste due à une nouvelle baisse des métiers historiques et à une rentabilité insuffisante des activités de diversification
Avec près de 233 000 collaborateurs « postiers » dont 60 500 facteurs, le groupe apparaît comme le deuxième employeur public de France après l'État. À travers La Poste Société anonyme (SA) et par le biais de filiales, La Poste réalise désormais 44 % de son chiffre d'affaires à l'international et opère sur de nombreux secteurs au-delà du courrier. En effet, depuis son plan stratégique 2014-2020 intitulé La Poste 2020 « Conquérir l'avenir », le groupe a cherché à compenser la baisse de son activité traditionnelle en se développant sur la logistique et la bancassurance ainsi que sur de nouveaux relais de croissance dans des secteurs éloignés de son cœur de métier (comme acteur de proximité en matière de santé, autonomie et numérique).
Ce développement s'est traduit par une augmentation de son chiffre d'affaires, passé de 22 Md€ en 2013 à 25,9 Md€ en 2019, puis à 31,1 Md€ en 2020 avec l'intégration de la Caisse nationale de prévoyance (CNP) Assurances, et 34 Md€ en 2023. Le résultat net a cependant progressé dans des proportions moins importantes, tandis que l'endettement augmentait du fait des acquisitions.
Dès 2022, le résultat net s'est établi à 1,2 Md€ contre 2,4 Md€ prévu. En 2023, le résultat net du groupe est resté positif mais s'est établi à un niveau deux fois inférieur à celui de 2022 ( 514 M€ contre 1 011 M€) et a surtout bénéficié des résultats de CNP Assurances.
La branche Services-Courrier-Colis doit faire face à la chute de l'activité courrier : en 2023, elle ne représente plus que 15 % du chiffre d'affaires du groupe, contre près de 50 % en 2010. Créée en 2021, la branche Grand public et numérique avait vocation à faire croître le chiffre d'affaires réalisé par le réseau des points de contact auprès des particuliers à travers une stratégie de conquête omnicanale (physique, à distance et digitale). Après une année 2023 ayant révélé les fragilités du groupe, la révision de sa trajectoire apparaît encore insuffisante pour consolider un modèle durable à l'horizon 2030.
Une réflexion sur les missions de service public doit en particulier être engagée, nécessitant un nouveau pacte social entre La Poste, ses actionnaires, les élus, les citoyens et les collaborateurs du groupe. Ceci impose une nouvelle révision du plan stratégique, allant au-delà de la simple actualisation annuelle.
Réussir à trouver un consensus sur les missions de service public
Le législateur a confié au groupe La Poste quatre missions de service public : le service universel postal, le transport et la distribution de la presse, une contribution à l'aménagement du territoire et l'accessibilité bancaire. Par rapport aux autres opérateurs postaux européens, les missions de service public confiées au groupe La Poste sont à la fois plus nombreuses et plus exigeantes.
Ainsi, la France est un des derniers pays européens à réaliser une distribution du courrier six jours sur sept et à maintenir 17 000 points de contact. Les missions de service public sont soumises au droit européen de la concurrence qui autorise la France à verser une compensation financière pour couvrir tout ou partie des coûts qu'elles entraînent. Le montant de la compensation au titre du service universel postal est compris entre 500 et 520 M€ par an en fonction des résultats de qualité de service. La Poste française est ainsi celle qui reçoit le montant le plus élevé tandis que la majorité des opérateurs postaux européens ne reçoivent aucune compensation pour le service universel. Toutefois, le coût de la mission pour le groupe n'est pas compensé à hauteur d'environ 479 M€ en 2023.
La mission d'aménagement du territoire, qui demeure l'une des plus exigeantes, a vu son coût croître (100 M€ supplémentaires entre 2018 et 2023), alors même que la fréquentation du réseau n'a cessé de diminuer.
Enfin, la mission d'accessibilité bancaire bénéficie d'une compensation élevée (303 M€ en 2023), qui ne couvre toutefois pas les charges supportées par le groupe. Les missions de service public ont donc vu leur rentabilité se dégrader, sans que la hausse des compensations n'enraye la détérioration de leur situation économique.
La rentabilité du groupe constitue à terme un élément essentiel pour éviter un plus grand impact sur les finances publiques. Compte tenu des enjeux économiques, sociaux et territoriaux, les différents scénarios de réforme doivent reposer sur des études appréciant l'utilité et le périmètre des missions de service public, identifiant les leviers d'amélioration du groupe et évaluant sa capacité financière à les porter.