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La station thermale de Royat (Puy-de-Dôme)

CRC AUVERGNE-RHÔNE-ALPES

La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes a procédé, dans le cadre d’une enquête régionale sur les stations thermales, au contrôle thématique simultané des comptes et de la gestion de la commune de Royat et de l’établissement public local (EPL) Royat Thermotonic  pour les exercices 2019 et suivants. 

Les investigations ont porté sur les caractéristiques de la station thermale et thermoludique, la stratégie de développement portée par la commune, les modes de gestion successifs des activités, l’évolution de leur situation financière ainsi que les incidences sur les finances de la commune et, enfin, sur la prise en compte des enjeux sanitaires et environnementaux.


Un ambitieux projet de station thermale dite « de pleine santé » qui a du mal à se concrétiser
Royat, dont la renommée est historiquement liée au thermalisme, est également une commune classée « station de tourisme ». Ses thermes municipaux bénéficient des agréments en rhumatologie et pour les maladies cardio-artérielles. Un troisième agrément en phlébologie est en cours d’obtention. Des activités accessoires et annexes au nombre desquelles un centre thermoludique et un casino appartenant également à la commune, complètent l’offre de service sur Royat.

Toutefois, bien que porté depuis 2017 par la municipalité, le projet d’une station dite « de pleine santé », développant des synergies entre le thermalisme médical et les activités connexes de bien-être, de loisirs et d’hébergement, peine à se concrétiser. La station de Royat souffre en effet de plusieurs handicaps, en termes d’attractivité et de développement : vétusté des locaux ; installations et équipements des thermes ; absence d’hébergement sur place destiné aux curistes ; défaut de partenariats avec le casino et les différents acteurs locaux. 

 

Un exercice désordonné de la compétence thermalisme et thermoludisme
En 2020, le conseil municipal de Royat a décidé de créer, avec effet au 1er janvier 2021, l’établissement public local (EPL) Royat Thermotonic doté de l’autonomie financière et de la personnalité morale. Il lui a transféré la gestion et l’exploitation des deux établissements municipaux, thermal et thermoludique. De pure opportunité, cette décision visait essentiellement à pouvoir bénéficier du dispositif d’aides accordées par l’Etat dans le cadre de la crise sanitaire de la Covid 19.

Par l’effet du principe de spécialité et d’exclusivité des compétences qui lui ont été transférées à sa création, l’établissement a été de droit substitué à la commune pour l’exercice de la compétence de thermalisme et de thermoludisme. Pourtant, la commune a continué de gérer directement la compétence, dont elle s’était pourtant dessaisie sans contrainte, de par sa seule volonté. Le même désordre a affecté la gestion, budgétaire et comptable : le budget de Royat Thermotonic constituait une « coquille vide », tandis que le budget principal de la commune comptabilisait les dépenses et les recettes d’exploitation, et ses comptes continuaient de retracer l’actif et le passif afférents aux activités thermales et thermoludiques.

Mêlant les responsabilités, les flux financiers et les patrimoines, cette situation est d’autant plus critiquable qu’elle a conduit la commune à s’engager en 2021, en lieu et place de l’EPL faute de l’avoir dissous au préalable, dans un contrat de délégation conclu avec un opérateur privé (groupe CEB-Valvital). 


Une concession organisant l’exploitation des établissements thermal et thermoludique au mieux des intérêts du partenaire privé
En 2021, la commune de Royat a décidé de déléguer à la Compagnie européenne des bains (groupe Valvital) la gestion et l’exploitation de son établissement thermal et de l’équipement thermoludique. D’une valeur estimée à 360 M€, le contrat de concession a été signé le 4 janvier 2021 pour une durée de 30 années. Il a pris effet au 1er janvier 2022, a d’ores et déjà été amendé par quatre avenants et a finalement été abandonné au 31 décembre 2024. 

La chambre note que plusieurs des modifications apportées par avenants sont susceptibles d’être qualifiées de substantielles, affectant la régularité du contrat. En particulier, la durée du contrat, qui constitue une condition essentielle de tout engagement contractuel, a été modifiée par l’effet d’une clause résolutoire stipulant qu’en l’absence d’obtention par le délégataire des financements attendus (dont 7,5 M€ de subventions publiques), le contrat serait résilié sans faute du délégataire (sauf à ce que les parties en conviennent autrement). Devant être initialement levée avant le 31 décembre 2022, la clause résolutoire s’est trouvée reconduite d’année en année, par avenants, jusqu’au 31 décembre de l’année 2024. 

Une telle clause allonge la période, aménagée à titre transitoire, de mobilisation des financements par le partenaire privé. Elle permet au délégataire de différer l’engagement du programme de travaux à sa charge, aucune autorisation d’urbanisme n’ayant encore été sollicitée fin 2024 pour la réhabilitation des établissements thermaux et thermoludique, ou la construction de la résidence hôtelière. Au demeurant, le concessionnaire a veillé à ce que le délai de réalisation des travaux soit prorogé, de plein droit, en cas de retard de versement des subventions publiques attendues, se préservant ainsi de l’application des pénalités de retard prévues au traité de concession, en tout état de cause plafonnées à un montant dérisoire de 50 000 €. 

La société, exploitante des thermes et de l’établissement thermoludique depuis le 1er janvier 2022, en a retiré d’importants avantages économiques au détriment de la commune délégante. Cette dernière n’a en effet exigé aucune indemnité d’entrée en contrepartie de la valeur nette comptable (12 M€) des immobilisations mises à la disposition du concessionnaire et qui engendrent un chiffre d’affaires de l’ordre de 8 M€ l’an. Du reste, les immobilisations ne sont plus amorties, ni par l’exploitant, ni par la commune, ni par l’EPL. Pour mémoire, la commune a supporté seule les 2,6 M€ de déficits cumulés des deux régies municipales dissoutes fin 2020, et repris leurs dettes d’un montant de 4,3 M€, effort financier qu’un droit d’entrée acquitté par le concessionnaire aurait contribué à couvrir.

Toujours à l’avantage du groupe concessionnaire, la société exploitante a consenti en 2023 une avance de trésorerie d’un montant de 2 M€ à sa société mère (groupe CEB-Valvital), montant d’importance qui aurait pu être mobilisé pour financer le programme de travaux d’investissement (prévu au contrat) non encore engagé. Sur l’ensemble de la durée de la concession (30 années), le montant cumulé des redevances de frais de siège et de marque bénéficiant à la société mère CEB-Valvital devait avoisiner 33 M€, quand celui de la redevance d'occupation du domaine public servie à la commune n’aurait pas dépassé 9,5 M€.

A l’évidence, de l’avis de la chambre, la commune de Royat se trouvait ainsi engagée sur le très long terme dans un contrat de concession et de conventions subséquentes signées entre la filiale exploitante des thermes et sa société-mère (qu’elle a approuvées), qui lui étaient très défavorables. Il convenait donc d’en rééquilibrer l’économie d’ensemble, pour mieux ménager l’intérêt public communal, ainsi que recommandé en cours de contrôle par la chambre.

Par délibération du 30 décembre 2024, le conseil municipal de Royat s’est prononcé contre le projet d’avenant n° 5 emportant prorogation jusqu’au 31 décembre 2025 du délai de levée de la clause résolutoire affectant le contrat de délégation. Par suite, l’EPL Royat Thermotonic a repris au 1er janvier 2025 l’exploitation des activités thermale et thermoludique, dans l’attente de la signature d’un protocole de sortie de la concession devant organiser avec le groupe CEB Valvital les modalités pratiques et financières de mise à fin de la concession. 

 

RECOMMANDATIONS

Recommandation n° 1. (commune) Établir le bilan des actions de la « charte de station », et soumettre à l’assemblée délibérante la stratégie thermale de la commune, déclinée en lignes d’actions opérationnelles.

Recommandation n° 2. (commune)  Respecter le transfert de compétence consenti par la commune au bénéfice de son EPL Royat Thermotonic en matière thermale et thermoludique.

Recommandation n° 3. (commune) Établir l’inventaire physique des biens des centres thermal et thermoludique.

Recommandation n° 4. (EPL) Mesurer la qualité du service rendu et la satisfaction des usagers fréquentant les établissements thermal et thermoludique, par le déploiement d’indicateurs chiffrés.

Recommandation n° 5. (EPL)  Exiger de l’EPL Royat Thermotonic la mise en place d’un plan d’actions opérationnel, en matière de développement durable et de préservation de l’environnement.


 

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