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Les moyens affectés aux missions de police judiciaire

COUR DES COMPTES

Engagée en mars 2022, l’enquête couvre la période 2017-2022 et porte sur l’ensemble de l’activité de police judiciaire des forces de sécurité intérieure (police nationale, y compris préfecture de police de Paris, et gendarmerie nationale) ainsi que sur l’ensemble du spectre de la délinquance (de la délinquance du quotidien à la lutte contre la criminalité organisée). Le champ d’analyse est donc plus large que le projet de réforme de la police nationale, annoncé à la suite du Beauvau de la sécurité et dont la mise en œuvre fait encore l’objet d’ajustements. L’objet de l’enquête vise à apprécier si les services d’enquête, avec les moyens dont ils disposent, sont en mesure d’accomplir les missions qui leur sont confiées.

La Cour dresse quatre constats principaux :

  • Dans un contexte marqué par un cadre procédural strict, une politique pénale aux objectifs multiples et une judiciarisation des rapports sociaux, la mission de police judiciaire dispose de moyens importants et en hausse sur la période. Pourtant, les indicateurs de résultat (taux d’élucidation), notamment dans la police, se dégradent ;
  • La quasi-totalité des procédures traitées et transmises au parquet relèvent des services généralistes chargés de la délinquance du quotidien et sont concentrés, pour les deux-tiers, dans les services de police. Ceux-ci enregistrent des trajectoires d’évolution des effectifs parfois discordantes avec leurs niveaux d’activité ;
  • La situation est particulièrement critique au sein des services d’investigation de proximité de la police chargés de la délinquance du quotidien, notamment de l’agglomération parisienne ou des grandes métropoles : des stocks importants de procédures non traitées ou classées sans suite s’y sont constitués. Pour les services spécialisés, l’enjeu est de rester au-devant de la menace criminelle, dont les modes opératoires évoluent rapidement, en maintenant un haut niveau de compétences, de progrès techniques et de connaissance des réseaux criminels ;
  • Les métiers de l’investigation souffrent d’une crise d’attractivité au sein de la police. Celle-ci se traduit par une raréfaction des enquêteurs – accentuée par un faible taux encadrement et des systèmes informatiques défectueux -, par des difficultés de recrutement et par des risques sur la qualité des procédures. Disposant de moitié plus d’officiers de police judiciaire (OPJ) alors qu’elle traite un tiers de l’activité de police judiciaire, la gendarmerie ne souffre pas de cette crise.

Le rapport formule 11 recommandations visant à accroître les coopérations et synergies entre services généralistes et spécialisés, améliorer les conditions d’exercice des missions de police judiciaire, poursuivre les efforts en matière d’accueil et d’accompagnement des victimes et renforcer l’attractivité des métiers de l’investigation.

Le renforcement de l’efficacité des services généralistes et l’apurement des stocks ne sauraient passer que par des seuls renforts d’effectifs. De même, la généralisation des instructions pénales autorisant un classement sans suite ab initio ne saurait constituer des solutions satisfaisantes en termes de service rendu à la victime. Aussi la Cour préconise :

  • une régulation plus efficace de l’activité judiciaire grâce à une meilleure connaissance de l’état des stocks, et une meilleure hiérarchisation des priorités grâce au renforcement de l’encadrement de proximité ou au développement du traitement automatisé et dématérialisé de certaines plaintes ;
  • la poursuite des efforts menés en matière d’accueil et de prise en charge des victimes, notamment la simplification de l’offre des téléservices ;
  • l’augmentation du temps d’enquêteurs disponibles grâce à de meilleures conditions d’exercice (outils numériques et d’aide à l’investigation plus performants) et à la fin de certaines « missions périphériques ».
  • en complément des mesures récentes (voies d’avancement, prime OPJ, formation OPJ), la mise en place de parcours de carrière propres aux métiers de l’investigation.

Le rapport souligne que la réorganisation envisagée de la filière judiciaire de la police nationale est susceptible de favoriser une meilleure coordination entre les services, mais qu’elle n’est pas de nature, en elle-même, à répondre à la situation très dégradée du traitement de la délinquance du quotidien et la crise multifactorielle que traverse l’investigation dans la police. Le calendrier du déploiement de la réforme à fin 2023 apparaît très ambitieux alors que l’organisation des Jeux Olympiques à l’été 2024 nécessite de disposer d’une police pleinement opérationnelle. Sur le plus long terme, il est essentiel que l’État préserve des services de haut niveau aptes à lutter contre des réseaux de criminalité organisée de toute nature.

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