Une fondation confrontée à un impératif de développement et de professionnalisation
Créée en 1995 et reconnue d’utilité publique, la Fondation 30 Millions d’Amis a longtemps mené une activité modeste, centrée sur la sensibilisation du grand public et le soutien financier à des refuges ou associations de protection animale gérés par des tiers. La notoriété de son label a toutefois alimenté un flux croissant de dons et legs, qui a conduit au lancement, à partir du milieu des années 2010, de nouvelles initiatives, comme le développement des sauvetages et la gestion en propre de deux refuges. Mais l’effort financier consacré à ses missions sociales est resté limité, autour de 14 M€ par an, entraînant un sous-emploi récurrent de ses ressources. Ses fonds propres s’élèvent à plus de 92 M€ et ses réserves mobilisables atteignent près de 86 M€ soit 4,5 années de charges d’exploitation. Une telle thésaurisation, difficilement justifiable pour une fondation financée par la générosité du public et bénéficiant d’avantages fiscaux, ne peut perdurer. Si des pistes sont à l’étude, la réflexion sur l’emploi des fonds demeure embryonnaire : elle doit être menée de manière approfondie et donner lieu à un débat collégial au sein des instances. Faute de se mettre en capacité d’employer ces fonds efficacement, la fondation s’exposerait à devoir réduire sa collecte. Dans le même temps, la fondation ne dispose pas dans ses équipes de toutes les expertises nécessaires à la conduite de ses actions, et ne s’est pas dotée de méthodes de gestion rigoureuses. Ses règles de délégation de pouvoirs et de signature sont lacunaires, l’exposant à des risques de décisions irrégulières. Face à ces constats, la Cour recommande notamment à la fondation d’adopter avant la fin du 1er semestre 2026 un plan stratégique et les programmations qui en découlent (budget, immobilier) ; de renforcer les compétences professionnelles du siège dans les fonctions support comme dans les pôles opérationnels et de mettre en place l’ensemble des délégations de pouvoir et de signature nécessaires.
Une communication financière qui passe sous silence le niveau élevé des ressources non employées et le poids devenu très insuffisant des emplois en missions sociales
Les états financiers publiés par la Fondation 30 Millions d’Amis reposent sur des règles qui n’ont jamais été débattues ni arbitrées par le conseil d’administration, et parfois erronées. C’est le cas notamment de l’inscription dans la catégorie des « autres produits non liés à la générosité du public », tant des recettes locatives tirées d’un bien reçu en legs, que des produits financiers issus des placements réalisés à partir de dons et legs, en contravention avec le règlement applicable depuis 2020. D’autres partis pris comptables fragilisent la sincérité de l’information financière : des dépenses liées à des actions de sensibilisation ont ainsi été classées en missions sociales, alors qu’elles relèvent en réalité de la recherche de fonds. Enfin, les clés de répartition des coûts salariaux de certains personnels de direction doivent être revues, une part de ces charges devant être comptabilisée en frais de fonctionnement. Ces lacunes biaisent la communication financière au public. Dans ce domaine, au surplus, la fondation a mis en avant, tout au long de la période contrôlée, un taux d’emploi en missions sociales de l’ordre de 80 %. En réalité, le ratio d’emploi des fonds collectés pendant l’année n’atteint que 33 % en 2023, près de 60 % des ressources collectées ayant été mises en réserve ou reportées, et non utilisées pour les missions sociales. Une telle présentation, qui occulte le niveau très élevé des fonds non employés, ne permet pas aux donateurs de disposer d’une image fidèle de l’utilisation de leur générosité. La Cour considère qu’il est impératif que la communication financière de la fondation rende compte plus fidèlement de la réalité de ses ressources et de ses dépenses.
Une collecte dynamique, portée par les prélèvements automatiques et les legs
Portée par la notoriété de son label et une stratégie active de collecte, la Fondation 30 Millions d’Amis a enregistré une progression remarquable de ses ressources issues de la générosité du public : près de 39 M€ en 2023, soit +70 % par rapport à 2019. Cette dynamique repose principalement sur deux leviers : le développement des dons récurrents par prélèvement automatique, qui représentent désormais 54 % des dons collectés, et la forte croissance des legs et libéralités, avec un record atteint en 2024 (122 dossiers soumis au conseil d’administration). La fondation a su stabiliser la gestion de ces dossiers grâce à de nouveaux outils et à un guide interne de procédures.
Les missions sociales : l’émergence récente, et encore modeste, de la gestion directe de refuges
Avec des dépenses sociales d’environ 14 M€ par an, la Fondation 30 Millions d’Amis consacre encore une partie importante de ses moyens aux aides apportées aux refuges et associations gérés par des tiers (40 %), tandis que ses actions de sauvetage se maintiennent et que ses campagnes de sensibilisation reculent. La principale évolution réside dans la gestion directe de deux refuges ouverts au milieu des années 2010, qui absorbent désormais près de 30 % des ressources dédiées aux missions sociales. La conduite des activités est fragilisée par de graves insuffisances : absence de procédures écrites, effectifs trop restreints sur certaines fonctions-clé, manque de sécurisation juridique et financière des opérations. L’attribution d’aides à des associations, notamment à l’étranger en dehors de l’espace économique européen, est peu formalisée, et il appartient à l’association de s’assurer qu’elle maîtrise suffisamment les projets financés au regard des exigences de la doctrine fiscale dans ce domaine. En ce qui concerne les actions en France, le recours répété aux mêmes prestataires, sans mise en concurrence, même pour des contrats importants, ne permet pas de garantir le rapport qualité/prix des prestations. La mise en place d’un contrôle interne structuré et de procédures de sélection transparentes apparaît désormais indispensable.


