Un sujet majeur pour les collectivités territoriales, qui n’est pas toujours reconnu à son vrai niveau
Si l’État définit les règles de protection et s’assure de leur application, les collectivités, propriétaires de 45 % des 46 000 monuments historiques, sont chargées de leur mise en œuvre. Elles ont également la charge des politiques d’aménagement dans le périmètre de protection de ces monuments et dans les sites patrimoniaux remarquables, qui concernent au niveau national un tiers des logements. La protection, la conservation et la valorisation constituent donc des sujets très importants pour l’échelon local, a fortiori pour les communes de moins de 2000 habitants qui concentrent 50 % des monuments historiques dont les collectivités territoriales sont propriétaires.
Une obligation de conservation de plus en plus difficilement soutenable financièrement qui montre le rôle majeur de l’État
À l’échelle de l’échantillon et des opérations conduites, le reste à charge s’est élevé en moyenne à 43 % des dépenses engagées par les collectivités. L’enquête de la Cour a mis en lumière les facteurs pouvant rendre la charge de conservation difficilement soutenable : faible part des dépenses consacrées à l’entretien, caractère règlementé du patrimoine, faibles ressources techniques en matière d’ingénierie, poids du patrimoine règlementé dans le parc immobilier de la collectivité territoriale. Le cofinancement public, ainsi que l’appui technique, demeurent indispensables pour répondre à l’obligation de conservation.
En 2022, la Cour soulignait la difficulté de disposer d’une vision d’ensemble des crédits de l’État mobilisés en faveur des monuments historiques, tous ministères confondus, ce constat demeure d’actualité. Entre 2018 et 2024, s’agissant du ministère de la culture, l’effort de l’État s’est poursuivi notamment en faveur des collectivités territoriales, qui ont bénéficié en 2024 de 52 % des 267 M€ en crédits de paiement exécutés au titre des crédits déconcentrés du budget de l’État pour les monuments historiques et le patrimoine monumental. La hausse des concours de l’État, conjuguée à l’effort des communes, a pu ainsi contribuer à une amélioration de l’état sanitaire des monuments historiques.
Pour 2025, les crédits adoptés en loi de finances connaissent une évolution contrastée : les engagements antérieurs devraient donc être honorés, mais une nouvelle répartition des crédits pourrait intervenir entre l’État, pour ses propres monuments, et les autres propriétaires publics et privés.
Des leviers à mieux mobiliser pour améliorer la conservation et la valorisation
À la capacité pour les collectivités de faire face aux dépenses pour leur patrimoine protégé, s’ajoute le poids du patrimoine non protégé, dont la conservation incombe également aux communes. Il s’agit notamment des édifices religieux dont elles sont propriétaires, dont la majorité ne sont ni inscrites ni classées comme monuments historiques. L’usage et la valorisation du patrimoine apparaissent indispensables à l’acceptation de dépenses par les élus et les habitants.
Au regard de l’effort de l’État ces dernières années, ainsi que de la situation des finances publiques, la Cour considère qu’il est prioritaire de mobiliser tous les leviers pour mieux piloter, mieux gérer, davantage mutualiser et valoriser le patrimoine monumental dans une stratégie de développement, d’attractivité mais aussi d’usage et d’aménagement.
L’enquête a permis de mettre en exergue des bonnes pratiques, comme la mutualisation des ressources techniques à l’échelle d’un territoire, l’anticipation des avis des architectes des bâtiments de France (ABF) et la promotion d’une vision pluriannuelle partagées des besoins et des dépenses liés aux monuments historiques. Par-delà les contraintes qui lui sont liées, le patrimoine constitue un levier d’attractivité et de développement pour les territoires, même si sa valorisation économique doit s’appuyer sur des analyses rigoureuses.
Des procédures à simplifier pour concilier protection du patrimoine et aménagement
Comme en 2022, la Cour constate que l’allégement des contraintes de protection prévu par la loi de 2016 relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine (LCAP) se fait à un rythme trop lent, conduisant à un enchevêtrement complexe entre règlementations en faveur du patrimoine, de l’urbanisme et de l’environnement. Alors que 31,7 % du parc de logement sont concernés par des règles de protection, les contraintes liées aux enjeux de la transition énergétique peuvent aboutir à une inadaptation de l’habitat. Il s’agit d’un enjeu majeur dans les secteurs protégés comme sites patrimoniaux remarquables où le taux de vacance des logements est le double de la moyenne nationale.
Face à ces constats une meilleure prise en compte de la protection par tous les acteurs de la chaîne patrimoniale apparaît nécessaire. L’amélioration du dialogue entre élus et les ABF est ainsi essentielle pour conforter la mission de garant de la sauvegarde du patrimoine de ces derniers, qui ne doit pas être remise en cause. Pour faciliter l’émergence de stratégies patrimoniales dont la définition et le déploiement dépassent la durée d’un mandat, l’intégration d’une formation aux enjeux patrimoniaux au parcours de formation des élus apparaît tout aussi importante.