Sort by *
Publications

Publications

Commune de Cuges-les-Pins (Bouches-du-Rhône)

CRC PROVENCE-ALPES-CÔTE D'AZUR

La chambre a publié le 26 février 2018 le rapport d'observations définitives relatif à la gestion de la ville de Cuges-les-Pins à partir de 2009.

 


SYNTHÈSE

Cuges-les-Pins est une commune des Bouches-du-Rhône se situant entre Aubagne et
Le Castellet. L’examen de la gestion, qui a couvert la période courant à partir de 2009, a mis
en évidence de graves dysfonctionnements dans sa gestion ainsi qu’une situation financière
particulièrement dégradée.


Fiabilité des comptes et situation financière
Les comptes et budgets présentés ne sont pas sincères. Les règles élémentaires de la
comptabilité d’engagement ne sont pas respectées. De nombreuses factures ne sont pas
enregistrées, afin de dissimuler des dépassements très importants de crédits budgétaires et
d’améliorer artificiellement les résultats de la commune.
En outre, des travaux d’entretien sont indûment qualifiés de travaux en régie chaque
année afin d’équilibrer le budget et de percevoir irrégulièrement des reversements du FCTVA.
Les comptes d’immobilisations et l’inventaire des biens de la commune présentent de plus des
écarts inexpliqués de plus de 25 % et les amortissements obligatoires ne sont pas tous constatés.
Après retraitement, les comptes font apparaître une situation financière extrêmement
dégradée. Du fait d’un taux de croissance des dépenses de gestion supérieur de cinq points à
celui des recettes, l’excédent brut de fonctionnement et la capacité d’autofinancement (CAF)
ont diminué de plus de 50 % entre 2009 et 2015, cette détérioration étant particulièrement
marquée depuis de 2011. Les résultats de fonctionnement retraités faisaient ainsi apparaître fin
2015 un déficit cumulé de plus de 600 000 €, représentant plus de 10 % des recettes réelles de
fonctionnement de la commune.
Cette dégradation est en grande partie due à une augmentation de plus de 35 % des
charges de personnel sur la période, qu’une triple augmentation des taux d’imposition n’a pas
suffi à financer.
La CAF nette, qui représente la capacité de financement des investissements dégagée
par la commune, est très largement négative depuis 2011 (- 595 000 € fin 2015). La ville ne
dispose donc plus d’aucune marge de manoeuvre pour financer ses projets d’investissements.
Sa capacité de désendettement atteignait près de 22 ans fin 2015, alors qu’elle était de l’ordre
de 9 ans en 2009. Les difficultés de trésorerie sont également très importantes.
Malgré la gravité de sa situation et en dépit d’une incertitude importante quant à
l’évolution de ses recettes, la commune entendait engager un programme d’équipement de plus
de 11 M€ sur les cinq prochaines années, qu’elle est de toute évidence incapable de financer.
En effet, si ces opérations devaient être réalisées, sa dette par habitant ferait plus que doubler
dans les deux ans à venir et sa capacité de désendettement serait portée à 55 ans. Les autres
ratios financiers de la commune subiraient une dégradation encore plus importante.

Organisation

La commune est confrontée à une situation de sous-encadrement important, qui ne lui
permet pas de poursuivre ses missions et d’atteindre ses objectifs dans des conditions de sécurité
juridique et financière optimales.
Sur la période examinée, le service financier n’a été investi d’aucune mission de pilotage
ou de contrôle. A titre d’illustration, l’utilisation des cartes de carburant et du parc de véhicules
et les 26 régies de recettes et d’avances de la commune n’ont fait l’objet d’aucun contrôle.
De très nombreuses délégations de fonctions et de signature ont été accordées par le
maire, y compris dans des domaines où le conseil municipal ne lui a délégué aucun pouvoir.
Outre qu’elles sont irrégulières, ces délégations foisonnantes et trop générales nuisent à la
lisibilité de l’organisation de la commune. Il en est fait un usage abondant et irrégulier en
matière de commande publique, la plupart des consultations, marchés et achats ayant été
engagés par le maire, ses adjoints ou des agents, sans autorisation du conseil municipal.

Commande publique

La commune s’est affranchie très largement des principes et règles posés par le code des
marchés publics et ne s’est pas donnée les moyens de susciter une mise en concurrence efficace.
Les acheteurs sont multiples et aucune procédure d’achat n’a été formalisée. Aucun suivi des
consommations courantes et aucune analyse des besoins courant n’est attestée. La collectivité
n’a pratiquement jamais publié d’appel à concurrence et n’a mis d’ailleurs que très rarement en
concurrence ses fournisseurs. Dans le meilleur des cas, les commandes ont été passées après
l’obtention d’un ou deux devis.
En matière d’investissement, les démarches de définition des besoins et des modalités
de financement des projets ont été très insuffisantes. Des stratégies d’évitement des seuils de
publicité dans les journaux d’annonces légales ont été utilisées en scindant artificiellement des
opérations. Aussi, il apparaît que les marchés passés par la commune se concentrent sur un
nombre très restreint de fournisseurs.
Dans leur immense majorité, les dossiers des marchés conclus sur la période de janvier
2009 à mars 2014 n’ont pu être communiqués à la chambre. De ce fait, sur les 48 opérations
d’investissement réalisées pendant cette période, aucune mise en concurrence n’a pu être
établie, à deux exceptions près. Ces deux dossiers reconstitués présentent en outre des indices
sérieux d’irrégularités. Tous les marchés attribués dans le cadre de ces opérations sont de ce
fait présumés irréguliers.

Grands projets 2009-2016

Le marché relatif à la « pelouse synthétique du stade », réalisée en 2012-2013,
largement subventionnée par des fonds publics, a été attribué sans que la preuve d’une mise ne
concurrence effective ait pu être apportée. Il est également permis de s’interroger sur la réalité
de deux prestations complémentaires facturées hors marché.
La réalisation de la première tranche de la nouvelle école élémentaire couvrait la
construction sur un nouveau site de huit classes, d’une cuisine centrale et d’une salle de repos
pour l’école maternelle pour un coût estimé à 930 000 € en 2007. Ce programme, également
largement cofinancé par le département, a finalement été réalisé pour un coût quatre fois
supérieur (3,9 M€).
Les procédures d’attribution des marchés de maîtrise d’oeuvre de l’opération de
construction du dortoir, scindé artificiellement en deux opérations, n’ont pu être vérifiées, faute
de pièces. Quant aux marchés de travaux, ils ont été passés dans des conditions assez peu
transparentes et ne permettant pas de susciter une mise en concurrence efficace. Les marchés
de travaux de la cuisine centrale, en particulier, n’ont pas donné lieu à une mise en concurrence
suffisante.
Le choix d’une construction semi-industrielle, et celui de déplacer la cuisine centrale
sur le site de la nouvelle école, compliquent désormais sérieusement les projets de
regroupement de l’ancienne école primaire sur le site de la nouvelle.
Par ailleurs, les capacités de production de la cuisine centrale seraient quatre fois
supérieures au nombre de rationnaires. Afin de réaliser des économies de fonctionnement,
l’exploitation de cet équipement a été confiée en 2016 à une entreprise qui confectionne des
repas pour son propre compte et celui de la commune. Cependant, cette externalisation, qui
devait permettre d’économiser environ 240 000 € par an, paraît à l’analyse, légèrement plus
coûteuse qu’auparavant, après la prise en compte des amortissements de l’équipement qui ont
été omis par la commune dans son budget et son analyse du modèle économique.
Malgré son coût élevé et bien que très récente, la nouvelle école nécessiterait déjà des
travaux de rénovation de plomberie et de sanitaires. Des travaux de rénovation thermique de
grande ampleur avaient par ailleurs déjà été programmés, sans justification objective, ainsi que
la construction d’un nouveau bâtiment à énergie positive de 10 classes, dans le cadre d’un
marché de conception-réalisation, irrégulier pour ce type d’opération. Pourtant la commune ne
possède ni le foncier nécessaire, ni plan de financement, ni d’ailleurs aucune capacité financière
pour réaliser un tel projet, quel que soit le niveau de cofinancement qu’elle pourrait obtenir.
Malgré la réalisation d’une mission de maîtrise d’oeuvre très avancée, ce projet vient encore
d’être modifié. Il aurait été décidé de le remplacer par un nouveau, évalué à 5,16 M€, tout aussi
insoutenable pour le budget de la commune.


Ressources humaines
Les charges de personnel représentaient plus de deux tiers des charges courantes fin
2015. Entre 2009 et 2014, les effectifs ont augmenté de 27 %. Sous la contrainte budgétaire,
une diminution s’est amorcée en 2015, qui a porté essentiellement sur les agents non titulaires.
Les tableaux des effectifs sont peu fiables, le nombre d’emplois budgétaires ouverts et
pourvus ne paraît pas cohérent avec les délibérations prises en la matière. Plusieurs nominations
en surnombre ont ainsi pu être prononcées.
Les effectifs se caractérisent par un sous-encadrement et une surreprésentation de la
filière technique. L’âge moyen des agents est également élevé, ce qui pourrait offrir à la
collectivité une opportunité de réduire le poids des dépenses de personnel à moyen terme.
Les recrutements privilégient la sphère de proximité, ce qui contrarie le principe d’égal
accès aux emplois publics. De plus, les recrutements d’agents non-titulaires ne respectent pas
la législation en vigueur. Les motifs invoqués pour y procéder – remplacement ou surcroît
d’activité – ne sont pas avérés.
En matière de gestion des carrières, les avancements d’échelon et de grade, ainsi que le
régime indemnitaire ne sont pas corrélés à la manière de servir. Outre les charges
supplémentaires qu’il occasionne, ce mode de gestion des agents municipaux prive la commune
d’un levier managérial utile.
Le régime indemnitaire représente 19 % de la rémunération des agents, soit plus de
quatre points de plus que la moyenne de la strate démographique à laquelle appartient la
commune. Le coût des heures supplémentaires a par ailleurs augmenté de plus de 60 % sur la
période, sans lien avec la croissance des effectifs. Ces heures supplémentaires, tout comme les
heures de travail, ne sont pas contrôlées. Il existe en outre un système de forfait d’heures
supplémentaires, qui se cumule parfois avec des récupérations majorées.
La durée légale du travail de 1 607 heures par an n’est pas non plus respectée, les agents
travaillant 91 heures de moins, ce qui équivaut à 13 journées de travail perdues.
Enfin, l’absentéisme se situe à un niveau particulièrement alarmant. Il a atteint 49 jours
par agent en 2015. Les absences pour maladie ordinaire ont augmenté de 82 % entre 2009 et
2015. Son coût est considérable : il a été évalué par la chambre à 540 000 € pour 2015.


RECOMMANDATIONS

Recommandation n°1 : Mettre fin à la comptabilisation de travaux en régie fictifs et limiter
leur usage aux seules créations d’immobilisations par les propres moyens de la commune, selon
les modalités définies par l’instruction budgétaire et comptable M 14.

Recommandation n°2 : Tenir une comptabilité d’engagement conformément aux dispositions
de l’article L. 2342-2 du CGCT.

Recommandation n°3 : Respecter les limites des crédits budgétaires votés par l’assemblée
délibérante conformément aux dispositions de l’article L. 2311-1 du CGCT.

Recommandation n°4 : Engager immédiatement des mesures de redressement de la situation
financière reposant sur la réduction de la masse salariale, l’abandon de tout programme
d’investissement, hormis les dépenses urgentes ou déjà engagées juridiquement et la réalisation
d’économies de gestion.

Recommandation n°5 : Contrôler périodiquement les régies, réduire leur nombre ainsi que
celui des régisseurs au minimum indispensable et revoir le montant des cautionnements et de
l’encaisse.

Recommandation n°6 : Limiter le nombre de cartes de carburant et en contrôler l’usage.

Recommandation n°7 : Clarifier les délégations de fonctions et de signature, notamment en
matière de commande publique.

Recommandation n°8 : Réduire le nombre d’acheteurs et formaliser les procédures d’achat
conformément aux dispositions règlementaires.

Recommandation n°9 : Mettre en place une organisation permettant de procéder à une analyse
des besoins préalablement à tous achats ou travaux.

Recommandation n°10 : Surveiller et respecter les seuils de procédure et de publicité en
vigueur.

Recommandation n°11 : Mettre en place des procédures de mise en concurrence transparentes
et efficaces.