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Assistance publique - Hôpitaux de Marseille - Gestion du personnel

CRC PROVENCE-ALPES-CÔTE D'AZUR

Rapport d'observations définitives

SYNTHESE

La chambre a examiné l’évolution des effectifs et des rémunérations au sein de l’AP-HM au cours de la période 2006-2010, au regard notamment des objectifs du plan de retour à l’équilibre financier de l’établissement en matière de ressources humaines. Le contrôle a également porté sur la régularité des rémunérations versées au personnel, la gestion des contrats, les mesures relatives aux cadres de direction de l’hôpital, la politique culturelle de l’établissement et l’application du régime des astreintes et de l’activité libérale des médecins.

L’impact limité des mesures relatives aux ressources humaines dans le plan de retour à l’équilibre

En 2010, le total des effectifs de l’AP-HM s’élevait à 14 031 ETP, se répartissant en 11 915 ETP de personnel non médical et 2 115 ETP de personnel médical. Si les effectifs du personnel non médical ont légèrement diminué au cours de la période 2006-2010 (- 0,47 %), en revanche le personnel médical a augmenté de 9 %. Au cours de la même période, les dépenses de personnel ont progressé de 10,24 % (respectivement 7 % pour le personnel non médical et 15 % pour le personnel médical). L’évolution de la part relative des dépenses de personnel non médical sur le total des dépenses s’est cependant stabilisée sur cette même période.

La réduction des effectifs non médicaux réalisée en 2009 et 2010 résulte, en pratique, de suppressions de postes et non de réorganisations internes, contrairement à ce qui était prévu dans le volet des ressources humaines du plan de retour à l’équilibre établi conjointement par l’agence régionale de santé et l’AP-HM. Selon la direction générale de l’AP-HM, ces efforts de réduction des effectifs ont été compromis par la création, à la demande du ministère de la santé et de l’agence régionale de santé, de 85 postes entre 2009 et 2011. Ces postes ont cependant été partiellement financés par des dotations spécifiques, les MIGAC (missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation). Par ailleurs, si l’AP-HM a également procédé au transfert de 684 postes des hôpitaux sud vers les autres sites du CHU dans le cadre de la réorganisation de son offre de soins, ces redéploiements n’ont cependant entraîné aucune baisse des effectifs.

La baisse de 0,13 points de l’absentéisme entre 2008 et 2009 a permis d’accroître le temps de travail de 1 225 jours à périmètre constant, soit un gain évalué par l’AP-HM à 213 150 €. L’économie réalisée est réelle mais reste cependant inférieure à l’objectif de 0,6 M€ annuels envisagé par le plan de retour à l’équilibre, qui supposerait une économie supplémentaire proche de 400 000 € annuels.

Dans un tel contexte de recherche d’économies, il est dommageable que l’AP-HM n’ait pas songé à réexaminer l’accord local de réduction du temps de travail, et notamment les dispositions relatives à la durée hebdomadaire de 39 heures assortie de 20 jours de RTT. En effet, la réduction à 37 h 30 du cycle de travail hebdomadaire est susceptible d’entraîner une économie substantielle de jours RTT qui permettrait de réduire le financement des droits à congés acquis au titre de la réduction du temps de travail et qui, le plus souvent, viennent alimenter le compte épargne temps (CET) des personnels concernés. Ces droits s’élèvent au total, si l’on inclut les personnels médicaux, à 17,5 M€ fin 2010. Ils n’ont pas été suffisamment provisionnés, comme ils auraient pourtant dû l’être, au compte 143, du fait de la situation budgétaire difficile de l’établissement.

Le plan de retour à l’équilibre prévoyait par ailleurs de réduire les dépenses d’intérim de 1 M€. La chambre constate que ces dépenses ont au contraire explosé, passant de 0,46 M€ en 2006 à 3,7 M€ en 2010. Il en est de même pour les heures supplémentaires, qui atteignent 6,5 M€ en 2010 alors que l’objectif de dépense affiché par l’établissement était de 4 M€. Devant l’augmentation avérée de ces dépenses, la direction générale a validé le principe d’un plafonnement des dépenses d’intérim et des heures supplémentaires par pôle à compter de l’exercice 2012.

Le montant total des économies en masse salariale prévues de 2009 à 2013 (suppressions et non remplacement de postes, réorganisation des services et mesures de réfaction des dépenses salariales) devait s’élever à 37,9 M€ selon le plan de retour à l’équilibre. Fin 2010, les économies réalisées atteignaient seulement 7,1 M€. Il restait donc 30,8 M€ d’économies supplémentaires à réaliser en trois ans pour atteindre l’objectif fixé pour 2013.

La mise en œuvre tardive d’une gestion prévisionnelle des métiers et des compétences

La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences avait fait l’objet de plusieurs recommandations lors du précédent contrôle de la chambre. En 2009, soit plus de quatre ans après le rapport d’observations de décembre 2004, aucune des recommandations de la chambre n’avait été mise en œuvre. Le comité technique d’établissement réuni le 16 juin 2009 a donc émis un avis favorable à la mise en œuvre d’une gestion prévisionnelle des métiers et des compétences (GPMC) consacrée « axe majeur » du projet social du projet d’établissement 2010-2014 de l’AP-HM.

Le projet social de l’AP-HM vise pour cette période à établir une méthodologie pour cartographier les emplois et les compétences existantes et évaluer les besoins futurs, en tenant compte du rythme des transferts d’activité. Le projet d’établissement prévoit en effet une reconfiguration de l’offre de soins qui va modifier progressivement la structure des emplois et des compétences de l’hôpital et leur répartition géographique entre les différents sites.

L’AP-HM met donc en place, cinq ans après les observations de la chambre, les outils permettant d’identifier les impacts, en termes d’effectifs et de métiers, des réorganisations liées à la future offre de soins de l’établissement, et de piloter les différents parcours professionnels et géographiques qu’impose la montée en charge de ces réorganisations. Dans ce contexte, la chambre a relevé divers problèmes dans la gestion des dossiers d’indemnités de départs volontaires, notamment des retards de paiement et le refus parfois contestable de plusieurs dizaines de demandes.

Des rémunérations irrégulières particulièrement coûteuses et dont la suppression s’impose

S’agissant des astreintes non dérangées, l’étude approfondie réalisée par la chambre lors du précédent contrôle sur les services et marchés informatiques de l’AP-HM avait permis de constater que la règlementation n’était appliquée que depuis le 1er octobre 2009 pour les agents de la direction des services informatiques et de l’organisation, et depuis le 1er août 2010 pour le personnel soignant. Le présent contrôle a permis d’évaluer à 5,9 M€ le montant des sommes indûment versées au titre des astreintes non dérangées entre 2004 et le 1er août 2010 au personnel non médical des différents sites de l’AP-HM.

De plus, la prime d’intéressement et la prime de présentéisme instituées par l’AP-HM pour compenser la perte de rémunération liée à la régularisation du paiement des astreintes sont irrégulières, car elles ne reposent sur aucun texte. Leurs montants additionnés à celui de la prime de service dépassent par ailleurs les critères de l’arrêté du 24 mars 1967 modifiant les conditions d'attribution de primes de service aux personnels de certains établissements d'hospitalisation, de soins ou de cure publics. L’argument de l’établissement selon lequel ces primes seraient payées sur le reliquat de la prime de service n’est donc pas fondé et ne résout pas le problème de leur irrégularité. En 2010 la prime d’intéressement représente un coût de 0,3 M€ et la prime de présentéisme 1,1 M€.

L’AP-HM accorde à son personnel d’autres primes irrégulières, également dépourvues de fondement législatif ou règlementaire. Ces primes atteignent un montant de 1,2 M€ pour les exercices 2008 et 2009. Elles comprennent une prime dite d’objectif et une prime dite spécifique attribuées à des personnels contractuels pour des montants respectifs de 102 608 € et de 948 111 €. Le montant total des primes de service indûment perçues par des personnels contractuels s’élève pour sa part à 49 896 €.

La chambre invite le directeur général à mettre fin à l’ensemble de ces paiements de primes irrégulières.

Le recours abusif aux contrats et les mesures irrégulières en faveur de certains cadres de direction

Les contrats de certains personnels non titulaires de l’AP-HM sont contraires aux dispositions de la loi de 1986 en raison de leur durée et du non respect des conditions fixées pour leur établissement.
De plus, ces contractuels bénéficient de rémunérations non prévues par leur contrat.

Un de ces contrats prévoit qu’en contrepartie d’une participation de l’intéressé aux gardes de direction, celui-ci bénéficiera de la mise à disposition à titre gratuit d’un logement appartenant au patrimoine de l’AP-HM ou percevra une indemnité compensatrice d’un montant de 1 485 € bruts dans l’hypothèse où la mise à disposition d’un logement par l’AP-HM ne serait pas possible. Or, un poste de directeur adjoint ne peut en aucun cas être occupé par un contractuel, qui ne peut dès lors ni effectuer de gardes, ni bénéficier d’un logement de fonction par nécessité absolue de service. Le régime applicable au logement de fonction des directeurs d’hôpital est désormais régi par le décret du 8 janvier 2010 subordonnant l’octroi de cet avantage à l’occupation d’un emploi au sein de l’établissement et à l’accomplissement effectif de gardes de direction. Un ancien directeur général mis à disposition auprès de l’IGAS, bénéficie pourtant de l’indemnité compensatrice alors qu’il n’effectue aucune garde et que sa convention de mise à disposition ne fait pas mention d’une telle indemnité. Par ailleurs la prise en charge de sa rémunération n’a été que partiellement remboursée par le ministère, contrairement à ce qu’impose la convention de mise à disposition.

Deux cadres de direction ayant exercé leurs fonctions à l’AP-HM ont bénéficié d’une promotion au grade de la hors classe sans remplir les conditions requises. Leurs mutations croisées entre l’AP-HM et le Centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud (CHICAS) se sont en effet révélées être des mutations pour ordre, les intéressés étant restés dans leur établissement d’origine, alors que la mobilité géographique était une condition obligatoire de ces promotions.

Une politique culturelle financée par l’activité médicale

L’AP-HM emploie huit contractuels pour développer la politique culturelle de l’établissement notamment dans le cadre du projet « Marseille, capitale européenne de la culture 2013 ». La quasi totalité de la masse salariale de ces agents, qui représente un montant total d’environ 400 000 €, est supportée par l’établissement sur son budget H et financée par la T2A, c'est-à-dire par des recettes destinées à son activité médicale. Les importantes difficultés financières de l’AP-HM qui lui imposent de supprimer pendant plusieurs années de nombreux emplois ne font que renforcer le caractère anormal de cette situation.

Le contrôle insuffisant des astreintes et de l’activité médicale des praticiens

L’AP-HM ne dispose pas de tableau général de service arrêté annuellement par le directeur après avis de la commission médicale d’établissement (CME) et définissant, pour chaque service, l’amplitude horaire de la période de jour et de la période de nuit. Le tableau général annuel des services de l’établissement ne sera disponible que courant 2012, le principe de sa construction ayant été présenté lors de la commission de l’organisation de la permanence des soins du 9 novembre 2011. Jusqu’en 2009, l’AP-HM n’a pas respecté le plafond d’indemnisation prévu lorsque le praticien doit réaliser au moins deux déplacements de trois heures au cours d’une même astreinte ; il en est résulté un surcoût de l’ordre de 3,48 M€ pour la période 2004 - 2009. A ce jour, le plafond de versement sur quatre semaines des indemnités forfaitaires de base au titre des astreintes de sécurité n’est pas non plus respecté et est régulièrement dépassé par quelques praticiens sans que la direction des affaires médicales n’opère de contrôle et a fortiori ne mette fin à ces dépassements. 

Jusqu’en 2010, les praticiens qui effectuaient du temps de travail additionnel à l’AP-HM ne s’engageaient pas contractuellement comme le prévoit pourtant l’arrêté du 30 avril 2003. Cette lacune a été réparée mais les modalités de mise en œuvre de cette contractualisation restent perfectibles. De même, l’AP-HM ne produit toujours pas de bilan annuel des contrats de temps de travail additionnel contrairement à ce que requiert la réglementation. La chambre a pris note du fait que l’établissement avait aujourd’hui mis en œuvre, selon lui, 50 % de la démarche de contractualisation du temps additionnel, en régulant le volume par service, et que la contractualisation individuelle de chaque praticien pourra être mise en œuvre, suivie et évaluée lorsque le déploiement du logiciel de gestion informatisée du temps médical sera effectif.

La répartition entre obligations de service et temps de travail additionnel se fait sur la base la plus favorable pour l’ensemble des praticiens, qu’ils soient praticiens hospitaliers universitaires ou praticiens hospitaliers.

De plus l’AP-HM ne respecte pas systématiquement l’obligation réglementaire de transmettre un tableau mensuel de service réalisé à l’appui du mandatement de l’ensemble des indemnités versées au titre de la permanence et de la continuité des soins.

Concernant l’activité libérale des praticiens, des discordances ont été constatées sur le niveau des redevances perçues par l’AP-HM telles qu’elles apparaissent au compte financier d’une part, et dans les tableaux transmis par l’établissement d’autre part, ce qui démontre une insuffisance du suivi et des contrôles effectués par la direction des affaires médicales. De plus, l’AP-HM n’est pas en mesure de savoir si l’activité libérale n’excède pas 20 % de la durée de service hospitalier hebdomadaire des praticiens, comme le prévoit pourtant le code de la santé publique, faute de suivi de l’activité publique des praticiens qui exercent une activité libérale.