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La politique de l’État en faveur du patrimoine monumental

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Née au XIXe siècle d’une volonté de sauver le patrimoine de la Nation, la politique en faveur du patrimoine monumental n’a cessé de s’étendre pour couvrir un champ de plus en plus large de monuments et de sites patrimoniaux. Si 44 540 édifices étaient couverts par le régime des monuments historiques stricto sensu en 2020, ce sont en réalité plusieurs centaines de milliers d’édifices et d’espaces environnants qui sont protégés au titre des abords des monuments historiques ou des sites (domaines nationaux, sites patrimoniaux remarquables, sites classés et inscrits, biens culturels inscrits au patrimoine mondial). Essentiellement centrée sur la conservation, la dépense publique - qui s’établissait à plus de 1,3 Md€ avant la crise sanitaire - s’est sensiblement accrue entre 2019 et 2021, en raison de la forte augmentation des crédits d’État alloués à de grands travaux et des montants engagés dans le cadre du plan de relance. Pourtant, alors que l’État et les collectivités locales peuvent se prévaloir de l’importance et de la constance de ce soutien, la dépense globale reste mal appréhendée. En outre, le dernier bilan de l’état sanitaire des monuments historiques effectué en 2018 a révélé que près du quart d’entre eux est dans un état préoccupant. Dans le rapport publié ce jour, la Cour des comptes formule un ensemble de recommandations visant à consolider la dépense publique, tout en assurant la protection et la mise en valeur des monuments.

Une politique ancienne confrontée aux défis de protection d’un vaste patrimoine

La politique menée en faveur du patrimoine monumental est confrontée aux défis de protection d’un vaste patrimoine (comprenant des monuments historiques classés, abords, sites patrimoniaux remarquables, etc.) qui impose une dépense publique significative. En 2021, la dépense publique totale consacrée s’élevait à 2,01 Md€, contre 1,31 Md€ en 2019 et 1,43 Md€ en 2020. Cependant, la dépense globale reste mal appréhendée - le ministère de la culture ne disposant pas d’une connaissance exhaustive de la dépense consolidée de l’État - et l’estimation de l’effort consenti par les collectivités locales apparaît encore plus lacunaire. En outre, en 2018, 23,3% des monuments historiques étaient classés en mauvais état ou en péril.

Des fragilités structurelles persistantes face aux nouveaux enjeux de la politique du patrimoine

En 2009, une importante réforme de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre des opérations de conservation des opérations a eu lieu - au titre de laquelle la maîtrise d’ouvrage des opérations de conservation incombe désormais à leur propriétaire et que la maîtrise d’œuvre des monuments historiques ne revienne plus exclusivement aux architectes en chef. Or, la Cour estime que les résultats de ces deux réformes très importantes sont décevants. En termes de volumes, la hausse des opérations de conservation qui en était attendue n’est pas démontrée, en particulier parce que les collectivités locales n’ont pas suffisamment organisé l’exercice de leur maîtrise d’ouvrage. Par ailleurs, si la réforme de la maîtrise d’ouvrage a entraîné une hausse du nombre d’architectes du patrimoine, leur répartition territoriale et le caractère hétérogène de leur niveau technique constituent deux points faibles. Quant à la modernisation des dispositifs juridiques de protection, elle reste inachevée, alors que la réforme des sites patrimoniaux tarde à aboutir. Dans ce contexte, la fragilisation des ressources humaines en charge de la mise en œuvre de cette politique apparaît d’autant plus préoccupante. Les départs en retraite massifs dans les années à venir des architectes des bâtiments de France recrutés au cours de la décennie 1980, le déficit d’attractivité (tant en termes de de rémunération que de perspectives de carrière), ou encore le caractère excessivement administratif de leurs tâches rendent nécessaire une réflexion sur le pilotage global des ressources humaines.

Une stratégie globale nécessitant des approches plus transversales

La Cour souligne qu’à ce jour, de fortes disparités existent entre les régions et que l’orientation dominante de la politique du patrimoine en faveur de la conservation et de la protection juridique des monuments et sites laisse trop peu de place à une approche intégrée passant par la concertation avec les acteurs locaux. Or, une approche de ce type est essentielle pour des petites et moyennes villes dotées d’un patrimoine remarquable mais confrontées à des difficultés économiques et sociales. Ainsi, l’État doit se mobiliser beaucoup plus fortement pour promouvoir des stratégies d’aménagement des quartiers urbains patrimoniaux. Enfin, la politique de l’État en faveur du patrimoine souffre d’un trop grand cloisonnement entre ses trois piliers - la protection, la conservation et la mise en valeur. La Cour estime que cette politique devrait être plus globale et intégrée en prenant en pleine reconsidération l’ensemble des affectations et usages possibles des bâtiments classés et en assurant mieux leur promotion et leur valorisation à tous les niveaux de la société.

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La politique en faveur des monuments & sites patrimoniaux - Nos rapports en 180 secondes (ou presque)

En France, le patrimoine monumental fait l’objet d’une protection ancienne et très importante. L’État assure ainsi la protection de plus de 44 000 monuments historiques, classés ou inscrits. Il en possède 4 %. 47 % appartiennent aux collectivités territoriales, en majorité des communes. Et 49 % appartiennent à des propriétaires privés. Les abords des monuments sont également protégés mais aussi près de mille sites patrimoniaux, c’est-à-dire des ensembles urbains,  quartiers et  villes remarquables pourvus d’une forte identité.
 Les architectes des bâtiments de France sont aussi les garants de près de 7 500 sites classés et inscrits au titre du paysage, qui  représentent 4,4 % du territoire français. Ces sites comportent souvent une dimension culturelle et architecturale.
Dans une enquête menée en 2021 et 2022, la Cour des comptes s’est penchée sur la politique de l’État en faveur du patrimoine monumental.
Premier constat : notre enquête a montré que la dépense publique a toujours été importante, mais qu’elle est inégalement répartie et qu’elle ne fait pas l’objet d’évaluations régulières.
La Cour a pu constater que la dépense publique privilégie les grands travaux sur le patrimoine d’exception, au détriment d’édifices plus modestes en régions, comme le patrimoine religieux des communes, pour lesquels la dépense est moins importante qu’il y a quinze ans.
La Cour a également observé que, dans le cadre de la relance post-Covid, la dépense publique globale est passée de 1,3 Md€ en 2019 à plus de 2 Mds en 2021. Cela a créé un effet de surchauffe sur les travaux de restauration, donc des tensions sur une main d’œuvre très qualifiée, des pénuries de matériaux et de l’inflation.   
Deuxième constat : cette politique a été profondément réformée, mais ses résultats sont globalement décevants
Depuis la fin des années 2000, la responsabilité de la conservation d’un monument classé incombe à son propriétaire alors qu’avant, l’État était maître d’ouvrage des travaux dès lors qu’il apportait un financement. L’exclusivité  des architectes  en chef des monuments historiques, a été remise en cause puisque désormais, pour le patrimoine classé n’appartenant pas à l’État, ils sont en concurrence avec les architectes du patrimoine.
Ces réformes ont été mises en œuvre sans que les nouveaux maîtres d’ouvrage soient accompagnés, en particulier les petites communes et les propriétaires privés.  Les services de l’État doivent compenser leurs carences, ce qui pèse sur l’accomplissement de leurs missions, en particulier la conduite des travaux portant sur le patrimoine de l’Etat et le contrôle scientifique et technique des travaux menés par les autres propriétaires.
Près du quart des monuments historiques est en mauvais état. La Cour recommande la création d’un carnet sanitaire, une sorte de carnet de santé attaché aux monuments afin d’améliorer cette situation.
Elle invite également le ministère de la culture à mener une politique de ressources humaines plus volontariste, notamment pour conforter les compétences scientifiques et techniques sur lesquelles cette politique repose.
Troisième constat : la mise en valeur économique, touristique et culturelle du patrimoine monumental souffre d’un accompagnement trop modeste de l’État.
Certaines villes petites ou de taille moyenne dotées de centres anciens datant parfois du Moyen-Âge (on pense à Autun, la Charité sur Loire, Figeac etc.) et confrontées à des difficultés économiques et sociales sont en situation d’urgence patrimoniale. La Cour préconise d’accentuer l’effort sur ces cœurs de villes par des actions concertées alliant outils budgétaires et fiscaux, pour y développer du logement, des commerces et de l’artisanat dans des immeubles anciens.
Les propriétaires privés de monuments historiques sont soutenus dans leurs efforts de restauration par une fiscalité avantageuse, mais leurs entreprises, lorsque les monuments ouvrent au public, demeurent risquées et sont peu aidées sur le volet touristique, qui pourrait leur attirer une clientèle plus nombreuse.
Enfin, la réflexion sur l’usage des monuments et leur mise en valeur doit être systématisée afin d’en garantir le bon état de conservation à long terme, que le monument ait une vocation culturelle ou pas et qu’il s’agisse d’un patrimoine d’exception (tel que le château de Villers-Cotterêts ou l’abbaye de Clairvaux) ou d’édifices plus modestes. 

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