La TVA est l’impôt le plus réglementé au niveau européen. Généralisée à l’ensemble de l’économie, sauf au secteur financier et aux opérations immobilières, elle s’applique à toutes les transactions au lieu de livraison du bien, c’est-à-dire de destination, et au lieu du siège ou d’établissement du prestataire.
Le numérique oblige à repenser les règles de territorialité de la TVA
Avec le développement de prestations de services dématérialisées transfrontalières, il a été décidé pour des raisons d’égalisation des conditions de concurrence qu’à compter du 1er janvier 2010, les services rendus à un opérateur économique assujetti à la TVA (BtoB) et certains services rendus à un consommateur final (BtoC) tels que ceux rendus par les fournisseurs d’accès seraient considérés comme taxables au lieu d’établissement du client. Le CPO recommande d’étendre la règle du lieu d’établissement du client particulier à un plus grand nombre de services et, à l’inverse, de réviser la territorialité des opérations fondées sur la blockchain pour lesquelles le client final n’est pas connu.
Les livraisons de biens entrant dans l’UE (importations) sont exonérées dans le pays d’origine et taxées dans le pays d’arrivée. Une directive de 2017 a créé un guichet unique électronique permettant de déclarer et de payer la TVA sur les ventes à distance de biens importés dans l’UE, le IOSS (« Import One-Stop-Shop »), en le cantonnant aux opérations BtoC de moins de 150 euros. Elle a également introduit, pour ces envois, un principe de redevabilité de la TVA, non par le vendeur, mais par la plateforme facilitant la vente de biens en ligne. Le 17 mai 2023, la Commission européenne a annoncé une réforme du cadre douanier. Elle permettrait aux vendeurs en commerce électronique de déclarer l’ensemble des ventes à distance sur le guichet IOSS. Le CPO recommande aux autorités françaises de soutenir cette proposition.
Pour les opérations entre deux pays de l’UE, le CPO préconise d’étendre le guichet électronique OSS-UE, également créé par la directive de 2017, à des opérations impliquant le stockage dans un entrepôt dans le pays d’arrivée avant la vente au consommateur final (opérations BtoBtoC), de simplifier les formalités administratives d’immatriculation TVA en France et de travailler à un standard commun des procédures d’immatriculation au sein de l’UE (dématérialisation, socle de documents, exigences linguistiques) et à un guide de bonnes pratiques.
Le numérique permet aux particuliers de fournir des biens et services sans être assujettis à la TVA
Les opérations économiques sont réalisées de plus en plus par des personnes non assujetties à la TVA, parfois coordonnées ou référencées sur des plateformes. Il en résulte une perte de ressources fiscales pour les Etats en raison du caractère « invisible » de ces opérateurs économiques non immatriculés, des distorsions de concurrence entre entreprises assujetties à la TVA et prestataires non taxés opérant sur les plateformes, et une insécurité juridique croissante pour des personnes de bonne foi.
La loi fiscale française a renforcé les obligations déclaratives des plateformes. Depuis le 1er janvier 2019, celles-ci doivent transmettre chaque année à leurs utilisateurs et à l’administration un document récapitulatif des transactions réalisées. Depuis le 1er janvier 2020, l’administration peut engager la solidarité de paiement d’une plateforme en matière de TVA. Enfin, depuis le 1er juillet 2021, les plateformes sont tenues de conserver et de mettre à disposition de l'administration un registre permettant de reconstituer la TVA due sur les transactions BtoC qu'elles ont facilitées.
En parallèle, la directive « DAC 7 » du 22 mars 2021, destinée à faciliter le recouvrement des impôts directs, a institué une obligation déclarative à la charge des opérateurs de plateforme et a étendu l'échange automatique d'informations entre administrations à ces données. La loi de finances pour 2023 qui a transposé la directive a toutefois supprimé l’obligation à la charge des plateformes de déclarer le lieu d’établissement de l’acquéreur des biens ou du preneur de services pour les transactions réalisées entre entreprises (BtB). Le CPO recommande d’évaluer les conséquences de cette suppression en matière de recouvrement de la TVA et, le cas échéant, de rétablir cette obligation.
Enfin, la Commission européenne propose d’étendre le champ d’application de la TVA aux services de transport et d’hébergement rendus par des particuliers sur des plateformes, qui sont aujourd’hui non assujettis. Cette proposition augmenterait fortement le nombre d’immatriculés. Le CPO recommande de procéder à une étude approfondie de ses implications et des alternatives envisageables.
Le numérique offre aussi des perspectives de renforcement des outils du contrôle fiscal
La loi de finances rectificative pour 2022 prévoit de généraliser à l’horizon 2026 la facturation électronique entre entreprises assujetties à la TVA et la transmission des données de transaction à l’administration. La Commission propose d’harmoniser les formats de facturation électronique et d’étendre les obligations de reporting électronique aux opérations transfrontalières, notamment celles sur les guichets uniques. Le CPO recommande aux autorités françaises de soutenir cette proposition.
D’autre part, en application d’une directive de 2020, transposée par la loi de finances pour 2023, un registre central européen de paiements électroniques (« CESOP ») sera mis en place à compter de 2024. En donnant aux agents habilités de l'administration fiscale accès à certaines données sur les transactions transfrontalières, collectées auprès des prestataires de services de paiement (banques et autres intermédiaires), il offre des perspectives prometteuses de détection d’anomalies ou de fraudes dans les déclarations de TVA. Le CPO recommande d’en tirer les conséquences le plus tôt possible pour le contrôle fiscal de ces opérations transfrontalières.