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L’organisation des marchés de l’électricité

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Dans un secteur électrique ouvert à la concurrence au niveau européen, la France a maintenu ou créé d’importants outils d’intervention publique - à l’occasion de la loi « nouvelle organisation du marché de l’électricité » (NOME) du 7 décembre 2010 -, pour répondre à plusieurs objectifs : permettre l’exercice de la concurrence entre fournisseurs, garantir aux consommateurs des prix stables et reflétant la compétitivité du parc nucléaire existant, assurer le financement de ce parc et disposer de capacités suffisantes pour garantir l’équilibre entre offre et demande d’électricité. Le rapport publié ce jour par la Cour des comptes répond à trois questions évaluatives sur les principaux dispositifs de la politique publique d’organisation des marchés de l’électricité. Il souligne que la mise en œuvre combinée de ces dispositifs au cours des dix dernières années ne permet plus de garantir que les objectifs initiaux soient atteints. Ce constat, illustré à l’extrême dans le contexte récent de flambée des prix du gaz et de l’électricité, appelle à mettre à profit les prochaines échéances de révision ou de caducité des dispositifs existants, pour clarifier les objectifs et revisiter les outils de l’intervention sur les marchés de l’électricité.

Une intervention publique qui répond à des enjeux propres à la France

Le système de production français se distingue au sein de l’Europe par le poids et la compétitivité du parc nucléaire historique. Dès lors, en l’absence d’intervention publique, l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité à l’échelle européenne se traduirait par un approvisionnement de la clientèle française à des conditions de prix susceptibles d’excéder nettement les coûts de production du parc français.

Des outils d’intervention dont la mise en œuvre ne garantit plus l’atteinte des objectifs

Pour permettre le développement de la concurrence sur le marché de détail, les tarifs règlementés de vente (TRV), auxquels les deux tiers des ménages sont encore abonnés, sont désormais établis en fonction de coûts d’approvisionnement représentatifs de ceux des fournisseurs alternatifs (par opposition aux fournisseurs historiques, dont EDF). La stabilité et la compétitivité de ces tarifs dépendent de plus en plus du bon fonctionnement des régulations mises en place sur les marchés de gros (entre producteurs et fournisseurs), et notamment de l’accès régulé au nucléaire historique (ARENH). Depuis 2019, ces tarifs sont de plus en plus affectés par l’évolution des prix des marchés de gros, au risque de s’éloigner significativement des coûts de production du parc français. Ainsi, sans les mesures exceptionnelles du bouclier tarifaire mises en place début 2022 par le gouvernement, les tarifs règlementés de vente auraient bondi de 35 % TTC au 1er février 2022.

L’accès régulé au nucléaire historique (ARENH), qui devait permettre aux fournisseurs alternatifs de s’approvisionner à des conditions équivalentes aux coûts de production d’EDF, est pris en défaut, car son prix n’a jamais pu être fixé au niveau de ces coûts de production. Son plafonnement en volume, lié au caractère provisoire du dispositif, n’a pas été ajusté à la progression des parts de marchés des fournisseurs alternatifs, entrainant ainsi un « écrêtement » des demandes de ces fournisseurs depuis 2019. Il a malgré tout permis à EDF de couvrir ses coûts comptables de production sur la période 2011-2021, même si cette couverture est de moins en moins assurée au fil des années.

Le mécanisme de capacité mis en place en 2016 pour garantir une disponibilité suffisante des moyens de production lors des pointes de consommation hivernales est à l’origine d’importants transferts financiers entre producteurs et consommateurs. Il rémunère certaines filières, et notamment le parc nucléaire, de façon non proportionnée au regard des strictes nécessités de la sécurité d’approvisionnement.

La Cour fait globalement le constat que la mise en œuvre combinée de ces différents outils aboutit à une organisation qui n’est plus ni lisible ni pilotable, et qui ne garantit plus l’atteinte des objectifs initiaux.

Une politique publique dont les objectifs doivent être clarifiés et les instruments revisités à brève échéance

À court terme, la Cour appelle surtout à se pencher sur la méthode de calcul des tarifs réglementés de vente en cas d’écrêtement des demandes d’ARENH, afin de limiter l’exposition de ces tarifs à de brusques variations de prix de marché. À moyen terme, compte tenu du rôle toujours prépondérant du parc nucléaire dans la production d’électricité en France, la régulation publique de l’accès à cette production va rester un enjeu majeur au-delà du terme assigné à l’ARENH (soit fin 2025). La Cour appelle ainsi les pouvoirs publics à clarifier, dès 2022, les objectifs qui seraient poursuivis dans le cadre d’une nouvelle régulation du nucléaire, pour en déterminer les nouvelles modalités et garantir son articulation avec les autres dispositifs de politique publique.

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L'organisation des marchés de l'électricité - Nos rapports en 180 secondes (ou presque)

Présentation de l’EPP organisation des marchés de l’électricité

Le marché de la production et de la fourniture d’électricité a progressivement été ouvert à la concurrence au niveau européen au début des années 2000. Mais la France a choisi de maintenir un niveau important d’intervention publique dans ce secteur. Dix ans après l’entrée en vigueur de la loi « nouvelle organisation du marché de l’électricité », dite loi « NOME », la Cour des comptes a choisi d’évaluer cette politique publique. Ses constats et recommandations sont encore renforcés dans le contexte actuel de flambée des prix de l’énergie.
La loi NOME répondait à différents objectifs. D’abord, permettre la concurrence entre les fournisseurs d’électricité. Ensuite garantir aux consommateurs français des prix stables et qui soient en ligne avec les faibles coûts de production du parc nucléaire, qui est la source principale d’électricité en France. Il s’agissait aussi d’assurer le financement de ce parc et enfin de disposer de capacités de production suffisantes pour garantir à tout moment l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité, y compris lors des pointes de consommations hivernales.
La Cour des comptes a donc cherché à évaluer si les outils mobilisés par cette loi ont permis d’atteindre ces objectifs.
Premier outil, les tarifs règlementés de vente proposés par EDF et auxquels les deux tiers des ménages sont encore abonnés. Pour permettre le développement de la concurrence, de nouvelles modalités de calcul s’appliquent à ces tarifs depuis 2015 : elles tiennent compte des coûts d’approvisionnement des fournisseurs dit alternatifs (par opposition aux fournisseurs historiques, c’est-à-dire principalement EDF). Avec l’augmentation des parts de marché de ces fournisseurs alternatifs, les tarifs réglementés sont devenus de plus en plus dépendants des prix de marché : il perdent alors en stabilité et risquent de s’éloigner des coûts de production de l’électricité en France. Dans la situation actuelle de très forte tension sur les prix de l’énergie, s’il n’y avait pas eu les mesures exceptionnelles du « bouclier tarifaire », ces tarifs auraient ainsi augmenté de 35% en février 2022.
Deuxième outil, l’ARENH, l’« accès régulé à l’électricité nucléaire historique », permet aux fournisseurs alternatifs d’acheter jusqu’à 100 TWh d’électricité produits par le parc nucléaire d’EDF à un prix régulé de 42 €/MWh. Selon les estimations de la Cour, ce mécanisme est bien à l’origine d’une redistribution de la rente nucléaire. Pour autant, il n’a pas empêché que les recettes tirées de la production du parc nucléaire couvrent les coûts comptables de ce parc sur la période 2011-2021, avec une marge d’1,7 Md€. Mais des difficultés ont commencé à apparaître depuis 2016 et cette couverture pourrait être de moins en moins assurée au fil des années.
Troisième outil, le « mécanisme de capacité » vise à garantir une disponibilité suffisante des moyens de production d’électricité au moment des pics de consommation hivernaux. Il s’agit notamment d’éviter que certains moyens de production non rentables mais utiles l’hiver ne ferment. Mais ce mécanisme a un coût, répercuté aux consommateurs à hauteur de 500 M€ à 1,2 Md€ selon les années. Or, il rémunère certaines filières, notamment le parc nucléaire, au-delà de ce qui serait strictement nécessaire pour garantir la sécurité d’approvisionnement.
Au total, La Cour considère que les effets de l’intervention publique sur les marchés de l’électricité ne sont plus ni lisibles ni pilotables et qu’on ne peut plus garantir que les objectifs initiaux de la loi NOME soient atteints. C’est pourquoi elle recommande notamment, à très court terme, de réviser les modes de calcul des tarifs réglementés, et, au-delà de ça, de clarifier les objectifs poursuivis, dans la perspective d’un réexamen des outils de l’intervention publique, avec la fin programmée de l’ARENH, prévue pour fin 2025 et la révision du mécanisme de capacités.

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