Créé en 1929, l’office public de l’habitat du Cantal est le premier bailleur social du département, comptant près de 4 000 logements locatifs implantés sur le territoire de 108 communes. Il dispose d’un effectif total de personnel de 67 agents permanents, et d’un montant de recettes annuelles de l’ordre de 25 M€.
La création d’une société de coordination sans véritable consistance
La loi ELAN du 23 novembre 2018 a introduit l’obligation de regroupement des bailleurs sociaux détenteurs d’un parc de moins de 12 000 logements à compter du 1er janvier 2021 en prévoyant toutefois des exceptions, en particulier la préservation de l’autonomie des offices publics, lorsqu’ils sont les seuls à avoir leur siège dans le département.
Bien que faisant partie des exceptions prévues par la loi, Cantal Habitat a, par précaution et anticipation de possibles évolutions législatives, opté pour un regroupement « préventif » en s’associant avec deux autres offices publics départementaux présentant les mêmes caractéristiques : l’office de la Haute-Loire et celui de la Creuse. Ainsi, le 19 mai 2021, les trois bailleurs sociaux ont créé une société anonyme de coordination (SAC) dont ils se sont partagés, à parts égales, le capital et les droits de vote.
Plus de trois ans après cette création, la chambre constate que la société Acélia se présente encore comme une « coquille vide », ne disposant pas en propre, de moyens humains, financiers ou matériels lui permettant d’exercer réellement les compétences obligatoires dont elle se trouve investie, par l’effet de l’article L. 423-1-2 du code de la construction et de l’habitation (élaboration d’un cadre stratégique patrimonial et d’utilité sociale ; définition d’une politique commune dans les domaines techniques et de l’achat de biens et services ; mise en place d’un contrôle de gestion commun ...). Le conseil d’administration de Cantal Habitat est donc invité à se prononcer sur le devenir de cette coordination avec deux autres OPH.
De graves carences en matière de pilotage et de contrôle interne qui ont permis la commission d’actes répréhensibles dans le domaine de l’achat public
Avec l’accord du conseil d’administration, le directeur général de l’office a délégué sa signature au bénéfice de l’un de ses proches collaborateurs mais sans contrôle de supervision réel en retour, pour effectuer des achats pouvant aller jusqu’à la somme de 50 k€ en matière de marchés de travaux.
Or, ce directeur délégataire a multiplié les entorses aux principes et aux règles posées par le code de la commande publique, applicable aux offices publics de l’habitat, en procédant sans contrat écrit, à de nombreuses commandes de montants élevés, pour partie non justifiées, auprès d’entreprises locales. Licencié en avril 2022 après la découverte de ses agissements, l’intéressé fait l’objet d’une plainte déposée par l’office de l’habitat.
Ce cas certes exceptionnel témoigne, à tout le moins durant la période sous revue, du défaut d’attention plus général, porté par le directeur général de l’office, à la mise en place un contrôle interne et un contrôle de gestion efficaces.
Une situation financière satisfaisante qui appelle cependant à la vigilance
Sur la période examinée, la situation financière de Cantal Habitat se révèle satisfaisante, mais appelle à vigilance pour les années à venir pour deux raisons. En premier lieu, le résultat d’exploitation, qui mesure la performance courante de l’office dans son cœur de métier (7,1 M€ au cours de la période), a été plus faible que le résultat exceptionnel retraçant le solde des opérations non récurrentes (10,6 M€ sur la même période). En second lieu, malgré le réaménagement en 2022 d’une partie de la dette auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), le poids de l’annuité en capital est significativement plus élevé pour Cantal Habitat (1 595 € par logement en 2022) que le niveau médian observé pour les OPH de même importance (1 403 € par logement en 2022).
S’agissant de l’effort d’investissement, comparativement aux valeurs de référence, Cantal Habitat paraît avoir privilégié durant la période sous revue les dépenses de constructions nouvelles (1 809 € par logement contre 1 358 € pour la médiane OPH en 2022). En revanche, les dépenses de renouvellement et d’amélioration des logements existants sont significativement plus faibles (seulement 133 € par logement à Cantal Habitat, pour une dépense de 779 € observée pour la médiane du secteur, en 2022), ce qui appelle à un accroissement de l’effort fait en la matière.
RECOMMANDATIONS
- Recommandation n° 1. Appeler le conseil d’administration de Cantal Habitat à délibérer sur l’avenir de la SAC Acélia (concrétisation de la coordination ou demande de dissolution anticipée).
- Recommandation n° 2. Mettre en place une politique structurée, pilotée et formalisée de contrôle interne et informer le conseil d’administration des plans d’actions et bilan annuels du contrôle interne.
- Recommandation n° 3. : Soumettre au conseil d’administration un projet de guide de l’achat public fixant le processus de décision et précisant, entre autres, les modalités d’évaluation et de centralisation des besoins, la computation des seuils et les procédures d’achat à mettre en œuvre.
- Recommandation n° 4. : Instaurer rapidement une polyvalence sur les tâches « paie » et « déclaration sociale nominative », réalisées par l’unique agent opérationnel du service ressources humaines dans le logiciel métier.
- Recommandation n° 5. : Mettre en place un plan d’actions stratégique visant à augmenter l’effort d’entretien du parc locatif.