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Les enseignements du programme exceptionnel d'investissements en faveur de la Corse

COUR DES COMPTES

À la fin des années 1990, le diagnostic posé sur les handicaps qui freinent le développement de la Corse était établi depuis plusieurs décennies. Les mesures proposées pour y remédier, en termes d’infrastructures et d’équipements collectifs, n’avaient cependant pas été mises en œuvre. Lancé en 2002, le programme exceptionnel d’investissements (PEI) en faveur de la Corse peut être considéré de ce fait comme un « programme-charnière ». Il a ouvert une trajectoire pour sortir le territoire insulaire des impasses dans laquelle celui-ci était engagé depuis tant d’années et a permis l’engagement de près de 2 Md€ d’investissements, dont 70 % financés par l’État, sur une durée de près de 20 ans autour des trois grands axes - renforcer les infrastructures de base, améliorer les services collectifs et mettre en valeur l’espace régional.

La gouvernance du PEI

Malgré certaines faiblesses, la gouvernance partagée du PEI s’est révélée souple et durable. Elle a été partagée entre l’État et la collectivité de Corse CdC au sein d’un comité régional de programmation des aides (Corepa), chargé en l’espèce de la sélection et de la coordination des aides. Pragmatique et relativement souple, ce mode de gouvernance a été une des clés de réussite, en dépit des changements politiques intervenus au cours de ces deux décennies sur le plan national et insulaire. Malgré ces atouts, la mise en œuvre du PEI aurait pu être plus performante. Les délais pour concevoir, décider et réaliser les opérations ont été souvent trop longs. Les opérations ont été réalisées dans un contexte de faible concurrence. Les priorités ont souvent été dictées plus par la maturité des projets que par leur importance stratégique, alors que d’autres investissements, sélectionnés dès l’origine, ont mis plus de dix ans à être réalisés ou dépriorisés. Le pilotage s’est concentré sur la programmation des subventions beaucoup plus que sur le suivi de la réalisation des opérations ou sur leur performance. Les évaluations prévues n’ont pas été réalisées et les bilans d’exécution attendus n’ont pas été présentés au Parlement. Certains des investissements les plus ambitieux n’ont pu être entrepris du fait des complexités inhérentes à la vie politique corse et des difficultés qui entourent la conception de projets structurants en l’absence de choix politiques clairs.

Améliorations et accompagnement

Le PEI a contribué à mieux équiper la Corse et à mettre à niveau ses infrastructures. La majorité des 683 opérations du programme a été concentrée sur le rattrapage des infrastructures prioritaires des transports, de l'eau et de l'assainissement (environ 70% de la programmation totale). Dans un certain nombre de domaines, la Corse ne dispose toutefois toujours pas des infrastructures qui lui sont nécessaires, notamment parce que certains enjeux comme ceux liés à l’environnement, n’occupaient pas la même place dans les priorités des politiques publiques d’alors ou parce que les acteurs locaux ne sont pas parvenus à s’accorder sur les décisions à prendre. Le tri et l’élimination des déchets, la rationalisation des installations portuaires, la desserte intérieure par les transports en commun, l’alimentation en électricité et la formation professionnelle restent en attente d’une inscription dans la stratégie de développement de l’île. Bien que la convention-cadre de 2002 ait prévu le financement d’une évaluation du programme, le faible intérêt des parties prenantes du PEI pour la mesure de sa performance n’a pas permis sa réalisation. Très peu d’indicateurs quantitatifs ou qualitatifs ont été mis en place à l’origine pour mesurer les effets du programme. L'absence d’un suivi exhaustif de l’exécution et d'indicateurs d'évaluation adaptés à chaque mesure et sous-mesure du PEI a donc empêché d'apprécier sa performance globale. Dès lors, l’examen des réalisations repose pour l’essentiel sur un bilan matériel et financier des réalisations. Durant la période de mise en œuvre du PEI, la population corse a cru de près d’un tiers, pendant que l’activité économique de l’île augmentait de plus de la moitié. Le PEI y a contribué par l’intermédiaire de deux mécanismes. L’investissement public généré par les 740 M€ de subventions de l’État et de ses opérateurs mandatés a représenté environ 1 % du PIB de la Corse. Il a soutenu le secteur du BTP et injecté dans l’économie insulaire un revenu supplémentaire appréciable. Ces investissements ont également conforté la qualité globale de l’offre touristique. Subsidiairement, la mise en œuvre du PEI a amené les collectivités locales les plus importantes, mais aussi les entreprises, à se moderniser et à développer leurs capacités de conduite de projets.

Clôture du PEI

Clos en ce qui concerne sa programmation depuis la fin de l’année 2020, le PEI conduit à des dépenses qui seront exécutées jusqu’en 2026. L’État et la CdC doivent donc planifier la fin du programme, en arrêtant la liste des opérations programmées non finalisées et en fixant le montant et l’échéancier de mise à disposition des crédits avec les collectivités concernées. Vingt ans après la signature du PEI, le paiement d’un quart des subventions apportées par l’État (environ 300 M€) n’a toujours pas été sollicité par les maîtres d’ouvrage locaux. Annoncé dès 2018, un plan de transformation et d’investissement pour la Corse (PTIC) a succédé au PEI à partir de 2021. Il prévoit une nouvelle participation de l’État de 550 M€ pour une durée de cinq à sept ans. Trois ans après son lancement, ce plan ne repose cependant toujours pas sur un document de cadrage commun bien que près de la moitié de son enveloppe ait déjà fait l’objet de déclarations d’intention ou de contrats de projet. La difficulté pour les acteurs de s’accorder sur sa mise en œuvre trouve notamment son origine dans la rupture avec l’esprit de compromis installé par le PEI. L’absence de cadre de référence précisant les objectifs du PTIC, sa gouvernance, ainsi que les modalités de son pilotage, de son exécution et de son évaluation limitent aujourd’hui sa capacité à contribuer à une stratégie partagée de développement pour le territoire.

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