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Marseille en Grand

COUR DES COMPTES

La présente enquête, conduite par une formation interjuridictions réunissant la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur et les six chambres thématiques de la Cour des comptes, prend la forme d’une évaluation in itinere – menée en cours de mise en œuvre du plan évalué. Annoncé le 2 septembre 2021, le plan Marseille en Grand est présenté comme un engagement de l’État en faveur de Marseille et de sa métropole, un « contrat d’ambition » au service de l’amélioration du cadre de vie des Marseillais. Les politiques mises en œuvre à travers ce plan sont assurées par une grande diversité d’acteurs, au premier rang desquels les collectivités territoriales et leurs groupements. L’intervention de ces divers acteurs confère une complexité au plan qui doit être prise en compte dans la définition de ses modalités de gouvernance. Ce rapport s’attache à évaluer la qualité de la structuration du plan et à identifier les points susceptibles d’affecter les résultats attendus. En 2025, les juridictions financières établiront un premier bilan de la mise en œuvre des recommandations de ce rapport et réaliseront, en 2026, des monographies sur les principaux volets thématiques du plan.

Une prise en compte par les pouvoirs publics de la situation de Marseille et de la métropole

La ville de Marseille souffre de retards importants dans le développement de ses services à la population, parmi lesquels la dégradation du parc de logements ou encore le mauvais état des écoles publiques. Le plan Marseille en Grand a donc vocation à répondre à l’urgence de la situation, en intervenant dans les champs de : l’éducation, la santé, le logement, la mobilité, l’insertion et l’emploi, la sécurité, la culture et le rayonnement territorial. Le plan implique de nombreux acteurs publics, dont la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), le département des Bouches-du-Rhône, la métropole Aix-Marseille-Provence, la ville de Marseille et leurs opérateurs. L’État s’investit de manière significative, ce qui illustre la carence des pouvoirs locaux en matière de conduite des politiques dont ils ont la charge. Partant de ce constat, l’Exécutif a exigé que l’effort financier de l’État soit précédé d’une réforme de l’organisation des administrations locales, analysée comme un obstacle au développement de la métropole.

Une mise en œuvre fragilisée due à un plan sans cadre formel et aux contours non partagés

Alors même qu’il poursuit une ambition de développement de Marseille et de sa métropole, le plan Marseille en Grand n’a pas fait l’objet d’une association préalable des acteurs concernés. De fait, le plan a été mis en œuvre malgré le caractère inabouti de la réforme métropolitaine, présentée comme une condition préalable. Bien que la gouvernance métropolitaine ait été réformée par la loi, la réforme des relations financières entre la métropole et ses communes membres n’a pas été engagée. Le plan Marseille en Grand souffre également d’un défaut de formalisation, dont le contenu ne s’appuie sur aucun cadre contractuel, du fait de la réticence des collectivités territoriales. Par conséquent, les objectifs du plan ne sont pas explicités et ne peuvent qu’être déduits de la nature des mesures proposées.

Le plan répond à des besoins de la population mais ne les traite pas de manière globale

À peu d’exceptions près, les mesures du plan répondent effectivement à des besoins importants du territoire. Cependant, le plan n’investit pas dans leur globalité les nombreux champs de l’action publique qui sont concernés. En matière d’éducation, il se concentre sur l’expérimentation de nouvelles modalités d’organisation pédagogique et l’amélioration du parc d’écoles publiques via des opérations de construction, reconstruction ou réhabilitation, mais n’intègre aucune mesure spécifique visant à répondre aux causes de l’échec scolaire. Il en va de même pour les mesures relatives au logement qui ne portent que sur la résorption des logements dégradés, au détriment de la lutte contre la ségrégation résidentielle ou la production de logements sociaux.

Une organisation ne garantissant pas une mise en œuvre effective et rapide du plan

Du fait de l’étendue du plan et de son réseau d’acteurs, les modalités de sa gouvernance doivent être innovantes. L’absence d’instance décisionnelle unique au profit d’une décision déconcentrée au niveau des volets thématiques apparaît adaptée. Toutefois, une telle organisation suppose un pilotage pour remonter les informations, qui n’a, pour l’heure, pas encore été formalisé. Reposant initialement sur la seule administration préfectorale, le suivi du plan Marseille en Grand a pris une dimension gouvernementale à l’occasion de l’attribution du dossier à la secrétaire d’État à la Ville. Le dispositif administratif ne s’est cependant pas adapté à cette nouvelle configuration. La Cour souligne la réponse tardive apportée aux moyens humains de la préfecture des Bouches-du-Rhône, renforcés par l’affectation à temps plein d’un membre du corps préfectoral. Un renforcement de la gouvernance et des outils de pilotage reste indispensable.

Une satisfaction des besoins visés par le plan non garantie

Le caractère insuffisant de la gouvernance et des moyens de pilotage et de suivi fait peser un risque sur la rapidité de réalisation des actions prioritaires du plan Marseille en Grand. Le plan mêle, sans les distinguer, des mesures d’urgence et des projets de développement à long terme. Or ces deux types d’intervention répondent à des logiques différentes en matière de modalités de mise en œuvre. Malgré l’urgence de la situation marseillaise, le déploiement du plan s’inscrit dans le cadre du droit commun et aucune procédure dérogatoire n’a encore été décidée. Les principaux financements demeurent soumis aux règles d’engagement usuelles et aux délais d’instruction associés. La garantie d’une satisfaction rapide des besoins prioritaires passe par une meilleure distinction entre les mesures d’urgence, qui doivent bénéficier de modalités de mise en œuvre exceptionnelles ou dérogatoires, et les projets de plus long terme.

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