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Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de la prévoyance des travailleurs de la Nouvelle-Calédonie (Cafat)

CTC NOUVELLE-CALÉDONIE

Rapport d'observations définitives - La chambre territoriale des comptes de la Nouvelle-Calédonie a examiné la gestion de la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de la prévoyance des travailleurs de la Nouvelle-Calédonie (Cafat) pour les exercices 2020 et suivants.

SYNTHESE

La chambre territoriale des comptes de la Nouvelle-Calédonie a inscrit le contrôle des comptes et de la gestion de la caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de la prévoyance des travailleurs de la Nouvelle-Calédonie (CAFAT) à son programme 2021 à compter de l’exercice 2020.

Une caisse de sécurité sociale aux compétences larges
Les compétences de la CAFAT ont été progressivement élargies depuis sa création en 1958. Elle gère l’ensemble de la sécurité sociale obligatoire de base des salariés et une partie de celle des fonctionnaires et des travailleurs indépendants et elle procède à des opérations pour le compte de tiers. La CAFAT ne détermine pas ses ressources et ne fixe que partiellement ses dépenses. La responsabilité de l’équilibre financier des régimes de sécurité sociale relevant des missions propres de la CAFAT est partagée avec la Nouvelle-Calédonie. Dans le cadre de la tutelle qu’elle exerce sur la CAFAT, la Nouvelle-Calédonie doit conclure une convention d’objectifs et de gestion avec la caisse. Après une première convention adoptée pour la période 2008-2011, aucune autre n’a ensuite été conclue pour les années suivantes. Dans ce contexte, Le gouvernement s’est fixé comme objectif d’adopter une convention d’objectifs et de gestion pour la période 2023-2026 d’ici à la fin de l’année 2022.

Une structure de financement déficitaire qui nécessite un accompagnement constant de la Nouvelle-Calédonie
Conformément à la règlementation applicable à la CAFAT, les résultats des régimes ne sont pas fongibles et doivent être analysés de manière distincte. Cependant, globalement, entre 2015 et 2020, la CAFAT a enregistré un déficit systématique. Celui de 2021 s’élève à 4,85 MdF CFP. Depuis 2015 en moyenne 80 % des charges sont consacrées aux dépenses de prestations des régimes de sécurité sociale, dont plus de la moitié sont imputables au régime d’assurance maladie-maternité et plus du quart au régime d’assurance vieillesse.

Les produits perçus par la CAFAT sont, depuis 2015, constitués à plus de 70 % par des cotisations sociales salariales et patronales, auxquels s’ajoutent le financement compensatoire des mesures d’allègement et d’exonérations de cotisations sociales, pour lequel la CAFAT détient une créance de près de 11 MdF CFP sur la Nouvelle-Calédonie. Les produits de la caisse sont complétés par des dotations de la Nouvelle-Calédonie dont l’essentiel résulte de la volonté de réduire le déficit du régime d’assurance maladie qui a ainsi perçu une contribution de 11,66 MdF CFP en 2021 à laquelle s’ajoute une contribution de l’agence sanitaire et sociale de 0,78 MdF CFP.

Un partenariat efficace avec le gouvernement pendant la crise sanitaire
Globalement, le manque à gagner qui résulte du ralentissement économique lié à la crise sanitaire, en termes de produits de cotisations sociales, et qui résulte des reports et exonérations de cotisations sociales et des allègements de charges liés au dispositif de chômage partiel s’établit à 4,25 MdF CFP pour 2020 et 2021 pour les régimes de protection sociale.

Les actions destinées à réduire la diffusion du virus telles que la limitation des liaisons aériennes ou la quarantaine pour les voyageurs à l’arrivée sur le territoire, ont eu des incidences sur les dépenses du régime d’assurance maladie. De plus, un dispositif de majoration des allocations familiales a été mis en place pour compenser la perte de salaire des parents d’un enfant de moins de 16 ans faisant l’objet d’une mesure de maintien à domicile. Les charges supplémentaires pour les régimes de protection sociales qui résultent de l’application de l’ensemble des mesures prises par la Nouvelle-Calédonie, nettes des économies réalisées du fait de la limitation des évacuations et des soins hors du territoire, représentent une économie de 0,54 MdF CFP au titre des années 2020 et 2021.

Tenant compte des dépenses financées par ailleurs par le régime d’assurance maladie et le régime des prestations familiales, la crise sanitaire a eu un impact cumulé de 3,70 MdF CFP sur les régimes de protection sociale en 2020 et 2021.

Des indicateurs financiers qui se détériorent sur la durée, des régimes en crise
Dans le contexte d’une économie dont la croissance s’est tassée (- 2,5 % d’évolution en volume du PIB entre 2015 et 2020), l’emploi salarié a reculé (- 2,1 %) et dont la population vieillit (croissance démographique de + 0,2 % par an et augmentation de la part des plus de 60 ans de deux points entre 2014 et 2019), la situation financière de la CAFAT s’est dégradée depuis 2015.

Sous l’effet des déficits annuels de la plupart des régimes, le montant total des réserves des régimes a diminué depuis 2015 pour atteindre 698 MF CFP fin 2021 soit moins de deux jours de prestations. Fin 2021, les réserves du régime de retraite s’établissent à 32 MdF CFP (- 17,4 MdF CFP par rapport à 2015) alors que le régime d’assurance maladie présente des réserves négatives de 37,4 MdF CFP. Depuis le passage à la comptabilité en droits constatés en 2010, la règlementation applicable aux réserves mérite d’être révisée et la chambre invite la CAFAT à proposer une réforme en ce sens à la Nouvelle-Calédonie.

De surcroît, l’endettement de la CAFAT a progressé de 55,5 MdF CFP en 2015 à 80,4 MdF CFP en 2021. Les retards de paiement du régime d’assurance maladie s’élèvent à plus de 36,4 MdF CFP en 2021 et concernent essentiellement les établissements publics de santé et les provinces.

Un régime d'assurance maladie-maternité pour lequel la caisse propose un plan de redressement pertinent mais à compléter

Le vieillissement de la population calédonienne, l’évolution de l’offre de soins et le niveau élevé de la prise en charge publique des dépenses de santé favorisent la dynamique des dépenses de prestation du régime d’assurance maladie dont la progression est de plus de 11 %, soit 7,1 MdF CFP entre 2015 et 2021. Ces dépenses (71 MdF CFP en 2021) sont constituées à 37,5 % (26,6 MdF CFP) de dépenses d’hospitalisation publique, 33,4 % (23,7 MdF CFP) des dépenses de ville (pharmacies et professionnels de santé libéraux), et à 12,8 % (9,1 MdF CFP) de dépenses pour l’hospitalisation privée.

Le régime d’assurance maladie-maternité a cumulé les résultats négatifs depuis 2015 et le montant du déficit de l’année 2020 s’élevait à 9 MdF CFP mais a été réduit à 0,31 MdF CFP en 2021. Les charges, composées à plus de 80 % des prestations, s’établissent à 87,79 MdF CFP, en hausse de 14 % depuis 2015, tandis que les produits, qui s’élèvent à 87,48 MdF CFP, progressent de 24 %.

Ce résultat masque cependant un montant élevé de dotations de la Nouvelle-Calédonie et de l’agence sanitaire et sociale systématiquement versées depuis 2015. En l’absence de ces versements, le déficit structurel du régime est estimé chaque année à 14 MdF CFP depuis 2019.

Depuis le mois d’avril 2022, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a mis en place un comité stratégique des comptes sociaux destiné à suivre la situation des régimes de sécurité sociale. Il a, de plus, adopté un nouveau plan de redressement du régime d’assurance maladie, dont l’objectif est d’apurer de manière échelonnée les retards de paiements et à éviter les ruptures de trésorerie.

La loi du pays n°2022-2 du 21 janvier 2022 a supprimé le plafond de la seconde tranche de cotisation mais le régime reste favorable aux rémunérations les plus élevées pour lesquelles le taux reste inférieur à celui appliqué sur la première tranche de revenu ainsi qu’au taux de cotisation fixé en métropole.

De plus, le congrès a voté en juin 2022 une hausse du taux de base de la contribution calédonienne de solidarité à 4 %. Ces mesures restent insuffisantes pour ramener le régime à l’équilibre. La chambre recommande de porter la hausse du taux de base de la contribution calédonienne de solidarité à 5 % au lieu de 4 % et de prévoir l’affectation de ressources fiscales supplémentaires afin de réduire à moins de 6 MdF CFP la contribution que devrait verser la Nouvelle-Calédonie pour équilibrer ce régime et permettre la suppression de cette contribution dès 2023.

La CAFAT doit également engager une réduction de ses charges de fonctionnement à hauteur de 200 MF CFP en 2023 et améliorer les actions du contrôle médical, en matière de contrôle des prescriptions médicales en ville et dans les établissements de santé, afin de réaliser un montant de 500 MF CFP d’économies sur les dépenses de santé en 2022 et 800 MF CFP en 2023.

Des autres régimes de sécurité sociale pour lesquels la caisse a proposé des mesures de rééquilibrages
Le régime vieillesse présente un déséquilibre financier croissant depuis 2018, qui conduit à un déficit de 5,1 MdF CFP en 2021 (- 4,2 MdF CFP en 2020). Les déficits cumulés entament les réserves du régime dont le montant a diminué de 49,45 MdF CFP en 2015 à 32 MdF CFP en 2021. En 2021, le taux de cotisation au régime vieillesse est fixé à 14 % dans la limite d’un plafond mensuel de 363 700 F CFP. Par comparaison, le taux de cotisation métropolitain s’élève à 15,45 % jusqu’à un plafond de 408 095 F CFP mensuels, et à 1,94 % pour les revenus supérieurs à ce plafond. La CAFAT a documenté plusieurs hypothèses de redressement dont les facteurs portent sur le recul de l’âge de départ et les modalités de cotisation et de liquidation des pensions et a adressé un projet de réforme au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, pour assurer la pérennité du régime jusqu’en 2031. Cette réforme, reculant le départ à la retraite à 62 ans et augmentant le plafond de cotisation, a été adoptée par le congrès le 24 février 2022. Afin de reculer l’horizon de viabilité du régime jusqu’en 2034, les partenaires sociaux proposent en juin 2022 de compléter la réforme par une hausse du plafond de cotisation au régime vieillesse jusqu’au niveau du plafond de cotisation du régime d’assurance maladie, mais toujours à un niveau inférieur et avec des taux de cotisation plus faibles qu’en métropole.

La pérennité du régime des prestations familiales apparaît en l’état garantie, son résultat étant excédentaire depuis 2018.

Le régime des accidents du travail et des maladies professionnelles et le régime d’assurance chômage sont en déséquilibre depuis 2016. La CAFAT doit proposer au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie des projets de textes destinés à modifier les taux de cotisation des employeurs au régime des accidents du travail et des maladies professionnelles pour tenir compte de la sinistralité effective des entreprises afin d’équilibrer les produits et les charges. Conformément aux propositions émises par la caisse, une réforme des taux de cotisations à l’assurance chômage a été adoptée par le congrès le 24 février 2022. La CAFAT doit désormais étudier les conditions d’ouverture des droits et d’indemnisation du chômage afin de permettre de couvrir une proportion plus importante de la population privée d’emploi dans le respect de l’équilibre financier du régime.

Une gestion maîtrisée mais qui présente encore des marges de progression
Depuis 2015, les charges de gestion courante de la CAFAT ont progressé de moins de 2 % pour s’établir à près de 7 MdF CFP en 2020 et 2021. Le fonctionnement courant de la caisse représente en moyenne moins de 5 % du total des charges chaque année depuis 2015.
Le recouvrement des cotisations sociales, première source de produits de la caisse, (106,5 MdF CFP en 2021, soit 70 % des produits de la caisse), notamment sur le secteur économique privé, constitue un point d’amélioration potentielle, pour des raisons qui tiennent à son environnement socio-économique, mais aussi à des faiblesses internes. Une part croissante des produits de cotisations de la CAFAT ne se traduit pas par un encaissement effectif. Le recouvrement amiable est insuffisamment développé, même si des améliorations sont notables depuis 2020. L’amélioration du recouvrement des cotisations sociales appelle la mise en oeuvre d’une relance rapide de l’ensemble des cotisants qui ne respectent pas l’échéance, une accélération de l’enchaînement des différentes phases du recouvrement amiable et forcé et une hausse du taux de contrôle du fichier des cotisants dans le cadre d’orientations annuelles précisément définies et chiffrées.

La CAFAT doit poursuivre la mise à niveau de son système d’information et de ses procédures internes. En parallèle de la conclusion d’une convention d’objectifs et de gestion avec la Nouvelle-Calédonie, elle devra adopter un schéma directeur de ses systèmes d’information.

Enfin, le contrôle opéré par la caisse sur les prescriptions des médecins et des professionnels de santé doit être renforcé à l’aide d’un programme annuel de travail à adopter pour 2023. Celui-ci doit comporter des objectifs chiffrés, des indicateurs de suivi, ainsi que des engagements relatifs à la maîtrise des dépenses consécutives aux prescriptions réalisées en ville et dans les établissements de santé. Le renforcement des prises en charge hospitalières en ambulatoire doit, de surcroît, constituer un axe de ce programme. L’efficacité du contrôle médical doit également être renforcée par l’attribution à la CAFAT de pouvoirs de sanctions financières à l’encontre de médecins dont le profil de prescription présente un caractère nettement atypique, comparativement à la pratique de leurs confrères. En ce sens, le gouvernement prévoit d’adapter rapidement la règlementation applicable au contrôle médical pour permettre à la CAFAT d’adresser des sanctions administratives et pécuniaires aux professionnels de santé dont les prescriptions présentent des atypies.
L’ensemble de ces observations a conduit la chambre à émettre neuf recommandations visant à l’amélioration de la performance de la CAFAT.

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