Un marché national de plus en plus dépendant aux importations
La croissance de la consommation française de volaille de chair est principalement portée par la restauration hors domicile et l’industrie dont les besoins, tournés vers les découpes de poulets lourds et standards, ne sont pas couverts par la production nationale. Celle-ci se démarque de ses concurrents par l’importance des produits sous label (20 % de la production dont 16 % en Label Rouge), conséquence d’une démarche de montée en gamme engagée dans les années 1980. Principalement destinés au marché des particuliers et du poulet entier, ces produits sont orientés vers des secteurs moins dynamiques. La filière française n’est donc pas en mesure de répondre aux besoins des segments du marché national les plus porteurs, couverts par des importations de plus de 800 000 tonnes équivalent-carcasse en 2022. Un poulet consommé sur deux en France est désormais importé. Les importations françaises de viande de volaille proviennent à 94 % des autres États membres de l’Union européenne (UE). Ce constat est à relier aux stratégies industrielles à l’œuvre dans la filière avicole européenne depuis 20 ans, notamment la modernisation des outils d’abattage, de découpe et de transformation aux Pays-Bas et en Belgique dans les années 2000, puis en Pologne dans les années 2010, ainsi qu’à la constitution de grands groupes européens, dont certains groupes français, par concentration et rachats de structures de transformation.
Une filière peu compétitive
Avec une taille des exploitations d’élevage et des unités d’abattage limitée au regard de celle de ses concurrents européens et internationaux, la filière volaille de chair française souffre de coûts de production plus élevés. L’installation de nouveaux élevages et de nouveaux abattoirs s’avèrent difficiles car souvent contestés. La stratégie de montée en gamme portée par la filière est peu valorisée à l’export et se heurte à un marché national régressant ces dernières années dans un contexte d’inflation. Les stratégies de développement de la filière sont dispersées et encore trop récentes pour en mesurer la pertinence et l’efficacité.
La réglementation européenne en vigueur sur l’information du consommateur renforce ses difficultés de positionnement. L’affichage de l’origine des viandes s’applique de manière différenciée selon le type de produits. Cette mention n’est ainsi pas ou plus obligatoire pour les viandes non pré-emballées destinées à la transformation ou à la restauration, de loin les plus importées en France. Les données européennes disponibles en matière d’échanges de viande de volailles sont par ailleurs incomplètes. La viande importée de pays tiers a un prix inférieur à celui de la viande produite en Europe compte tenu de conditions de production moins exigeantes et encore peu encadrées par la réglementation communautaire.
Un accompagnement et des soutiens directs publics limités
La viande de volaille ne bénéficie pas des aides de la politique agricole commune (PAC) : les exploitations avicoles reçoivent des aides non liées à leur activité d’élevage. En 2022, ces exploitations, représentant 4 % du nombre total d’exploitations en France, ont perçu 1,2 % (soit 102 M€) des aides de la PAC. Elles ont peu profité du plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAE), ne recevant que 5 % des crédits (135 M€) entre 2015 et 2022, ce qui ne répond pas aux besoins de la filière, notamment pour la modernisation et l’adaptation aux enjeux de bien-être animal.
Les aides de l’État se sont concentrées sur la modernisation des abattoirs via divers plans d'investissement (Grand Plan d’Investissement, Plan France relance, Plan France 2030, Plan Investissements d’Avenir) pour environ 40 M€, mais elles ont été ciblées sur les plus petites unités. Depuis 2015, la filière fait face à des épisodes croissants d’influenza aviaire hautement pathogène, poussant l'État à mettre en place dès 2016 des aides conjoncturelles cofinancées par l'Union européenne. Le montant des aides publiques (500 M€) et la nature endémique de la maladie soulèvent des questions sur la durabilité de ce dispositif. Face à cela, des réflexions sur l'avenir de la filière ont été lancées entre les pouvoirs publics et les professionnels depuis 2022. La Cour estime qu'une clarification de la position de l’État, des régions et des professionnels est nécessaire pour aboutir à un plan cohérent. Les moyens à mobiliser devront être ajustés une fois les choix stratégiques définis.