SYNTHESE
La chambre territoriale des comptes de Nouvelle-Calédonie a contrôlé les comptes et la gestion de la commune de Nouméa de 2015 à 2021.
Avec 94 285 habitants, Nouméa est la première commune de Nouvelle-Calédonie (35 % de la population) et la troisième commune de l’outre-mer français. C’est une commune peu étendue (45,7 km2) et densément peuplée (2 095 habitants au km²). La commune a cependant connu pour la première fois de son histoire récente une baisse de sa population – moins 5 641 habitants entre 2014 et 2019 – qui doit être intégrée dans ses documents stratégiques de programmation.
Une organisation rationalisée depuis 2015
L’exécutif de la commune comprend outre le maire et les douze conseillers municipaux adjoints au maire, le secrétaire général et trois secrétaires généraux adjoints.
La commune a pris depuis 2015 plus de 60 délibérations pour réorganiser ses services qui s’étaient historiquement développés dans le désordre par sédimentation. L’organisation définie en avril 2015 repose sur quatre pôles – sécurité, aménagement, ressources et vie locale – auxquels s’ajoutent actuellement les services du maire, ceux du secrétariat général et la direction des ressources humaines, qui n’est pas rattachée au pôle ressources. Cette organisation peut encore progresser par la mesure de l’efficience des services budgétaires et comptables et des services de logistique et d’entretien comprenant plusieurs centaines d’agents et leur restructuration le cas échéant.
Une politique d’attribution de logements de fonction à revoir
Des logements de fonctions, ou une indemnité compensatoire versée en l’absence de logement effectif du bénéficiaire, sont alloués pour onze postes de direction en application d’une délibération de la commune du 11 septembre 2018. En l’absence de règlementation prise par la Nouvelle-Calédonie, cette délibération repose sur la loi n° 90-1067 du 28 novembre 1990 relative à la fonction publique territoriale (article 21) laquelle ne prévoit pas l’attribution d’une indemnité compensatoire. Celle-ci doit dès lors cesser d’être versée par la commune.
Des outils de pilotage en cours de mise en place
La commune a développé progressivement depuis 2020 un pilotage de ses activités par actions stratégiques lesquelles sont suivies sur un logiciel dédié. Ces actions déclinent huit grandes orientations stratégiques dénommées ambitions. Le rapport de présentation du budget est ainsi structuré selon ces ambitions. Ce dispositif est en train d’être complété par la déclinaison en actions d’une neuvième ambition dénommée « administration courante ». La chambre invite la commune à faire approuver le plan stratégique par le conseil municipal et à veiller à ce que les stratégies sectorielles y fassent référence. Un plan pluriannuel d’investissement, ainsi que ses modalités de financement, devrait aussi être approuvé par le conseil municipal.
Une fiabilité des comptes perfectible
Les services publics de nature industrielle et commerciale de la commune, au nombre de quatre – adduction d’eau, assainissement, ordures ménagères et opérations funéraires - ont été dotés progressivement chacun de leur budget annexe et des instances propres requises par la règlementation : conseil d’exploitation et directeur. La chambre rappelle qu’ils doivent, réglementairement, être financièrement autonomes et posséder un compte distinct au Trésor.
Si la commune respecte dans l’ensemble les procédures budgétaires, elle doit néanmoins améliorer les modalités de suivi des autorisations pluriannuelles de programme. S’agissant de l’exécution des dépenses, la chambre observe que l’établissement de restes à réaliser pour les dépenses d’investissement suivies en autorisation de programme est inutile, et que la commune doit sur ce point faire évoluer sa comptabilité d’engagement.
La chambre rappelle à la commune qu’elle doit finaliser l’inventaire physique et comptable de son patrimoine, amortir et comptabiliser, le cas échéant, les subventions d’investissement amortissables qu’elle perçoit à son budget principal, résorber les recettes à classer et provisionner puis admettre en non-valeur les restes à recouvrer les plus anciens.
Une situation financière fragilisée, des marges de manoeuvres limitées
En raison de la baisse de ses recettes réelles de fonctionnement et du maintien de ses dépenses réelles de fonctionnement, la capacité d’autofinancement brute de la commune a diminué d’un quart. Après déduction des remboursements croissants en capital des emprunts, la capacité d’autofinancement nette a diminué de moitié passant à 1,7 MdF CFP en 2021.
Entre 2015 et 2021, les dépenses d’investissement ont été financées en moyenne à 50 % par la capacité d’autofinancement, à 25 % par l’emprunt et, en dépit des subventions (15 %) et des cessions (3 %), par une ponction de 1,8 MdF CFP sur le fonds de roulement (4 %). Le niveau de l’endettement s’est alourdi avec une durée de désendettement passée de 2,1 ans en 2015 à 4,7 ans en 2021 et un taux consolidé d’endettement sur les recettes réelles courantes de près de 70 %. Pour les budgets annexes de l’eau et de l’assainissement, ces deux ratios ont largement dépassé les seuils d’alerte.
La trésorerie de la commune représentait seulement 19 jours de dépenses fin 2021. En outre, si la trésorerie globale est positive grâce au budget principal, elle masque des niveaux négatifs pour l’ensemble des budgets annexes hormis celui du service de l’adduction d’eau.
Le redressement de la situation, s’agissant des recettes, dépend à moyen terme d’une relance de la dynamique démographique. Dans l’immédiat, la commune pourrait remettre en oeuvre la taxe communale d’aménagement. Elle peut également poursuivre le travail de valorisation de ses recettes patrimoniales.
En dépenses, la chambre invite la commune à continuer à peser plus activement sur ses dépenses de fonctionnement par la régulation des crédits budgétaires, la diminution du train de vie des services (véhicules de fonction et de service), l’optimisation et la réduction du coût de ses moyens et de ses ressources humaines. La commune doit également continuer à développer le contrôle de gestion et mettre en place une comptabilité analytique en coûts complets de ses activités.
Le pilotage et la mise en oeuvre du service public de l’assainissement
Le cadre du service public de l’assainissement est fixé par le code de la santé publique lequel impose l’obligation de raccordement au réseau des administrés de la commune dès lors que cela est possible. Cette règle est reprise par le plan d’urbanisme directeur et le règlement d’assainissement de la commune. Le service est mis en oeuvre dans le cadre d’un budget annexe autonome pour les investissements relevant de la commune et par une délégation de service public pour l’exploitation du service et la relation avec les usagers. Un schéma directeur d’assainissement adopté en 2010 pour 20 ans fixe les objectifs de raccordement et de traitement des eaux usés jusqu’en 2030. Un des objectifs visés par ce schéma est l’amélioration de la qualité des eaux du milieu naturel et des eaux de baignade.
Les abonnés, au nombre 35 000, bénéficient d’un service de qualité mais de plus en plus coûteux, le volet assainissement représentait en 2021 68 % de la facture d’eau contre 38 % en 2009. L’objectif de la commune est que 95 % des effluents soient raccordés et traités en 2030 alors qu’en 2022 seuls 44 % des effluents sont traités et 12 % des adresses de identifiées dans le système d’information géographique raccordables au réseau séparatif restent à raccorder.
Alors qu’il reste plus de 9 MdF CFP de travaux à effectuer jusqu’en 2030 pour achever le schéma directeur, la situation budgétaire du service apparaît dégradée. La chambre recommande à la commune de revoir et faire approuver par le conseil municipal les étapes du schéma directeur et ses modalités de financement jusqu’en 2030.
Le pilotage et la mise en oeuvre du service public de la police municipale
La commune souffre d’une délinquance et d’une criminalité dont les statistiques, partiellement majorées par une meilleure couverture des infractions et délits par la police municipale, montrent un niveau qui se maintient de 2015 à 2019, l’amélioration de 2020 étant liée à la
crise sanitaire.
La commune dispose de la seconde police municipale de France en nombre de policiers par habitants. Réorganisée en termes de management interne depuis 2015, la police municipale a été dotée entre 2015 et 2021 d’équipements et de moyens techniques adaptés. Elle devrait cependant, comme la commune l’envisage, mieux intégrer son action au système d’information géographique de la commune, ce qui permettrait d’assurer un suivi de ses opérations dans l’espace urbain et de les relier à d’autres informations utiles à la conduite de ses missions.
L’action de la police municipale relève d’une règlementation touffue et complexe opportunément résumée dans un mémento à l’attention des agents de terrain. Son pilotage devrait mieux intégrer les actions et les d’indicateurs du plan stratégique de la commune, et être coordonné avec l’action de la police nationale non seulement au niveau quotidien comme c’est le cas actuellement, mais par le biais du contrat local de sécurité, signé en 2021, et du conseil de sécurité et de prévention de la délinquance, lequel n’a été remis en activité qu’en 2021 et ne s’est réuni qu’une seule fois depuis lors.
A la suite de ces observations la chambre émet trois recommandations de régularité et huit recommandations de performance visant à améliorer la gestion de la collectivité.