Une politique ancienne confrontée aux défis de protection d’un vaste patrimoine
La politique menée en faveur du patrimoine monumental est confrontée aux défis de protection d’un vaste patrimoine (comprenant des monuments historiques classés, abords, sites patrimoniaux remarquables, etc.) qui impose une dépense publique significative. En 2021, la dépense publique totale consacrée s’élevait à 2,01 Md€, contre 1,31 Md€ en 2019 et 1,43 Md€ en 2020. Cependant, la dépense globale reste mal appréhendée - le ministère de la culture ne disposant pas d’une connaissance exhaustive de la dépense consolidée de l’État - et l’estimation de l’effort consenti par les collectivités locales apparaît encore plus lacunaire. En outre, en 2018, 23,3% des monuments historiques étaient classés en mauvais état ou en péril.
Des fragilités structurelles persistantes face aux nouveaux enjeux de la politique du patrimoine
En 2009, une importante réforme de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre des opérations de conservation des opérations a eu lieu - au titre de laquelle la maîtrise d’ouvrage des opérations de conservation incombe désormais à leur propriétaire et que la maîtrise d’œuvre des monuments historiques ne revienne plus exclusivement aux architectes en chef. Or, la Cour estime que les résultats de ces deux réformes très importantes sont décevants. En termes de volumes, la hausse des opérations de conservation qui en était attendue n’est pas démontrée, en particulier parce que les collectivités locales n’ont pas suffisamment organisé l’exercice de leur maîtrise d’ouvrage. Par ailleurs, si la réforme de la maîtrise d’ouvrage a entraîné une hausse du nombre d’architectes du patrimoine, leur répartition territoriale et le caractère hétérogène de leur niveau technique constituent deux points faibles. Quant à la modernisation des dispositifs juridiques de protection, elle reste inachevée, alors que la réforme des sites patrimoniaux tarde à aboutir. Dans ce contexte, la fragilisation des ressources humaines en charge de la mise en œuvre de cette politique apparaît d’autant plus préoccupante. Les départs en retraite massifs dans les années à venir des architectes des bâtiments de France recrutés au cours de la décennie 1980, le déficit d’attractivité (tant en termes de de rémunération que de perspectives de carrière), ou encore le caractère excessivement administratif de leurs tâches rendent nécessaire une réflexion sur le pilotage global des ressources humaines.
Une stratégie globale nécessitant des approches plus transversales
La Cour souligne qu’à ce jour, de fortes disparités existent entre les régions et que l’orientation dominante de la politique du patrimoine en faveur de la conservation et de la protection juridique des monuments et sites laisse trop peu de place à une approche intégrée passant par la concertation avec les acteurs locaux. Or, une approche de ce type est essentielle pour des petites et moyennes villes dotées d’un patrimoine remarquable mais confrontées à des difficultés économiques et sociales. Ainsi, l’État doit se mobiliser beaucoup plus fortement pour promouvoir des stratégies d’aménagement des quartiers urbains patrimoniaux. Enfin, la politique de l’État en faveur du patrimoine souffre d’un trop grand cloisonnement entre ses trois piliers - la protection, la conservation et la mise en valeur. La Cour estime que cette politique devrait être plus globale et intégrée en prenant en pleine reconsidération l’ensemble des affectations et usages possibles des bâtiments classés et en assurant mieux leur promotion et leur valorisation à tous les niveaux de la société.