ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LA POLITIQUE
DE L’ÉTAT
EN FAVEUR
DU PATRIMOINE
MONUMENTAL
Rapport public thématique
Synthèse
Juin 2022
2
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations, des organismes et des collectivités
concernés figurent à la suite du rapport
.
3
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Sommaire
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
1
Une politique ancienne confrontée aux défis
de la protection d’un vaste patrimoine
7
2
Des fragilités structurelles persistantes face
aux nouveaux enjeux de la politique du patrimoine
11
3
Une stratégie globale nécessitant des approches
plus transversales
15
Conclusion et recommandations
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
5
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
Née au XIX
ème
siècle d’une volonté de sauver le patrimoine de la Nation,
la politique de l’État en faveur du patrimoine monumental n’a cessé de
s’étendre avec le développement des dispositifs juridiques amplifiant le
champ des protections .
En effet, même si le rythme d’augmentation du nombre d’édifices couverts par le
régime des monuments historiques
stricto sensu
(44 500 à ce jour) ralentit depuis
vingt ans, l’ensemble des dispositifs créés au cours des deux derniers siècles
(monuments historiques classés ou inscrits, abords, secteurs sauvegardés, sites
patrimoniaux remarquables, etc .) a abouti à la protection de plusieurs centaines
de milliers d’édifices et de leurs espaces environnants .
Répartition des monuments selon le statut, la typologie et l’époque
Époque
contemporaine
17 %
30 305 inscrits
68 %
Préhistoire
4 %
Antiquité
2 %
Moyen Âge
34 %
14 235 classés
32 %
Statut
Manoirs et châteaux
35 %
Autres
24 %
Architecture
religieuse
41 %
Typologie
Époque
Temps modernes
43 %
44 540
Monuments
Historiques
Source : ministère de la culture, bilan de la conservation 2020
7
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1
Une politique ancienne confrontée
aux défis la de protection
d’un vaste patrimoine
L’ampleur
de
cette
politique
se
traduit par les moyens que l’État lui
consacre . Essentiellement centrée sur
la conservation, la dépense publique
allouée au patrimoine monumental
est
significative .
Elle
s’établissait,
avant la crise sanitaire, à plus de
1,3 Md€ et se répartissait à parts
égales entre l’État et les collectivités
territoriales . Entre 2019 et 2021, cet
effort s’est trouvé sensiblement accru
par la forte augmentation des crédits
d’État alloués à de grands travaux,
principalement sur des monuments de
premier plan, ou inscrits dans le plan
de relance . En outre, afin d’encourager
les opérations de conservation de
monuments
appartenant
à
des
propriétaires
privés,
l’État
a
de
longue date développé une fiscalité
appropriée et efficace .
Répartition de la dépense en faveur des monuments historiques
(action 1 P 175, exécutés en CP, M€)
2011
0
50
100
150
200
250
300
350
400
450
500
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
Crédits déconcentrés
Crédits centraux
Crédits EP sous tutelle du MC
202
182
219
195
196
185
186
187
190
181
50
42
39
35
31
38
42
28
60
43
75
57
50
41
76
85
81
97
154
271
Source : RAP 2011-2020, retraitement Cour des comptes. Les crédits destinés
aux établissements publics comprennent les fonds de concours de Notre-Dame
Alors
même
que
l’État
et
les
collectivités
territoriales
peuvent
se prévaloir de la constance de cet
important effort, la dépense globale
reste néanmoins mal appréhendée .
En effet, le ministère de la culture
ne dispose pas d’une connaissance
exhaustive de la dépense consolidée
de l’État . Le jaune budgétaire «
Effort
financier de l’État dans le domaine de
la culture et de la communication
»
est incomplet s’agissant des dépenses
des autres ministères affectataires de
monuments historiques et des aides de
l’État dont bénéficient les collectivités
territoriales au titre du patrimoine
local . Quant à l’effort consenti par ces
dernières, son estimation est encore
plus imprécise et s’avère en outre
irrégulière dans le temps .
8
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Une politique ancienne confrontée aux défis
de protection d’un vaste patrimoine
Vue d’ensemble de la dépense publique en faveur du patrimoine
Dépense budgétaire et fiscale publique en faveur
des MH et des espaces patrimoniaux (CP, M€)
Exécution
2019
Exécution
2020
Exécution
2021
Ministère de la culture - Monuments historiques
et patrimoine monumental (action 1 - P 175)*
385
502
687
Ministère de la culture - sites patrimoniaux et part
enseignement École de Chaillot CAPA
(fraction action 2 - P 175)
10
10
10
Ministère de la culture - dépenses de personnel
(P 224)
85
87
90
Plan de relance secteur culture (P 363 compétitivité)
CP votés
-
-
230
Total ministère de la culture
(hors dépenses éducatives)
480
599
1 017
Autres ministères propriétaires de monuments
historiques (estimation)
60**
60**
60**
DSIL et autres dotations territoriales
(FNADT, DETR)
nd
nd
28
Plan de relance (P 362 Écologie)
CP votés
-
-
146
Total autres ministères
60
60
234
Dépenses fiscales directes MH + labels Fondation
du patrimoine
84
81
74
Dépenses fiscales liées aux dons et mécénat
(hors grands opérateurs)
31
31
31
Total dépenses fiscales
115
112
105
Total estimé de la dépense de l'État
655
771
1 355
Dépenses des communes pour l’entretien de leur
patrimoine 2017 estimation
310
310
310
Départements (crédits d'intervention
et patrimoine propre) 2017 estimations
243
243
243
Régions (crédits d'intervention principalement)
2017 estimations
110
110
110
Total collectivités territoriales
663
663
663
Total estimé de la dépense publique
1 318
1 434
2 018
Fonds européens : FEDER et Interreg
Quelques millions d’euros par an
Les chiffres en italiques correspondent à des estimations.
* Total de la dépense y compris fonds de concours pour Notre-Dame de Paris reversés à
l’Établissement public nouvellement créé RNDP (total de 152 M€ de CP entre 2019 et
2021) et abondements FIP (7 M€ en 2020) et MPP (5,3 M€ en 2020).
** La dépense des autres ministères affectataires connait des variations importantes en
fonction de la programmation des travaux.
Source : Chorus, Rapports annuels de performance de la mission Culture, Direction du
budget, DIE, Voies et moyens Tome 2 PLF 2021 et 2022, Jaune 2021 Effort financier de
l’État dans le domaine de la culture et de la communication
9
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
La mise en œuvre de cette politique
s’est également s’appuyée sur une
organisation
structurée,
répartie
entre
administration
centrale,
services
déconcentrés
(directions
régionales des affaires culturelles –
Drac) et opérateurs (principalement
le
Centre
des
monuments
nationaux – CMN et l’Opérateur pour
les
programmes
immobiliers
du
ministère de la culture – Oppic) et une
expertise scientifique et technique
reconnue, tant en matière de maîtrise
d’ouvrage que de maîtrise d’œuvre .
Néanmoins, en dépit de ces moyens,
le dernier bilan de l’état sanitaire
des monuments historiques effectué
en 2018 a montré que près du
quart d’entre eux est dans un état
préoccupant .
Une politique ancienne confrontée aux défis
de protection d’un vaste patrimoine
11
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Une importante réforme de la maîtrise
d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre des
opérations de conservation a eu lieu
en 2009 .
Relevant traditionnellement
de l’État pour tous les monuments
classés, la maîtrise d’ouvrage des
opérations de conservation incombe
désormais à leur propriétaire, qu’il
s’agisse de collectivités territoriales
(51 % des monuments historiques) ou
de propriétaires privés (43 %) .
En
matière
de
maîtrise
d’œuvre,
il a été mis fin à l’exclusivité dont
bénéficiaient
depuis
l’origine
les
architectes en chef des monuments
historiques
sur
l’ensemble
des
monuments classés .
Ils n’ont en effet
gardé l’exclusivité de la maîtrise
d’œuvre que pour les monuments
classés appartenant à l’État .
Les résultats de ces deux réformes
très
importantes
sont
décevants .
En termes de volumes, la hausse
des
opérations
de
conservation,
qui
en
était
attendue,
n’est
pas
démontrée, en particulier parce que
les
collectivités
territoriales
ont
insuffi
samment
organisé
l’exercice
de leur maîtrise d’ouvrage .
De ce fait,
le contrôle scientifique et technique
assumé par l’État compense leurs
carences et mobilise des ressources qui
déséquilibrent les missions des Drac .
Des fragilités structurelles
persistantes face aux nouveaux
enjeux de la politique
du patrimoine
2
Exécution des crédits déconcentrés d’entretien
et de restauration des MH*(en CP, M€)
MH non État
MH État
Total crédits d’entretien et de restauration déconcentrés
0
100
200
300
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
*Hors monuments nationaux gérés par le CMN.
Source : RAP 2006 à 2020 - retraitement Cour des Comptes
12
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
La réforme de la maîtrise d’œuvre a
certes entraîné une hausse du nombre
d’architectes
du
patrimoine
mais
leur inégale répartition territoriale
et le caractère hétérogène de leur
niveau technique constituent deux
éléments de faiblesse .
La réforme
des interventions des architectes en
chef des monuments historiques et,
par ailleurs, la moindre disponibilité
des
architectes
des
bâtiments
de France ont en outre abouti à
fragiliser l’expertise architecturale et
patrimoniale de premier niveau .
La
modernisation
des
dispositifs
juridiques
de
protection
reste
inachevée, alors que la réforme des
sites patrimoniaux tarde à aboutir .
Cette
dernière
devait
permettre,
grâce
à
la
généralisation
des
périmètres délimités des abords et
la fusion de tous les anciens espaces
protégés en un seul dispositif, le
« site patrimonial remarquable »,
de disposer d’outils uniformes et
effi
caces .
Or, le processus de fusion
s’accomplit à un rythme très lent et la
superposition des statuts maintient
une complexité dommageable .
De
ce fait, l’exercice des protections
des monuments et des sites reste
pointilliste,
au
détriment
d’une
démarche globale de mise en valeur .
Des fragilités structurelles persistantes face aux
nouveaux enjeux de la politique du patrimoine
Évolution des protections arrêtées sur les espaces patrimoniaux (2001-2021)
Secteurs sauvegardés
ZPPAUP
AVAP
SPR (loi LCAP)
11
3
83
151
670
669
664
102
96
522
353
94
109
109
Source : Cour des comptes d’après les bilans annuels des espaces protégés, ministère
de la culture
13
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Dans ce contexte, la fragilisation des
ressources humaines en charge de
la mise en œuvre de cette politique
apparaît d’autant plus préoccupante .
Les
départs
en
retraite
massifs
des années à venir, alors que les
concours sont organisés de manière
irrégulière,
le
déficit
d’attractivité,
faute
de
rémunération
suffisante
et de perspectives de carrière, la
part croissante prise par l’activité
libérale
des
architectes
en
chef
des
monuments
historiques
ou
encore le caractère excessivement
administratif
des
tâches
des
architectes des bâtiments de France
rendent nécessaire une réflexion sur
le pilotage global des ressources
humaines . Il convient que l’État agisse
pour prévenir un appauvrissement
des
compétences
techniques
qui
aurait
de
lourdes
conséquences
dans les années à venir . En outre, la
formation initiale et continue des
architectes habilités à intervenir sur
les monuments historiques doit être
renforcée, notamment par la création
d’un véritable doctorat professionnel .
Compte tenu de l’importance de la
commande publique pour des travaux
de
conservation,
et
des
risques
avérés de goulets d’étranglement, il
est également indispensable que le
ministère dispose d’une prospective
fiable sur les effectifs des filières
métiers du patrimoine .
Des fragilités structurelles persistantes face aux
nouveaux enjeux de la politique du patrimoine
Évolution prévisionnelle des départs dans les corps techniques
à l’horizon 2024
Corps
2019
2020
2021
2022
2023
2024
Conservateurs du patrimoine MH
inventaire
1
0
6
3
2
2
Architectes urbanistes de l’État
10
10
10
2
4
2
CHDE
6
2
4
1
1
2
Ingénieurs services cult.
et pat.
12
7
8
8
4
8
Techniciens des s.c et des b.f.
13
10
8
16
14
12
Total tous corps
42
29
36
30
25
26
Source : ministère de la culture
15
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
L’orientation
dominante
de
la
politique du patrimoine en faveur de
la conservation et de la protection
juridique des monuments et sites
laisse trop peu de place à une approche
intégrée passant par le conseil aux
collectivités et la concertation avec les
acteurs locaux . Une approche de ce
type est pourtant essentielle pour des
petites et moyennes villes anciennes
dotées d’un patrimoine remarquable
mais
confrontées
à
de
réelles
difficultés économiques et sociales .
L’État doit se mobiliser beaucoup
plus
fortement
pour
promouvoir
des stratégies d’aménagement des
quartiers urbains patrimoniaux .
En matière de mise en valeur, il est
indispensable
que
l’État
renforce
son action sur le volet économique .
Malgré les outils fiscaux avantageux
dont ils bénéficient, la plupart des
entrepreneurs privés qui exploitent
des monuments ouverts au public
éprouvent des difficultés à développer
un modèle économique pérenne à
partir d’une activité saisonnière . Ils
doivent pouvoir compter sur des
coopérations plus régulières, fluides
et efficaces entre l’administration
culturelle
et
les
acteurs
du
développement touristique .
Condition
indispensable
d’une
politique du patrimoine monumental
efficace, les outils de pilotage sont
nettement perfectibles . Ceci vaut aussi
bien pour les politiques partagées
avec les collectivités territoriales, en
matière de protection et d’inventaire,
que pour les compétences exercées
par les Drac en lien avec l’ensemble des
acteurs du patrimoine, notamment
en matière d’allocation des aides de
l’État et de conduite du bilan sanitaire .
Le carnet sanitaire devrait ainsi être
conçu comme un outil partagé pour
la connaissance et le suivi des édifices
protégés,
quels
que
soient
leurs
régimes de propriété .
Néanmoins, de meilleurs outils et
modalités de pilotage ne sauraient
se substituer à une stratégie globale
et
transversale .
La
politique
de
l’État
en
matière
de
patrimoine
monumental souffre d’un trop grand
cloisonnement entre ses trois piliers,
la protection, la conservation et la
mise en valeur . Une politique du
patrimoine doit être fondée sur une
stratégie visant à promouvoir la place
du
patrimoine
historique
dans
la
société, à tous les niveaux et avec tous
les acteurs . À cet égard, les effets de
la crise sanitaire sur la fréquentation
des lieux patrimoniaux créent un
contexte nouveau pour repenser les
liens que les Français ont toujours
entretenus avec leur patrimoine et
poursuivre les réflexions et actions
émergentes sur la valorisation et
l’usage des monuments, condition
indispensable de leur conservation, et
par conséquent de leur transmission
aux générations futures .
Une stratégie globale
nécessitant des approches
plus transversales
3
17
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Le récapitulatif ci-dessous est organisé
en quatre thèmes :
La dépense publique en faveur
du patrimoine monumental
1.
Consolider
la
dépense
totale
annuelle de l’État dans le document
budgétaire
« Effort financier de l’État
dans le domaine de la culture et de
la communication »
et retracer plus
régulièrement et plus précisément
l’effort
financier
des
collectivités
territoriales en faveur du patrimoine
monumental
(ministère de la culture)
6.
Harmoniser
les
conditions
de
modulation des aides accordées par
les Drac aux monuments historiques
selon des critères préalablement
définis et rendus publics
(ministère
de la culture)
La protection des monuments
historiques
7.
Établir
pour
chaque
édifice
inscrit ou classé un carnet sanitaire
régulièrement actualisé et partagé
avec l’ensemble des acteurs de la
chaîne patrimoniale
(ministère de
la culture)
La conservation et la mise en valeur
des monuments historiques
2.
Effectuer un bilan de la réforme
relative
aux
architectes
en
chef
des
monuments
historiques
et
adopter en conséquence une gestion
prévisionnelle des effectifs conforme
aux objectifs recherchés
(ministère
de la culture)
3.
Renforcer
les
missions
des
architectes des bâtiments de France
auprès des maîtres d’ouvrages publics
et privés et pour la conservation
préventive du patrimoine de l’État
(ministère de la culture)
4.
Accélérer
la
mise
en
œuvre
effective de la loi relative à la liberté
de la création, à l’architecture et au
patrimoine (LCAP) de 2016 visant les
périmètres délimités des abords et
les sites patrimoniaux remarquables
(ministère de la culture)
La fiscalité
5.
Engager un travail interministériel
d’évaluation des dispositifs fiscaux
applicables aux monuments histo-
riques
(ministère de la culture et
ministère de l’économie, des finances
et de la relance)
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