Sort by *
Publications

Publications

Quel développement pour Mayotte ?

COUR DES COMPTES

Dix ans après la création du département, et alors que le Gouvernement a enchaîné les plans en sa faveur, la situation de Mayotte demeure atypique au sein de la République. En soixante ans, l’archipel a vu sa population multipliée par 12 et compte aujourd’hui la plus forte densité de population de la France d’outre-mer, en raison à la fois d’une croissance endogène très dynamique et d’une immigration clandestine élevée. En parallèle, la période qui a suivi la départementalisation a vu, malgré un réel rattrapage du niveau de vie de ses habitants, une forte dégradation des conditions de sécurité et de la qualité de vie (transports, eau, environnement, logement). La délinquance a atteint un niveau tel, que la sécurité est devenue la première préoccupation des habitants. En matière d’éducation, le retard est également difficile à résorber, alors que la moitié de la population ne parle pas français. Dans le rapport publié ce jour, les juridictions financières (Cour des comptes et chambre régionale des comptes de Mayotte) soulignent que les services de l’État et du département ne parviennent pas à apporter les solutions attendues par les mahorais sur les plans sociaux, économiques et sociétaux.

Pour contribuer à mener une réflexion stratégique sur le développement durable de Mayotte, la Cour formule des recommandations visant notamment à consolider l’action des pouvoirs publics et à renforcer la lutte contre l’immigration clandestine.

Face aux défis du développement du territoire, les institutions locales peinent à consolider leurs actions

Si les institutions locales peinent à asseoir leurs actions de développement, c’est notamment parce que les services de l’État à Mayotte font état de difficultés de recrutement des cadres administratifs qui, en outre, ne restent pas en poste suffisamment longtemps pour assurer correctement la continuité de leurs actions. Par ailleurs, la préfecture ne dispose pas des moyens et de l’organisation propres à assurer son rôle de pilote et de coordonnateur de l’action de l’État, car indépendamment des difficultés de recrutement, le contexte d’urgences récurrentes empêche le service préfectoral d’inscrire son action dans la durée et de bâtir ou de piloter des projets à la hauteur des enjeux locaux. De son côté le département doit conforter ses fonctions en matière de ressources humaines, de contrôle de gestion et de systèmes d’information pour disposer du socle de gestion garantissant la bonne mise en œuvre des politiques contractualisées. Dans le cadre de précédents rapports, la chambre régionale des comptes de Mayotte avait formulé des recommandations sur le suivi de la délégation de service public du port de Longoni, sur le désordre foncier et l’adressage des propriétés, sur le pilotage par l’État de la départementalisation, ainsi que sur la programmation pluriannuelle de l’engagement financier de l’État et des équipements publics. Or, ces recommandations n’ont été que peu ou partiellement suivies par le département et l’État, ce qui a affecté le suivi des plans de développement et le redressement du département.

Les plans de développement de l’État : des engagements ambitieux, une mise en œuvre inégale

Alors que le plan de « Mayotte 2025 » de 2014 comprenait une feuille de route consensuelle, et que celui de 2018 prévoyait des dépenses de l’État à hauteur de 1,3 Md€, certaines des mesures rapidement engagées ont été interrompues au gré de changements politiques ou de préfet. Ainsi, le suivi du plan « Mayotte 2025 » s’est interrompu au bout d’un an, et s’agissant du plan de 2018, il n’existe aucun document de suivi mis à jour ni de données d’exécution de celui-ci, hormis un tableau renseigné par la préfecture à la demande de la Cour. Dès lors, si les engagements pris par l’État sont substantiels, il reste difficile d’apprécier le montant de l’effort additionnel consenti. L’action publique à Mayotte se déploie par à-coups, sans que le chaînage entre un plan et le suivant soit établi. Car ni la préfecture de Mayotte, ni la direction générale des outre-mer ne disposent d’équipes se consacrant au suivi de ces plans et, dans ces conditions, les services déconcentrés et centralisés de l’État ne sont pas incités à produire des documents de suivi ou à documenter leurs actions.

Les réponses de l’État n’ont pas apporté toutes les solutions attendues

Dans le plan de 2018 pour l’avenir de Mayotte, la majorité des réponses apportées par l’État aux revendications mahoraises portaient sur l’ordre public. Or, les statistiques relatives à la délinquance montrent que la situation continue de se dégrader sur ce plan. En outre, les réponses aux problématiques d’ordre social demeurent lacunaires : l’offre de soins reste inférieure aux standards nationaux, la construction des logements demeure très en deçà des besoins (39 % des habitats sont précaires) et des difficultés d’accueil dans les établissements scolaires persistent (221 d’entre eux étant saturés). La politique d’aménagement du territoire montre elle aussi d’importantes limites. Seule une action de l’État résolue, dotée des moyens techniques et financiers nécessaires et pilotée avec constance pourra réduire l’écart avec les standards métropolitains. Sans remettre en cause la départementalisation ni la décentralisation, l’État doit renforcer sa capacité à conduire le développement du territoire, dans une gouvernance associant le département et les autres collectivités. Il doit également assumer son autorité lorsque c’est nécessaire, ce qu’il fera d’autant mieux que ses propres engagements auront été tenus.

À lire aussi

Les autres publications qui pourraient vous intéresser :

Nous détectons que votre navigateur Firefox bloque l'affichage des tweets sur cette page. Veuillez vérifier l'option Protection contre le pistage dans les préférences de votre navigateur. Les tweets de la Cour des comptes sont également consultables directement sur https://twitter.com/Courdescomptes.