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Devenir enseignant : la formation initiale et le recrutement des enseignants

COUR DES COMPTES

La réussite scolaire des élèves doit beaucoup à la qualité des enseignements et de l’accompagnement assuré par leurs professeurs tout au long de leurs apprentissages. La qualité du recrutement et de la formation des enseignants est ainsi cruciale pour la performance de l’école. Le recrutement et la formation initiale des futurs professeurs ont connu plusieurs réformes au cours des dernières décennies. Mais depuis 2010, ce nouveau cadre se révèle instable et ne garantit pas que la formation prépare de manière satisfaisante les étudiants à leur entrée dans le métier et à l’exercice de leurs futures fonctions. Une réflexion sur l’évolution du métier d’enseignant, sur la place reconnue aux professeurs dans la société et sur les conditions concrètes d’exercice de leurs fonctions doit être menée. La crise d’attractivité souvent évoquée depuis une vingtaine d’années devient aujourd’hui plus tangible, même si de nombreux étudiants ou personnes en reconversion professionnelle demeurent attirés par l’enseignement. Le rapport publié ce jour par la Cour des comptes vise notamment à apprécier l’attractivité du recrutement ainsi que la qualité de leur formation initiale.

Une difficulté croissante de recrutement, particulièrement sur certains territoires et dans certaines disciplines

Si le besoin d’enseignants dépend de la démographie des élèves et du corps enseignant, et des décisions de politique éducative, il est difficile à évaluer. Néanmoins, sur la période 2017-2021, sur la base des postes non pourvus aux concours enseignants externes, en moyenne annuelle, il aurait manqué un peu plus d’un millier de postes (1 110), entraînant le recrutement de professeurs non-titulaires. L’année 2022, exceptionnelle par la mise en œuvre de la récente réforme, a conduit au recrutement d’environ 4 500 nouveaux contractuels. En effet, les signes de perte d’attractivité du recrutement des enseignants se renforcent, même si cette tendance générale est à nuancer. La dégradation de l’image du métier d’enseignant, ses conditions d’exercice et sa rémunération pèsent aussi largement sur son attractivité, comme le confirme le sondage réalisé par Ipsos à la demande de la Cour. Face à ces difficultés, le ministère chargé de l’éducation nationale a développé depuis plusieurs années une politique de recrutement active, dans l’objectif de diversifier les viviers de candidats aux concours, d’ajouter aux concours standards des concours spécifiques pour les académies peu attractives et d’attirer des étudiants vers l’enseignement plus tôt durant leur cursus. Il recourt plus largement aux contractuels - politique qui trouve cependant sa limite, puisque le vivier des contractuels recoupe largement celui des futurs titulaires.

Une articulation entre formation initiale et recrutement insatisfaisante depuis la mastérisation

Les débats sur les contenus de la formation, en lien avec la nature même du métier d’enseignant, demeurent d’actualité. Deux conceptions s’opposent : une première avec une approche globale du métier, autant fondée sur la maîtrise des savoirs disciplinaires que sur une bonne connaissance du système éducatif, de la psychologie de l’élève, de la pédagogie et de la didactique des disciplines, et une seconde valorisant davantage les savoirs disciplinaires. De plus, la place complexe des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (INSPE) au sein du monde universitaire et la volonté du ministère de vérifier les acquis des candidats ont conduit à faire des concours le sésame en matière de recrutement. Le master MEEF a donc une double fonction de formation pour exercer un futur métier, mais aussi de préparation à un concours, qui aboutit à une surcharge de travail contreproductive pour les étudiants. Le choix du master préparé (ou du diplôme équivalent) a également des conséquences sur l’entrée dans le métier : les lauréats de concours issus de master MEEF deviennent fonctionnaires stagiaires à plein temps lors de leur année de titularisation et suivent 10 à 20 jours de formation, alors que les autres lauréats, sont désormais « en alternance » entre un mi-temps de service et un temps de formation à l’INSPE. Enfin, le coût de la formation initiale des enseignants reste toujours mal connu - la Cour l’estimant à environ un milliard d’euros.

Tirer toutes les conséquences des réformes engagées pour construire une politique performante de formation et de recrutement

Au-delà des améliorations techniques de la réforme de 2019, une refonte plus globale des modes de formation et de recrutement des enseignants est nécessaire. La Cour préconise d’aménager les modalités de recrutement dans les académies qui peinent à pourvoir les postes de professeurs des écoles, ou ceux du second degré pour les disciplines en tension. Dans le cadre d’une expérimentation, les rectorats pourraient recruter sur diplômes, via un contrat d’une durée pluriannuelle (trois à cinq ans), pendant laquelle les candidats s’engageraient à rester en poste ; à l’issue de ce contrat, l’enseignant pourrait demander un contrat à durée indéterminée (CDI) ou opter pour une autre carrière. Pour le premier degré, l’enjeu central est de mieux construire la formation des futurs professeurs des écoles sur un continuum de cinq années. Mais ces propositions de réforme ne sauraient à elles seules redonner une meilleure attractivité au métier enseignant. La position sociale de la fonction enseignante et l’attractivité du métier doivent être une véritable priorité interministérielle, affichée et traduite en moyens. Enfin, la Cour recommande une nouvelle organisation de la formation et du recrutement, qui suppose de compenser les inégalités territoriales d’attractivité du métier par une différentiation plus forte au profit des académies de Créteil et Versailles, ciblée sur les établissements les plus en tension.

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