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La Fédération Française des Banques Alimentaires

COUR DES COMPTES

La Fédération Française des Banques Alimentaires (FFBA) fédère aujourd’hui 79 banques alimentaires (BA) et 29 antennes, couvrant le territoire métropolitain, la Martinique, la Guadeloupe et La Réunion. La FFBA est l’une des quatre têtes de réseau chargées de l’aide alimentaire en France, aux côtés des Restaurants du cœur, de la Croix-Rouge française et du Secours populaire français. Elle reçoit des subventions de l’État et de l’Union européenne ainsi que des dons en nature, afin de redistribuer, avec son réseau, des denrées aux associations d’aide alimentaire, centres communaux d’action sociale (CCAS), épiceries solidaires, qui les attribuent ensuite aux personnes bénéficiaires. En 2023, plus de 6 000 organisations ont bénéficié des denrées des banques alimentaires qui leur ont permis de servir, selon la FFBA, 224 millions de repas à 2,4 millions de bénéficiaires. Dans un contexte de fort développement de son budget, la FFBA n’a pas été en mesure d’impulser dans son réseau les évolutions nécessaires à un déploiement efficace et sécurisé de son action.

Une crise de croissance générée par des subventions en forte augmentation et des carences organisationnelles

Le budget de la FFBA a été multiplié par cinq entre 2019 (9,4 M€) et 2023 (47 M€), en raison essentiellement d’une augmentation forte des concours publics apportés par l’État et l’Union Européenne depuis 2020 dans un contexte de crise sanitaire et de forte inflation des prix de l’alimentation. Dans ce contexte, la FFBA s’était donnée pour stratégie d‘accroître également ses ressources collectées auprès du public (en tablant notamment sur la reconnaissance d’utilité publique obtenue en février 2023) et de diversifier ses missions pour aller au-delà de la logistique alimentaire. Elle devait pour cela renforcer son rôle de tête de réseau et se doter de nouvelles compétences grâce à quelques recrutements.

Le contexte de croissance rapide de l’ensemble des ressources de la fédération, et de transformation du modèle économique et financier du réseau, fondé principalement sur le don de denrées alimentaires, pour aller vers un modèle diversifié recherchant davantage de dons financiers, nécessitait en effet d’établir des processus rigoureux pour la collecte des dons et le suivi de leur utilisation. Mais faute de compétences adéquates et du recrutement de salariés pérennes à des postes-clés, le rôle de tête de réseau de la fédération est resté limité, sans véritable capacité à assurer le déploiement d’une stratégie commune par le réseau ; et les processus de gestion sont restés peu ou mal définis, avec plusieurs conséquences dommageables.

Une organisation qui n’a pas permis la montée en charge attendue et laissé des budgets inemployés ; une traçabilité des subventions défaillante

Les subventions publiques reçues par la FFBA ont été multipliées par trois entre 2019 et 2023 (de 6,6 M€ à 22,5 M€). Leur rythme de consommation a été faible, en particulier entre 2021 et 2023, comme le montre la croissance plus que proportionnelle des fonds reportés en attente d’utilisation entre 2021 et 2023 (4,2 M€, 17,8 M€ et 23 M€), alors même que c’est l’urgence qui avait motivé la croissance des fonds publics alloués. Cette situation résulte pour partie du calendrier de versement des subventions, dont certaines ont été versées en fin d’année 2022 et 2023, mais surtout de difficultés internes pour accroître les capacités logistiques et optimiser les délais de procédure. À cela s’ajoute un suivi insuffisant de l’utilisation des subventions, en raison de l‘immaturité de la fonction financière qui ne dispose pas des outils comptables nécessaires.

Dès lors, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) ne saurait maintenir un niveau de subvention élevé à une fédération qui n’est pas en situation de les utiliser en temps utile avec son réseau. Il convient de calibrer, dès le prochain exercice, les subventions accordées à la FFBA en fonction de la capacité de cette dernière à les décaisser rapidement, dans des conditions de traçabilités rigoureuses.

Des règles comptables mal appliquées en ce qui concerne l’emploi des fonds issus de la générosité publique, une communication financière insuffisante

La FFBA n’a pas pris la mesure de ses obligations comptables en sa qualité d’association recevant des ressources issues de la générosité du public. 
Des défaillances répétées dans la construction des documents comptables de référence ont été constatées, contribuant à une communication financière insuffisante. Les règles qui président à leur construction n’ont pas été discutées ni approuvées par la direction fédérale, ni par la gouvernance. Elles présentent un caractère arbitraire et instable conduisant à des erreurs manifestes, telle que l’inscription de frais de fonctionnement nuls.

Des règles de la commande publique non respectées pour ses achats autres que les denrées alimentaires, une organisation des achats à revoir

La FFBA ne respecte le code de la commande publique que pour ses achats de denrées, et non pour ses autres achats tels que ceux de prestations informatiques. Or, sa qualité de pouvoir adjudicateur (puisque de 2019 à 2023, ses ressources issues des subventions publiques prévues dans ses budgets sont supérieures à 50 % du total de ses ressources) lui impose de le faire quel que soit l’objet de la commande. Par ailleurs, les personnes qui signent les documents d’achats (contrats, marchés, devis, factures avec les entreprises) doivent disposer d’une délégation de signature formelle, ce qui n’est pas le cas la plupart du temps. Afin de disposer de procédures d’achats juridiquement sécurisées et économiquement efficaces, la FFBA devrait donc réformer la totalité de son organisation en matière d’achat.
En définitive, malgré l’engagement sans faille de nombreux bénévoles de son siège et de son réseau, dont l’action et le dévouement ne sont pas en cause, et en dépit de son rôle central en matière d’aide alimentaire, la FFBA en tant qu’institution n’a pas été capable d’accompagner correctement la croissance des flux de financement qui lui ont été attribués. Elle n’a pas été en mesure de les dépenser selon le calendrier souhaité, de rendre compte précisément de l’emploi des fonds issus des subventions de l’État et de la générosité du public, de respecter les exigences comptables et de commande publique. Cette situation est liée à l’absence de processus de gestion rigoureux au sein de la fédération, résultant elle-même d’une politique de ressources humaines inadaptée. Elle résulte également d’un positionnement trop en retrait par rapport au réseau pour pouvoir se présenter à l’État comme un interlocuteur garant de l’emploi rapide et pertinent des subventions qui lui sont confiées. Une reprise en main vigoureuse de l’ensemble du fonctionnement de la FFBA s’impose désormais.

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