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Groupe scolaire Al-Kindi (Métropole de Lyon)

CRC AUVERGNE-RHÔNE-ALPES

La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes a procédé – dans le cadre de son programme de travail et des dispositions des articles L. 211-3 et L. 211-8 du code des juridictions financières (CJF) – au contrôle des comptes et de la gestion de l’association Al Kindi et du fonds de dotation Al Kindi, pour les exercices 2019 à 2024.

 

Un groupe scolaire aux effectifs croissants et aux résultats académiques performants
Créé en 2007, le groupe scolaire Al Kindi accueillait plus de 600 élèves, de l’école primaire à la terminale, à la rentrée 2024/2025, dans ses locaux basés à Décines-Charpieu, dans la métropole de Lyon.


Al Kindi affiche des taux de réussite de ses élèves au baccalauréat général, ainsi qu’au brevet des collèges, supérieurs aux moyennes départementales, académiques et nationales. Les indices de valeur ajoutée du lycée, qui mesurent la différence entre les résultats obtenus et les résultats attendus, se situent au niveau de la moyenne constatée à l’échelle des lycées du Rhône.


Sous contrat avec l’État depuis 2012, pour le lycée et le collège, et depuis 2016, pour l’école primaire, le groupe scolaire fait intervenir 49 enseignants, dont 29 rémunérés directement par l’État et 20 par l’association Al Kindi. Fondée en 2004 pour assurer la création d’établissements d’enseignement privé, l’association Al Kindi emploie actuellement environ 58 personnes au total.


Par courriers du 10 janvier 2025, la préfète du département du Rhône a annoncé la résiliation de l’ensemble des contrats liant l’association Al Kindi et son établissement scolaire à l’État.

 


Une absence de différenciation dans le financement de l’enseignement sous contrat et hors contrat
De 2019 à 2024, le groupe scolaire Al Kindi a vu son activité financée majoritairement par les concours financiers publics, d’une part, et les frais de scolarité versés par les familles, d’autre part. L’association fait également appel aux dons.


Les familles ne s’acquittent que depuis la rentrée 2024/2025 de tarifs différenciés selon que leur enfant est affecté à une classe sous contrat avec l’État ou hors contrat. L’association a fait part de son intention de compenser les différences de tarifs entre les deux régimes. 


L’absence de différenciation tarifaire et de comptabilité analytique du budget de l’établissement a conduit à un financement indifférencié des deux régimes d’enseignements, alors que les concours financiers publics étaient destinés au seul enseignement sous contrat. 


Un fonctionnement associatif opaque et insuffisamment respectueux des principes de la gestion désintéressée
L’établissement scolaire est géré par l’association Al Kindi, à la tête d’associations placées au service du projet de développement de l’enseignement musulman. Dirigé par un même ensemble de personnes, cet écosystème est exposé à des risques juridiques liés, en particulier, à un défaut d’information de l’assemblée générale, des prêts informels de main d’œuvre entre entités, du recrutement familial, la représentation légale de ces entités par une même personne physique dans certains cas, ou à l’octroi de larges délégations de pouvoirs sans rendu compte formel et en l’absence de procédure de contrôle interne.


Or son statut d’organisme d’intérêt général ayant un caractère éducatif, éligible aux dons ouvrant droit à des réductions d’impôt et faisant appel, au surplus, à la générosité publique, requiert que sa gestion soit pleinement désintéressée.


Si le conseil d’administration d’Al Kindi vient de mettre fin au mandat de ses membres également salariés de l’association, les statuts associatifs nécessitent d’être révisés afin de formaliser les pouvoirs du bureau. Le rôle du chef d’établissement pourrait également être précisé. La gestion des séances de l’assemblée générale devrait être plus rigoureuse, en garantissant notamment une conservation des documents adressés à l’appui des convocations et un émargement individuel des membres présents. Dans sa réponse aux observations provisoires de la chambre, l’association s’est engagée à adopter des mesures correctrices.


Une gestion interne encore très fragile, marquée par une comptabilité structurellement déficiente, malgré une volonté récente de professionnalisation 
En matière comptable et financière, l’association n’a pas encore mis en place une véritable comptabilité en droits constatés et n’a pas présenté à son assemblée des comptes réguliers et sincères. Depuis 2019, les états financiers demeurent incomplets. Aucun compte d’emploi des ressources collectées auprès du public n’a été établi. L’établissement est amené à gérer des liquidités importantes dans la mesure où certaines familles préfèrent encore régler les frais de scolarité en numéraire. Ainsi, l’association a connu plusieurs fermetures de comptes bancaires, en 2022 et 2023, rendant son fonctionnement financier plus difficile. Soumise depuis plusieurs années à l’obligation de faire certifier ses comptes (en raison de ses appels à la générosité publique), l’association ne s’est finalement dotée d’un commissaire aux comptes que fin 2024.


Au cours de la période contrôlée, l’association Al Kindi a repris en gestion directe l’ensemble des personnels salariés par l’établissement. Manquant d’expertise interne en matière de gestion du personnel et confrontée à des contentieux coûteux aux Prud’hommes, Al Kindi a engagé des frais de conseil juridique pouvant atteindre plus de 80 000 € par an. Des carences importantes ont été constatées par la chambre dans la confection des bulletins de paie, la tenue des dossiers des personnels, les acomptes sur salaires ou, encore, la prise en charge des frais professionnels. Le décompte du nombre de salariés, exprimé en équivalents temps plein, apparaît artificiellement minoré, en ne tenant pas compte des heures induites par l’activité d’enseignement.


Si une démarche de professionnalisation a été récemment mise en œuvre, notamment avec le déploiement de logiciels de gestion de la scolarité, du temps et de la comptabilité, ou la relance du dialogue social, l’association doit impérativement poursuivre sa montée en compétence en matière de gestion et sa formalisation du contrôle interne.

 


Une situation financière fragile, sans projection sur l’avenir
Les produits annuels avoisinent désormais les 2 millions d’euros, soutenus par la croissance des effectifs scolarisés et des frais de scolarité. Les résultats annuels de l’association Al Kindi, dont la fiabilité est soumise à caution compte tenu de l’état de la comptabilité, fluctuent entre des exercices déficitaires et des exercices excédentaires. De manière générale, l’association manque de capacité de financement sur le long terme. Les excédents de ressources à court terme générés par l’activité compensent tout juste l’insuffisance des ressources à long terme. Depuis 2019, les fonds propres, constitués en l’espèce du report à nouveau et du résultat de l’exercice, ont été systématiquement négatifs. L’apport associatif, reposant sur l’apport financier d’une seule personne et quérable à tout moment, n’a pu que partiellement compenser ce déficit de fonds propres. En conséquence, la situation financière de l’association est particulièrement fragile, malgré plus de 2,17 millions d’euros de concours publics versés à l’association depuis 2019 (en complément des salaires des enseignants sous contrat directement pris en charge par l’État).


Les dirigeants d’Al Kindi font valoir qu’ils disposent du levier de l’appel aux dons, en France et à l’étranger, pour honorer leurs futurs besoins d’investissement. Compte tenu de l’incertitude pesant actuellement sur la pérennité des locaux du groupe scolaire (projet de réaménagement de la zone) et de la résiliation des contrats par l’État, la chambre recommande à l’association d’établir une projection financière tenant compte des différents scenarios d’évolution de l’activité à l’avenir.


Fondé en 2009 par le président d’Al Kindi dans l’objectif de soutenir financièrement le développement du groupe scolaire, le fonds de dotation Al Kindi a eu, pour sa part, une activité structurellement déficitaire, réduite essentiellement à l’acquisition de trois biens immobiliers à Nîmes (Gard) et à la perception des loyers et allocations logement correspondant à leur location. 


En l’absence de compte rendu suffisant sur l’exercice de ses missions d’intérêt général, le fonds de dotation a été placé en procédure de suspension administrative en 2022. Dissout en décembre 2023 sur décision du tribunal judiciaire, il a vu son actif réduit préalablement par la conversion d’un prêt de 92 000 € à l’association Al Kindi en don, ainsi qu’un manque à gagner sur l’un de ses loyers. 


Le fonds de dotation n’a pas contribué à équilibrer le modèle économique du groupe scolaire Al Kindi, en dépit du don effectué.

 

 

RECOMMANDATIONS

 

Recommandation n° 1. : Mettre fin au prêt informel de main d’œuvre.


Recommandation n° 2. : Mettre fin aux situations dans lesquelles le président d’Al Kindi agit en qualité de représentant légal de cocontractants.


Recommandation n° 3. : Limiter les délégations de pouvoir à celles strictement nécessaires au fonctionnement de l’association, privilégier les délégations de signature, et rendre compte régulièrement de l’exercice des délégations aux instances de gouvernance.


Recommandation n° 4. : Réviser les statuts de l’association Al Kindi, de manière à rendre incompatibles les positions de salarié de l’association et de membre du conseil d’administration, et mettre en place des mesures de prévention de la gestion intéressée au sein de l’association et du groupe scolaire.


Recommandation n° 5. : Faire adopter, en assemblée générale ou en conseil d’administration, la politique d’abattement sur les frais de scolarité, assortie de critères, la porter à la connaissance des familles et faire une restitution annuelle aux instances dirigeantes.


Recommandation n° 6. : Garantir que le financement de l’enseignement hors contrat n’est pas financé par les ressources de l’enseignement sous contrat, jusqu’au terme des contrats conclus avec l’État.


Recommandation n° 7. : Publier les comptes annuels de l’association Al Kindi au journal officiel des associations et fondations d’entreprises, en incluant notamment une information détaillée sur les concours et subventions reçus au cours de chaque exercice, conformément aux prescriptions de l’article 431-9 du règlement comptable n° 2018 06 relatif aux comptes annuels des personnes morales de droit privé à but non lucratif.


Recommandation n° 8. : Tenir la comptabilité conformément au règlement comptable applicable, en particulier en matière de comptabilité en droits constatés.


Recommandation n° 9. : Réduire la quantité des transactions en numéraire et limiter la disponibilité de numéraire en caisse, afin de limiter les risques d’erreurs ou de fraude.


Recommandation n° 10. : Présenter aux instances associatives une analyse fiabilisée des comptes et de la situation financière de l’association Al Kindi et proposer une projection financière comprenant le modèle de financement et les différents scénarios de développement et d’implantation immobilière du groupe scolaire.


Recommandation n° 11. : Tenir un compte d’emploi annuel des ressources collectées auprès du public.


Recommandation n° 12. : Mettre en place une procédure interne définissant les conditions de prise en charge des frais professionnels des membres et des salariés de l’association, et ne rembourser que les frais répondant strictement à l’objet social.


Recommandation n° 13. : Mettre en concurrence les fournisseurs et prestataires et exiger la production de factures détaillées pour le règlement de leurs fournitures et prestations.


Recommandation n° 14. : Régulariser, auprès de la mairie, les demandes d’autorisation d’urbanisme pour les préaux et déclarer le préfabriqué.

 

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