En France, l’organisation des élections est traditionnellement placée sous la responsabilité du ministère de l’Intérieur, mais elle mobilise de nombreux acteurs institutionnels à tous les niveaux. Les crédits alloués à l’organisation des élections varient chaque année en fonction du nombre et de la nature des scrutins. En 2022, le budget consacré à l’organisation des élections sur le programme 232 « Vie politique » s’est élevé à 414 millions d’euros, contre 100 millions en 2018. Toutefois, la désaffection des électeurs est de plus en plus marquée, avec un taux d’abstention croissant et un vote de plus en plus intermittent. Les élections législatives anticipées de 2024 font exception ayant enregistré un taux de participation de 66,7 %, le plus élevé depuis 1997.
Le répertoire électoral unique (REU), instauré en 2019, a modernisé la gestion des listes électorales, renforçant leur fiabilité et permettant une inscription plus souple jusqu’à six semaines avant l’élection. Cette réforme a facilité l’inscription en ligne et la demande de procuration, ce qui a contribué à une augmentation des inscriptions pour la présidentielle de 2022. Cependant, des améliorations sont encore nécessaires, notamment pour réduire les cas de mal-inscription. Ce phénomène touche particulièrement les jeunes, les personnes mobiles et les populations vulnérables. Une étude de l'INSEE a révélé que 16,5 % des électeurs inscrits pour la présidentielle de 2022 étaient inscrits sur les listes électorales d’une commune qui n’était pas celle de leur résidence principale. À court terme, des actions doivent être menées pour encourager le changement d’adresse sur les listes, et à moyen terme, un système intégré pourrait faciliter ces démarches. Par ailleurs, il serait pertinent d’enrichir le REU en y incluant des adresses électroniques, qui ne figurent actuellement que pour 24 % des électeurs.
La réforme des procurations, déterritorialisées en 2022, a permis des gains de productivité, notamment grâce à une dématérialisation partielle des démarches. Pour les élections de 2024, la dématérialisation intégrale des procurations a montré des résultats prometteurs. Cependant, cette procédure est limitée aux titulaires de cartes nationales d’identité électroniques ayant validé leur identité en ligne. La Cour recommande par ailleurs de limiter l’édition et l’envoi de nouvelles cartes électorales aux seuls électeurs nouvellement inscrits ou ayant changé de bureau de vote.
La propagande électorale, notamment l’envoi de documents imprimés aux électeurs, est un maillon faible de l’organisation des élections. Mise en place au XXe siècle, elle n’a pas évolué et souffre de dysfonctionnements récurrents, comme en témoigne le double scrutin de 2021, où 40 % des électeurs n’ont pas reçu leur propagande au second tour. Ces difficultés, accentuées par la crise sanitaire et le recours à des prestataires privés défaillants, ont conduit le ministère de l’Intérieur à réinternaliser les opérations de mise sous pli. Bien que cette mesure ait permis de mieux maîtriser les risques, le coût et l’impact environnemental de l’envoi de propagande écrite ne semblent plus justifiés. La Cour recommande de limiter cet envoi en donnant la possibilité à l’électeur de renoncer à recevoir la propagande imprimée à domicile et de promouvoir davantage une consultation numérique en facilitant l’accès au site web dédié.
La loi du 15 janvier 1990 a introduit un financement public des campagnes électorales, avec deux régimes : celui de la propagande officielle et celui des comptes de campagne. Cependant, cette coexistence génère des inefficacités et appelle une réforme. La Cour recommande d’intégrer les dépenses de propagande officielle dans les comptes de campagne, afin de simplifier et d’améliorer l’efficacité du système.
La qualité du débat démocratique est essentielle pour maintenir la confiance des citoyens. En plus de la régulation des médias, la loi du 22 décembre 2018 sur la manipulation de l’information a introduit des mesures pour lutter contre les ingérences étrangères sur les plateformes en ligne. Il est ainsi crucial de préserver le système de vote à l’urne, sûr, simple et compréhensible, et de conforter la présence des magistrats au sein des commissions intervenant en matière électorale.
Enfin, la Cour souligne l’importance d’une meilleure connaissance des coûts de l’organisation des élections. Le programme budgétaire 232 « Vie politique » ne retrace qu’une partie des coûts, en excluant les dépenses de personnel et d’autres coûts importants. En 2022, le coût total de l’organisation des élections pour l’État a été estimé à 461 millions d’euros. En outre, le coût pour les communes n’est pas connu.
« Dans la crise de confiance que traversent aujourd’hui nos démocraties, la qualité de l’organisation des élections est essentielle pour préserver la confiance des citoyens dans leurs institutions. La Cour a contrôlé le dispositif d’organisation des élections en France piloté par le ministère de l’intérieur, et fait le constat global de sa robustesse : la modernisation de la gestion des listes électorales, de même que celles des procurations, a été un succès – qui reste toutefois à approfondir. En revanche, l’envoi de la propagande papier à domicile, inchangé depuis le milieu du XXème siècle, doit évoluer, en raison de son coût budgétaire et de son impact environnemental » souligne Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes.


