Une expérimentation et une évaluation dont le démarrage est effectif
L’expérimentation « Territoires zéro non-recours » (TZNR) a bénéficié d’une réelle impulsion politique. Dès le printemps 2023, le ministère a lancé un appel à projets national soumis à un jury interministériel. La DGCS a assuré le cadrage initial en fixant trois priorités : renforcer le repérage du non-recours, construire des partenariats locaux innovants et favoriser l’essaimage de pratiques nouvelles. Les crédits, délégués aux préfets, sont versés à hauteur de 80 % en début d’année et de 20 % après validation du bilan annuel, avec un taux de cofinancement d’au moins 20 %. Le comité national de suivi présidé par la DGCS réunit administrations centrales, opérateurs nationaux et caisses de sécurité sociale pour coordonner la mise en œuvre et tirer les enseignements de l’expérimentation. Sur la base des données 2023-2024, les autorisations d’engagement atteignent 98 % et 97 %, et les crédits de paiement 79 % et 88 %, confirmant une mise en place rapide et effective. Une grande diversité d’actions est ainsi effectivement en cours d’expérimentation. La moitié des territoires a pu comptabiliser les bénéficiaires et les droits ouverts. L’évaluation a été prévue d’emblée par la loi 3DS, ce qui est une bonne pratique, et repose sur un comité scientifique installé en 2023 et sur un consortium d’évaluateurs privés.
Des échanges de données indispensables mais nécessitant encore d’importants travaux
Si le partage de données constitue un levier décisif pour atteindre les objectifs de l’expérimentation « Territoires zéro non-recours » (TZNR), en particulier pour identifier par croisement de données des personnes éligibles mais non-recourantes aux prestations, tous les partenaires institutionnels mobilisés ne s’y sont pas engagés avec la même intensité. Plusieurs réticences initiales ont été relevées, notamment de la part de certaines caisses locales de sécurité sociale et de collectivités territoriales, confrontées à la diversité des demandes et à la nécessité de sécuriser juridiquement les transmissions. Dans certains territoires, cette incertitude a retardé la signature des conventions locales ou l’activation des transferts de données, limitant dans les premiers mois l’ampleur des actions de repérage du non-recours. La nécessité de construire un outillage national unifié pour accompagner les porteurs de projet dans le déploiement des échanges de données à caractère personnel n’a pas été anticipée. Aucun clausier commun ni doctrine d’emploi partagée n’étaient disponibles au lancement de l’expérimentation, ce qui a conduit à des pratiques hétérogènes, voire contradictoires, d’un territoire à l’autre. Les outils partagés, comme le kit d’évaluation ou les modèles de conventions, n’ont été diffusés qu’à partir d’octobre 2024La lente montée en charge des échanges de données a également retardé la mise en œuvre de l’évaluation de l’expérimentation, l’arrêté portant autorisation de traitement n’ayant été publié que le 31 mai 2025, plus de trois ans après le vote de la loi 3DS. Au-delà de son objet propre, l’expérimentation met ainsi en lumière des obstacles plus structurels : l’interconnexion insuffisante des systèmes d’information, l’absence de référentiels communs et la diversité des outils métiers et des exigences de sécurité. Le développement d’une doctrine commune et d’un socle national partagé sera indispensable pour accompagner l’extension ou la généralisation des dispositifs de lutte contre le non-recours.
Un accompagnement innovant et une animation dynamique par l’État local
L’expérimentation « Territoires zéro non-recours » repose sur une animation active dans les territoires et un accompagnement dynamique par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). La désignation de référents TZNR au sein des services déconcentrés, la mise en place de comités locaux stratégiques et l’appui des directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités (Ddets) ont favorisé une appropriation réelle des actions au niveau territorial. Lancée début 2024, la « communauté apprenante », animée par un cabinet de conseil externe, soutient la mutualisation des pratiques et le partage d’expériences entre territoires, référents et commissaires à la lutte contre la pauvreté. Son bilan, établi en janvier 2025, est largement positif selon les personnes concernées. Les services déconcentrés de l’État, mobilisés pour le suivi des conventions, la validation des bilans et la délégation des crédits, assurent un suivi attentif du déploiement. La DGCS s’est dotée d’un tableau de bord national et dispose d’informations qualitatives régulières sur la conduite du dispositif, permettant d’identifier les difficultés. Cependant, les moyens humains engagés par les partenaires et la coordination avec certains acteurs demeurent inégaux, et près de 30 % des territoires ont ajusté leurs ambitions initiales, renonçant partiellement à atteindre certains publics en raison de contraintes juridiques, organisationnelles ou de ressources. En tout état de cause, dans l’attente de son évaluation finale, l’expérimentation a d’ores et déjà permis un rapprochement effectif entre les partenaires et une meilleure connaissance mutuelle des métiers et des pratiques.


