Située dans le département du Cantal, au nord d’Aurillac, la communauté de communes du Pays de Salers compte près de 8 400 habitants et fédère 27 communes. Elle a lancé en 2012 un projet de méthanisation en association avec un partenaire privé. L’objectif de ce projet territorial était d’alimenter les camions bennes de collecte des ordures ménagères de la collectivité, par le gaz méthane produit par méthanisation. À cet effet, elle a créé en 2014 une société d’économie mixte, la SEM Salers développement, qui a pris des participations (150 000 €) dans le capital de la société Salers Biogaz, laquelle société a elle-même créé deux filiales pour exploiter les unités de méthanisation.
Le projet s’est soldé par un échec environnemental, industriel et financier. En 2022, la société Salers Biogaz et ses dirigeants ont été condamnés en justice pour avoir causé plusieurs épisodes de pollutions, et pour non-respect de la réglementation en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement au titre d’activités agricoles.
Une gouvernance défaillante
La société d’économie mixte a fait le choix d’investir dans une seule et unique société porteuse du projet, faisant peser le risque d’exploitation sur une seule opération alors que la plupart des sociétés du secteur des énergies renouvelables gèrent souvent un portefeuille de plusieurs projets. La liquidation judiciaire – toujours en cours – du partenaire privé a acté l’échec de ce modèle économique.
Sur la période de contrôle, la gestion et l’administration de la SEM Salers développement ont révélé de très nombreuses carences et dysfonctionnements. En particulier, durant plusieurs années, ni le conseil d’administration ni l’assemblée générale n’ont été réunis. Les comptes sociaux ont été adoptés avec plusieurs années de retard. À cette occasion, alors que l’échec du projet de méthanisation était patent depuis la fin de l’année 2019, le conseil d’administration a omis de révéler les difficultés, graves, rencontrées par le projet et le partenaire privé chargé de son développement. Les comptes sociaux de 2019, 2020 et 2021 ne sont pas sincères, en ce qu’ils n’incluent pas la dépréciation totale affectant depuis 2019 la valeur des actions détenues par la SEM, dans la société Salers Biogaz et ses filiales.
La SEM a adopté très tardivement un plan d’actions pour contenir les difficultés rencontrées. Pour en finir en juin 2024, elle a été contrainte d’acter sa dissolution qu’elle avait, du reste, déjà évoquée à l’été 2022 ; elle s’est alors engagée dans la préparation de sa liquidation.
Le partenaire privé, actionnaire de la SEM, n’a pas respecté ses engagements : il n’a pas libéré l’intégralité du capital souscrit et pas réglé l’essentiel des loyers dont il devait s’acquitter. Pour leur part, les dirigeants de la SEM ont fait preuve de peu de diligences en vue d’assurer le recouvrement des créances de loyers, s’abstenant ainsi de défendre convenablement les intérêts de la société dont ils avaient la responsabilité.
Une société structurellement déficitaire
La SEM Salers développement s’est avérée structurellement déficitaire sur toute la période contrôlée, et même depuis sa création en 2014. Il en est allé de même pour la société Salers Biogaz, avec laquelle elle s’est associée pour porter le projet de méthanisation. L’échec de Salers Biogaz a engendré des pertes financières supportées par la SEM, en termes de perte du capital investi (150 000 €), de perte de créances devenues irrécouvrables au titre des loyers impayés (74 000 €) ou encore de capital souscrit n’ayant jamais été libéré (30 015 €), soit un préjudice financier avéré chiffré à quelque 254 000 € en 2023.
Un plan de liquidation à établir
Les conséquences financières de la liquidation des différentes sociétés impliquées dans le projet sont encore incertaines et indéterminées en leur montant exact. Les unités de méthanisation ont vocation à être cédées à des tiers, si elles trouvent preneur alors qu’elles devaient revenir à la SEM à l’issue des baux à construction consentis. Le site de Saint-Bonnet-de-Salers n’a pas été remis en état par le partenaire privé, pour mise en conformité avec les exigences de la réglementation environnementale. Il pourrait s’ensuivre des frais supplémentaires pour la collectivité publique.
Quoi qu’il en soit, la défaillance technique et juridique du partenaire porteur du projet entraînera des surcoûts pour la SEM, et la communauté de communes du Pays de Salers, qui ne manquera pas d’être appelée en garantie et doit, en sa qualité d’actionnaire principal de la SEM en liquidation, limiter la part de risques supportée aux stricts engagements lui incombant.