La chambre a procédé à l’examen de la gestion de la province Nord centré sur l’évolution de sa situation financière depuis 2012.
L’analyse financière de la province est complétée par l’examen de sa gestion budgétaire, de celui des outils mis en place pour favoriser la maîtrise des finances publiques et de la fiabilité de ses comptes. La chambre a également examiné les engagements reçus ou donnés par la province Nord à des sociétés ainsi que les conditions de leur suivi.
1. La gestion budgétaire
La province Nord a développé une gestion pluriannuelle de ses crédits en ayant largement recours à la procédure des autorisations de programme (en investissement) et des autorisations d’engagement (en fonctionnement) assorties de crédits de paiement.
La collectivité devrait procéder à certains ajustements dans l’utilisation de ces outils afin d’en renforcer l’efficacité. A cet égard, la chambre constate qu’un volume important des autorisations de programme votées par l’assemblée tarde à recevoir une affectation, c’est-à-dire un contenu. Sur les 9,85 Mds F CFP d’autorisations de programme votées en 2012, 45 %, soit près de 4,4 Mds F CFP, n’avaient pas été affectés fin 2015.
La chambre relève que les taux d’exécution moyens des dépenses d’investissements sur la période 2012-2015 demeurent en dessous de 70 %, ce qui est insuffisant.
La chambre recommande également une gestion plus dynamique de ces outils, passant par exemple par une clôture périodique des opérations devenues sans objet. Ainsi, au 31 décembre 2015, 133 autorisations d’engagement étaient encore ouvertes alors que 77 d’entre elles n’étaient plus actives.
Enfin, la chambre rappelle que la province Nord doit procéder, dès le vote de son budget primitif, à l’inscription de l’ensemble des crédits nécessaires à la couverture des besoins annuels prévisibles au moment de l’élaboration de ce budget. La pratique actuelle consistant à différer le vote d’une partie des crédits au moment du budget supplémentaire conduit la province Nord à adopter des budgets primitifs insincères.
2. Les outils de maîtrise des finances publiques
L’assemblée provinciale se voit présenter au moins deux fois par an une analyse budgétaire et financière lui permettant de disposer d’une vision actualisée de sa situation.
La province dispose également d’un contrôleur de gestion, dont la mission est essentiellement tournée vers l’analyse des demandes de subventions.
La collectivité a aussi mis en place un plan pluriannuel d’investissement (PPI) et un plan pluriannuel de fonctionnement (PPF). La chambre constate que les consommations des crédits au PPI sont bien inférieures aux objectifs qui y sont inscrits. La CTC préconise la révision à la baisse du PPI 2016-2019 afin de ramener son montant à un niveau plus proche des capacités techniques et financières de la collectivité à exécuter les opérations.
La province Nord s’est donc dotée d’un ensemble d’outils destinés à améliorer la maîtrise de ses finances. La collectivité s’est appropriée ces instruments, même si leur utilisation mérite encore d’être améliorée.
3. La situation financière
La province Nord enregistre sur la période 2012-2015 une dégradation progressive de sa situation financière. La collectivité est en effet confrontée à la diminution des dotations versées par la Nouvelle-Calédonie qui représentent jusqu’à 80 % de ses recettes.
Cette baisse provient d’une combinaison de facteurs tenant d’une part aux modifications votées par le congrès de la Nouvelle-Calédonie dans la quote-part et l’assiette des recettes redistribuées aux collectivités et d’autre part aux effets du ralentissement de l’économie sur les rentrées fiscales.
En faisant masse de ces dotations et de celles versées par l’Etat, ce sont entre 85 et 90 % des recettes de fonctionnement annuelles qui proviennent de concours financiers externes.
L’équilibre financier de la province Nord résulte donc en grande partie de l’évolution des dotations sur lesquelles la collectivité n’a pas prise.
En 2016, la province a utilisé les dernières marges de manœuvre fiscales dont elle disposait, en portant les taux de la fiscalité additionnelle aux plafonds votés par le congrès. Toutefois, compte tenu des bases fiscales faibles, les produits fiscaux ne représentant que 2 % des recettes de fonctionnement. La chambre estime que la province peut rechercher des pistes d’augmentation de ses recettes du côté de ses autres produits, notamment ceux issus d’une meilleure valorisation de la gestion de son domaine.
Sur la période, les recettes ont diminué en moyenne de 2,7 % par an alors que dans le même temps, les dépenses progressaient annuellement de 3,5 %.
Ces évolutions divergentes conduisent à un « effet de ciseau » qui s’amplifie à compter de 2014. La province connaît alors une dégradation de sa capacité d’autofinancement. En 2015, le niveau des dépenses de fonctionnement est même supérieur à celui des recettes.
Dans ces conditions, la province a fixé dès le budget primitif 2016, un objectif de diminution de 6 % de ses dépenses de fonctionnement pour l’exercice 2016 et, lors du débat sur les orientations budgétaires 2017, l’assemblée délibérante a voté une nouvelle diminution de 6 % des dépenses de fonctionnement. La chambre considère que l’effort qui devra être consenti est ambitieux et ne pourra se traduire par un simple plan d’économies mais nécessitera vraisemblablement une révision de certaines politiques publiques.
Dans ce contexte de baisse de l’épargne, le maintien d’un effort investissement soutenu fixé par le PPI a mis à contribution le fonds de roulement constitué au fil des exercices par la province Nord. Celui-ci devenant insuffisant, la collectivité pourrait désormais avoir davantage recours à l’emprunt. Pour ce faire, sa priorité devrait être le rétablissement de sa capacité d’autofinancement qui aura un effet de levier dans la recherche des financements extérieurs.
4. Les engagements externes de la province Nord
La province Nord détient des participations dans 25 sociétés d’économie mixte pour un montant de capital d’environ 2,2 Mds F CFP.
Au travers de deux sociétés holdings, la SOFINOR et Nord Avenir créée en 2014 pour porter les activités de diversification, la collectivité est présente dans de nombreux secteurs de l’économie (mines et métallurgie d’une part, tourisme, agroalimentaire et aménagement d’autre part).
La chambre constate en 2016 la montée en charge des engagements financiers provinciaux auprès de la SOFINOR, dans le cadre de la renégociation de la dette de sa principale filiale la SMSP. Les établissements bancaires ont en effet demandé une participation financière de la province à hauteur de 5,2 Mds F CFP d’ici à 2020 ainsi que l’octroi de garanties complémentaires sur les emprunts. Les conditions d’intervention de la province sont actuellement en cours d’étude.
La province Nord a également consenti une avance en compte courant de 1,2 Md F CFP en février 2016 à la SOFINOR pour aider sa filiale.
La crise que traversent les opérateurs dans le secteur du nickel provoque le tarissement de la principale source de financement de l’économie de diversification. Celle-ci a été en grande partie financée par les dividendes provenant de la STCPI (actionnaire de la SLN et d’Eramet) et par les avances en compte courant d’associé versées par la SMSP à la SOFINOR.
L’arrêt du versement de ces dividendes et les besoins propres de la SMSP pourraient donc conduire Nord Avenir à solliciter davantage la province Nord, à un moment où la collectivité connait elle aussi des difficultés financières.
La chambre estime que le suivi des engagements externes et l’évaluation des risques qu’ils peuvent représenter sont insuffisants au sein de la province Nord. L’information communiquée à l’assemblée mériterait d’être renforcée et la collectivité devrait se doter d’une capacité d’expertise interne assurant l’analyse des engagements externes.