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Le logement des travailleurs saisonniers

COUR DES COMPTES

La nécessité de devoir héberger les travailleurs saisonniers non sédentaires, pour faciliter leur recrutement, indispensable à la préservation et au développement des activités économiques comme le tourisme ou l’agriculture, est une question clairement identifiée par les pouvoirs publics pour soutenir ces secteurs, mais insuffisamment prise en compte. La présente enquête s’est employée à dresser un état des lieux en s’appuyant sur les travaux réalisés par les chambres régionales des comptes Auvergne Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Nouvelle Aquitaine, et sur une soixantaine d’entretiens menés à travers l’ensemble du territoire. Si aucune statistique de leur nombre n’est vraiment consolidée, les juridictions financières estiment à 400 000 le nombre des saisonniers qui ont besoin d’un logement à proximité de leur lieu de travail. Sans logement sur place, leur recrutement est rendu plus difficile.

Une préoccupation partagée à défaut d’une véritable politique publique

Les divers leviers utilisés pour favoriser les solutions d’hébergement des travailleurs saisonniers sont souvent inopérants car ils ne répondent pas aux besoins spécifiques de ces derniers. Le plan national relatif aux saisonniers de mai 2023, qui a succédé à des initiatives antérieures destinées à rendre plus attractifs ces métiers, s’intéresse peu à leur hébergement et est mal connu ou peu pris en compte dans les territoires.

Certaines régions, au titre de leurs compétences en matière de tourisme ou de mobilité, s’essayent à promouvoir quelques actions sans qu’il s’agisse d’une politique déterminée. Cette absence de pilotage constitue ainsi un facteur aggravant de la pénurie de logements pour les saisonniers. De plus, alors que l’intermédiation entre les saisonniers demandeurs de logements et les bailleurs potentiels est assurée par de nombreux acteurs (collectivités locales, France Travail, Action Logement, maison des saisonniers…), son efficacité est limitée par le décalage important entre une demande forte et une offre très insuffisante. 
Les employeurs de saisonniers et les collectivités locales concernées tendent à se renvoyer mutuellement la responsabilité de trouver des solutions. Les employeurs, comme les organisations syndicales, refusent que l’hébergement soit obligatoirement associé au contrat de travail, et les collectivités considèrent qu’il revient bien aux employeurs de répondre aux besoins.

La Cour recommande ainsi d’introduire d’ici 2026 dans les nomenclatures budgétaires et comptables fonctionnelles du bloc communal une sous-fonction destinée à l’hébergement des travailleurs saisonniers ; et de finaliser cette année l’évaluation de la mise en œuvre des conventions relatives au logement des saisonniers et formuler, par la même occasion, les orientations à suivre par les préfets de département.

La mobilisation et la coordination des leviers d’actions à renforcer

Les collectivités territoriales et leurs établissements publics sont en première ligne dans la production de logements destinés aux travailleurs saisonniers. Pour autant, en raison du manque d’opportunité foncière en zones tendues, des contraintes environnementales et urbanistiques, et de la contraction des budgets locaux, les opérations menées sont modestes au regard des besoins identifiés et des objectifs affichés. 
La mobilisation de certains segments du parc social (résidences sociales, foyers de jeunes travailleurs) en leur faveur peut être mise en œuvre, mais ces places ne sont finalement jamais prioritairement attribuées aux travailleurs saisonniers ; de même, à quelques exceptions près, les internats ou les résidences universitaires se montrent peu adaptés à l’hébergement des saisonniers. 
Un des axes de progrès consiste à renforcer la solvabilité financière des travailleurs saisonniers avec, outre le système de caution publique apporté par la carte Visale (Action Logement), la garantie effective de l’accès aux aides au logement et l’attention particulière à adapter les conditions d’accès au logement social aux saisonniers. Dans ce contexte, certains employeurs investissent de plus en plus en faveur du logement de leurs propres saisonniers, lorsque les collectivités locales ne peuvent apporter à elles-seules les réponses attendues. Les expérimentations de solutions nouvelles, dans les communes du littoral, se développent, comme l’habitat léger provisoire, implanté sur des zones transitoirement aménagées ou les campings. 
Surtout, une clarification de la gouvernance, entendue au sens large, est indispensable pour favoriser la conjugaison de l’action publique et de l’action privée. Cette clarification passe par la définition expresse des compétences des collectivités publiques (l’inclusion du logement des saisonniers dans la compétence « habitat » du bloc communal), une impulsion de la capacité de pilotage de l’État (bilan de la mise en œuvre des conventions en faveur du logement des saisonniers en zones touristiques) et la promotion des actions structurées (maison des saisonniers, coopérations entre les employeurs et les territoires concernés…)

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