Sort by *
Publications

Publications

Gestion de fait des deniers de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine (Seine-Saint-Denis)

COUR DES COMPTES

Par réquisitoire du 20 juin 2016, le procureur financier près la chambre régionale des comptes Île-de-France, avait saisi celle-ci d’une présomption de gestion de fait de deniers publics de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine (immixtion dans les fonctions réservées au comptable public). L’ordonnance du 23 mars 2022 portant réforme du régime de responsabilité financière des gestionnaires publics, entrée en vigueur au 1er janvier 2023, a transféré l’instruction et le jugement de cette affaire à la Cour des comptes (chambre du contentieux).

Les faits

La commune de Saint-Ouen-sur-Seine afin d'engager une politique d'implantation d'œuvres d'art dans l'espace public, sous le nom d’« Arts dans la ville a souhaité se faire accompagner par un professionnel. La maire alors en fonctions a signé, en mai 2011, un marché public à bons de commande avec un prestataire de services pour la sélection, le financement et la réception des œuvres destinées à être implantées au sein de projets immobiliers portés par les promoteurs ayant conclu à cet effet une charte avec la collectivité. La commune, maître d'ouvrage, devait assumer l'intégralité des dépenses et mettre à la disposition du titulaire les fonds nécessaires au paiement des tiers dans les limites de l'enveloppe financière allouée au projet.

Toutefois, contrairement aux stipulations du marché, la collectivité n’a émis aucun bon de commande et le titulaire du marché a encaissé directement les fonds collectés auprès des promoteurs puis a payé directement les dépenses relatives à la réalisation des œuvres d’art. En dépit de son implication importante, dont témoignent les jurys de sélection des artistes qu’elle a présidés entre mars 2013 et février 2014, la maire a toléré et laissé faire ces pratiques.

En 2015, le nouveau maire de Saint-Ouen, élu en 2014, a dénoncé ces faits, mis en demeure la société de justifier des opérations et de reverser les sommes en sa possession. Il a en outre refusé la réception par la commune de trois œuvres que la société avait commandées dans le cadre du marché.

L’arrêt de la Cour

La Cour a considéré que le marché signé en 2011 pour la mise en œuvre de la politique publique « Arts dans la ville » décidée par la collectivité conférait aux recettes et dépenses associées la nature de deniers publics, conformément à l’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles du 13 juin 2019.

Le maniement et la détention des deniers en recettes et en dépenses associées à la politique publique « Arts dans la ville » par la société prestataire sont contraires au monopole des fonctions de caissier et de payeur des deniers publics qui incombent au seul comptable public.

La Cour a ainsi considéré que l’immixtion dans les fonctions de comptable public était constituée. La société titulaire du marché, son dirigeant et l’ancienne maire de la commune ont été déclarés conjointement et solidairement comptables de fait des deniers de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine à compter du 11 mai 2011, pour les opérations de recettes et de dépenses réalisées dans le cadre de ce marché ainsi que pour la poursuite des encaissements et décaissements qui en ont découlé au-delà du 11 mai 2015.

La Cour a invité les personnes déclarées comptables de fait à produire, dans le délai de trois mois à compter de la notification de l’arrêt, le compte de leur gestion en dépenses et en recettes des deniers publics de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine, incluant la valorisation des œuvres d’art détenues.

À ce stade, la Cour n’a pas infligé de sanction aux personnes déclarées comptables de fait, conformément à la procédure en vigueur jusqu’au 31 décembre 2022, encore applicable dans cette affaire dont le premier acte de poursuite est antérieur à la réforme issue de l’ordonnance du 23 mars 2022 et entrée en vigueur au 1er janvier 2023.

Dans une seconde phase, la Cour se prononcera sur le compte produit par les gestionnaires de fait, les éventuels manquants en caisse et, le cas échéant, la sanction des responsables.

À lire aussi

Les autres publications qui pourraient vous intéresser :